Le 26/06/13
Chaque jour, nous évoluons dans une société où le commerce semble faire loi au détriment parfois de valeurs dévalorisées.
Il est un domaine cependant où l’ordre public et les bonnes moeurs ont su se préserver une place reconnue et stable, celui du droit.
Comme précédemment évoqué dans ces pages, la validité des contrats prévues à l’article 1108 du Code Civil s’analysent au regard des quatre conditions essentielles lors de la conclusion de la convention :
– Le consentement libre et éclairé de la partie/les parties,
– La capacité de contracter,
– L’objet certain déterminé/ déterminable des engagements,
– La cause licite dans l’obligation.
Dans un arrêt du 25 juin dernier, les juges de la Cour de Cassation ont récemment souligné l’importance de l’objet d’un contrat et sa qualité au regard de la moralité:
« Attendu que pour rejeter cette demande, l’arrêt, après avoir constaté que le fichier de clientèle tenu par la société Bout-Chard qui aurait dû être déclaré à la Commission nationale informatique et libertés (la CNIL) ne l’avait pas été, retient que la loi n’a pas prévu que l’absence d’une telle déclaration soit sanctionnée par la nullité ;
Attendu qu’en statuant ainsi, alors que tout fichier informatisé contenant des données à caractère personnel doit faire l’objet d’une déclaration auprès de la CNIL et que la vente par la société Bout-Chard d’un tel fichier qui, n’ayant pas été déclaré, n’était pas dans le commerce, avait un objet illicite, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Cass. Com. 25 juin 2013 Pourvoi n°12-17037
Ces quelques phrases d’analyse qui se portent sur la cession de fichiers de clientèle, permet de revenir sur une notion fondamentale du droit des obligations.
Un objet vicieux non vicié :
Depuis l’empire napoléonien, les dispositions du Code Civil imposent que l’objet de l’obligation ou du contrat soit licite et conforme à l’ordre public et aux bonnes moeurs.
C’est ainsi que l’article 1128 dudit code souligne avec fermeté qu’« il n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet des conventions ».
Cette condition de conformité et de moralité de l’objet trouve à s’illustrer dans les domaines relevant des éléments de la personnalité, de l’intégrité physique et de la dignité humaine.
Tel est le cas de la gestation pour autrui par l’intermédiaire de mères porteuses.
En 1991, les juges de la Cour Suprême ont ainsi fermement affirmé qu’une convention, par laquelle une femme s’engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l’abandonner à sa naissance, contrevenait aux principes d’ordre public de l’indisponibilité du corps humain et de l’état des personnes.
Cass. Ass. Plén. 31 mai 1991 Pourvoi n° 90-20105
A la suite, la Loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain s’est enrichi et a intégré dans le Code Civil l’article 16-5 selon lequel « les conventions ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits sont nulles ».
Il en va de même du respect du aux défunts et à leur dernière demeure.
Se trouvent donc hors du commerce le droit réel immobilier dont bénéficie le concessionnaire d’une sépulture qui s’étend au monument funéraire et à son droit d’usage.
Cass. Civ. 1ère 13 mai 1980 Pourvoi n° 78-15405
De la commercialité de l’objet à la validité du contrat :
Le caractère illicite ou immoral de l’objet de l’obligation ou du contrat rend celui-ci impropre à tout commerce.
Le droit ne saurait, en effet, reconnaitre une valeur juridique aux conventions portant sur la commission d’un vol ou la vente d’une bombe atomique.
La protection de l’ordre de public est un impératif qui dépasse les enjeux du commerce et les intérêts mercantiles.
Aussi la seule sanction applicable est la nullité du contrat censé ne jamais avoir existé par l’effet de la rétroactivité.
C’est ainsi que les juges de la Cour de Cassation ont invalidé le contrat de vente d’un fichier de clientèle non déclaré auprès de la CNIL et méconnu de cet organisme.
Le contenu de ce fichier avait échappé au contrôle du gendarme informatique sur le respect de la protection des données personnelles.
Son élaboration contrevenait à l’article 22 de la Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés disposant:
« les traitements automatisés de données à caractère personnel font l’objet d’une déclaration auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ».
De ce fait, le fichier ne pouvait être commercialisé par la société créatrice à une autre société utilisatrice.
C’est donc par une censure ferme que l’objet de la cession a été déclaré illicite.