Etudiants étrangers et jeunes diplômés : l’évolution de l’autorisation provisoire de séjour et ses conséquences

L’installation dans un pays pour un étranger qui quitte son pays d’origine, ne réside pas toujours du choix de s’éloigner de ses racines.

Persécutions raciales, risques de mort ou oppression de l’Etat contre ses citoyens sont autant de motifs de fuir l’endroit d’où l’on vient pour gagner la sécurité de le l’endroit où l’on va.

L’asile récemment modifié par la loi n°2015-925 du 29 juillet 2015 permet alors d’assurer à l’étranger protection et droit au séjour sur son sol.

 Loin de ces situations de profondes détresses, l’établissement en France peut ressortir d’une volonté liée à la vie privée, aux études ou à l’activité professionnelle.

Père de famille, conjoint de ressortissant français, étranger malade, salarié détaché, chercheur ou membre de la communauté artistique et culturelle, le droit au séjour recouvre une diversité de situations pour se calquer à la multitude de parcours de vie.

La Loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 au droit des étrangers en France a apporté de nombreuses modifications à l’état du droit antérieur.

La situation des étudiants étrangers ayant achevé avec succès leur cycle de formation conduisant à l’obtention d’un diplôme français a ainsi été actualisé pour « attirer les mobilités de l’excellence, de la connaissance et du savoir ».

Le dispositif de l’autorisation provisoire de séjour (APS) a donc été élargi afin que la nouvelle rédaction de l’article L 311-11 du CESEDA prenne en considération de la création de la carte de séjour pluriannuelle.

Mais la grande évolution réside dans la possibilité de délivrer une autorisation provisoire de séjour  (APS) aux diplômés ayant un projet de création d’entreprise dans un domaine correspondant à sa formation.

Depuis le 1er novembre 2016, les dispositions de l’article L 311-11 du CESEDA ont été modifiées et prévoient désormais :

 « Une autorisation provisoire de séjour d’une durée de validité de douze mois, non renouvelable, est délivrée à l’étranger ayant obtenu, dans un établissement d’enseignement supérieur habilité au plan national, un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret et qui :

« 1° Soit entend compléter sa formation par une première expérience professionnelle, sans limitation à un seul emploi ou à un seul employeur. Pendant la durée de cette autorisation, son titulaire est autorisé à chercher et à exercer un emploi en relation avec sa formation et assorti d’une rémunération supérieure à un seuil fixé par décret et modulé, le cas échéant, selon le domaine professionnel concerné.

A l’issue de cette période de douze mois, l’intéressé pourvu d’un emploi ou d’une promesse d’embauche satisfaisant aux conditions énoncées au premier alinéa du présent 1° est autorisé à séjourner en France au titre de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux 1°, 2°, 4° ou 9° de l’article L. 313-20 ou de la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l’article L. 313-10, sans que lui soit opposable la situation de l’emploi ;

2° Soit justifie d’un projet de création d’entreprise dans un domaine correspondant à sa formation.
A l’issue de la période de douze mois mentionnée au premier alinéa du présent article, l’intéressé justifiant de la création et du caractère viable d’une entreprise répondant à la condition énoncée au premier alinéa du présent 2° est autorisé à séjourner en France sous couvert de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée au 5° de l’article L. 313-20 ou de la carte de séjour temporaire mentionnée au 3° de l’article L. 313-10.
»

Cette disposition ne concerne pas cependant pas les étudiants algériens dont le droit au séjour en France est régi par les dispositions de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

Pour les ressortissant d’autres pays, l’APS de douze mois, non renouvelable, sera délivrée à l’étranger qui :

– soit entend compléter sa formation par une première expérience professionnelle ;
– soit justifie d’un projet de création d’entreprise dans un domaine correspondant à sa formation.

  • Vers l’exercice d’une première activité professionnelle… :

 Selon l’esprit du texte, l’étudiant étranger est autorisé à séjourner en France pour suivre ses études universitaires sous condition de justifier annuellement de leur sérieux et de leur évolution : il a donc vocation à rentrer dans son pays d’origine au terme de sa formation.

C’est la raison pour laquelle un titre de séjour lui est délivré dans un but d’apprentissage sans pour autant lui conférer le droit de s’installer durablement sur le territoire français.

Pour autant, à la fin de son cursus, l’étudiant jeune diplômé pourra prétendre au bénéfice d’une autorisation provisoire de séjour de douze mois l’issue de sa formation théorique.

Rappelons-le, l’un des objectifs de la réforme du 7 mars 2016 est de donner priorité aux mobilités internationales de l’excellence.

Comme l’étudiant jeune diplômé est une force vive dont les compétences sont susceptibles d’intéresser l’économie nationale, l’APS va lui permettre de pouvoir faire ses preuves en même temps que ses choix de vie future.

Durant les douze mois, le bénéficiaire de l’autorisation provisoire de séjour pourra chercher et exercer un emploi en relation avec sa formation et avec une rémunération supérieure à un seuil modulé.

En plus de compléter sa formation scolaire ou universitaire par une expérience pratique, la période sous APS peut être considérée comme une aide à la décision car elle peut donner une idée concrète d’un éventuel avenir professionnel sur le marché de l’emploi en France.

Elle pourra malheureusement aussi mettre en exergue les difficultés économiques ou les obstacles à l’embauche.

Dans tous les cas, l’APS offre la possibilité d’exercer une activité professionnelle auprès d’un ou plusieurs employeurs successifs durant un an.

Pour ce faire, les demandeurs doivent être titulaires de diplômes au moins équivalents au master selon la liste fixée par l’arrêté du 12 mai 2011, à savoir :

« L’étranger doit présenter à l’appui de la demande prévue à l’article R. 311-35 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile l’un des diplômes suivants :

 1° Les diplômes conférant le grade de master ; (…)

2° Les titres et diplômes inscrits au niveau I au répertoire national des certifications professionnelles ;

3° Le diplôme de recherche technologique, le doctorat et l’habilitation à diriger des recherches ;

4° Sans préjudice des dispositions relatives à l’exercice de ces professions, le diplôme d’État de docteur en médecine, chirurgie dentaire, pharmacie, le certificat d’études cliniques spéciales mention orthodontie, le diplôme d’études supérieures de chirurgie buccale, l’attestation d’études approfondies en chirurgie dentaire, le diplôme d’études spécialisées de médecine, de pharmacie et de biologie médicale, le diplôme d’études spécialisées complémentaires de médecine et de biologie médicale ;

5° Le diplôme supérieur de comptabilité et de gestion, et le diplôme d’expertise comptable ;

6° Le diplôme de paysagiste DPLG ;

7° Le diplôme national d’œnologue ;

8° Les diplômes de spécialisation et d’approfondissement en architecture ;

9° Le diplôme de l’École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre ;

10° Le diplôme de l’École nationale supérieure Louis Lumière ».

Le décret n° 2016-1463 du 28 octobre 2016 est venu ajouter à cette liste préexistante les diplômes de niveau I labellisés par la Conférence des grandes écoles et le diplôme de licence professionnelle (Article D313-16-5 du CESEDA).

Cette période d’un an pourra donc un tremplin à une installation durable sur le territoire française à l’étranger.

En effet, s’il dispose d’un emploi ou d’une promesse d’embauche satisfaisant
aux conditions légales à l’issue de cette année test,  l’étranger pourra solliciter la délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle « salarié » d’une durée maximale de quatre ans sur le fondement de l’article L 313-10 du CESEDA.

Il est à noter que « la carte de séjour est délivrée, sans que lui soit opposable la situation de l’emploi, à l’étudiant étranger qui, ayant obtenu un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret dans un établissement d’enseignement supérieur habilité au plan national, souhaite exercer un emploi salarié et présente un contrat de travail, à durée indéterminée ou à durée déterminée, en relation avec sa formation et assorti d’une rémunération supérieure à un seuil déterminé par décret en Conseil d’Etat ».

 Le bénéficie de la non-opposabilité de la situation de l’emploi est donc conditionné au respect d’un seuil de rémunération conforme au niveau d’études et au lien de l’emploi avec les études suivies.

 

  • ..ou vers la création d’entreprise dans un domaine correspondant à la formation :

– L’APS peut également donner l’envie de créer en France son entreprise pour s’implanter sur le marché porteur et rentable.

Bien sûr la première expérience professionnelle permise par l’APS permettra de se frotter aux réalités économiques pour déterminer si le projet est réalisable.

Le jeune diplômé a donc douze mois d’expérience pour décider de se lancer et  présenter des gages de caractère de rentabilité de son projet.

Si la sa création d’entreprise envisagé est viable, il pourra entreprendre et se lancer dans son entreprise grâce à la délivrance d’une carte de séjour temporaire « entrepreneur/profession libérale ».

Cette première option est, en effet, prévue par l’article L 313-10 du CESEDA qui dispose ainsi :

 « Une carte de séjour temporaire, d’une durée maximale d’un an, autorisant l’exercice d’une activité professionnelle est délivrée à l’étranger :

(…)

3° Pour l’exercice d’une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d’existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur. Elle porte la mention “ entrepreneur/ profession libérale».

L’article R 313-17 du CESEDA vient compléter ce dispositif en précisant :

« Pour l’application du 3° de l’article L. 313-10, l’étranger qui vient en France pour y exercer une activité professionnelle non soumise à l’autorisation prévue à l’article L. 341-2 du code du travail présente, outre les pièces prévues à l’article R. 313-1, celles justifiant qu’il dispose de ressources d’un niveau au moins équivalent au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein.

Dans les cas où il envisage d’exercer une activité réglementée, il justifie satisfaire aux conditions d’accès à l’activité en cause ».

Ainsi, ces dispositions posent les conditions suivantes à la délivrance d’une carte de séjour temporaire autorisant l’exercice d’une activité professionnelle :

– La présentation des justificatifs permettant d’évaluer la viabilité économique du projet de création d’entreprise,

– La garantie de moyens de subsistances suffisants tirés de cette activité (ressources d’un niveau au moins équivalent au Smic correspondant à un emploi à temps plein)

– Et le respect des règles professionnelles d’exercice.

Lors de l’instruction de cette demande, le Préfet saisira pour avis le directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques du département dans lequel le jeune diplômé souhaite réaliser son projet.

– En dehors de cette situation, l’article 313-20 du CESEDA vient offrir une seconde option aux jeunes diplômés, créateurs d’entreprise visant à encourager l’initiative, l’innovation et l’audace.

Le passeport talents est une des mesures phares de la Loi du 7 mars 2016 au service de l’attractivité du pays.

La circulaire du 2 novembre 2016 du ministère de l’intérieur pris en application de la Loi du 7 mars 2016 précise ainsi que « la création du titre pluriannuel particulier, « passeport talents », constitue un outil majeur d’attractivité, attendus par les acteurs économiques, universitaires, scientifiques, culturels ou sportifs, tant en France qu’à l’étranger. Dans un monde concurrentiel, cet outil doit nous permettre d’attire en France les talents internationaux ».

Le passeport talents permet la délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle portant cette mention, d’une durée maximale de quatre ans « à l’étranger ayant obtenu un diplôme équivalent au grade de master ou pouvant attester d’une expérience professionnelle d’au moins cinq ans d’un niveau comparable et qui, justifiant d’un projet économique réel et sérieux, crée une entreprise en France ».

Outre le diplôme au moins équivalent au master, l’article  R 313-57 du CESEDA fixe des conditions strictes à la délivrance ce fameux sésame « d’excellence » :

  • L’étranger doit produire les pièces justificatives permettant d’évaluer le caractère réel et sérieux de son projet économique,
  • Il doit justifier de disposer de ressources suffisantes pendant son séjour pour subvenir à ses propres besoins et, le cas échéant, à ceux des membres de sa famille, indépendamment de la solidarité nationale
  • Il doit attester d’un investissement d’au moins 30 000 € dans le projet d’entreprise,
  • Il doit justifier du respect de la réglementation en vigueur dans le domaine d’activité en cause.

L’autorité instruisant le dossier saisira pour avis le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi compétent dans le département dans lequel l’étranger envisage de créer son entreprise qui vérifiera la compatibilité de l’activité en cause avec la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques ainsi que, le cas échéant, l’absence de condamnation ou de décision emportant en France, l’interdiction d’exercer une activité commerciale.

Comme le souligne la circulaire du 2 novembre 2016, « la création d’une carte de séjour « passeport talent » (…) identifie dans un titre unique, de manière lisible et cohérente, les catégories d’étrangers talentueux dont l’expérience et la qualification doivent être reconnues ainsi que les différentes facilités qui leur sont accordées ».

Entre salarié étranger et entrepreneur étranger, l’autorisation provisoire de séjour élargit l’horizon des jeunes diplômés.

Cependant, il faudra s’armer de patience de savoir si ce nouveau dispositif répondra aux attentes des prétendants à l’installation mais également de l’Etat et des acteurs de l’économie.

Le juge et l’appréciation de l’objet du contrôle d’identité Schengen

Le contrôle d’identité est une mesure de police qui permet aux autorités compétentes de procéder à l’examen d’un document officiel permettant de justifier l’identité d’une personne.

Qu’il soit préventif ou répressif, mais encore judiciaire ou administratif, il répond à une finalité à l’origine d’une typologie entre les différents cas de contrôle qui se sont multipliés au fur et à mesure la réécriture de l’article 78-2 du Code de Procédure Pénale.

Parmi eux, certains sont nés à la suite de la signature de la Convention d’application de l’Accord de Schengen. La suppression des contrôles aux frontières entre les États signataires a laissé une place vide rapidement comblée par la possibilité de réaliser des contrôles d’identité à proximité des frontières ou dans les infrastructures de transport ouvertes au trafic international.

Pour limiter le caractère attentatoire de ces contrôles dit Schengen, le législateur les a enserrés dans des limites de temps, d’espace et d’objectif. Les opérations ne peuvent ainsi intervenir aux seules fins de prévenir et de rechercher des infractions liées à la criminalité transfrontalière que pour une durée n’excédant pas six heures consécutives dans un même lieu et ne peuvent consister en un contrôle systématique des personnes présentes ou circulant dans les zones ou lieux prévus par la législation en vigueur.

Pour autant, elles peuvent donner lieu à une certaine forme de détournement des dispositions du Code de Procédure Pénale que la Cour d’Appel de PARIS a condamné le 1er mai 2015. Elle a  retenu que « le caractère aléatoire, exigé par l’article 78-2, alinéa 8, du code de procédure pénale, implique non seulement que le contrôle ne soit pas systématique mais encore que seul le hasard préside au choix des personnes contrôlées ».

Le 25 mai dernier, la Cour de Cassation a remis en cause cette appréciation alors même qu’il ressortait des éléments du dossier que le contrôle était intervenu sur la base d’informations préalablement recueillies portant sur l’arrivée de migrants clandestins.

Cass. Civ. 1ère  25 mai 2016  Pourvoi n°15-50063

Cette jurisprudence est l’occasion de revenir sur le cadre des opérations réalisées dans les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international et sur le contrôle de la légalité opéré sur celles-ci par le juge.

  • Le cadre du contrôle Schengen :

Les dispositions de l’article 78-2 du Code de Procédure Pénale prévoient plusieurs types de contrôle d’identité définis par des modalités différentes.

Les deux premiers cas s’appliquent directement à l’enquête pénale soit qu’ils s’inscrivent dans la recherche et de poursuite d’infractions requise par le Procureur de la République, soit qu’ils relèvent de la constatation de flagrance. Le troisième cas tend à prévenir les atteintes à l’Ordre public notamment à la sécurité des personnes ou des biens. Les derniers types de contrôles prévus concernent la lutte contre la délinquance transfrontière et l’immigration irrégulière.

Dans ce dernier cas, toute personne peut être soumise à contrôle de son identité dès lors qu’elle se trouve dans la zone de 20 kilomètres à partir de la frontière terrestre de la France avec les États parties à la convention d’application de l’accord Schengen du 14 juin 1985 et dans les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouvertes au trafic international.

Les opérations sont réalisées indépendamment de son comportement et de circonstances particulières établissant un risque d’atteinte à l’ordre public. Une telle prérogative « exorbitante du droit commun » est cependant, encadrée par la combinaison de limites de durée, de lieu, de fréquence et  d’objectif. Mais ces restrictions trouvent leur origine dans une évolution encore récente.

Avant 2011, la lettre de l’article 78-2 du Code de Procédure Pénale ne contenait ni précisions ni limitations de temps ou de fréquence.

Dans son arrêt du 22 juin 2010, la Cour de Justice de l’Union Européenne a alors dénoncé les contrôles systématiques indépendants du comportement de la personne concernée et/ou de circonstances particulières établissant un risque d’atteinte à l’Ordre public.

En application d’article 67, paragraphe 2, TFUE ainsi que les articles 20 et 21 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), elle affirmait que cette compétence attribuée par la législation française était insuffisamment encadrée car « l’objectif de ces contrôles n’est pas le même que celui des contrôles aux frontières qui visent d’une part, à s’assurer que les personnes peuvent être autorisées à entrer sur le territoire d’un État membre ou à le quitter et, d’autre part, à empêcher les personnes de se soustraire aux vérifications aux frontières ».

CJCE 22 juin 2010 Affaires C-188/10 et C-189/10

Par deux arrêts rendus en assemblée plénière en date du 29 juin 2010, la Cour de Cassation a emboîté le pas sans attendre et tiré les conséquences de l’absence de garanties apportées par la législation française aux contrôles d’identité dans la zone des 20 kilomètres.

Cass AP. 29 juin 2010 Pourvois n° 10-40002 et 10-40001

Quelques mois plus tard, la Cour appliquera sa position aux contrôles d’identités  réalisés dans les ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières.

Cass. Civ 1ère. 23 février 2011 Pourvoi n°09-70462

Le 14 mars 2011, la loi n°2011-267 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure dite LOPPSI 2 est venue réécrire l’article 78-2 du Code de Procédure Pénale pour se conformer aux prescriptions de la Cour de Justice de l’Union Européenne.

Depuis lors, « le contrôle des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi ne peut être pratiqué que pour une durée n’excédant pas six heures consécutives dans un même lieu et ne peut consister en un contrôle systématique des personnes présentes ou circulant dans les zones ou lieux ».

Dans l’arrêt du 25 mai 2016, les pièces de la procédure ont permis de constater que le contrôle d’identité était intervenu en gare de Lyon à PARIS, le 24 avril 2015, lors d’opération d’une durée de quatre heures.

Le procès-verbal faisait ressortir  les limitations de durée, de lieu et de fréquence dégagées par la Cour de Justice de l’Union Européenne dans sa décision du 22 juin 2010.

  • La vigilance du juge:

Comme il l’a été précisé, la lutte contre la délinquance transfrontière et l’immigration irrégulière constitue l’objet exclusif des contrôles d’identité frontaliers. Ces contrôles doivent ainsi permettre de prévenir « les risques d’infractions et d’atteintes à l’ordre public liées à la circulation internationale de personnes ».

Si la vérification du respect de l’obligation du port et de détention des documents permettant le transit et le séjour finalise le contrôle, elle n’apparait que dans sa seconde phase.

L’article L 611-1 alinéa 2 du CESEDA précise très explicitement le mécanisme des opérations qui se réalisent en deux temps car ce n’est qu’«à la suite d’un contrôle d’identité effectué en application des articles 78-1, 78-2 et 78-2-1 du code de procédure pénale » que « les personnes de nationalité étrangère peuvent être également tenues de présenter les pièces et documents » sous le couvert desquels elles sont autorisées à circuler ou à séjourner en France.

C’est ainsi qu’au contrôle d’identité stricto sensu succède le contrôle de la régularité de l’entrée et/ou du séjour… si et seulement si, la qualité d’étranger est apparu lors de la première phase.

Les services de police peuvent donc procéder à un contrôle de l’entrée et du séjour après avoir réalisé un contrôle d’identité révélant la nationalité étrangère de la personne sans présomption de l’extranéité de l’intéressé.

Dans un arrêt du 28 mars 2012, la Cour de cassation retient que le fait d’être né à l’étranger et de ne pas répondre aux questions relatives à sa date de naissance ne constitue pas un élément objectif déduit des circonstances extérieures à la personne, susceptible de présumer la qualité d’étranger et autorisant les services de police, sans qu’il soit préalablement procédé à un contrôle d’identité dans les conditions déterminées par les articles 78-1 et suivants du code de procédure pénale, à requérir, sur le fondement de l’article L. 611-1, alinéa 1, du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la présentation des documents sous le couvert desquels les étrangers sont autorisés à séjourner en France.

Cass. Civ 1ère. 28 mars 2012 Pourvoi n°11-11099 

L’existence d’« éléments objectifs déduit des circonstances extérieures » s’appuie sur le caractère aléatoire et non systématique des contrôles Schengen. Les données circonstancielles qui permettent de révéler l’apparente extranéité de l’intéressé à l’issue du contrôle d’identité sont donc essentielles à la régularité de la procédure bien que particulièrement délicates à manipuler.

La circulaire du 18 janvier 2013 NOR : INTK1300159C rappelle, en effet, que « l’engagement du contrôle ne doit pas avoir été discriminatoire ou stigmatisant ». La couleur de la peau, le nom de famille ou l’emploi d’une langue étrangère ne peuvent donc motiver un contrôle d’identité et amener à une vérification de la régularité de l’entrée ou du séjour.

La Cour d’Appel de PARIS s’était montrée très attentive aux circonstances du contrôle dans son analyse de la régularité de la procédure dans son arrêt du 1er mai 2015 en censurant « l’absence au procès-verbal de toute précision sur la façon dont les policiers ont assuré le caractère aléatoire des contrôles individuels » alors que des ressortissants égyptiens, maliens et tunisiens, étaient ciblés par un contrôle lors de l’arrivée de leur train en gare de Lyon.

Mais la Cour de Cassation est venue contredire cette appréciation. Sans s’attacher aux circonstances dans lesquelles le contrôle avait été mis en œuvre, elle retient que dès lors que les mentions du procès-verbal précisent l’objet des opérations liées à la criminalité transfrontalière et la limitation dans le temps et l’espace de celles-ci, elles suffisent à garantir le caractère non systématique du contrôle.

Elle se détache ainsi de l’aléa, fait du hasard.

Dans un arrêt du 3 mai 2007, les juges de cassation s’étaient pourtant prononcés dans un sens tout autre et avaient retenu que les dispositions de l’article 78-2, alinéa 4, du Code de Procédure Pénale ne sauraient permettre d’éluder les conditions de fond et de forme applicables aux autres types de contrôle d’identité prévus par le même article, en ses alinéas 1er à 3, lorsque ces opérations ne sont pas destinées à vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi mais relèvent, par leur objet.

Cass. Crim. 3 mai 2007 Pourvoi n°07-81331

Ils affirmaient alors leur obligation de veiller à restituer aux opérations de police leur véritable objet dans le cadre des contrôles Schengen.

A l’évidence, la Loi LOPPSI 2 semble bien avoir balayé cette obligation et laisse un champ ouvert particulière inquiétant aux détournements de procédure dans l’usage de l’article 78-2, alinéa 4, du Code de Procédure Pénale.

De la rétention administrative à la rétention administrative : retour sur les amendements au projet de loi relatif au droit des étrangers adoptés le 26 janvier 2016

Depuis le 20 juillet dernier, les débats sont en cours sur le projet de loi relatif au droit des étrangers en France.

De l’assemblée nationale au sénat, le processus législatif a suivi son cours en 2015 dans le contexte d’une actualité tendue et troublée par le séisme terroriste.

Le 26 janvier 2016, le texte a été adopté en nouvelle lecture à l’assemblée nationale par la commission des lois après de nouveaux amendements.

C’est ainsi que l’article 1ER A adopté au Sénat prévoyant la possibilité pour le Parlement de déterminer le nombre des étrangers admis à s’installer durablement en France par période de trois ans a été supprimé.

L’amendement N°CL100 présenté par Monsieur BINET, rapporteur, a évité l’instauration d’un système de quotas déterminés par le Parlement pour chacune des catégories de séjour à l’exception de l’asile.

A son retour à l’assemblée nationale, la rétention administrative telle que prévue dans le projet de loi relatif au droit des étrangers en France a elle aussi été retouchée.

La question qui se pose est de savoir si cette mesure privative de liberté sera –encore- réformée après la Loi n°2011-672 du 16 juin 2011.

  • Vers une modification de l’ordre d’intervention des deux ordres juridictionnels :

Il y a quatre ans, le Juge des Libertés et la Détention s’était fait évincer de sa place de primo intervenant dan le contentieux de la rétention administrative.

Jusqu’alors, il n’était amené à statuer juste avant la fin du délai de cinq jours de la rétention administrative initiale aux fins de prolongation de la mesure.

Le Juge Administratif procédait au contrôle de la légalité du placement dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir avant que le Juge Civil vérifie la protection de la liberté individuelle sur saisine de Monsieur le Préfet.

Le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté n’avait jamais caché son opposition à cette organisation, directe conséquence de l’allongement de la rétention administrative.

Dans son rapport d’activité 2012, il relevait que « 2012 est la première année complète d’application de la loi du 16 juin 2011 (relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité) qui modifie et amplifie les possibilités de recours à l’assignation à résidence (puisque désormais la rétention n’est possible que lorsque d’autres mesures sont inefficientes) et parallèlement, allonge la durée de la rétention, qui passe de 32 jours (au maximum) à 45 jours (au maximum) : une durée administrative de 5 jours au plus, suivie de deux périodes de 20 jours autorisées par le juge judiciaire ».

Dans ses rapports suivants, il n’a cessé de prôner le retour de la rétention administrative à une durée de 32 jours au total au lieu des 45.

Il a enfin été entendu…ou plutôt à moitié écouté.

Messieurs BINET, CORONADO et MOLAC ont déposé deux amendements N°CL37 et N°CL155 tendant modifié l’article 19 du projet de loi relatif au droit des étrangers en France limitant à quarante-huit heures la durée du placement en rétention décidé par l’autorité administrative.

La commission des lois a adopté ces deux modifications permettant de rétablir la rédaction du texte adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale.

Le juge des Libertés et de la Détention devrait dès lors être saisi à l’expiration de la période de quarante-huit heures, et non plus après cinq jours pour autoriser la prolongation de la rétention.

Il redeviendrait le premier juge à faire face aux retenus.

Les causes de ce changement résideraient dans une volonté d’éviter de couvrir les irrégularités de procédure tenant aux contrôles illégaux, à l’absence d’interprète durant la garde à vue, la privation de liberté abusive les entraves à l’accès au médecin ou à l’avocat.

Dans son rapport de mai 2013, Matthias FEKL considérait que la situation actuelle « contrevient à l’évidence aux exigences de l’État de droit, au regard de la nécessité d’assurer une protection effective de la liberté individuelle ».

  • L’orée d’un nouveau séquençage de la rétention administrative :

Au vu de ce qui précède, on pourrait légitiment se dire que la réduction de la rétention administrative initiale prise par le Préfet ne peut conduire qu’à une diminution de la durée globale de la mesure, prolongations comprises.

Mais ce serait bien naïf de penser que les préconisations du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté et du rapport « Sécuriser les parcours des ressortissants étrangers en France » seraient suivies dans leur intégralité.

Cela reviendrait à ne laisser la puissance publique disposer que d’un délai de trente-deux jours pour éloigner un étranger, objet d’une mesure d’éloignement.

Alors que l’amendement N°CL156 prévoit une solution plus « adaptée » aux moyens à disposition de l’administration pour organiser son départ.

Et voilà comme l’article 19 bis A est rétabli dans la rédaction précédente voté en première lecture par l’Assemblée nationale.

Il tend à instaurer un nouveau séquençage de la rétention administrative en trois phases d’une durée respective de deux, vingt-huit et quinze jours.

Si la première et la troisième phase sont plus courtes de celle du système actuel, la deuxième est quant à elle plus longue.

La prolongation est augmentée de cinq jours supplémentaires, soit 1/4 de son temps pour 25 % de privation de liberté en plus sans contrôle judiciaire.

Il est difficile de ne pas voir dans cette nouvelle découpe du temps de la rétention administrative un opportunisme destiné à favoriser la mise en œuvre de l’éloignement.

Dans la prolongation, les consulats auront plus de temps pour délivrer les laisser-passé, l’OFPRA aura plus de temps pour se prononcer sur les demandes d’asile formulées au CRA, les préfectures auront plus de temps pour faire un routing … et les étrangers auront plus de temps en détention lors de la deuxième phase.

C’est qu’au final, la durée maximale de rétention de quarante-cinq jours n’est pas modifiée.

Le projet de loi relatif au droit des étrangers en France n’a pas fini de surprendre et d’interroger tant sur sa cohérence que sur on objectif.

Il est pour l’heure renvoyé à l’examen de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.

Les discussions en séance publique reprendront le mardi 16 février 2016.

Des exigences de finalité et de temps dans la seconde prolongation de la rétention administrative

Le contentieux de la rétention administrative est un nœud de compétences entre le juge administratif et le juge civil. Légalité et liberté font de l’exécution des mesures d’éloignement un sujet de débat intarissable pour les praticiens du droit des étrangers. Certains voient dans cette dualité une inutile complexité procédurale tandis que d’autres valorisent cette parfaite illustration du rôle complémentaire des deux ordres juridictionnels.

Depuis l’entrée en vigueur de la Loi n°2011-672 du 16 juin 2011, tant le juge administratif que le juge civil cherchent de nouvelles marques à leur domaine d’intervention comme en témoignent les récentes jurisprudences du Conseil d’État et de la Cour de Cassation.

Le premier juge, déjà pleinement investi par la directive retour, ne s’est pas vraiment montré frileux à se saisir de cette évolution. Le second, au contraire, semble s’être retranché derrière la modification de son ordre d’intervention pour ancrer son contrôle dans un cadre plus restrictif que légaliste.

Mais les libertés publiques que le contentieux de la rétention administrative met en discussion, suscitent toutes les précautions et les vigilances des plus hautes juridictions.
En septembre dernier, la Cour de Cassation venait à sanctionner les juges d’appel pour avoir ordonné la prolongation d’une rétention administrative en jugeant « que le préfet avait effectué les diligences nécessaires en adressant après le week-end, soit trois jours après le début de la rétention, un courrier au consul de Tunisie aux fins d’obtenir un laissez-passer consulaire pour l’intéressé ».

Cass. Civ.1ère 23 septembre 2015 Pourvoi n° 14-25064

Dans un arrêt du 18 novembre 2015, elle se place cette fois dans le cadre d’une seconde prolongation de rétention pour affirmer que le Juge des Libertés et de la Détention doit s’assurer que les obstacles à l’exécution de la mesure d’éloignement peuvent être surmontés à bref délai avant d’ordonner le maintien au centre pour vingt jours supplémentaires.

Cass. Civ. 1ère 18 novembre 2015 Pourvoi n° 15-14560

Les juges de la Haute Juridiction redessinent donc les contours des obligations de l’administration au sens de l’article L 554-1 du CESEDA.

  • La finalité de principe de la rétention administrative :

Au terme d’un arrêt du 19 juin 2014, la Cour d’Appel de LYON a ordonné une nouvelle prorogation de vingt jours d’une mesure de rétention en date du 24 mai 2014 sans sanctionner le défaut de diligences de l’administration pendant dix-sept jours consécutifs. Le retenu faisait alors l’objet d’une décision de remise aux autorités autrichiennes saisies de sa demande d’asile.

En retenant que les dispositions de l’article L 554-1 du CESEDA « n’imposent à l’administration qu’une finalité de principe sans poser concrètement d’exigences de temps dans l’accomplissement des diligences », les juges du second degré se sont exposés à la censure de la Cour de Cassation.

Un étranger ne peut pourtant être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. La rétention est exclusivement destinée à permettre l’exécution des mesures d’éloignement et à assureur leur effectivité.

On ne cessera jamais de répéter, de réécrire et de redire qu’aucune mesure privative de liberté ne peut être ordonnée ou prolongée sans être dûment causée. La légalité d’une telle mesure est la garantie essentielle qui prime sur tous les autres droits et corollaires.

La nécessité de la mesure doit ainsi s’apprécier tout au long de l’exécution de la rétention administrative et non pas uniquement lors de la décision initiale.

Dans son analyse de la Loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, le Conseil Constitutionnel avait d’ailleurs clairement signifier que les dispositions prévoyant une prolongation de la rétention pour une durée maximale de quarante-cinq jours « ne modifient pas les dispositions précitées selon lesquelles l’étranger ne peut être maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l’administration devant exercer toute diligence à cet effet » et que « l’autorité judiciaire conserve la possibilité d’interrompre à tout moment la prolongation du maintien en rétention, de sa propre initiative ou à la demande de l’étranger, lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient « .

Conseil Constitutionnel 9 juin 2011 no 2011-631 DC

C’est ainsi que la seconde prolongation de l’article L 552-7 du CESEDA ne peut intervenir que :

– soit en cas d’urgence absolue ou de menace d’une particulière gravité pour l’ordre public,
– soit lorsque l’impossibilité d’exécuter la mesure d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire à son éloignement,
– soit lorsque, malgré les diligences de l’administration, la mesure d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou de l’absence de moyens de transport et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que l’une ou l’autre de ces circonstances doit intervenir à bref délai,
– soit lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour pouvoir procéder à l’exécution de la mesure d’éloignement dans le délai initial de vingt jours

Il est acquis sans discussion que ces motifs sont limitatifs et strictement encadrés.

Cass Civ. 2ème 13 décembre 2001 Pourvoi n° 00-50061

Ceux-ci souffrent parfois d’une interprétation extensive. Tel est le cas de l’absence de présentation de documents de voyage par le retenu considérée selon les circonstances comme une perte ou comme une obstruction volontaire à l’éloignement.

En l’espèce, l’arrêt de la Cour d’Appel de Lyon se place dans la situation où la mesure d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat ou de l’absence de moyens de transport.

Cependant, le Préfet s’est affranchi de l’obligation de justifier de l’intervention à bref délai de ces circonstances.

En cela, le représentant de l’état a oublié que la prolongation relève d’une décision judiciaire et non d’une simple formalité administrative au regard de la finalité de la rétention administrative.

  • Des exigences de temps dans l’accomplissement des diligences :

Délier les diligences du préfet aux fins d’éloignement de l’impératif de temps relève d’une surprenante appréciation de l’article L 554-1 du CESEDA.

La durée stricte des quarante-cinq jours de rétention accompagne pourtant le « bref délai » précédemment évoqué.

Pour les juges de la Cour de Cassation, le préfet ne peut se heurter qu’à des obstacles temporaires pouvant être levés durant ces quarante-cinq jours.

L’incertitude et l’impuissance ne sont pas conciliables avec la privation de liberté consécutive à l’exécution d’une obligation de quitter le territoire français. Aussi le représentant de l’État ne peut-il placer en rétention un étranger que si son éloignement forcé demeure une perspective raisonnable.

Ce retournement de situation implique pour les services préfectoraux non seulement de rapporter la preuve de leurs diligences pour organiser le départ mais également de démontrer un recul sur l’activité des consulats ou l’accessibilité des transports.

Le Juge des Libertés et de la Détention ne peut donc plus se cacher derrière l’intervention éventuelle du Tribunal Administratif car c’est à lui, et à lui seul, qu’il incombe de rechercher « si les obstacles à l’exécution de la mesure d’éloignement » sont « susceptibles d’être surmontés à bref délai ».

Il ne fait dès lors qu’exercer les pouvoirs qui lui sont reconnus en décidant la remise en liberté de l’étranger lorsque le préfet n’a pas fait les diligences suffisantes pour obtenir du consulat les documents nécessaires à l’exécution de la mesure d’éloignement.

Cass. Civ. 2ème 23 mai 2001 Pourvoi no 00-50065

En l’espèce, l’administration avait attendu dix-sept jours avant de réitérer sa demande de pièces auprès du consulat étranger : elle se devait de justifier des diligences accomplies aux fins d’obtenir la délivrance de ces éléments et d’établir que ces documents lui parviendraient avant l’expiration du délai de quarante-cinq jours.

La Cour de Cassation ne précise pas cependant comment prouver que les démarches qui sont en cours auprès des autorités consulaires lesquelles procèdent à l’étude du dossier de l’intéressé vont aboutir.

Vraisemblance ou possibilité ? La part d’imprévu qui va déterminer la nécessité du maintien en rétention administrative ressort d’acteurs extérieurs aux préfectures et à leurs services. L’arrêt du 18 novembre 2015 a le mérite à contraindre l’État à respecter un principe de célérité.

Il ne saurait pourtant en résulter que l’indisponibilité d’un consulat ou bien encore l’absence notoire de réponse à toutes demandes suffisent à caractériser les obstacles à l’exécution de la mesure d’éloignement insusceptibles d’être surmontés durant le temps de la rétention.

Au regard de cette jurisprudence, il est indéniable que le contentieux de la rétention administrative s’inscrit dans la veine d’un renouvellement.

La dualité de compétence civile et administrative a déjà entrainé des ajustements de certaines notions comme ceux constatés en matière de voie de fait.

Au terme d’une décision du 17 juin 2013, ce principe juridique a été redéfini aux cas où l’administration soit a procédé à l’exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d’une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l’extinction d’un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d’atteinte à la liberté individuelle ou d’extinction d’un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative.

Tribunal des Conflits 17 juin 2013 Pourvoi n°13-03911

La Cour de Cassation envoie le signal que chaque juridiction doit prendre sa compétence, chaque juge doit remplir son office dans le respect des règles de droit et des pouvoirs de contrôle que la loi lui octroie.

Le temps de la rétention administrative : Retour sur l’arrêt de la Cour de Cassation du 23 septembre 2015

Depuis la Loi n°2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité la durée initiale de la rétention administrative est passée de 2 à 5 jours dans le temps que sa prolongation s’est allongée en passant de 30 à 40 jours. En sus, cette réforme qui a fait grincer les dents des intervenants en droit des étrangers, a eu pour effet de retarder l’intervention du Juge des Libertés et de la Détention dans son contrôle des libertés individuelles.

Depuis lors, le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté recommande dans chacun de ses rapports annuels de ramener la rétention administrative de 32 jours au total au lieu des 45 actuels. C’est parce qu’elle met en cause la liberté individuelle que la rétention, ses conditions et sa durée doivent être strictement encadrés.

Conseil Constitutionnel 20 novembre 2003 n°2003-484

Bien sûr, la première garantie du placement repose sur la nature même de cette mesure privative de liberté : la rétention ne tend qu’au maintien des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire le temps strictement nécessaire à la préparation de leur départ.

Cependant, cet objectif est parfois apprécié avec une opportuniste souplesse par les préfets qui n’hésitent pas à l’adapter pour faire primer les contraintes d’organisation du service sur celui-ci.

Face à ces dérives, la Cour de Cassation avait souligné en 2012 que la rétention administrative était exclusive d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives. Dès lors, l’assignation à résidence en alternative au placement ne pouvait jamais revêtir un caractère exceptionnel.

Cass. Civ. 1ère 24 octobre 2012 Pourvoi n° 11-27956

Au terme d’un arrêt du 23 septembre 2015, la Haute Juridiction rappelle cette fois à l’administration qu’elle est tenue à la plus grande célérité dans l’exercice des diligences qu’elle doit accomplir à effet de l’organisation du départ de l’étranger.

Cass. Civ.1ère 23 septembre 2015 Pourvoi n° 14-25064

Cet arrêt récent est l’occasion de revenir sur les exigences temporelles de la rétention administrative dont le but est l’exécution de la mesure d’éloignement et de sa mise en œuvre par le représentant de l’État.

Un temps strictement nécessaire à la mise en œuvre de la mesure d’éloignement :

La directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 précise qu’ « il convient de subordonner expressément le recours à des mesures coercitives au respect des principes de proportionnalité et d’efficacité en ce qui concerne les moyens utilisés et les objectifs poursuivis ». En droit interne comme en droit européen, l’entrave à la liberté ne peut s’inscrire que dans un cadre légal protecteur.

Ainsi la rétention administrative est strictement défini par son article 15 de la directive dite « retour » selon lequel :

« 1. À moins que d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives , puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l’éloignement, en particulier lorsque:

a) il existe un risque de fuite, ou

b) le ressortissant concerné d’un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement ».

La limpidité de ces dispositions les a rendues inconditionnelles et suffisamment précises pour ne pas nécessiter d’autres éléments particuliers pour permettre leur mise en œuvre par les États membre.

CJUE 28 avril 2011 Affaire C 61/11 PPU

Elles doivent donc garantir à chaque rétention ordonnée, d’une part, le respect du principe de proportionnalité en ce qui concerne les moyens utilisés et les objectifs poursuivis et, d’autre part, le respect des droits fondamentaux des ressortissants concernés de pays tiers.

La mesure privative de liberté applicable à l’étranger en situation irrégulière ne peut avoir qu’une seule finalité, celle de préparer son retour et/ou procéder à son éloignement… Et puisque le placement est le corollaire de la décision de retour, les démarches aux fins de départ le territoire ne doivent pas faire défaut.

Aussi, la Cour de Cassation sanctionne-t-elle les juges de la Cour d’Appel de LYON pour avoir ordonné la prolongation de la rétention administrative en jugeant « que le préfet avait effectué les diligences nécessaires en adressant après le week-end, soit trois jours après le début de la rétention, un courrier au consul de Tunisie aux fins d’obtenir un laissez-passer consulaire pour l’intéressé ». Lorsqu’elle retient dans sa jurisprudence du 23 septembre 2015 « que la saisine des autorités consulaires était intervenue trois jours après le placement en rétention », c’est pour écarter toute inertie de confort de l’administration.

Le temps de la rétention administrative est compté, il est utile, il est contrôlé. Le Juge civil rappelle ainsi à la personne publique que l’effectivité de son pouvoir décisionnel est assujettie à un nécessaire contrôle de célérité. La durée du placement en rétention et de la prolongation est limitée au temps strictement nécessaire à la mise en œuvre de la mesure d’éloignement.

Un temps strictement dévolu aux diligences de retour et d’organisation du départ :

Durant les cinq premiers jours de la rétention, le Préfet doit donc être réactif et surtout appliqué à se constituer des preuves de ses actions. En effet, il doit être en mesure d’établir les diligences accomplies pour mettre à exécution la mesure d’éloignement.

Là où les juges de la Cour d’Appel avaient écarté les moyens modernes de transmission (télécopie et courriel), la Cour de Cassation en a tenu compte dans son arrêt du 23 septembre 2015 au titre des exigences tenant au contentieux de l’urgence. La question se pose ainsi de déterminer le délai dans lequel les diligences préfectorales en vue d’éloignement doivent être accomplies.

La jurisprudence est évidemment plus prolixe lorsque le contrôle de l’exécution des démarches auprès des consulats et des check in concerne la seconde prolongation de la rétention administrative dans le cadre de l’article L552-7 du CESEDA. L’article L 554-1 du CESEDA suscite bien moins de développements.

En 2011, la Cour de Cassation s’est cependant interrogée sur l’exécution des diligences et leur continuité durant la mesure de placement. Dans un arrêt antérieur à la réforme issue de la Loi n° 2011-672 précitée, elle avait retenu que le fait que l’étranger ayant fait l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière et d’une décision de placement en rétention administrative ait saisi l’OFPRA d’une demande d’asile ne justifie pas que l’administration suspende les diligences nécessaires à son départ pendant le cours de la procédure devant l’Office, l’article L 554-1 du CESEDA lui imposant d’exercer toute diligence à cet effet.

Cass. Civ. 1ère 16 juin 2011 Pourvoi n°10-18226

L’esprit de LAMARTINE est ainsi absent du CESEDA puisque le temps de la rétention administrative n’est pas suspendu

Mais la continuité n’implique pas nécessairement l’immédiateté de l’action de préparation du retour. Celle-ci ne ressort d’ailleurs pas de l’article 15 de la directive dite « retour » bien que celle-ci précise que « toute rétention est aussi brève que possible et n’est maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise ».

En 2010, la Cour de Cassation s’était saisi de cette question dans deux arrêts du 23 juin 2010 sans apporter de réponse adéquate et précise. Au terme de la première décision, elle avait retenue que les démarches nécessaires devaient être entreprises dès le placement en rétention même pendant le délai de recours devant le Tribunal Administratif.

Cass. Civ. 1ère 23 juin 2010 Pourvoi n° 09-14958

Mais dans le second arrêt, les juges s’étaient refusé de censurer une ordonnance de prolongation retenant que des vérifications s’imposaient sur la véritable nationalité de l’étranger que le temps écoulé entre son arrivée au centre de rétention administrative et la proximité du week-end ne permettaient pas d’entreprendre des démarches suffisamment étayées et sérieuses.

Cass. Civ. 1ère 23 juin 2010 Pourvoi n° 09-14065

L’arrêt du 23 septembre 2015 vient clarifier l’appréciation la situation en considérant les diligences « intervenue trois jours après le placement en rétention » comme tardives : c’est sans ambigüité qu’il convient de retenir de cette jurisprudence que l’administration est tenue d’exercer toutes diligences à cet effet dès le premier jour de la rétention.

Mais si le Préfet doit agir sans délai, il n’a pas à démontrer l’efficacité de ses démarches. Ce qui importe, c’est qu’il tente d’éloigner durant le temps de privation de liberté de l’étranger en situation irrégulière.

Dans ces tentatives, le Préfet n’est qu’un acteur parmi d’autres. Au-delà des diligences d’identification, il y a encore la reconnaissance des ressortissants et la délivrance de laissez-passer qui relèvent des autorités consulaires ainsi que l’organisation du voyage et la disponibilité des moyens transports au gré des différentes compagnies. L’attente peut donc être longue pour le migrant…

On comprend que la célérité doit de présider à l’application de l’article L 554-1 du CESEDA car durant le temps strictement nécessaire à son départ, la privation de liberté s’applique. Au centre du débat sur l’effectivité des diligences, elle est le seul enjeu, celui qui justifie d’ailleurs l’engagement d’un pourvoi en cassation jugé après la fin de la rétention administrative.

Cependant, la garantie juridique apportée par l’arrêt du 23 septembre 2015 démontre que le recours devant la Haute Juridiction n’est pas vain en la matière.

En effet et en conclusion, le projet de la Loi relatif au droit des étrangers en France du 23 juillet 2014 en cours de discussion au Sénat ne se conforme pas aux recommandations du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté sur la réduction à 32 jours de la rétention administrative.

Regard sur le projet de loi relatif au droit des étrangers en France

Le 20 juillet 2015, ont débuté à l’Assemblée nationale les débats sur le projet de loi relatif au droit des étrangers en France. Ce texte, déposé le 23 juillet 2014, tend à réformer l’accueil et le séjour des étrangers, à assoir l’organisation d’une immigration contrôlée et à poursuivre un objectif de lutte contre l’immigration irrégulière.

Le Gouvernement a mis en avant une idée simple, celle que « l’immigration peut être une opportunité pour la France, si elle est maîtrisée, si l’accueil des talents est encouragé et si l’intégration est favorisée« .

Bien sûr, les associations (ADDE-ANAFE-FASTI-GISTI-CIMADE-LDH-MOM-SAF-SM) qui interviennent dans le parcours des migrants ont une toute autre approche. Au terme de leur analyse commune du 11 février 2015, elles dressent le constat que le « projet de réforme du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne marque aucune volonté de rupture avec les réformes précédentes« . Elles s’étonnent -non sans regret- du déni des orientations suggérées par le rapport du député Matthias Fekl remis le 14 mai 2013.

La Commission nationale consultative des droits de l’Homme appréhende quant à elle la réforme sous l’angle de la question suivante : « le projet de loi a-t-il définitivement rompu avec l’image hypertrophiée d’un étranger cherchant toujours à pénétrer et à se maintenir illégalement en France, à faire venir sa famille illégalement, en s’efforçant d’utiliser frauduleusement toutes les ressources de la législation pour rester en France et profiter de l’État providence ? ». Elle y répond par la négative dans son avis du 21 mai 2015 tout en saluant les avancées dans les garanties apportées dans le cadre de l’exécution des mesures d’éloignements.

Nous aborderons ici trois thèmes vers lesquels s’orientent les dispositions du texte en discussion.

Le droit au séjour et l’accueil des étrangers :

Des débats sur l’identité nationale aux menaces d’attaques terroristes, l’idée même de division au sein de la société française semble devenue particulièrement épidermique.

Le dossier de presse du projet de loi relatif au droit des étrangers s’en fait l’écho en soulignant que « c’est quand on perd de vue la République, ses exigences, mais aussi son Histoire et ses valeurs, que l’on crée de la confusion, du clivage artificiel sans, en définitive, rien résoudre« .

La France entend donc donner priorité aux mobilités internationales de l’excellence et à l’amélioration de son système d’intégration tout en renforçant son système de lutte contre la fraude. Aussi le projet de loi prévoit-il dans son titre 1er des nombreuses dispositions suivant le sens du vent aux courants variables et parfois antagonistes.

Cela passe, tout d’abord, par une politique de délivrance de visas appliquée par les autorités diplomatiques et consulaires françaises privilégiant les entrées pour longs séjours.

Après l’entrée sur le territoire, les démarches d’installation ne sont pas moins complexes : l’article L. 311-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi réécrit pour actualiser et allonger la liste des documents de séjour dont doit être titulaire l’étranger majeurs souhaitant séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois.

Mais la vraie nouveauté du parcours de demandeur de titre concerne surtout le renforcement des dispositions relatives à l’intégration dans la société française lors de la délivrance de titre de séjour : le contrat d’accueil et d’intégration se voit ainsi remplacé par un contrat personnalisé fixant le parcours d’accueil et d’intégration avec un diagnostic individualisé.

Évaluation du niveau linguistique, prescription de formation adaptée, connaissance des droits et devoirs, il flotte dans l’air un parfum de lois à la Jules Ferry sur l’école républicaine, formatrice de citoyens. C’est qu' »il n’y a pas, en la matière, d’immigration subie« , affirme sans détours -en gras et souligné- le dossier de presse du projet de loi de juillet 2014.

Ensuite, pour répondre à cet objectif d’attractivité et d’excellence, un passeport talents d’une durée de quatre ans a été imaginé, remplaçant notamment le titre de séjour « compétence et talent ». A côté de ce dispositif, la carte de séjour pluriannuelle se généralise après la première année de séjour dans une limite de quatre ans sous condition de détention d’un visa long séjour.

L’article L. 313-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile fait donc peau neuve dans un souci de simplification des démarches et de désencombrement des préfectures.

Il est encore difficile de définir avec précision les contours du tableau concernant l’accueil et le droit au séjour, le texte initial s’étant allégé et modifié au fil des amendements en commission des lois et en commission des affaires culturelles. Mais la simplification de la législation n’est pas une évidence quand l’objectif d’encadrement prime.

D’autant que les préfectures vont peut-être se doter du droit de communication « ponctuel » des documents et informations strictement nécessaires par les dépositaires des actes d’état civil, les administrations chargées du travail et de l’emploi, des organismes de Sécurité sociale, des établissements scolaires, des fournisseurs d’énergie et de communication électroniques, des établissements de soins privés et publics, des établissements bancaires et des greffes des tribunaux de commerces.

A côté de l’organisation de cette collecte de données personnelles, des dispositions prévoient l’augmentation des pénalités dues par les transporteurs qui ne respectent pas leurs obligations de contrôle est accru aux fins de luttes contre la fraude.

C’est comme cela que le projet de loi en cours de lecture concilie le « savoir lutter contre les flux migratoires irréguliers, dans le respect des droits des migrants« .

L’éloignement et ses corollaires :

Le texte de loi relatif au droit des étrangers en France s’attaque donc au séjour irrégulier en renforcement l’efficacité des mesures de départ forcé.

En premier lieu, il ouvre deux nouvelles possibilités de notifier à l’encontre des migrants hors Union européenne une obligation de quitter le territoire français aux cas déjà visés à l’article L. 511-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : l’une est liée au comportement de l’étranger, qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois, constituant une menace pour l’ordre public appréciée au regard de la commission de faits passibles de poursuites pénales sur certains fondements ; l’autre tient à la méconnaissance de l’article L. 5221-5 du Code du travail pour l’étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois.

Le projet initial prévoyait une catégorie à l’adresse spécifique des demandeurs d’asiles déboutés. Mais l’amendement CL 204 du 30 juin 2015 a renvoyé cette question aux débats sur le projet de loi relatif à la réforme de l’asile.

Pour satisfaire à la mesure d’éloignement, l’étranger ne pourra plus se contenter de quitter le territoire national : il devra rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l’Union européenne où il est légalement admissible.

La tempérance admise suite à la disparition de l’article 23 de la Convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985 et à son remplacement par les dispositions de la Directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dite Directive « retour », risque donc de disparaître.

En deuxième lieu, le projet de loi entend aussi modifier le cadre des obligations de quitter le territoire applicables aux ressortissants de l’Union européenne. Le comportement personnel constituant, du point de vue de l’ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société pourra conduire à une mesure d’éloignement en dehors de toute poursuite et/ou condamnation pénale.

Un mauvais esprit pourrait associer cette évolution aux migrants de certains États membres à la suite de la levée des restrictions au marché de l’emploi depuis le 1er janvier 2015. Il ne s’agit sans doute que d’une coïncidence.

La France tente, en effet, de se positionner en bon élève de l’Union puisqu’elle revoit sa copie sur les délais de départ volontaire. Et c’est qu’ainsi qu’en troisième lieu, elle apporte une réponse au droit commun européen par une volonté d’assouplir sa législation en vigueur au profit d’une durée appropriée des délais accordés.

Cette avancée est bien vite oubliée car, en quatrième lieu, se discutent des interdictions de toute nature.
Un article L. 511-3-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit, tout d’abord, la mise en place d’une interdiction de circulation sur le territoire français d’une durée maximale de trois ans assortissant l’obligation de quitter le territoire français prononcée en application des 2° et 3° de l’article L. 511-3-1. Cette mesure ne s’applique qu’aux ressortissants communautaire et peut être abrogée sur demande de l’étranger à condition qu’il justifie résider hors de France depuis un an au moins. La défiance à l’égard de l’Union européenne se grime à peine.

A côté de cette nouveauté, l’interdiction de retour existant pour les ressortissants des États tiers se généralise pour aller de trois ans en cas d’absence de décision de délai de départ volontaire assortissant une obligation de quitter le territoire ou lorsque l’étranger n’a pas satisfait au délai préalablement octroyé, à deux ans en dehors de ces cas. Peuvent, toutefois, s’opposer à cette interdiction de retour les circonstances humanitaires qui relèvent de l’appréciation toute subjective des préfectures.

C’est cependant dans les dispositions concernant l’éloignement des étrangers que l’on retrouve les traces les plus évidentes d’un protectionnisme conjoncturel.

• La mise en œuvre de l’éloignement :

La mise en œuvre de l’obligation de quitter le territoire français ne fait que poursuivre sur cette lancée.

L’article L. 551-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile offre ainsi à la rétention administrative un nouvel écrin textuel qui conditionne cette mesure au cas où « l’étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque mentionné au 3° du II de l’article L. 511-1« .

Mais ces dispositions étouffent l’écho de la jurisprudence de la Cour de cassation jusqu’à le muer en simple murmure.

Cass. Civ 1ère 24 octobre 2012 Pourvoi n° 11-27956

On notera que le placement en rétention ne peut s’appliquer aux mineurs de treize ans… à moins bien sûr qu’ils n’entrent dans les cas d’exception prévus par l’amendement N°CL51 du 26 juin 2015 qui réaffirme sa vision singulière l’intérêt de l’enfant.

La rédaction revisitée de l’article L. 554-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne fait pas plus de place à la jurisprudence de la Cour de cassation : l’assignation à résidence, sans être exceptionnelle, est une possibilité largement applicable « dans tous les cas, les dispositions de l’article L. 561-2 peuvent être appliquées ». Elle peut prévenir la rétention, lui être substituée ou lui succéder. Et les représentants de l’État pourront y avoir recours si l’éloignement demeure une perspective raisonnable selon certains cas définis.

Cependant, cette mesure doit toujours être motivée et peut désormais couvrir une durée de six mois renouvelable. Son caractère d’alternative à la rétention et d’outil de contrôle le temps nécessaire à l’organisation du départ est renforcé par le projet de loi relatif au droit des étrangers. En effet, si le spectre de l’obstruction volontaire se dessine, le préfet peut solliciter le juge des libertés et de la détention pour l’autoriser à recourir aux services de police et de gendarmerie aux fins d’intervenir au domicile aux étrangers qui se cacheraient derrière l’inviolabilité du domicile pour faire obstacle à l’exécution de la mesure d’éloignement dont ils font l’objet. L’ordonnance du juge des libertés et de la détention n’aurait malgré tout qu’un effet exécutoire de 96 heures.

Au surplus, l’article L. 513-5 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile crée la possibilité de déplacement forcé, par l’intervention des services de police ou les unités de gendarmerie, de l’étranger, assigné à résidence, qui n’aurait pas déféré à une demande de présentation aux autorités consulaires de son pays en vue de la délivrance d’un document de voyage.

Entre la privation de libertés au centre de rétention administrative et la coercition à domicile, la contrainte est présente dans chacune des mesures de mise en œuvre de l’éloignement.

Mais le projet de loi distille tout de même, de ça et là, quelques orientations pour encadrer l’action des préfectures.

Il en est ainsi de la prohibition de l’exécution d’office de l’obligation de quitter le territoire si l’étranger a saisi le juge administratif d’un référé liberté. Le recours au juge et à son contrôle de légalité doit demeurer entier et effectif.

Il en va de même de l’accès des journalistes aux zones d’attente et aux centres de rétentions administratives qui permet à un regard extérieur de se poser sur les conditions de vie dans les lieux privatifs de libertés ne relevant pas de l’administration pénitentiaires.

Il est pourtant difficile de convenir de l’adéquation entre ces dispositifs de contrôle et l’esprit de la Directive « retour » qui invite à « privilégier le retour volontaire par rapport au retour forcé et d’accorder un délai de départ volontaire« .

A l’heure des débats parlementaires, le projet de loi relatif au droit des étrangers en France ne peut être regardé comme une véritable réforme de réglementation en place au regard des solutions législatives proposées.

Les associations regrettent d’ailleurs l’absence de « passerelle entre le titre de séjour pluriannuel et le droit au séjour pérenne » au terme de leur analyse commune du 11 février 2015.

Force est de constater que la lutte contre le séjour irrégulier des étrangers et l’éloignement de ces derniers sont au centre du texte. Il est difficile d’appréhender ce projet de loi sans le regarder comme le complément de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité portant transposition de la Directive « retour ».

Le droit de l’Union européenne engageait alors les États membres à « veiller à ce que, en mettant fin au séjour irrégulier de ressortissants de pays tiers, ils respectent une procédure équitable et transparente« .

Les dispositions forgées dans le contrôle interrogent sur l’équilibre entre les garanties des migrants, candidats au séjour, et la maîtrise d’une immigration « sélectionnée ».

La combinaison du référé liberté avec les différentes procédures concernant l’étranger placé en rétention administrative

Le placement en rétention administrative d’un étranger en séjour irrégulier est une décision relevant de la compétence du représentant de l’État dans le Département.

Toutefois, si la privation de liberté ressort initialement d’un arrêté préfectoral, elle n’exclut pas l’intervention des juridictions judiciaires dans le cadre de la prolongation de cette mesure.

Le contentieux de la rétention s’illustre ainsi par une double compétence du juge civil et du juge administratif qui donne lieu à une succession d’instances devant l’un et l’autre des ordres juridictionnels. Dans leur rôle respectif, le Juge des Libertés et de la Détention est le gardien des libertés individuelles tandis le Juge Administratif assure le contrôle de la légalité des actes.

Mais cette naïve distinction devient plus ténue lorsque les procédures relevant des articles R 552-17 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile et L 521-2 du Code de Justice Administrative sont initiées.

L’arrêt du Conseil d’État du 11 juin 2015 est une parfaite illustration de l’articulation complexe des compétences exclusives et/ ou concurrentes des juges civils et administratifs.

Conseil d’Etat 11 juin 2015 n° 390704

En l’espèce, un ressortissant géorgien a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français du d’assortie d’un placement en rétention administrative par le Préfet des Pyrénées Orientales. Le 13 avril 2015, son recours en annulation à l’encontre de ces décisions a été rejeté par le Tribunal Administratif de MONTPELLIER. Le lendemain, le Juge des Libertés et de la Détention a ordonné la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 20 jours.

Ce délai n’a pas permis d’éloigner l’étranger qui a été prorogé pour 20 jours supplémentaires le 4 mai 2015 par ordonnance du Juge des Libertés et de la Détention. Pour autant la rétention n’a pas permis d’organiser le départ suite à deux refus d’embarquer.

L’étranger a donc été transféré le 14 mai 2015 dans un autre centre. Fort de ce changement de ressort territorial, il a saisi le Juge des Libertés et de la Détention d’une demande de remise en liberté. Le 15 mai 2015, sa requête fondée sur un avis du médecin de l’ARS saisi par l’unité médicale du Centre a, cependant, été rejetée.

Il s’est donc retourné vers le Président du Tribunal Administratif de VERSAILLES qui a fait droit à sa demande le 18 mai 2015 dans le cadre d’un référé liberté.

A l’occasion de l’appel du Ministre de l’intérieur, il convient de revenir sur cette jurisprudence dans laquelle la complexité procédurale s’affiche, portée par l’astuce des avocats et soutenue par les alternatives offertes par le législateur.

– Le principe : La procédure spéciale de l’article L. 512-1 III du CESEDA est exclusive des référés du Titre V du Code de Justice administrative :

Au soutien de son recours en annulation de l’ordonnance du 18 mai 2015, le Ministre de l’intérieur argue de l’irrecevabilité de la requête en référé liberté fondée sur l’article L 521-2 du Code de Justice Administrative.

Cette question de la compatibilité entre la procédure spéciale contre une mesure d’éloignement suite au placement en rétention administrative et celle issue du contentieux administratif général n’est pas nouvelle.

Les juges du Conseil d’État ont pris position successivement sur les dispositions du Code Justice Administrative dont l’application en association à l’article L. 512-1 III du CESEDA posait problème.

Ainsi les principes qui permettent aux présidents de tribunal administratif de rejeter, par ordonnance, des conclusions entachées d’une irrecevabilité manifeste non susceptible d’être couverte en cours d’instance ne sont pas applicables au jugement des requêtes formées contre les mesures d’éloignement.

Conseil d’Etat 23 septembre 1992 n° 132388

De même, les recours dirigés contre les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière doivent être regardés comme exclus du champ d’application des dispositions de l’article R. 153-1 du Code de Justice Administrative s’appliquant à la communication aux parties du moyens relevé d’office.

Conseil d’Etat 6 juillet 1994 n° 159288

Le législateur a également entendu exclure l’application les dispositions selon lesquelles les décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 ne peuvent légalement intervenir qu’après que l’intéressé a été mis à même de présenter des observations écrites ou orales.

Conseil d’Etat 14 mars 2001 n° 208923

Le caractère exclusif de la procédure spéciale de l’article L. 512-1 III du CESEDA a donc déjà balayé nombres de principes du contentieux administratif. Il trouve ici à s’appliquer aux procédures de référé dans leur ensemble.

Le Conseil d’état avait déjà exclu la possibilité d’exercer un référé suspension à l’encontre d’un arrêté décidant la reconduite à la frontière d’un étranger, la spécificité procédurale liée à cette mesure d’éloignement se traduisant par le caractère non exécutoire de arrêté pendant le délai de recours ouvert à son encontre.

Conseil d’Etat 26 janvier 2001 n° 229565

Dans l’arrêt du 11 juin 2015, il attache au référé liberté cette même exclusion et l’applique à l’ensemble des procédures fondées sur le Titre V du Code de Justice administrative.

Là encore, cette solution n’est ni innovante, ni surprenante : l’intervention du juge des référés dans le cas où les mesures par lesquelles il est procédé à l’exécution d’une mesure d’éloignement comportent des effets qui, en raison de changements dans les circonstances de droit ou de fait depuis l’intervention de cet arrêté, excèdent le cadre qu’implique normalement sa mise à exécution se combine avec le mécanisme particulier de l’article L. 512-1 III du CESEDA.

Conseil d’Etat 14 janvier 2005 n° 276123

– L’exception : Les effets de l’exécution de la mesure d’éloignement excédant ceux qui s’attachent normalement à sa mise à exécution en raison de changements dans les circonstances de droit ou de fait :

Comme en toute chose, le principe connait une exception tenant non pas à la légalité de la mesure d’éloignement ou au placement en rétention administrative mais aux effets manifestement excessifs de l’éloignement.

Ainsi la mise à exécution d’une obligation de quitter le territoire français est envisagée dans toutes ses conséquences envers le migrant et ouvre droit à une voie de recours supplémentaire en dehors des cas des articles L. 512-1 III et L 552-1 et suivants du CESEDA.

L’office du Tribunal Administratif relève, en effet, du contrôle de légalité au fond de la mesure d’éloignement et de ses corollaires. L’intervention du Juge des Libertés et de la Détention est cantonné, quant à lui, à la prolongation de rétention administratif et à son interruption en présence de circonstances nouvelles de fait ou de droit.

Dans le cadre du référé liberté, le juge de l’urgence a compétence pour prendre les mesures nécessaires à la sauvegarde des libertés fondamentales concernant l’exécution de la décision de retour.

La combinaison de ces différentes procédures ne peut dès lors être envisagée que dans le schéma temporel présenté par l’ordonnance du 11 juin 2015 qui se déroule au fils des étapes successives.

La compétence exclusive du Juge des Libertés et de la Détention pour mettre fin au placement en rétention en dehors des effets de l’exécution de la mesure d’éloignement est strictement affirmée par le Conseil d’État.

Conseil d’État 15 avril 2016 n°398550

L’avis du médecin de l’Agence Régionale de Santé est donc une circonstance nouvelle de fait et de droit retenant l’attention du juge administratif des référés et propre à changer la donne.

Alerté par l’unité médicale du Centre de Rétention Administrative, le MARS a le 4 mai 2015 estimé dans l’espèce que l’état de santé de l’étranger imposait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entrainer des conséquences d’une exceptionnelle gravité et que le traitement approprié qui devait être poursuivi pendant un an, n’existait pas dans le pays d’origine.

C’est cet avis qui a permis au Juge des Référés de se saisir de cette situation où les modalités selon lesquelles il est procédé à l’exécution d’une telle mesure relative à l’éloignement forcé d’un étranger emportent des effets qui, en raison de changements dans les circonstances de droit ou de fait survenus depuis l’intervention de cette mesure et après que le juge, saisi sur le fondement de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, a statué ou que le délai prévu pour le saisir a expiré, excèdent ceux qui s’attachent normalement à sa mise à exécution.

Pourtant, il n’avait pas réussi à convaincre le Juge des Libertés et de la Détention dont l’appréciation de cette circonstance grave semble différer. Si cet élément nouveau oblige de représentant de l’État à procéder à un réexamen de la situation du migrant, il n’a pas permis de faire cesser la rétention administrative.

Il est curieux de considérer que la mise à exécution de la mesure d’éloignement susceptible d’intervenir à tout moment et portant une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté personnelle de l’étranger du fait de ses conséquences d’une exceptionnelle gravité sur son état de santé, est sans effet sur une décision de privation de liberté.

Cette divergence d’analyses témoigne de la réelle difficulté pour le juge civil d’entendre que le placement en rétention administrative doit rester une mesure exceptionnelle reposant sur des circonstances particulières conformément aux principes issus de la directive dite « retour ».

Rappelons qu’il y a un an, la Cour de Justice de l’Union Européenne avait clairement affirmé que l’article 15, paragraphes 3 et 6, de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens que le contrôle que doit effectuer l’autorité judiciaire saisie d’une demande de prolongation de la rétention d’un ressortissant d’un pays tiers doit permettre à cette autorité de statuer sur le fond, au cas par cas, sur la prolongation de la rétention du ressortissant concerné, sur la possibilité de substituer à la rétention une mesure moins coercitive ou sur la remise en liberté de ce ressortissant, ladite autorité étant ainsi compétente pour se fonder sur les faits et les preuves produits par l’autorité administrative l’ayant saisie ainsi que sur les faits, les preuves et les observations qui lui sont éventuellement soumis lors de cette procédure.

CJUE -3ème chbre 5 juin 2014 Affaire C 146/14 PPU

Cette jurisprudence qui pose le principe d’un réexamen des conditions de fond ayant servi de fondement à la rétention initiale du ressortissant, n’a pas porté ses fruits.

De la rétroactivité de la loi pénale plus douce appliquée au délit de séjour irrégulier

Il y a deux ans, le législateur palliait l’impossibilité de placer en garde à vue un étranger susceptible d’avoir commis l’infraction de séjour irrégulier en adoptant la Loi du 31 décembre 2012.

La retenue pour vérification du droit au séjour trouvait sa place dans le CESEDA à l’article L 611-1-1 un peu à l’écart des mesures coercitives du Code de Procédure Pénale.

L’avènement de la retenue ne doit pas faire oublier que la loi n°2012-1560 a également modifié le régime des infractions liées au séjour irrégulier des étrangers qu’il s’agisse d’aide, d’entrée ou d’obstruction à l’éloignement.

La rédaction de l’article L 624-1 du CESEDA a tenté de s’adapter aux impératifs la directive « retour » 2008/115/CE du 16 décembre 2008 qui doit être interprétée dans le sens qu’elle s’oppose à la répression par les États membres du séjour irrégulier par des sanctions pénales d’un ressortissant d’un pays tiers qui, tout en séjournant irrégulièrement sur le territoire dudit État membre et n’étant pas disposé à quitter ce territoire volontairement, n’a pas été soumis aux mesures coercitives visées à l’article 8 de cette directive et n’a pas, en cas de placement en rétention en vue de la préparation et de la réalisation de son éloignement, vu expirer la durée maximale de cette rétention.

C’est dans cet esprit que les juges de la Chambre Criminelle ont annulé un arrêt de la Cour d’Appel de LYON du 30 août 2013 condamnant un étranger en situation irrégulière à une peine d’un an d’emprisonnement et cinq ans d’interdiction du territoire français pour soustraction à l’exécution d’une mesure de reconduite à la frontière en récidive.

Cass. Crim. 1er avril 2015 Pourvoi n° 13-86418

Le 13 mars 2012, le Préfet du GARD a pris à l’encontre du prévenu obligation de quitter le territoire national. Quelques mois plus tard, l’étranger était condamné pour soustraction à une mesure d’exécution par décision du 7 septembre 2012. Sous le coup de la mesure d’éloignement précitée, il avait refusé d’embarquer à bord d’un avion en partance pour l’étranger.

A sa sortie de la maison d’arrêt le 24 octobre 2012, l’étranger s’est vu notifié un arrêté de rétention administrative pris par le Préfet du RHÔNE. La mesure privative de liberté succédait immédiatement à l’exécution de la condamnation pénale.

Mais moins de 3 heures après le placement, l’étranger était conduit à l’embarquement et s’opposait avec force à son éloignement.

La tentative avortée de reconduite est intervenue avant l’expiration du délai de recours de 48 heures contre l’arrêté de placement en rétention administrative, sans que l’étranger puisse user de ce droit.

Poursuivi une nouvelle fois pour soustraction à une mesure d’exécution de l’obligation de quitter le territoire français, l’étranger est condamné par la Cour d’Appel de LYON en état de récidive légale.

L’arrêt de la Cour de Cassation de 1er avril 2015 ouvre une discussion sur la force normative de la directive « retour » 2008/115/CE du 16 décembre 2008 conjugué au principe issu du droit interne de la rétroactivité de la loi pénale plus douce.

De l’application dans le temps de la loi pénale plus douce :

La rétroactivité de la loi pénale plus douce dérive du principe de nécessité des peines garanti par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Au terme d’un arrêt du 20 janvier 1981, les sages de la République ont reconnu la valeur constitutionnelle de ce principe lors de l’examen de la Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes soumise à leur contrôle.

Conseil Constitutionnel 20 janvier 1981, no 80-127 DC

Aussi l’article 112-1 du Code Pénal précise-t-il que « les dispositions nouvelles s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ».

On doit à la procédure de question prioritaire de constitutionnalité d’avoir rappelé que le fait de ne pas appliquer aux infractions commises sous l’empire de la loi ancienne la loi pénale nouvelle, plus douce, revient à permettre au juge de prononcer les peines prévues par la loi ancienne et qui, selon l’appréciation même du législateur, ne sont plus nécessaires.

Conseil Constitutionnel 3 décembre 2010, n° 2010-74 QPC

L’application de ce principe de clémence collective n’est donc ni poussiéreux, ni légendaire dans le temps judiciaire.

La Cour de Cassation l’a appliqué tout naturellement au délit de soustraction à une mesure d’exécution d’une obligation de quitter le territoire français modifié par la Loi n°2012-1560 du 31 décembre 2012.

La Cour d’Appel de Lyon ne s’était pas saisi de cette rétroactivité du texte d’incrimination devant « la volonté délibérée et persistante de l’intéressé de se maintenir sur le territoire français » malgré la décision d’éloignement prise par un arrêté du préfet du Gard le 13 mars 2012.

Pourtant la rédaction nouvelle de l’article L 624-1 du CESEDA incriminant le fait pour tout étranger qui, faisant l’objet d’une mesure d’éloignement s’est maintenu irrégulièrement sur le territoire français sans motif légitime, après avoir fait l’objet d’une mesure régulière de placement en rétention ou d’assignation à résidence ayant pris fin sans qu’il ait pu être procédé à son éloignement devait bénéficier au prévenu.

Le délit ne pouvait dès lors être constitué en tous ses éléments avant que le délai maximal de la rétention administrative ne soit expiré, à savoir quarante cinq jours.

Les juges de la Haute Cour ne s’y sont pas trompé et ont sanctionné par la même un usage de l’article L 551-1 du CESEDA sans considération des impératifs de nécessité et proportionnalité imposés par la législation européenne.

La tentative d’éloignement étant intervenue quelques heures après la sortie de maison d’arrêt, il n’y avait pas lieu à maintien au Centre de Rétention de l’étranger « pour le temps strictement nécessaire à son départ ».

De la Conformité du raisonnement aux principes issus de la directive retour :

L’arrêt du 1er avril 2015 démontre –si besoin était- à quel point le juge français peine à intégrer la législation européenne dans son appréciation. Dire le droit relève désormais du calcul d’une aire hexagonale dans une géométrie Schengen.

L’interprétation des dispositions de la Directive « retour » est donc régulièrement à l’origine d’interrogations sur sa compatibilité avec le droit interne en matière de rétention administrative et d’infractions à la législation des étrangers.

C’est ainsi qu’en 2012, la Cour de Cassation a admis que cette directive s’oppose à une réglementation nationale réprimant le séjour irrégulier par une peine d’emprisonnement.

Cass. Crim. Avis n° 9002 du 5 juin 2012

Cass. Civ 1ère 5 juillet 2012 Pourvoi n°11-30371

Cass. Civ 1ère 5 juillet 2012 Pourvoi n°11-19250

Cass. Civ 1ère 5 juillet 2012 Pourvoi n°11-30530

Le 28 janvier 2015, la même directive a conduit les juges de cassation à saisir la Cour de Justice de l’Union Européenne d’une question préjudicielle portant sur l’article L 621-2 du CESEDA réprimant l’infraction d’entrée irrégulière.

Cass. Civ. 1ère 28 janvier 2015 Pourvoi n°13-28349

En l’espèce, les juges de la haute Cour retiennent qu’un étranger ayant fait l’objet d’un placement en rétention administrative ou d’une assignation à résidence ne peut être poursuivi du chef de soustraction à l’exécution d’une décision de reconduite à la frontière que si ces mesures administratives ont pris fin sans qu’il ait été procédé à son éloignement après avoir posé dans son analyse le principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce.

L’infraction de soustraction à l’exécution d’une mesure d’éloignement et l’état de récidive légale qui l’accompagne sont donc écartés.

On ne manquera pas de noter que deux articles du texte du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008, les articles 8 et 15 se trouvent au cœur des différents pourvois évoqués.

Seules les dispositions s’appliquant aux mesures privatives de liberté telles que la garde à vue, la rétention administrative ou l’emprisonnement délictuel sont en cause. Seules les terminologies de « nécessaires », « suffisantes » et « moins coercitives » propres à ces mesure sont d’interprétation délicate. Seul l’encadrement des restrictions à la liberté d’aller et de venir prête semble donc à discussion…

Les Lois n°2011-672 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité du 16 juin 2011 et n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour suscitent donc de nombreux développements.

Certains diront que la transposition indélicate de la directive « retour » en droit interne est à l’origine. D’autres penseront que les arrêts récents de la Cour de Justice de l’Union Européenne démontrent les difficulté d’adaptation d’un texte commun dans des systèmes juridiques différents.

Sans doute faut-il voir une évolution dans la pratique des juges de l’ordre judiciaire qui se désinvestissent du contentieux des migrants au profit des Tribunaux administratifs. Depuis trois ans, l’intervention du juge administratif préalablement au juge judiciaire dans le contentieux de la rétention administrative a changé le paysage jurisprudentiel.

Le gardien des libertés individuelles redessine son rôle dans la subsidiarité du juge de la légalité.
Pourtant, c’est bien dans une conception inverse que la directive « retour » le place : dans l’arrêt du 5 juin 2014, la Cour de Justice de l’Union Européenne relève, en effet, que le contrôle portant sur la nécessité et la proportionnalité s’applique non seulement au placement en rétention administrative mais également à sa prolongation.

CJUE -3ème chbre 5 juin 2014 Affaire C 146/14 PP

Les juges de cassation n’ont donc pas fini de se prononcer sur le cadre légal des mesures privatives de liberté intéressant le droit des étrangers.

D’autant qu’au-delà de la rétroactivité de la loi pénale plus douce, la protection de l’exercice d’une voie de recours s’est insidieusement invité dans l’arrêt du 1er avril 2015, la Cour d’Appel de Lyon ayant relevé que ni le recours contre al décision de placement en rétention, ni le délai pour l’exercer ne pouvaient suspendre l’exécution de la mesure d’éloignement.

La coïncidence veut que c’est le jour où les juges de cassation ont rendu leur arrêt que le Décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 modifiant les pratiques judiciaires et conditionnant la saisine des juridictions civiles à l’accomplissement de diligences préalables en vue de parvenir à une résolution amiable du litige est entré en vigueur.

Sauf justification d’un motif légitime tenant à l’urgence ou à la matière considérée, l’exercice d’un recours contentieux se voit désormais encadrer par un préliminaire de discussions qui tend à limiter l’accès au juge.

Le droit d’ester en justice demeure, cependant, une liberté fondamentale garantie par la Déclaration des Droits l’Homme et du Citoyen et consacrée par le Conseil Constitutionnel au terme de sa décision du 25 juillet 1989.

Conseil Constitutionnel 25 juillet 1989 – Décision N° 89-257 DC

Forte de ce principe, la Cour de Cassation ne manque pas de rappeler régulièrement que l’exercice d’une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue donc un droit qui ne dégénère en abus que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.

Cass. Civ. 2ème 11 janvier 1973 Pourvoi n° 71-12446

Cass. Civ. 3ème 10 octobre 2012 Pourvoi n° 11-15473

Cass. Civ. 1ère 24 avril 2013 Pourvoi n° 11-26597

C’est dans cet esprit que les juges de la Chambre Criminelle ont annulé un arrêt de la Cour d’Appel de LYON du 30 août 2013.

Cass. Crim. 1er avril 2015 Pourvoi n° 13-86418

De l’effet du recours formé par le demandeur d’asile contre l’arrêté ordonnant sa remise à l’État responsable sur la computation du délai de transfert de six mois

L’actualité législative de ces derniers mois a été fortement marquée par l’adoption en première lecture par l’Assemblée Nationale du projet de loi relatif à l’asile le 16 décembre 2014.

Cette réforme « a pour principal objet de garantir que la France assure pleinement son rôle de terre d’asile en Europe » selon le projet enregistré le 23 juillet 2014.

Elle s’inscrit dans une politique européenne et doit notamment permettre de transposer en droit interne avant le 20 juillet 2015 les directives « accueil » (2013/33/EU) et « procédure » (2013/32/UE) toutes deux adoptées le 26 juin 2013.

Comme à son habitude, le processus d’intégration des normes européennes au droit interne appelle à la vigilance d’une transcription fidèle et aux bons soins par égard au texte d’origine.

L’exercice impose, en effet, de transposer des principes communs aux États membres tout en les adaptant au droit national sans les dénaturer.

Aussi la révision du dispositif actuel suscite-t-elle une forte mobilisation des différents intervenants qui prennent en charge les réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire.

L’enjeu de conformité européenne est avant tout celui des garanties procédurales et des conditions d’accueil des demandeurs d’asile.

Au-delà des directives « accueil » et « procédure », la refonte du droit d’asile passe également par le droit dérivé issue du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dit « Dublin III » remplaçant le règlement (UE) n° 343/2003 du 18 février 2003 dit « Dublin II ».

D’application directe, ce règlement contribue à la coopération entre les pays de l’Union Européenne en établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

Son interprétation et sa mise en œuvre sont l’une et l’autre à l’origine d’un arrêt du 4 mars 2015 rendu par le Conseil d’État.

L’espèce marquée par l’intervention de la CIMADE fait suite à la saisine du juge des référés d’une demande d’admission provisoire au séjour consécutive à l’annulation d’une décision de placement en rétention fondée sur un arrêté de remise aux autorités espagnoles.

Au centre de cette jurisprudence, la question de la compétence de l’État responsable de la demande d’asile en cas d’entrée irrégulière est posée ainsi que celle de la computation du délai de transfert après acceptation de la remise par cet État.

1/ La détermination de la compétence de l’État responsable de l’examen de la demande d’asile en cas d’entrée irrégulière :

Le droit d’asile est admis au nombre des principes à valeur constitutionnelle, la protection de « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté » étant affirmé sans détours par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel renvoie le préambule de la Constitution de 1958.

Conseil Constitutionnel n°92-307 du 25 février 1992

L’article L 711-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile met en œuvre cet asile dit « constitutionnel » fondé sur l’impérieuse nécessité de se substituer à la protection de l’État dont le demandeur a la nationalité lorsqu’elle est défaillante.

La France ne peut, cependant, reconnaitre sa compétence sans vérifier que le droit dérivé ne renvoie l’examen de la demande d’asile à aucun autre pays de l’Union Européenne.

Ainsi depuis l’entrée en vigueur de la Convention de Dublin du 15 juin 1990, le mécanisme de détermination de l’État responsable de l’examen d’une demande de protection internationale est parfaitement rôdé.

L’adoption le 26 juin 2013 par le Parlement Européen et le Conseil du règlement (UE) n°604/2013, dit « Dublin III » n’a pas bouleversé les pratiques acquises : le principe général est demeuré identique ainsi que les critères de détermination de l’État responsable.

En matière d’entrée ou de séjour irrégulier de ressortissant d’un pays tiers, l’Union Européenne a souhaité responsabiliser l’État membre à l’origine de son intrusion et/ou de son installation en lui conférant la charge de l’instruction de la demande d’asile.
L’article 13 du règlement « Dublin III » prévoit donc que l’État qui a laissé pénétrer un étranger, par voie terrestre, maritime ou aérienne, sur son territoire est responsable de l’examen de sa demande de protection internationale.

Cependant, sa responsabilité prend fin douze mois après la date de franchissement irrégulier de la frontière de cet État.

Dans l’attente de la réponse de l’État requis, le demandeur d’asile n’est pas admis au séjour et est placé sous convocation « Dublin » qui ne vaut pas autorisation de séjour.

Sa présence sur le territoire relève de la tolérance, sa situation administrative est incertaine, son accueil future est soumis à la procédure de détermination de l’État responsable.

C’est ce que l’arrêt du 4 mars 2015 rendu par le Conseil d’État met en évidence par la mention du renouvellement des convocations du demandeur entre 2014 et 2015.

Mais comme les juges de la Haute Juridiction ne manquent pas de rappeler, la détermination de l’État responsable « s’effectue une fois pour toutes à l’occasion de la première demande d’asile, au vu de la situation prévalant à cette date ».

Au regard de l’article 7 du règlement « Dublin III », l’Espagne s’est vu reconnaitre la compétence de l’instruction de la demande à compter du 28 novembre 2013 durant une période de 12 mois.

En donnant leur accord à la réadmission le 4 juin 2014, les autorités espagnoles ont donc fait une application stricte des critères de responsabilité.

2/ La computation du délai de transfert de 6 mois après acceptation de la remise :

Le règlement (UE) n°604/2013, dit « Dublin III » a maintenu la condition de transfert dans un délai de six mois à compter de l’acceptation implicite ou explicite de l’État requis pour la prise en charge de l’examen de la demande d’asile.

Au delà de six mois, l’État requis est libéré de son obligation de prise en charge ou de reprise en charge et la responsabilité est transférée à l’État requérant.

Si le point de départ du délai fixé par l’article 29 du règlement est sans ambigüité, sa computation est aménagée en fonction du droit national et des voies de recours ouvertes à l’encontre de la mesure d’éloignement et des décisions d’exécution de celle-ci.

A la suite de son refus de titre du 17 juin 2014, le ressortissant guinéen a fait l’objet d’un placement en rétention administrative le 28 octobre 2014 pour exécution de la décision de remise aux autorités espagnoles.

Le jugement du 30 octobre 2014 a, cependant, été frappé d’appel par le Préfet de Haute-Garonne.

L’article 27 du règlement « Dublin III » prévoit que « le recours ou la révision confère à la personne concernée le droit de rester dans l’État membre concerné en attendant l’issue de son recours ou de sa demande de révision ».

On retrouve cet effet suspensif du recours contre la décision de transfert dans les dispositions de l’article L 512-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile.

Celui-ci agit nécessairement sur la date de computation du délai de six mois de mise en œuvre du transfert après acceptation de la réadmission.

Cette problématique n’est pas nouvelle puisque la Cour de Justice de la Communauté Européenne a déjà eu à en connaitre dans le cadre du le règlement « Dublin II ».

Dans un arrêt Petrossian du 29 janvier 2009, elle a ainsi précisé que le règlement « Dublin II » devait être interprété en ce sens que, lorsque la législation de l’État membre requérant prévoit l’effet suspensif d’un recours, le délai d’exécution du transfert court, non pas déjà à compter de la décision juridictionnelle provisoire suspendant la mise en œuvre de la procédure de transfert, mais seulement à compter de la décision juridictionnelle qui statue sur le bien-fondé de la procédure et qui n’est plus susceptible de faire obstacle à cette mise en œuvre.

CJCE, 29 janvier 2009, affaire C-19/08

Le Conseil d’État distingue donc deux situations selon l’issue de la procédure de première instance suivant recours suspensif et l’intervention d’un appel :

– Si le recours est rejeté par le premier juge, le délai court à compter du jugement : la mesure de transfert est à nouveau susceptible d’exécution,
– Si la mesure de transfert est annulée par le premier juge et qu’un appel est interjeté, le délai court à compter, le cas échéant, de l’intervention de la décision juridictionnelle infirmant cette annulation.

Le point de départ du délai de six mois peut donc être fixé à la date du prononcé de l’arrêt définitif ayant autorité de la force jugée malgré l’absence d’effet suspensif de l’appel.

Cette appréciation du Conseil d’État place dans une situation d’incertitude l’étranger qui forme son recours contre son placement en rétention administrative.

Si l’issue de la première instance est déterminante sur l’éventualité du transfert, l’appel l’est tout autant sur la computation de son délai d’exécution.

En pratique, la durée de l’instruction de l’appel interjeté par le préfet et les priorités d’audiencement variables d’une juridiction d’appel à l’autre forcent l’étranger à maintenir son souffle plus que de raison.

La seule limite à cette attente ressort de l’article 29 du règlement « Dublin III » puisque le délai de transfert ne peut dépasser un an au maximum s’il n’a pas pu être procédé au transfert.

Bien sûr, comme le souligne le Conseil d’État, il est « loisible » au représentant de l’État de reprendre une nouvelle mesure de transfert.

Dans le cas d’un appel du préfet, on comprend mal quel serait l’intérêt d’une telle démarche qui le contraindrait à intervenir dans un délai de six mois à compter l’accord de reprise en charge.

Le renouvellement du titre de séjour du conjoint de français, victime de violences conjugales

Depuis quelques années, la lutte contre les violences physiques, psychiques et/ou sexuelles au sein du couple est devenue une priorité familiale autant qu’un enjeu social.

Aussi, les derniers chiffres présentés par la Délégation aux victimes du ministère de l’intérieur dans son étude annuelle résonnent très lourdement.

En 2013, 121 femmes et 25 hommes sont décédés, victimes de leurs compagnons ou ex-compagnons.

Sur les 146 faits qualifiés d’homicides, assassinats ou violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, le rapport dénombre 14 auteurs et 12 victimes de nationalité étrangère.

Face à cette effroyable réalité, le législateur a déclaré la guerre aux violences au sein du couple : il s’est armé de répression pénale et a développé une stratégie d’accompagnement des victimes.

Dans ce cadre, la problématique du droit séjour n’a pas été oubliée, l’extranéité de la victime pouvant renforcer encore sa vulnérabilité.

C’est ainsi que l’article L 313-12 du CESEDA récemment modifié par la Loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes dispose :

« Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l’article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n’ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l’étranger a subi des violences conjugales de la part de son conjoint et que la communauté de vie a été rompue, l’autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l’étranger et peut en accorder le renouvellement. En cas de violence commise après l’arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention  » vie privée et familiale ».

Il convient de rappeler que les ressortissants étrangers mariés à des conjoints français sont bénéficiaires de plein droit d’une carte de séjour temporaire portant mention « vie privée et familiale » sous réserves de remplir les conditions d’admission.

Mais lorsque la violence s’installe dans le couple, la séparation est inévitable même si le lien matrimonial persiste.

Cette situation de fait n’est alors plus en adéquation avec le statut juridique d’époux et la communauté de vie qu’il implique.

Or, le renouvellement de la carte de séjour de plein droit au conjoint de français est conditionné au maintien de la vie commune.

Cependant, l’article L 313-12 du CESEDA offre la possibilité à l’étranger d’être renouvelé dans son droit au séjour si l’absence de communauté de vie entre les époux est consécutive à des violences conjugales avérées.

Ce renouvellement n’a, pour autant, qu’un caractère facultatif et est apprécié par le Préfet à l’issue d’une analyse précise de la situation personnelle de l’étranger.

Dans un arrêt du 29 juin 2005, le Conseil d’État a ainsi souligné que l’article L. 313-12 du CESEDA (ancien) n’emportait pas renouvellement de plein droit du titre de séjour d’un étranger qui a rompu, en raison des violences conjugales qu’il a subies, la communauté de vie qui l’unissait à son conjoint français.

Conseil d’Etat 29 juin 2005 Requête n° 268896

L’instruction NOR IOCL1124524C du 9 septembre 2011 relative au droit au séjour des personnes victimes de violences conjugales et à la mise en œuvre des articles L. 313-12, L. 316-3 et L. 431-2 CESEDA rappelle encore que le pouvoir d’appréciation du Préfet reste « entier » dans ce contexte.

Aucun droit au renouvellement n’est donc acquis au conjoint victime.

Pour autant, les Juges de la haute juridiction administrative sont venus apporter une précision essentielle dans ce contentieux placé « sous l’entier contrôle du juge de l’excès de pouvoir ».

Ils mettent en évidence l’importance à l’appréciation de la situation personnelle de l’étranger victime en demande de renouvellement et notamment du « délai qui s’est écoulé depuis la cessation de la vie commune et des conséquences qui peuvent encore résulter, à cette date, des violences subies ».

Conseil d’État 26 septembre 2014 Requête n° 366041

Il ressort de leur analyse que le renouvellement du titre de séjour ne saurait dès lors être subordonné à la condition que les violences se soient poursuivies après la rupture de la communauté de vie.

Etude_nationale_sur_les_morts_violentes_au_sein_du_couple_-_2013_-_principaux_enseignements_MIPROF