Le renouvellement du titre de séjour du conjoint de français, victime de violences conjugales

Depuis quelques années, la lutte contre les violences physiques, psychiques et/ou sexuelles au sein du couple est devenue une priorité familiale autant qu’un enjeu social.

Aussi, les derniers chiffres présentés par la Délégation aux victimes du ministère de l’intérieur dans son étude annuelle résonnent très lourdement.

En 2013, 121 femmes et 25 hommes sont décédés, victimes de leurs compagnons ou ex-compagnons.

Sur les 146 faits qualifiés d’homicides, assassinats ou violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, le rapport dénombre 14 auteurs et 12 victimes de nationalité étrangère.

Face à cette effroyable réalité, le législateur a déclaré la guerre aux violences au sein du couple : il s’est armé de répression pénale et a développé une stratégie d’accompagnement des victimes.

Dans ce cadre, la problématique du droit séjour n’a pas été oubliée, l’extranéité de la victime pouvant renforcer encore sa vulnérabilité.

C’est ainsi que l’article L 313-12 du CESEDA récemment modifié par la Loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes dispose :

« Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l’article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n’ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l’étranger a subi des violences conjugales de la part de son conjoint et que la communauté de vie a été rompue, l’autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l’étranger et peut en accorder le renouvellement. En cas de violence commise après l’arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention  » vie privée et familiale ».

Il convient de rappeler que les ressortissants étrangers mariés à des conjoints français sont bénéficiaires de plein droit d’une carte de séjour temporaire portant mention « vie privée et familiale » sous réserves de remplir les conditions d’admission.

Mais lorsque la violence s’installe dans le couple, la séparation est inévitable même si le lien matrimonial persiste.

Cette situation de fait n’est alors plus en adéquation avec le statut juridique d’époux et la communauté de vie qu’il implique.

Or, le renouvellement de la carte de séjour de plein droit au conjoint de français est conditionné au maintien de la vie commune.

Cependant, l’article L 313-12 du CESEDA offre la possibilité à l’étranger d’être renouvelé dans son droit au séjour si l’absence de communauté de vie entre les époux est consécutive à des violences conjugales avérées.

Ce renouvellement n’a, pour autant, qu’un caractère facultatif et est apprécié par le Préfet à l’issue d’une analyse précise de la situation personnelle de l’étranger.

Dans un arrêt du 29 juin 2005, le Conseil d’État a ainsi souligné que l’article L. 313-12 du CESEDA (ancien) n’emportait pas renouvellement de plein droit du titre de séjour d’un étranger qui a rompu, en raison des violences conjugales qu’il a subies, la communauté de vie qui l’unissait à son conjoint français.

Conseil d’Etat 29 juin 2005 Requête n° 268896

L’instruction NOR IOCL1124524C du 9 septembre 2011 relative au droit au séjour des personnes victimes de violences conjugales et à la mise en œuvre des articles L. 313-12, L. 316-3 et L. 431-2 CESEDA rappelle encore que le pouvoir d’appréciation du Préfet reste « entier » dans ce contexte.

Aucun droit au renouvellement n’est donc acquis au conjoint victime.

Pour autant, les Juges de la haute juridiction administrative sont venus apporter une précision essentielle dans ce contentieux placé « sous l’entier contrôle du juge de l’excès de pouvoir ».

Ils mettent en évidence l’importance à l’appréciation de la situation personnelle de l’étranger victime en demande de renouvellement et notamment du « délai qui s’est écoulé depuis la cessation de la vie commune et des conséquences qui peuvent encore résulter, à cette date, des violences subies ».

Conseil d’État 26 septembre 2014 Requête n° 366041

Il ressort de leur analyse que le renouvellement du titre de séjour ne saurait dès lors être subordonné à la condition que les violences se soient poursuivies après la rupture de la communauté de vie.

Etude_nationale_sur_les_morts_violentes_au_sein_du_couple_-_2013_-_principaux_enseignements_MIPROF

Ce qu’il faut savoir sur la protection des données personnelles et le droit à l’oubli numérique

Internet est une porte d’accès à un monde d’images, de mots et de sons dont les limites sont sans cesse repoussées.

En deux décennies, il est une source d’information essentielle, un outil de communication incontournable et un vecteur actif d’échanges et de publicités.

Mais à chaque utilisation, les internautes laissant des traces sur la toile au travers de leurs publications, de chats, de postes ou de mise en ligne de contenus de toute forme.

Toutes les fenêtres du web sont autant d’empreintes numériques qui révèlent une part de notre vie privée de manière instantanée et permanente.

Entre la révolution virtuelle et le respect des droits fondamentaux, la nécessité d’un équilibre s’est donc imposée.

La prudence a permis de développer des outils de protection des données personnelles à disposition de chacun.

Je vous propose de nous plonger dans le système de télécommunication les plus étendus au monde pour appréhender au mieux les droits des internautes et les garanties dont ils bénéficient.

– Quels sont les organes d’intervention dans la protection des données personnelles ?

En France, la Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés a donné naissance à une autorité administrative en charge « de veiller à la protection des données personnelles » en toute indépendance.

Les missions de la Commission Nationale Informatique et Libertés (la CNIL) consistent à :

– recevoir les déclarations préalables de traitements automatisés de données à caractère personnel,
– autoriser, le cas échéant, lesdits traitements après avoir procédé vérifier de conformité aux exigences de la loi,
– répondre aux demandes d’avis du ou des ministres compétents,
– contrôler la mise en œuvre des traitements, donner des préconisations et sanctionner tout manquement à la législation.

Mais comme dans de nombreux domaines du droit, l’Europe est venu compléter le système de surveillance national.

Dans un souci de coopération des États membres, il s’est avéré nécessaire de coordonner les législations des États membres confrontés aux problématiques du numérique.

La directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données a été adoptée par le Parlement européen et le Conseil.

Elle institue un groupe de travail qui rassemble les représentants de chaque autorité indépendante de protection des données nationales en charge de faire évoluer les normes européennes dans ce domaine.

Le G29 a un caractère consultatif et indépendant.

C’est ainsi que les 16 et 17 septembre 2014, les autorités européennes de protection des données se sont réunies en assemblée plénière pour organiser l’effectivité du droit au déréférencement.

Un système de gestion des plaintes résultant d’une réponse négative des moteurs de recherche doit être mis en œuvre par l’instauration d’un réseau de points de contacts au sein des autorités de chaque État membre compétente.

– Quelles sont les limites posées par la protection des données personnelles?

Au niveau national et européen, les organes d’intervention disposent de pouvoirs dévolus par la Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 et la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 pour l’application du droit.

Le 3 janvier 2014, la CNIL a ainsi prononcé une sanction pécuniaire de 150 000 euros à l’encontre de la Société GOOGLE INC pour non respect de plusieurs dispositions de la Loi de 1978 et l’a enjoint de procéder à la publication d’un communiqué relatif à cette décision sur le site https://www.google.fr, durant 48 heures.

De même, la Cour de Justice de l’Union Européenne a, le 13 mai 2014, obligé les Sociétés GOOGLE INC et GOOGLE Spain à supprimer de la liste de résultats, affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom d’une personne, des liens vers des pages web, publiées par des tiers et contenant des informations relatives à cette personne.

Dans l’une et l’autre de ces procédures, la question de la compétence territoriale et matérielle des organismes nationaux et européens face aux responsables de traitements de données à caractère personnel implantés dans des pays tiers.

Aussi, ces deux décisions ont-elles mis en lumière les limites à leur autorité et à l’application des législations existantes.

En effet, ces législations ne tentent à s’appliquer qu’aux traitements de données dont le responsable est établi sur le territoire d’un des États Membres de l’Union Européenne.

Pour autant, les facteurs d’applicabilité territoriale s’entendent largement dans les cas suivants :

– soit le responsable du traitement des données à caractère personnel est établi dans un pays de l’Union Européenne,
– soit le traitement est effectué dans le cadre des activités d’un des établissements du responsable situés sur le territoire d’un État membre,
– soit, sans être établi sur le territoire d’un État membre, le responsable recourt à des moyens de traitement situés sur le territoire d’un État membre sauf si ces moyens ne sont utilisés qu’à des fins de transit.

Par ailleurs, seules les opérations techniques entrant dans la cadre de la définition du « traitement des données à caractère personnel » sont soumises aux principes de la Directive et de la Loi.

Mais dans son arrêt du 6 novembre 2003, la Cour de Justice de l’Union Européenne a jugé que l’opération consistant à faire figurer, sur une page Internet, des données à caractère personnel était considérée comme un traitement de données à caractère personnel.

CJUE 6 novembre 2003 Affaire C 101/01

Le 13 mai 2014, les juges européens sont allés plus loin encore en considérant comme tel, l’opération par lequel un moteur de recherche sur Internet fournit des résultats de recherche qui dirigent l’utilisateur Internet vers la page web source.

CJUE 13 mai 2014 Affaire C-131/12

– Quelles sont les droits des personnes à l’égard des traitements de données à caractère personnel ?

L’article 1 de la Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés pose le principe suivant :

« L’informatique doit être au service de chaque citoyen. Son développement doit s’opérer dans le cadre de la coopération internationale. Elle ne doit porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques ».

De cette législation ainsi que de la Directive de 1995 sont nées des garanties qui s’appliquent à toute personne concernée par le traitement de données à caractère personnel afin que celui-ci demeure loyal et licite.

Le consentement de la personne :

Les articles 7 de la Directive et de la Loi prévoient l’un et l’autre que le traitement des données à caractère personnel est soumis au consentement de la personne concernée sauf exception.

Ce droit souffre cependant certains aménagements notamment lorsque la sauvegarde de la vie de la personne concernée est en cause.

Le respect du principe de non discrimination :

Les articles 8 de la Directive et de la Loi s’opposent au traitement des données à caractère personnel qui faisant apparaitre l’origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques, l’appartenance syndicale, la santé et la vie sexuelle.

Le consentement exprès de la personne concernée peut, dans certains cas, lever cette opposition.

Le droit à l’information :

L’article 10 Directive et l’article 32 de la Loi imposent l’un et l’autre au responsable du traitement ou à son représentant de fournir à la personne auprès de laquelle il collecte des données la concernant les informations permettant d’identifier le responsable et de déterminer les finalités du traitement.

Le droit d’accès aux données :

L’article 12 Directive et l’article 39 de la Loi garantissent à la personne concernée le droit d’interroger régulièrement le responsable sur le traitement de donnée la concernant et ses modalités.

Le droit d’opposition de la personne concernée :

L’article 14 de la Directive et l’article 38 de la Loi institue un droit d’opposition permettant à la personne concernée par le traitement des données de s’opposer, « pour des raisons prépondérantes et légitimes tenant à sa situation particulière » ou « pour des motifs légitimes », au traitement de ses données personnelles.

Le droit à l’oubli numérique :

Le 13 mai dernier, la Cour de Justice de l’Union Européenne a reconnu l’existence d’une nouvelle garantie personnelle.

A l’occasion de leur saisine sur l’application de la directive sur la protection des données à caractère personnel à un moteur de recherche exploité par Google en tant que fournisseur de services, les juges européens ont consacré le droit à l’oubli numérique.

CJUE 13 mai 2014 Affaire C-131/12

Ils soumettent cependant l’application de ce droit à un contrôle relevant de l’équilibre l’intérêt de la personne concernée et l’intérêt du public des internautes à avoir accès à l’information.

C’est cependant contre l’avis de l’avocat général que la Cour a considéré que l’activité d’un moteur de recherche était susceptible d’affecter significativement et de manière additionnelle par rapport à celle des éditeurs de sites web les droits fondamentaux de la vie privée et de la protection des données à caractère personnel.

Mais elle retient au final que la personne concernée peut adresser de sa demande directement à l’exploitant du moteur de recherche « en tant que personne déterminant les finalités et les moyens de cette activité doit assurer, dans le cadre de ses responsabilités, de ses compétences et de ses possibilités ».

Les développements auxquels cette jurisprudence donnera lieu, reste pour l’instant aussi incertain que circonstancié.

La Société Google a, cependant, mis en ligne un formulaire de demande pour effacer certains résultats de son moteur de recherche au titre de la protection des données personnelles.

Des avis de la Cour Cassation sur l’adoption de l’enfant né d’une PMA par l’épouse de la mère biologique

L’actualité de ce jour met en lumière la procédure devant la Cour de Cassation permettant à cette juridiction d’être saisie pour avis en dehors de tout pourvoi.

Sa mission relève alors de l’interprétation d’un texte afin d’apporter un éclairage aux juges du fond avant même qu’ils n’aient à statuer sur un dossier.

Face à une question juridique inédite, la Cour de Cassation peut ainsi unifier le droit en donnant une orientation à un contentieux qui fera, par la suite, autorité dans ce domaine.

C’est ainsi que les Tribunaux de Grand Instance de POITIERS et d’AVIGNON ont concomitamment eu recours à la procédure d’avis sur une question portant sur l’adoption plénière et ses conditions.

Cette question était épineuse car elle se rapportait au débat sur l’accès à la procréation médicalement assistée pour les couples homosexuels mariés.

Si la Loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 a alimenté les controverses sur le mariage, elle a nourris certaines législations existantes et en a malnutris d’autres.

Un an plus tard, ses carences sont à l’origine de situations dans lesquelles les faits ont rattrapé le droit jusqu’à le pousser dans ses retranchements.

Ainsi les lois relatives à la bioéthique se sont retrouvé dos à dos à l’intérêt supérieur de l’enfant et au droit à la vie privée et familiale.

Les juridictions du fond ont donc été contraintes de s’interroger sur le rapport entre les conditions de conception d’un enfant et la qualité du parent adoptant.

C’est à la charge de la Cour de Cassation qu’est revenue le soin de régler la conciliation difficile entre :

– Le recours illégal à l’insémination artificielle avec donneur inconnu entre conjoints du même sexe posé par l’article L 2141-2 du Code de la Santé Publique,

– La légitimité de l’adoption plénière de l’enfant du conjoint du demandeur à l’adoption relevant de l’article 345-1 du Code Civil.

La question posée était la suivante :

L’accès à la procréation médicalement assistée, sous forme d’un recours à une insémination artificielle avec donneur inconnu à l’étranger par un couple de femmes est-il de nature, dans la mesure où cette assistance ne leur est pas ouverte en France, en application de l’article L.2141 2 du code de la santé publique, à constituer une fraude à la loi sur l’adoption, et notamment aux articles 343 et 345 1 du code civil, et au code de la santé publique, empêchant que soit prononcée une adoption de l’enfant né de cette procréation par l’épouse de la mère biologique ?

On l’aura compris, derrière l’appréciation de la fraude à la loi, c’est la reconnaissance de la famille homosexuelle qui se jouait en toile de fond…

Au terme de ses deux avis attendus du 22 septembre 2014, la Cour de Cassation retient que :

« Le recours à l’assistance médicale à la procréation, sous la forme d’une insémination artificielle avec donneur anonyme à l’étranger, ne fait pas obstacle au prononcé de l’adoption, par l’épouse de la mère, de l’enfant né de cette procréation, dès lors que les conditions légales de l’adoption sont réunies et qu’elle est conforme à l’intérêt de l’enfant ».

Avis n° 15011 du 22 septembre 2014 (Demande n° 1470006)
Avis n° 15010 du 22 septembre 2014 (Demande n° 1470007)

Dans ses conclusions, Monsieur l ‘Avocat général, Jean-Dominique SARCELETE a soutenu le sens de cette interprétation en adressant un message clair aux juges de la Haute juridiction :

« En éclairant l’interprétation de la loi, sans remettre en cause les dispositions du code de la santé publique tributaires d’un débat éthique non encore abouti, nous vous invitons à vous associer à la fonction législative au sens de la loi du 15 mai 1991, sans prendre parti sur des enjeux qui ne sauraient relever de la présente procédure.
La dimension factuelle de l’appréciation d’une fraude à la loi ne doit pas constituer un obstacle à l’avis sollicité ».

Forte de cette invitation, la Cour assume pleinement sa position juridique et son appréciation des législations et principes précités.

Elle affirme, d’ailleurs, sans détours, dans son communiqué, tirer « ainsi les conséquences de la loi du 17 mai 2013, qui a eu pour effet de permettre, par l’adoption, l’établissement d’un lien de filiation entre un enfant et deux personnes de même sexe, sans aucune restriction relative au mode de conception de cet enfant ».

Il ne fait nul doute que les deux avis du 22 septembre 2014 risquent de faire grincer quelques dents…

Communiqué Avis AMP

Les nouvelles limites du contrôle juridictionnel du Juge des Libertés et de la Détention en matière de rétention administrative

Cela fait trois ans maintenant que la Loi n°2011-672 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité du 16 juin 2011 a été adoptée.

Depuis son entrée vigueur, elle a modifiée l’ordre d’intervention du juge administratif et du juge judiciaire dans le contentieux de la rétention administrative.

Ce changement de pratique est de nouveau en lumière suite à un arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 5 juin 2014.

Les limites d’intervention l’un et l’autre juge semblent continuer d’évoluer devant les précisions apportées sur l’interprétation de la législation européenne.

L’état actuel du contrôle de la mesure la moins coercitive :

Le placement en rétention administrative ne ressort d’un choix entre plusieurs alternatives : la privation est l’ultime solution à défaut d’une autre « mesure la moins coercitive ».

Aussi l’arrêté préfectoral décidant le placement doit-il parfaitement motivé le recours à cette mesure sous peine d’être annulé par le juge administratif.

Entre l’assignation à résidence ab initio avec ou sans placement sous surveillance électronique, le CESEDA prévoit plusieurs possibilités de parvenir à l’exécution d’une obligation de quitter le territoire.

Le choix du Préfet ne tient pas de l’opportunité mais des impératifs de nécessité et proportionnalité en vertu de l’article 15 de la directive dite « retour » 2008/115/CE du 16 décembre 2008.

Les Tribunaux administratifs contrôlent l’application de la règle de droit dans le cadre de l’analyse de la légalité de l’arrêté préfectoral.

Si la décision est d’entachée d’irrégularité, ils prononcent alors l’annulation du placement en rétention administrative.

Mais si elle est survie au contentieux de l’excès de pouvoir, la mesure échappe ensuite au juge administratif …

C’est le juge civil qui prend la main au-delà d’une durée de rétention de cinq jours.

Le juge des Libertés et de la Détention a seul compétence pour ordonner la prolongation de la mesure, la refuser ou lui substituer l’assignation à résidence à des conditions limitatives.

Pour autant, il ne tient pas compte des impératifs de nécessité et de proportionnalité dans le contentieux du maintien au CRA au-delà du délai initial.

L’arrêt récent de la Cour de Justice de l’Union Européenne risque cependant de changer l’office du juge civil.

Un nouveau domaine de pleine juridiction :

En 2012, la Cour de Cassation avait rappelé l’importance de la législation européenne dans le contentieux de prolongation de la rétention administrative en retenant :

« qu’il résulte de la combinaison des paragraphes 1, 4 et 5 de l’article 15 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 du Parlement européen et du Conseil, qui est d’effet direct, que l’assignation à résidence ne peut jamais revêtir un caractère exceptionnel ».

Cass. Civ 1ère 24 octobre 2012 Pourvoi n° 11-27956

L’écho de cet arrêt a cependant été largement contenu et n’a pas contraint le juge des Libertés et de la Détention à redéfinir son champ de compétence.

La Cour de Justice de l’Union Européenne vient bousculer les pratiques suite d’une question préjudicielle d’un tribunal bulgare.

Il convient de rappeler que la directive dite retour 2008/115 préconisent aux juridictions des États membres de « veiller à ce que, en mettant fin au séjour irrégulier de ressortissants de pays tiers, ils respectent une procédure équitable et transparente ».

Ainsi, la législation européenne insiste sur le fait que « le recours à la rétention aux fins d’éloignement devrait être limité et subordonné au respect du principe de proportionnalité en ce qui concerne les moyens utilisés et les objectifs poursuivis. La rétention n’est justifiée que pour préparer le retour ou procéder à l’éloignement et si l’application de mesures moins coercitives ne suffirait pas ».

Dans son analyse et l’interprétation de la directive, la Cour de Justice va plus loin encore :

« Force est ainsi de relever qu’une autorité judiciaire statuant sur la possibilité de prolonger la rétention initiale doit obligatoirement procéder à un contrôle de ladite rétention, même si ce contrôle n’a pas été expressément demandé par l’autorité l’ayant saisie et même si la rétention du ressortissant concerné a déjà fait l’objet d’un réexamen par l’autorité ayant ordonné la rétention initiale ».

L’arrêt du 5 juin 2014 relève donc que le contrôle portant sur la nécessité et la proportionnalité de la mesure privative de liberté s’applique non seulement au placement au CRA mais également à sa prolongation.

En cela, les juges européens suivent le sens de la brise soufflée par Monsieur MACIEJ SZPUNAR, avocat général, lors sa prise de position présentée le 14 mai 2014 qui demande aux juridictions nationales :

– « d’assumer une pleine juridiction » dans le cadre de cette prolongation,
– « de poursuivre activement et de manière continue et non-interrompue » les diligences nécessaires au départ.

Cette interprétation revient à redéfinir le rôle et les pouvoirs du Juge des Libertés et de la Détention en droit français.

En effet, dans le cadre d’une demande de première prolongation de 20 jours, il ne peut plus seulement constater la « violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation des formalités substantielles » faisant grief pour rendre une ordonnance de son surveillance.

La prolongation de rétention implique un réexamen des conditions de fond ayant servi de fondement à la rétention initiale du ressortissant concerné

Par ailleurs, dans le cadre d’une seconde prolongation de 20 jours supplémentaires, il ne peut plus retenir que la condition tenant « de la perte ou de la destruction des documents de voyage » est remplie en l’absence de passeport ou de pièce d’identité de l’étranger.

Un «manque de coopération» du retenu ayant empêché son éloignement durant le vingt cinq premiers jours de rétention doit être caractérisé.

En conséquence, toute restriction légale limitant son contrôle et notamment celle des articles L552-13 et L 552-7 du CESEDA semblent donc s’opposer aux dispositions de l’article 15 de la directive retour.

Mais il existe une réelle interrogation sur la façon dans cette jurisprudence sera accueillie et mise en œuvre.

2) L’article 15, paragraphes 3 et 6, de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens que le contrôle que doit effectuer l’autorité judiciaire saisie d’une demande de prolongation de la rétention d’un ressortissant d’un pays tiers doit permettre à cette autorité de statuer sur le fond, au cas par cas, sur la prolongation de la rétention du ressortissant concerné, sur la possibilité de substituer à la rétention une mesure moins coercitive ou sur la remise en liberté de ce ressortissant, ladite autorité étant ainsi compétente pour se fonder sur les faits et les preuves produits par l’autorité administrative l’ayant saisie ainsi que sur les faits, les preuves et les observations qui lui sont éventuellement soumis lors de cette procédure.

4) L’article 15, paragraphe 6, sous a), de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens qu’un ressortissant d’un pays tiers qui, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, n’a pas obtenu un document d’identité qui aurait permis son éloignement de l’État membre intéressé peut être considéré comme ayant fait preuve d’un «manque de coopération», au sens de cette disposition, uniquement s’il résulte de l’examen du comportement dudit ressortissant au cours de la période de rétention que ce dernier n’a pas coopéré à la mise en œuvre de l’opération d’éloignement et qu’il est probable que cette opération dure plus longtemps que prévu à cause de ce comportement, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

CJUE -3ème chbre 5 juin 2014 Affaire C 146/14 PPU

Ce qu’il faut savoir sur la succession d’avocats dans un dossier

Le 08/01/14

Le libre choix de l’avocat est un principe fondamental de l’exercice de notre Profession liée à la relation de confiance qui unit le client à son conseil.

 

Lorsqu’il accepte de défendre les intérêts d’un justiciable, l’avocat suit un dossier jusqu’à l’événement mettant fin à son intervention.

 

Dans une procédure judiciaire, celle-ci commence par la saisine du client pour s’achever par la décision du juge ou son exécution.

 

 

C’est ainsi que selon l’article 13 du Décret n°2005-790 du 12 juillet 2005, « l’avocat conduit jusqu’à son terme l’affaire dont il est chargé, sauf si son client l’en décharge ou s’il décide de ne pas poursuivre sa mission ».

 

Il arrive donc parfois que plusieurs avocats se succèdent dans la gestion d’un même dossier ce qui entraine l’application conjuguées des dispositions propres à la Profession.

 

 

Je vous propose de nous intéresser à ces différentes règles qui permettent de protéger les intérêts du client tout en garantissant la sérénité de ses conseils successifs.

 

 

Les relations entre les avocats :

 

Les rapports entre les conseils successifs d’un même client relèvent d’une bonne entente et d’un respect mutuel.

 

Cordialité et délicatesse s’imposent aux avocats qui appartiennent à une profession réglementée relevant d’une organisation ordinale.

 

 

Pour autant, le changement de conseil n’est pas sans soulever des difficultés d’ordre pratique que le Règlement Intérieur National de la profession d’avocat tente de solutionner.

 

Ainsi le texte commande au nouvel avocat d’obtenir du client les informations concernant le précédent conseil en charge du dossier et de prendre attache auprès de lui sans délai.

 

En tout état de cause, l’article 9 prévoit que :

 

« Sauf accord préalable du bâtonnier, l’avocat qui accepte de succéder à un confrère ne peut défendre les intérêts du client contre son prédécesseur ».

 

 

De son côté, l’avocat dessaisi doit communiquer à son successeur les pièces en sa possession et « ne disposant d’aucun droit de rétention, doit transmettre sans délai tous les éléments nécessaires à l’entière connaissance du dossier ».

 

Le client n’a donc pas à souffrir dans la gestion de son affaire du remplacement de son premier conseil pour un suivant.

 

 

On ne rappellera donc jamais assez que « tous rapports entre avocats s’exercent dans un esprit de confraternité, de correction et de courtoisie » comme le souligne le Règlement intérieur du Barreau de Lyon à l’article LY 3.2.1.1.

 

 

Le règlement des honoraires de l’avocat dessaisi :

 

Un excès de naïveté pourrait pousser à écarter les aspects financiers et les conséquences pécuniaires qu’entraine un changement d’avocats.

 

Une telle approche reviendrait à nier que la rémunération d’un avocat est parfois à l’origine de la rupture avec son client :

 

– Soit que le client conteste le montant des honoraires qui lui sont réclamés et décide de cesser la collaboration,

– Soit que l’avocat interrompe sa mission avant de se décharger du dossier suite à une absence de règlement de ses prestations.

 

Bien que la transparence permette la plupart du temps d’éviter de telles déconvenues, il arrive que la finance fasse loi dans les rapports entre le mandant et son mandataire.

 

 

Là encore, le Règlement Intérieur National de la profession d’avocat dans son article 9 précise les démarches à suivre pour repartir sur de nouvelles bases.

 

Aussi est-il prévu que :

 

« L’avocat qui accepte de succéder à un confrère doit, avant toute diligence, le prévenir par écrit et s’enquérir des sommes pouvant lui rester dues.

(…)

Le nouvel avocat s’efforce d’obtenir de son client qu’il règle les sommes restant éventuellement dues à un confrère précédemment saisi du dossier. S’il reçoit du client un paiement alors que des sommes restent dues à son prédécesseur, il en informe le bâtonnier ».

 

 

En cas de difficultés, il appartiendra au Bâtonnier de régler le problème car le dessaisissement d’un pour un autre ne doit se faire au détriment pécuniaire d’aucun des deux.

 

Il n’est d’ailleurs pas rare qu’une procédure de contestation des honoraires de l’ancien conseil soit initiée concomitamment au changement d’avocats ou s’en suive.

 

 

Les clients doivent demeurés conscients de la portée des engagements qu’ils prennent envers leur avocat et des conséquences indirectes de la rupture.

 

En effet, les conventions d’honoraires au forfait que certains Ordres présentent en modèle, stipulent parfois les clauses suivantes :

 

« En cas de rupture anticipée par le client du mandat confié à l’avocat celui-ci percevra l’intégralité du forfait prévu lequel deviendra immédiatement exigible, le solde éventuellement dû jusqu’au terme du présent contrat étant acquis à titre de clause pénale.

En cas de rupture anticipée par l’avocat, les honoraires dus seront évalués au temps passé sans jamais pouvoir dépasser la moitié du forfait prévu, le surplus éventuellement dû étant acquis au client à titre de clause pénale ».

 

 

La succession d’avocats et l’aide juridictionnelle :

 

Lorsque le client est admissible à l’aide juridictionnelle partielle ou totale, la question financière ne disparait pas pour autant en cas de changement de conseil.

 

D’autant que tous les avocats n’acceptent pas d’intervenir dans un dossier au titre d’une prise en charge de l’Etat.

 

Entre indemnité publique et règlement d’honoraires, les intérêts pécuniaires en jeu ne sont évidemment pas les mêmes…

 

 

Les rapports financiers entre avocats « à l’AJ» sont donc organisés par l’article 19 du Décret n°2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat.

 

Le Règlement Intérieur National de la profession d’avocat reprend ces dispositions dans son article 9.3 précisant que :

 

« L’avocat qui succède à un confrère intervenant au titre de l’aide juridictionnelle ne peut réclamer des honoraires que si son client a expressément renoncé au bénéfice de celle-ci. Il informe auparavant son client des conséquences de cette renonciation. En outre, il informe de son intervention son confrère précédemment mandaté, le bureau d’aide juridictionnelle et le bâtonnier ».

 

Dans le cas où deux avocats intervenant à l’aide juridictionnelle se succèdent dans un dossier, ils devront se partager une seule et même indemnisation correspondant à une seule et même procédure : Il n’y aura alors pas de nouvelle décision du Bureau d’Aide Juridictionnelle mais une simple modification.

 

 

Conformément à l‘article 103 du Décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 , le partage d’aide juridictionnelle suite à la succession d’avocats s’organisera ainsi :

 

« Lorsqu’un avocat désigné ou choisi au titre de l’aide juridictionnelle est, en cours de procédure, remplacé au même titre pour raison légitime par un autre avocat, il n’est dû qu’une seule contribution de l’Etat. Cette contribution est versée au second avocat, à charge pour lui de la partager avec le premier dans une proportion qui, à défaut d’accord, est fixée par le bâtonnier.

Dans le cas où les avocats n’appartiennent pas au même barreau, la décision est prise conjointement par les bâtonniers des barreaux intéressés.

Les mêmes règles sont applicables lorsque le remplacement a lieu au cours de pourparlers transactionnels ».

 

Le bureau d’Aide Juridictionnelle et le Bâtonnier s’imposent donc en garant de l’affectation et du règlement des fonds publics.

 

 

 

Il ressort de ce qui précède que le libre choix de l’avocat implique un droit au changement parfaitement organisé.

 

Les textes régissant ce cas de figure permettent ainsi de concilier tous les intérêts en présence en évitant les abus.

 

Le seul profit que le client peut retirer de la succession d’avocats, c’est le bénéfice d’une défense conforme à ses attentes et une collaboration en toute confiance.

 

 

En tout état de cause, il doit avoir conscience que son conseil n’est tenu à son égard qu’à un devoir de conseil et à une obligation d’information durant toute la durée de son intervention.

 

L’avocat n’est soumis à aucune obligation de résultat dans le cadre d’une procédure judiciaire dont l’issue dépend du pouvoir d’appréciation des juges du fonds.

 

 

Portée de la table de référence des pensions alimentaires et office du juge

Le 28/10/13

Dans le cadre d’une procédure de divorce ou de fixation de la contribution à l’entretien et l’éducation d’enfant, le Juge aux Affaires Familiales doit se pencher sur la situation économique des parents.

 

C’est ainsi qu’il évalue leurs capacités financières au vu des ressources et des charges de chacun afin de déterminer le quantum de la pension qui sera versée par le père ou la mère au titre des aliments.

 

 

L’article 371-2 du Code Civil dispose, en effet, que :

 

« Chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant.

Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l’enfant est majeur ».

 

 

Pour faciliter cette analyse et homogénéiser les pratiques locales, le ministère de la Justice a établi une table de référence indicative pour la fixation de la contribution à l’entretien et l’éducation des enfants (CEEE) après la séparation des parents.

 

Cet outil de travail diffusé en annexe de la circulaire CIV/06/10 du 12 avril 2010 présente une grille d’évaluation tenant compte des modalités d’accueil de l’enfant (résidence alternée, droit de visite et d’hébergement simple ou élargi).

 

 

Cependant, si l’utilité de ce support n’est pas discutable, il ne peut lui être attribué qu’une portée toute relative.

 

Le Juge peut être guidé par la table de référence mais n’est jamais dispensé d’apprécier :

 

– les besoins de l’enfant eu égard à son âge, à ses habitudes de vie et aux soins qui lui sont indispensables,

– les capacités contributives du débiteur en tenant compte de ses charges, de sa situation personnelle et de la nature de ses ressources.

 

 

Les juges de la Cour de Cassation ont fermement rappelé ce principe en sanctionnant la décision d’une cour d’appel fixant le montant d’une pension alimentaire en se fondant sur la table de référence :

 

« Attendu que, pour condamner M. X… à verser une contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, l’arrêt énonce, d’une part, que la table de référence “indexée” à la circulaire du 12 avril 2010 propose de retenir pour un débiteur, père d’un enfant, disposant d’un revenu imposable de n… euros par mois et exerçant un droit d’accueil “classique” une contribution mensuelle de n… euros, d’autre part, que l’exercice d’un droit d’accueil restreint augmente, de façon non négligeable, les charges du parent au domicile duquel l’enfant réside ;

Qu’en fondant sa décision sur une table de référence, fût-elle annexée à une circulaire, la cour d’appel, à laquelle il incombait de fixer le montant de la contribution litigieuse en considération des seules facultés contributives des parents de l’enfant et des besoins de celui-ci, a violé, par fausse application, le texte susvisé »

Cass. Civ. 1ère 23 octobre 2013 Pourvoi n°12-25301

 

 

En cela, cette jurisprudence est parfaitement conforme à la circulaire CIV/06/10 du 12 avril 2010 qui présente la table annexée comme une référence indicative et non un barème obligatoire.

 

QPC sur la Liberté de conscience des maires : le débat se poursuit…

 

Le 26/09/13

 

Le 22 septembre dernier, l’équinoxe d’automne a marqué la fin de l’été amenant dans son sillage l’annonce de la valse des feuilles.

 

Avant l’ocre et le rouge, le soleil des vacances résiste et s’accroche pour notre plus grand plaisir.

 

Sa douceur et sa chaleur durant les congés estivaux n’ont, cependant, pas suffi à balayer certains débats juridiques.

Loin du chemin des écoliers, ils resurgissent et bruissent dans les cours des mairies françaises en cette rentrée 2013

 

La Loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, c’est d’elle dont il s’agit, encore d’elle, toujours d’elle.

 

 

On savait qu’elle avait été menacée d’inapplication avant même son entrée en vigueur par certains maires refusant la célébration de mariages d’époux de même sexe .

 

On savait qu’elle s’était affichée dans les pages des journaux dans un feuilleton provençal de politique locale .

 

 

Le 18 septembre dernier, elle s’est invitée, de nouveau, au Conseil Constitutionnel à la requête du Conseil d’État.

 

 

Elle réapparait dans un litige concernant la circulaire NOR : INTK1300195C du ministre de l’intérieur en date du 13 juin 2013 portant sur les conséquences du refus illégal de célébrer un mariage de la part d’un officier d’état civil.

 

Ce texte rappelle les règles essentielles de fonctionnement du service public de l’état civil, à savoir :

 

« Le refus de célébrer le mariage par le maire peut constituer une voie de fait, c’est-à-dire une atteinte grave portée à une liberté fondamentale et une décision administrative manifestement insusceptible de se rattacher à l’exécution d’un texte législatif ou réglementaire.

(…)

Seul le Procueur de la République peut en effet s’opposer au mariage s’il estime qu’il pourrait être atteint par une cause de nullité.

(…)

Le refus illégal de célébrer un mariage expose son auteur à des poursuites sur le fondement des articles 432-1 et 432-7 du code pénal ».

 

 

Face à la fermeté de ces instructions, l’absence de garanties législatives de la liberté de conscience des maires a donné naissance à une question prioritaire de constitutionnalité nouvelle.

 

Aussi la Haute Juridiction Administrative a-t-elle décidé de s’en remettre aux Sages de la République.

 

Si aucune audience publique n’est, pour l’heure, fixée pour évoquer cette question, le débat se poursuit.

 

 

 

Actualisation

 

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux (Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 10ème sous-section de la section du contentieux

Séance du 6 septembre 2013 – Lecture du 18 septembre 2013

 

 

 

Vu le mémoire, enregistré le 2 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté par M. Franck M. et autres, en application de l’article 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; M. Franck M. et autres demandent au Conseil d’Etat, à l’appui de leur requête tendant à l’annulation de la circulaire du ministre de l’intérieur du 13 juin 2013 relative aux « conséquences du refus illégal de célébrer un mariage de la part d’un officier d’état civil », de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles 34-1, 74 et 165 du code civil ainsi que des dispositions de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 34 et 61-1 ;

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Anne Iljic, Auditeur,

– les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;

1. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (…) à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’Etat (…) » ; qu’il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant que les articles 34-1, 74 et 165 du code civil, ainsi que l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, sont applicables au présent litige au sens et pour l’application de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 ; que ces dispositions n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce que ces dispositions ne comporteraient pas les garanties qu’exige le respect de la liberté de conscience, soulève une question qui, sans qu’il soit besoin pour le Conseil d’Etat d’examiner son caractère sérieux, doit être regardée comme nouvelle ; qu’ainsi il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

 

 

D E C I D E :

————–

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des articles 34-1, 74 et 165 du code civil ainsi que de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. M. et autres jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Franck M. et autres, à la garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre de l’intérieur. Copie en sera adressée au Premier ministre.

 

 

 

 

 

 

Au terme de sa décision du 18 octobre 2013, le Conseil Constitutionnel a jugé les dispositions contestées conformes à la Constitution et a ainsi statué sur la question prioritaire de constitutionnalité précédemment évoquée :

 

« 10. Considérant qu’en ne permettant pas aux officiers de l’état civil de se prévaloir de leur désaccord avec les dispositions de la loi du 17 mai 2013 pour se soustraire à l’accomplissement des attributions qui leur sont confiées par la loi pour la célébration du mariage, le législateur a entendu assurer l’application de la loi relative au mariage et garantir ainsi le bon fonctionnement et la neutralité du service public de l’état civil ; qu’eu égard aux fonctions de l’officier de l’état civil dans la célébration du mariage, il n’a pas porté atteinte à la liberté de conscience ;

 

11. Considérant que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent ni le principe de pluralisme des courants d’idées et d’opinions, ni le principe de la libre administration des collectivités territoriales, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution« .

Conseil Constitutionnel 18 octobre 2013 Décision n° 2013-353 QPC

 

Les données informatiques personnelles, un objet hors du commerce

Le 26/06/13

Chaque jour, nous évoluons dans une société où le commerce semble faire loi au détriment parfois de valeurs dévalorisées.

Il est un domaine cependant où l’ordre public et les bonnes moeurs ont su se préserver une place reconnue et stable, celui du droit.

Comme précédemment évoqué dans ces pages, la validité des contrats prévues à l’article 1108 du Code Civil s’analysent au regard des quatre conditions essentielles lors de la conclusion de la convention :

– Le consentement libre et éclairé de la partie/les parties,

– La capacité de contracter,

– L’objet certain déterminé/ déterminable des engagements,

– La cause licite dans l’obligation.

Dans un arrêt du 25 juin dernier, les juges de la Cour de Cassation ont récemment souligné l’importance de l’objet d’un contrat et sa qualité au regard de la moralité:

« Attendu que pour rejeter cette demande, l’arrêt, après avoir constaté que le fichier de clientèle tenu par la société Bout-Chard qui aurait dû être déclaré à la Commission nationale informatique et libertés (la CNIL) ne l’avait pas été, retient que la loi n’a pas prévu que l’absence d’une telle déclaration soit sanctionnée par la nullité ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que tout fichier informatisé contenant des données à caractère personnel doit faire l’objet d’une déclaration auprès de la CNIL et que la vente par la société Bout-Chard d’un tel fichier qui, n’ayant pas été déclaré, n’était pas dans le commerce, avait un objet illicite, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

Cass. Com. 25 juin 2013 Pourvoi n°12-17037 

Ces quelques phrases d’analyse qui se portent sur la cession de fichiers de clientèle, permet de revenir sur une notion fondamentale du droit des obligations.

Un objet vicieux non vicié :

Depuis l’empire napoléonien, les dispositions du Code Civil imposent que l’objet de l’obligation ou du contrat soit licite et conforme à l’ordre public et aux bonnes moeurs.

C’est ainsi que l’article 1128 dudit code souligne avec fermeté qu’« il n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet des conventions ».

Cette condition de conformité et de moralité de l’objet trouve à s’illustrer dans les domaines relevant des éléments de la personnalité, de l’intégrité physique et de la dignité humaine.

Tel est le cas de la gestation pour autrui par l’intermédiaire de mères porteuses.

En 1991, les juges de la Cour Suprême ont ainsi fermement affirmé qu’une convention, par laquelle une femme s’engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l’abandonner à sa naissance, contrevenait aux principes d’ordre public de l’indisponibilité du corps humain et de l’état des personnes.

Cass. Ass. Plén. 31 mai 1991 Pourvoi n° 90-20105 

A la suite, la Loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain s’est enrichi et a intégré dans le Code Civil l’article 16-5 selon lequel « les conventions ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits sont nulles ».

Il en va de même du respect du aux défunts et à leur dernière demeure.

Se trouvent donc hors du commerce le droit réel immobilier dont bénéficie le concessionnaire d’une sépulture qui s’étend au monument funéraire et à son droit d’usage.

Cass. Civ. 1ère 13 mai 1980 Pourvoi n° 78-15405 

De la commercialité de l’objet à la validité du contrat :

Le caractère illicite ou immoral de l’objet de l’obligation ou du contrat rend celui-ci impropre à tout commerce.

Le droit ne saurait, en effet, reconnaitre une valeur juridique aux conventions portant sur la commission d’un vol ou la vente d’une bombe atomique.

La protection de l’ordre de public est un impératif qui dépasse les enjeux du commerce et les intérêts mercantiles.

Aussi la seule sanction applicable est la nullité du contrat censé ne jamais avoir existé par l’effet de la rétroactivité.

C’est ainsi que les juges de la Cour de Cassation ont invalidé le contrat de vente d’un fichier de clientèle non déclaré auprès de la CNIL et méconnu de cet organisme.

Le contenu de ce fichier avait échappé au contrôle du gendarme informatique sur le respect de la protection des données personnelles.

Son élaboration contrevenait à l’article 22 de la Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés disposant:

« les traitements automatisés de données à caractère personnel font l’objet d’une déclaration auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ».

De ce fait, le fichier ne pouvait être commercialisé par la société créatrice à une autre société utilisatrice.

C’est donc par une censure ferme que l’objet de la cession a été déclaré illicite.

Ce qu’il faut savoir sur l’empiètement sur le terrain d’autrui

Le 21/02/12

Le droit de propriété est une notion fondamentale reconnue, protégée et encadrée par les dispositions du Code Civil.

L’attachement à la terre, sa possession et sa transmission sont en effet des valeurs présentes depuis longtemps dans notre société.

En 1789, les rédacteurs de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ont ainsi proclamé que « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité » (Article 17).

Depuis 1804, l’article 545 du Code Civil protège ce droit en énonçant que :

« Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité».

Ce petit rappel des règles protectrices de la propriété est l’occasion d’évoquer le régime juridique de l’empiètement.

Qu’est-ce que l’empiètement et ses conséquences? 

L’empiètement est un abus de droit consistant en l’extension de la construction implantée sur une parcelle au fonds voisin appartenant à un propriétaire distinct.

En l’absence de titre ou d’accord écrit, la démolition de cette construction « débordante » et la remise en état des lieux peuvent être ordonnées.

Il importe peu que l’empiètement sur le terrain d’autrui soit minime ou qu’il ne déprécie pas la valeur du bien.

En effet, le droit de propriété étant absolu et inviolable, il ne saurait souffrir aucune restriction quand bien même le constructeur serait de bonne foi.

Bien que cette règle puisse paraître sévère, elle est appliquée strictement au fils d’une jurisprudence constante par la Cour de Cassation qui l’a récemment rappelé dans un arrêt du 10 novembre 2009.

Civ. 3ème 10 novembre 2009 Pourvoi n° 08-17526 

Selon les juges de la Haute Cour, la démolition peut donc être exigée par le propriétaire du sol sur lequel l’empiètement a été réalisé, quelle que soit la bonne ou mauvaise foi du constructeur, sauf s’il justifie d’un titre ou d’un accord amiable.

Civ. 1ere 8 mars 1988 Pourvoi n° 86-16589 

Quelle est la différence entre empiètement et construction sur le terrain d’autrui ? 

Le régime juridique de l’empiètement qui se déduit des dispositions de l’article 545 du Code Civil se distingue de celui de la construction sur le terrain d’autrui.

L’article 555 du Code Civil indique ainsi que :

« Lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l’alinéa 4, soit d’en conserver la propriété, soit d’obliger le tiers à les enlever ».

Ces dispositions ne sauraient s’appliquer à l’extension d’une construction sur un fonds voisin mais uniquement à l’implantation d’un immeuble nouveau sur le terrain d’autrui.

Leurs conséquences divergent alors selon la situation :

– si le constructeur est de bonne foi, le propriétaire du fonds sera tenu de conserver les constructions et d’en payer le prix,

– si le constructeur est de mauvaise foi, le propriétaire pourra à son choix soit solliciter la démolition, la remise en état des lieux et prétendre à des dommages et intérêts, soit conserver l’édifice contre indemnisation.

On l’aura compris dans l’un ou l’autre des cas, le propriétaire du fonds bénéficiera d’un droit d’accession qu’il soit forcé ou consenti.

De plus, contrairement aux règles applicables à l’empiètement, la bonne foi du constructeur aura une incidence directe sur les options légales qui s’offriront au propriétaire.

Quel est le droit à indemnisation du propriétaire du fonds ? 

En matière d’empiètement, il n’existe aucune disposition légale précise et adaptée aux circonstances toutes particulières de cette situation.

Les dispositions de l’article 1382 du Code Civil régissant la responsabilité civile délictuelle ont donc tout naturellement vocation à s’appliquer.

Le principe est alors que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ».

Pour autant, la jurisprudence n’a pas manqué de pallier l’imprécision des textes et a permis de définir les contours du droit à indemnisation du propriétaire évincé.

La Cour de Cassation a notamment relevé que l’empiétement sur la propriété d’autrui suffit à caractériser la faute visée à l’article 1382 du Code Civil.

Civ 3ème 10 novembre 1992 Pourvoi n° 90-19944 

Encore faut-il rapporter la preuve d’un préjudice personnel, direct et certain ainsi que d’un lien de causalité entre la réalisation du dommage et l’empiètement pour engager la responsabilité délictuelle.

En effet, la présomption de faute ne saurait suffire à elle seule à permettre au propriétaire d’être indemnisé lorsque la démolition et la remise en état interviennent.

Il n’en reste pas moins que le propriétaire bénéficie d’une protection certaine et effective de son droit à l’encontre d’autrui.

Récemment, tout en confirmant sa position, la Cour de Cassation a souligné que « la défense du droit de propriété contre un empiétement ne saurait dégénérer en abus ».

Civ. 3ème 15 juin 2011 Pourvoi n° 10-20337 

Le commandement de payer, préalable à la mise en oeuvre de la clause résolutoire dans les baux d’habitation

Le 04/09/11

A plusieurs reprises, la Loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs a été évoquée dans les pages de ce blog au titre du formalisme contractuel qu’elle impose ou des procédures de règlement des litiges qu’elle met en oeuvre.

Cette législation régit en effet le contrat de location des logements d’habitation, de sa conclusion à la fin de l’engagement des parties.

Si à l’échéance du terme le bail peut être renouvelé ou reconduit, il peut également être résilié pendant toute sa durée.

En dehors de la délivrance d’un congé, le contrat peut notamment stipuler une clause prévoyant la résiliation du bail en cas de manquement ou d’inexécution d’une obligation contractuelle par l’une ou l’autre des parties.

Cette clause dite résolutoire met fin au contrat de plein droit et limite les pouvoirs du juge dans sa mise en oeuvre et ses effets.

Aussi en cas de loyers et charges impayés, la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 a-t-elle encadrée l’application de cette clause à terme par la signification d’un commandement de payer.

Le commandement de payer, premier acte d’exécution : 

Le commandement de payer est un acte d’huissier par lequel une personne se voit ordonner d’exécuter une obligation sous peine d’exécution forcée.

Bien que la stipulation d’une clause résolutoire dans un contrat de bail relève exclusivement de la commune intention des parties, le législateur a soumis son usage à la délivrance d’un tel acte préalablement à la rupture contractuelle.

L’article 24 alinéa 1er de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 dispose ainsi :

« Toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux ».

Dans ses démarches de résiliation, le bailleur est donc accompagné par un huissier de Justice dont l’intervention garantit la régularité de la procédure.

Le commandement de payer est soumis à un certain formalisme permettant de concilier la parfaite information du preneur sur les éléments de la créance et le respect de ses droits.

Il est utile de préciser que si le commandement de payer est un acte d’exécution, il est aussi un acte de mise en oeuvre du droit au logement . 

En effet, dans son alinéa 2 l’article 24 de la Loi tendant à améliorer les rapports locatifs précise encore :

« A peine d’irrecevabilité de la demande, l’assignation aux fins de constat de la résiliation est notifiée à la diligence de l’huissier de justice au représentant de l’Etat dans le département, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, au moins deux mois avant l’audience, afin qu’il saisisse, en tant que de besoin, les organismes dont relèvent les aides au logement, le Fonds de solidarité pour le logement ou les services sociaux compétents. Le ou les services ou organismes saisis réalisent une enquête financière et sociale au cours de laquelle le locataire et le bailleur sont mis en mesure de présenter leurs observations ; le cas échéant, les observations écrites des intéressés sont jointes à l’enquête ».

Le délai de régularisation de 2 mois : 

Comme l’article le précise dans son titre, le commandement de payer est un préalable à la mise en oeuvre de la clause résolutoire du bail d’habitation.

C’est ainsi que le bénéfice de la clause stipulée au contrat ne produira d’effet que deux mois après la délivrance du commandement de payer à condition qu’il soit demeuré infructueux.

Le preneur dispose donc d’un délai afin de régulariser sa situation auprès de son bailleur et d’obtenir, le cas échéant, la mise en place d’un échéancier pour apurer sa dette locative.

Dans le cas contraire, la procédure de résiliation stipulée dans la clause pourra aboutir.

Cependant, la Cour d’Appel de PARIS a eu l’occasion de préciser que la clause résolutoire ne pouvait être mise en oeuvre pour un défaut de paiement des frais de recouvrement alors même que ceux-ci sont contractuellement à la charge du preneur.

De même, elle ne saurait être déclarée acquise pour non paiement des termes échus postérieurement au commandement:

Cour d’Appel de PARIS 1er juillet 1997 – 6ème chambre – RG : 96/82971 

La même juridiction a, de plus, affirmé dans un arrêt du 19 décembre 2001 que les frais de commandement de payer et la clause pénale ne constituaient pas des accessoires du loyer dont le défaut de paiement était susceptible d’entraîner le jeu de la clause résolutoire.

Cour d’Appel de PARIS 19 décembre 2001 – 14ème chambre – RG : 2001/11264 

En conséquence, si le preneur procède au règlement des sommes dues au titre des arriérés de loyers et charges arrêtés à la date de la délivrance avant l’expiration du délai imparti, le commandement de payer ne sera donc pas demeuré infructueux.

Si à l’inverse, le preneur n’a pas fait suite au commandement ou n’a pas été en mesure de régulariser sa situation, il conservera la possibilité de solliciter des délais de paiement devant le Juge saisi aux fins de constater de la résiliation.

Très récemment, la Cour de Cassation a rappelé qu’aucun délai, aux termes de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, n’était imposé au preneur pour saisir le juge d’une demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire.

Cass. Civ.3ème 16 février 2011 Pourvoi n°10-14945