L’assignation à résidence ordonnée par le Juge des Libertés et de la Détention : de l’exception au principe?

Le 05/11/12

Qu’il s’agisse de naturalisation, d’interdiction du territoire français à titre de peine complémentaire ou d’arrêté portant obligation de quitter le territoire, chaque domaine du Droit des étrangers donne lieu à un contentieux complexe.

Aussi le juge civil, le juge administratif et le juge pénal sont- ils amenés à se partager la compétence des différents litiges.

Comme cela a été évoqué précédemment dans ces pages, le Tribunal Administratif et le Juge des Libertés et de la Détention connaissent chacun à leur tour de la décision de maintien en rétention administrative :

– L’un suite au recours en annulation du retenu,

– L’autre saisi sur requête du Préfet en prolongation de la mesure.

Dans ce cadre vient se poser régulièrement la question de la nécessité de la privation de liberté et du placement au CRA.

Il existe en effet une alternative à celle-ci applicable aux étrangers faisant l’objet d’une décision d’éloignement : l’assignation à résidence.

L’article L 552-4 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile dispose ainsi :

« A titre exceptionnel , le juge peut ordonner l’assignation à résidence de l’étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives, après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d’un récépissé valant justification de l’identité et sur lequel est portée la mention de la mesure d’éloignement en instance d’exécution. L’assignation à résidence concernant un étranger qui s’est préalablement soustrait à l’exécution d’une obligation de quitter le territoire français en vigueur, d’une interdiction de retour sur le territoire français en vigueur, d’une mesure de reconduite à la frontière en vigueur, d’une interdiction du territoire dont il n’a pas été relevé, ou d’une mesure d’expulsion en vigueur doit faire l’objet d’une motivation spéciale ».

Les conditions légales permettant à l’étranger de demander à être assigné à résidence afin d’éviter la prolongation de sa rétention dans l’attente de l’organisation de son départ sont les suivantes :

– La remise préalable aux autorités de police ou de gendarmerie d’un passeport non falsifié en cours de validité ou de tout document d’identité équivalent,

– L’existence de garanties de représentation effectives et suffisantes.

Ces deux exigences doivent permettre de contrôler l’étranger en dehors du Centre Rétention et de s’assurer qu’il ne se soustraira pas à son obligation de quitter le territoire.

A l’identique de la rétention administrative, l’assignation à résidence est donc une mesure provisoire applicable dans l’attente de l’organisation du départ.

Dans ces circonstances, elle peut être assortie d’une obligation de se présenter au Commissariat/ à la Gendarmerie le plus proche une ou plusieurs fois par semaine pendant toute sa durée.

Bien sûr il appartient aux juges du fond d’apprécier souverainement les garanties de représentation au cas par cas, selon la situation de chaque étranger avant d’ordonner cette mesure.

Ils doivent, en effet, vérifier la réalité des garanties de nature à éviter que l’étranger se soustraie à la décision d’éloignement afin que celle-ci puisse être exécutée par l’autorité administrative.

Dans leur analyse, ils vont notamment prendre en considération :

– la régularité et le cadre du domicile personnel de l’étranger,

– la qualité et les liens avec le garant en cas d’accueil par un tiers,

– l’absence d’opposition à la mesure d’éloignement,

– les risques de fuite avant le départ,

– et le cas échéant l’existence de précédentes mesures d’éloignement.

Jusqu’à présent, l’assignation à résidence ordonnée par le Juge des Libertés et de la Détention revêtait un caractère exceptionnel.

Mais la Cour de Cassation a modifié cette conception au visa de la législation européenne dans un arrêt du 24 octobre 2012 en précisant :

« qu’il résulte de la combinaison des paragraphes 1, 4 et 5 de l’article 15 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 du Parlement européen et du Conseil, qui est d’effet direct, que l’assignation à résidence ne peut jamais revêtir un caractère exceptionnel, le premier président a violé le texte susvisé ».

Cass. Civ 1ère 24 octobre 2012 Pourvoi n° 11-27956 

La Haute Juridiction est donc revenue sur sa précédente jurisprudence au terme de laquelle, conformément à L’article L 552-4 du CESEDA, l’assignation à résidence en alternative au placement en rétention administrative devait rester une mesure exceptionnelle reposant sur des circonstances particulières.

Or, la Directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier en dispose autrement.

Dans son article 15, le texte européen précise ainsi :

« 1. À moins que d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives , puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l’éloignement, en particulier lorsque:

a) il existe un risque de fuite, ou

b) le ressortissant concerné d’un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement.

Toute rétention est aussi brève que possible et n’est maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise« .

La Directive ajoute encore :

« 4. Lorsqu’il apparaît qu’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement pour des considérations d’ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1 ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté.

5. La rétention est maintenue aussi longtemps que les conditions énoncées au paragraphe 1 sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Chaque État membre fixe une durée déterminée de rétention, qui ne peut pas dépasser six mois ».

De ce fait, le Juge des Libertés et de la Détention ne saurait désormais ordonner l’assignation à résidence seulement « à titre exceptionnel » alors même que cette mesure est « suffisante, mais moins coercitive » que le prolongement de la rétention administrative.

C’est donc un nouveau principe qui se dégage de la combinaison des législations françaises et européennes.

Du Bruit à l’Hôtel de ville

Le 15/10/12

« Institution pluriséculaire où se reflètent traditions et pratiques religieuses, le mariage est traditionnellement défini comme un acte juridique solennel par lequel l’homme et la femme établissent une union dont la loi civile règle les conditions, les effets et la dissolution ».

Aux échos qui ont filtré sur la toile, tels seraient les mots d’introduction du projet de loi visant à ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe.

La réforme envisagée sera présentée en chuchotement dans le feutré du conseil des ministres le 31 octobre prochain alors qu’au dehors bruissent « les frondeurs ».

En effet, des voix se font entendre parmi les maires de France pour s’opposer à la modification législative et refuser la célébration de mariages d’époux de même sexe.

Je n’ai pas été sans porter attention aux sonorités de cette actualité forte en dissonance et en canon qui interroge sur les fonctions du Maire.

Désigné pour un mandat de six ans renouvelable au suffrage universel direct, le maire est choisi par les habitants de la municipalité au sein de laquelle et pour laquelle il exerce ses fonctions.

Cet élu local a une double casquette défini par les dispositions législatives et règlementaires administratives, pénales et civiles.

Il est à la fois l’organe exécutif de la Commune et un agent de l’Etat.

– En effet, le Maire est un organe de décentralisation puisqu ‘il est placé à la tête d’une collectivité territoriale en qualité notamment d’exécutant des décisions du conseil municipal.

C’est ainsi que l’article L2122-21 du Code général des collectivités territoriales dispose :

« Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l’Etat dans le département, le maire est chargé, d’une manière générale, d’exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier :

1° De conserver et d’administrer les propriétés de la commune et de faire, en conséquence, tous actes conservatoires de ses droits ;

2° De gérer les revenus, de surveiller les établissements communaux et la comptabilité communale ;

3° De préparer et proposer le budget et ordonnancer les dépenses, de les imputer en section d’investissement conformément à chacune des délibérations expresses de l’assemblée pour les dépenses d’équipement afférentes à des biens meubles ne figurant pas sur les listes et d’une valeur inférieure à un seuil fixé par arrêté des ministres en charge des finances et des collectivités locales ;

4° De diriger les travaux communaux ;

5° De pourvoir aux mesures relatives à la voirie communale ;

6° De souscrire les marchés, de passer les baux des biens et les adjudications des travaux communaux dans les formes établies par les lois et règlements ;

7° De passer dans les mêmes formes les actes de vente, échange, partage, acceptation de dons ou legs, acquisition, transaction, lorsque ces actes ont été autorisés conformément aux dispositions du présent code ;

8° De représenter la commune soit en demandant, soit en défendant ;

9° De prendre, à défaut des propriétaires ou des détenteurs du droit de chasse, à ce dûment invités, toutes les mesures nécessaires à la destruction des animaux nuisibles, de requérir, dans les conditions fixées à l’article L. 427-5 du code de l’environnement, les habitants avec armes et chiens propres à la chasse de ces animaux, à l’effet de détruire ces derniers, de surveiller et d’assurer l’exécution des mesures ci-dessus et d’en dresser procès-verbal.

10° De procéder aux enquêtes de recensement ».

– Cependant, le Maire est également agent de l’Etat placé sous l’autorité du préfet comme précisé par les dispositions de l’article L2122-27 du Code général des collectivités territoriales :

« Le maire est chargé, sous l’autorité du représentant de l’Etat dans le département :

1° De la publication et de l’exécution des lois et règlements ;

2° De l’exécution des mesures de sûreté générale ;

3° Des fonctions spéciales qui lui sont attribuées par les lois ».

Dans ce cadre, sa fonction lui donne qualité d’officier de police judiciaire placé sous le contrôle du Procureur de la République.

Selon l’article 14 du Code de Procédure Pénale, il a ainsi la charge « de constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs tant qu’une information n’est pas ouverte».

Mais, sa qualité d’agent de l’Etat lui confère aussi le rôle d’officier d’état civil .

Et le noeud de la fronde se situe dans l’attribution qu’il a reçu des articles 63 et suivants du Code Civil de célébrer le mariage des couples après publication des bans.

Or, l’article L2122-34 du Code général des collectivités territoriales fait du maire un dissident « dans le cas où (..), il refuserait ou négligerait de faire un des actes qui lui sont prescrits par la loi ».

Pour autant, la Loi républicaine ne saurait rester inappliquée car le Préfet viendrait requérir l’agent municipal d’accomplir son office et, le cas échéant, se substituerait à lui.

Que dire alors du cacophonique concert sur le mariage qui est annoncé au sein des mairies de l’Hexagone ?

Il se joue sur un thème en pleine évolution, celui de la Famille telle que chacun la conçoit, la vit et la ressent.

En 1804, les quatre chefs d’orchestre du code civil, Tronchet, Bigot de Préameneu, Portalis et de Maleville avaient une vision du mariage qui était celle de leur époque.

Ils ont donc fait de cet acte, à la fois institution et contrat, celui qui permet d’unir par la Loi un homme et une femme pour vivre en commun et fonder une famille.

Deux cent ans plus tard, la musique a changé et les conceptions ont modifié la partition pour offrir à la société française un autre son sur :

– le couple lié par mariage ou non, homosexuel ou hétérosexuel,

– la filiation qu’elle soit biologique ou adoptive, naturelle ou médicalement assistée.

Et le Droit écrit les notes de la nouvelle musique que l’on fredonne …

Que faire face au harcèlement moral ?

Le 04/10/12

Une fois n’est pas coutume, le blog accueille dans ses pages la publication de Myriam DELONCA, Avocat au Barreau de Lyon . 

 

Je lui confie donc aujourd’hui ma place de rédacteur et la remercie vivement de son éclairage sur le sujet aussi actuel que sensible que celui du harcèlement moral. 

 

Le harcèlement moral se traduit par une dégradation des conditions de travail et une altération de l’état de santé d’un salarié ou d’un stagiaire.

Les syndromes dépressifs, les tentatives de suicide, l’isolement traduisent la souffrance ressentie par la victime : ce sont autant d’indices de son mal-être.

L’objet de cet article n’est d’apporter des connaissances médicales sur le sujet, mais de proposer aux victimes et à leur entourage un rapide guide afin de faire reconnaître leurs droits et leur préjudice.

Depuis 2002, le Code du Travail propose la définition suivante dans son article L1152-1 :

« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Le harcèlement moral est également constitutif d’un délit pénal réprimé par l’article 222-33-2 du Code Pénal :

« Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende ».

C’est sur l’application du Code du Travail que je vous propose de nous concentrer, ses dispositions offrant une protection du salarié et une possibilité d’indemnisation de son préjudice.

Toutefois, compte tenu des particularités de ce sujet, le salarié sera désigné par le terme « victime ».

Comment déceler des faits de harcèlement ? 

Au fils des exemples concrets, certains comportements semblent se répéter chez les personnes victimes de harcèlement : ces dernières appréhendent de se rendre sur leur lieu de travail, multiplient les arrêts maladie, développent des affections somatiques.

Cette situation résulte souvent d’une mauvaise communication au sein de l’entreprise, associée à des objectifs inatteignables, une mise à l’écart, des instructions contradictoires…

Pour autant, cet inventaire à la Prévert ne fait qu’illustrer des faits de harcèlement, chaque situation étant différente et particulière.

Aussi, afin de rapporter la preuve des agissements, il est essentiel de se rapprocher du médecin traitant et de la médecine du travail.

De plus, au sein des établissements qui disposent d’au moins 50 salariés (pendant 12 mois consécutifs ou trois années précédentes) un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) est présent.

Ce comité pourra être également alerté sur les conditions de travail au même titre que les délégués du personnel qui pourront être consultés par la victime.

Dans les cas les plus graves conduisant à un suivi par un psychologue ou un psychiatre, une attestation circonstanciée de ces praticiens décrivant les liens existant entre les conditions de travail et l’état de santé de la victime pourra constituer un atout majeur dans la reconnaissance du harcèlement moral.

En outre, des attestations de proches, de collaborateurs, permettront également d’illustrer la dégradation de l’état de santé, et des conditions de travail de la victime.

Confier le dossier à un professionnel ? 

La reconnaissance d’un harcèlement moral, n’est pas un « combat » que l’on mène seul. Il est donc essentiel de s’associer les services d’un professionnel du droit (avocat).

Ce dernier présentera les faits avec le recul nécessaire, étayés des éléments de preuve.

Par ailleurs, il accompagnera la victime dans cette épreuve et la conseillera utilement sur les suites à donner au dossier aux fins de reconnaissance des faits de harcèlements :

– Soit qu’il s’agisse d’une requête devant le Conseil de Prud’hommes compétent,

– Soit qu’il donne lieu à la mise en place d’une négociation avec l’employeur.

Enfin il lui reviendra la charge de déterminer les demandes de dommages et intérêts en tenant compte notamment de :

– la nature du dossier,

– l’ancienneté du salarié,

– son âge,

– la dégradation de son état de santé,

– Et des efforts mis en place au sein de l’entreprise pour lutter contre le harcèlement.

Il n’existe en la matière pas de barème indicatif, l’évaluation est donc sujette à une appréciation empirique.

En perspective du premier entretien, la victime pourra rédiger une succincte chronologie des faits marquants au sein de son poste, réunir les arrêts de travail, les copies d’ordonnance le cas échéant.

Que peut faire l’employeur en cas de harcèlement ? 

Conformément aux dispositions des articles L 1152-4 et L 1152-5 du Code du Travail, l’employeur est tenu de prendre toutes dispositions nécessaires afin de prévenir les agissements de harcèlement moral.

A cette fin, il peut, notamment, sanctionner les salariés harceleurs mais également mettre en place des formations de management au sein de l’entreprise.

Ces formations permettront éventuellement de prévenir les situations de harcèlements et la dégradation des conditions de travail.

En tout état de cause, la prévention est un élément clé offrant à l’employeur, le cas échéant, la possibilité de démontrer sa bonne foi.

Si le harcèlement est reconnu, sa condamnation pourra de ce fait être réduite.

Au travers de cette présentation, se dessinent donc les problématiques nombreuses soulevées par le harcèlement moral et le traitement qu’il doit recevoir.

A cela s’ajoute l’actualité juridique faisant suite à la récente décision du Conseil constitutionnel.

Saisi par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 29 février 2012 (arrêt n° 1365 du même jour), il s’est prononcé sur une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article 222-33 du Code Pénal.

Par décision n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012 , le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution ces dispositions légales réprimant le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle.

Pour l’heure, le débat ne concerne que le harcèlement sexuel car pour l’instant le Conseil Constitutionnel ne s’est pas prononcé sur la définition du harcèlement moral.

Myriam DELONCA 

Avocat au barreau de LYON

myriamdelonca@gmail.com 

www.myriamdelonca-avocat.com 

Que justice soit faite ?

Le 01/10/12

Le 25 septembre dernier, les habitants de la cité des Créneaux à Marseille ont franchi le cap de l’exaspération pour basculer dans l’intolérance.

L’histoire se déroule dans un contexte de réhabilitation d’un quartier populaire sur fond de déménagement des occupants de logements sociaux devenus vétustes.

Installées au pied des immeubles promis à la démolition, des familles de roms ont été contraintes par certains habitants du quartier de quitter le camp qu’ils occupaient.

Celui-ci a ensuite été incendié pour éviter tout retour des indésirables dans leurs abris de fortune.

Entre querelle politique et incompréhension du monde associatif, ces événements ont suscité de très vives réactions et donné lieu à l’ouverture d’une enquête.

Il est vrai que ce fait divers exceptionnel interroge sur les raisons qui ont poussé une poignée d’habitants de Marseille à se mettre hors la loi.

La précarité et la crispation ne suffisent en effet pas à expliquer cette expulsion du peuple par le peuple aussi incivile qu’illégale.

Les barrières du raisonnable ont cédé : un coup de sang a entrainé la commission d’actes dont l’asociabilité ne peut être que réprimée.

Ainsi, il sera rappelé qu’en application des dispositions de l’article 222-18-1 du Code Pénal :

« Lorsqu’elles sont commises à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, les menaces prévues au premier alinéa de l’article 222-17 sont punies de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 Euros d’amende, celles prévues au second alinéa de cet article et au premier alinéa de l’article 222-18 sont punies de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 Euros d’amende, et celles prévues au second alinéa de l’article 222-18 sont punies de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 Euros d’amende».

Par ailleurs, l’article 322-6 alinéa 1 du même code dispose encore :

« La destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien appartenant à autrui par l’effet d’une substance explosive, d’un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes est punie de dix ans d’emprisonnement et de 150000 euros d’amende ».

Dans ces circonstances, la colère est une bien mauvaise conseillère mais également une voie sur les premiers pas de la délinquance.

C’est donc sans modération que l’Etat de droit s’oppose à ce que chaque citoyen puisse se faire justice soi-même.

L’infraction qui nait de la méconnaissance de ce principe, est dès lors réprimée par les dispositions pénales.

Pourtant comme le souligne l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ».

Orientation sexuelle et droit d’asile : la protection contre les persécutions du fait de l’appartenance à un groupe social

Le 21/09/12

Cette rentrée se présente sous le signe des débats et des réformes sociales sur le fond habituel des fournitures scolaires et couvertures de livres.

Dans ce contexte, je souhaite mettre en lumière un arrêt de Conseil d’Etat tout juste rendu avant la pause aoûtienne, le 27 juillet 2012.

Conseil d’État 10ème et 9ème sous-sections réunies 27 juillet 2012 n° 349824 

Les juges de la Place du Palais Royal étaient saisis d’un recours en annulation à l’encontre d’une décision de la Cour Nationale du Droit d’Asile en date du 19 novembre 2010 refusant le statut de réfugié à un ressortissant congolais.

Créée par la Loi n°2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, la Cour est une juridiction administrative dite spécialisée.

Depuis cette réforme, elle est venue remplacer la Commission des recours des réfugiés.

En son siège de MONTREUIL, elle connaît des recours formés contre les décisions de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

Il lui appartient donc de statuer sur l’attribution de la qualité de réfugié en application des dispositions de la Convention de GENEVE du 28 juillet 1951 et des articles L 731-1 et suivants du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile.

Mais ses décisions n’échappent pas au contrôle du Conseil d’Etat qui apprécie l’interprétation et l’application qu’elle fait du droit international et national en matière d’asile.

C’est ainsi que le 27 juillet 2012 que les juges administratifs se sont penchés sur la situation d’un ressortissant congolais subissant un risque de persécution dans son pays d’origine du fait de son homosexualité.

Le statut de réfugié lui avait été refusé car il n’établissait pas avoir manifesté son orientation sexuelle en République Démocratique du Congo dont la législation pénale ne réprimait pas l’homosexualité.

Le Conseil d’Etat a censuré ce refus en relevant :

« 1. Considérant qu’aux termes du 2° du paragraphe A de l’article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951, la qualité de réfugié est reconnue à :  » toute personne qui (…), craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ;  » ; qu’aux termes de l’article 10, paragraphe 1 d) de la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 :  » Un groupe est considéré comme un certain groupe social lorsque, en particulier : / – ses membres partagent (…) une caractéristique ou une croyance à ce point essentielle pour l’identité ou la conscience qu’il ne devrait pas être exigé d’une personne qu’elle y renonce, et / – ce groupe a son identité propre dans le pays en question parce qu’il est perçu comme étant différent par la société environnante. / En fonction des conditions qui prévalent dans le pays d’origine, un groupe social spécifique peut être un groupe dont les membres ont pour caractéristique commune une orientation sexuelle.  » ;

2. Considérant qu’un groupe social est, au sens de ces dispositions, constitué de personnes partageant un caractère inné, une histoire commune ou une caractéristique essentielle à leur identité et à leur conscience, auxquels il ne peut leur être demandé de renoncer, et une identité propre perçue comme étant différente par la société environnante ou par les institutions ; qu’en fonction des conditions qui prévalent dans un pays, des personnes peuvent, à raison de leur orientation sexuelle, constituer un groupe social au sens de ces dispositions ; qu’il convient dès lors, dans l’hypothèse où une personne sollicite le bénéfice du statut de réfugié à raison de son orientation sexuelle, d’apprécier si les conditions existant dans le pays dont elle a la nationalité permettent d’assimiler les personnes se revendiquant de la même orientation sexuelle à un groupe social du fait du regard que portent sur ces personnes la société environnante ou les institutions et dont les membres peuvent craindre avec raison d’être persécutés du fait même de leur appartenance à ce groupe ;

3. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’octroi du statut de réfugié du fait de persécutions liées à l’appartenance à un groupe social fondé sur des orientations sexuelles communes ne saurait être subordonné à la manifestation publique de cette orientation sexuelle par la personne qui sollicite le bénéfice du statut de réfugié dès lors que le groupe social, au sens des dispositions précitées, n’est pas institué par ceux qui le composent, ni même du fait de l’existence objective de caractéristiques qu’on leur prête mais par le regard que portent sur ces personnes la société environnante ou les institutions ; que la circonstance que l’appartenance au groupe social ne fasse l’objet d’aucune disposition pénale répressive spécifique est sans incidence sur l’appréciation de la réalité des persécutions à raison de cette appartenance qui peut, en l’absence de toute disposition pénale spécifique, reposer soit sur des dispositions de droit commun abusivement appliquées au groupe social considéré, soit sur des comportements émanant des autorités, encouragés ou favorisés par ces autorités ou même simplement tolérés par elles ».

Au terme de leur analyse, les juges ont considéré que le critère d’appartenance à un certain groupe social doit être apprécié en fonction des conditions propres au pays d’origine, à savoir la République Démocratique du Congo.

En l’espèce, celles-ci permettaient d’assimiler les personnes se revendiquant de la même orientation sexuelle à un groupe social compte tenu du regard porté sur elles par la société environnante ou les institutions.

De ce fait, les membres pouvaient craindre avec raison d’être persécutés du fait même de leur appartenance à ce groupe la manifestation publique de leur orientation sexuelle soit nécessaire.

Cet arrêt donne à réfléchir sur la condition des homosexuels dans certains états au jour les discussions s’engagent en France sur tant sur le lien matrimonial que sur le droit à l’adoption.

Principe du non-cumul des responsabilités délictuelles et contractuelles

Le 28/08/12

Le droit civil connaît principalement deux formes de responsabilité s’inscrivant dans des cadres et contextes différents.

La première s’applique lorsque celui qui subit le dommage est lié à son auteur par un contrat.

Cette responsabilité dite contractuelle trouve son fondement dans les dispositions de l’article 1147 du Code Civil qui précisent :

« Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part ».

Aussi, le droit à réparation invocable par la partie lésée ne peut résulter que de la faute de son cocontractant dans l’exécution de ses obligations ou de l’inexécution par ce dernier de ses engagements conventionnels.

Il en est ainsi à l’occasion d’une vente lorsque la marchandise commandée et payée n’a pas été livrée dans les délais et conditions prévus.

La seconde forme de responsabilité dite délictuelle ignore ce schéma et sort donc du cadre de la convention.

Selon l’article 1382 du Code Civil, son domaine d’application est beaucoup plus large puisque « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Dès lors qu’un dommage nait d’un agissement ou d’une omission fautive, son auteur est tenu à son indemnisation.

Un croche-pied donné à l’agaçant collègue qui entraîne une entorse de la cheville consécutive à sa chute au sol, en est la parfaite illustration.

Comme on l’aura compris, la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle sont ainsi soumises à des règles et des régimes juridiques distincts.

Les deux formes s’excluent l’une l’autre et interdisent à celui qui subit le dommage de choisir entre l’un ou l’autre des fondements

Les juges de la Cour de Cassation n’ont pas manqué de rappeler ce principe fondamental de non-cumul dans leur jurisprudence du 28 juin 2012.

Cette espèce un peu particulière mérite quelques éclairages afin de mieux appréhender son importance et sa portée.

Les faits étaient aussi simples qu’une sortie au restaurant d’un adulte accompagné d’enfants lors d’un goûter.

L’établissement disposait à l’extérieur d’une aire de jeux permettant à sa jeune clientèle de se divertir.

Mais ce terrain devait être le théâtre d’un accident où un petit garçon se blessait grièvement suite l’accrochage du bijou qu’il portait au doigt à un grillage de protection qu’il venait d’enjamber.

La Cour censure l’appréciation de la juridiction du second degré layant retenu qu’il n’existait aucun lien contractuel entre le mineur et le restaurateur compte tenu du fait que l’aire de jeux était indépendante de l’établissement.

Elle retient que « l’enfant avait fait usage de l’aire de jeux, exclusivement réservée à la clientèle du restaurant, au cours d’un goûter auquel il participait en compagnie d’un adulte et d’autres enfants ».

Le dommage subi par le petit garçon ressortait donc de l’inexécution d’une obligation contractuelle de sécurité.

En conséquence, seule la responsabilité contractuelle trouvait à s’appliquer aux faits précités.

Cass. Civ. 1ère 28 juin 2012 Pourvoi n° 10-28492 

Les parties à un contrat n’ont donc pas le choix du fondement juridique de responsabilité qu’elles entendent mettre en oeuvre.

Il en va de même pour les tiers au contrat exclus du régime de la responsabilité contractuelle bien qu’ils soient fondés à invoquer l‘exécution défectueuse d’un contrat lorsqu’elle leur a causé un dommage.

Cass. Civ. 1ère 15 décembre 1998 Pourvoi n° 96-21905 96-22440 

Garde trop rapprochée et relations extérieures

Le 03/08/12

Le 11 juillet 2012, le Conseil d’État a procédé à l’annulation une disposition controversée du code de déontologie du service public pénitentiaire consécutif à l’adoption de la Loi Pénitentiaire.

L’Observatoire International des Prisons (OIP) est à l’origine de cette requête fondée sur «une ingérence excessive dans les droits des personnes amenées à concourir au service public pénitentiaire au respect de leur vie privée et familiale ».

Il faut ici rappeler que la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales garantit le droit au respect de la vie privée et familiale.

Les dispositions de son article 8 précise ainsi que :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

Or l’article 31 du Décret n° 2010-1711 du 30 décembre 2010 portant code de déontologie du service public pénitentiaire prescrivait que :

« Les personnes physiques et les agents des personnes morales concourant au service public pénitentiaire ne peuvent entretenir vis-à-vis des personnes placées ou ayant été placées par décision de justice sous l’autorité ou le contrôle de l’établissement dans lequel ils interviennent, ainsi qu’avec leurs parents ou amis, de relations qui ne seraient pas justifiées par les nécessités de leur mission.

Lorsqu’ils ont eu des relations avec ces personnes antérieurement à leur prise en charge par l’établissement dans lequel ils interviennent, ils doivent en informer le responsable de l’établissement ».

Lors de l’étude de la combinaison de ces deux texte, le Conseil d’Etat a accompli une distinction temporelle concernant les relations entre le personnel pénitentiaire et les détenus.

En effet, les juges administratifs retiennent que durant l’exécution de la peine privative de liberté :

« l’interdiction, pour les personnes physiques et les agents des personnes morales concourant au service public pénitentiaire, d’entretenir avec les personnes détenues, leurs parents ou amis, des relations qui ne seraient pas justifiées par les nécessités de leur mission répond à des impératifs tenant à la sécurité à l’intérieur de l’établissement et à l’égalité de traitement entre les personnes détenues ainsi qu’à la nécessité de protéger les droits et libertés de la personne détenue, placée, lorsqu’elle est en détention, dans une situation de vulnérabilité vis-à-vis des personnes concourant au service public pénitentiaire ».

Conseil d’Etat 11 juillet 2012 n°347148 

Mais dès lors que les détenus ont été libérés, la situation de droit et de fait change car :

« en étendant cette interdiction aux personnes ayant été détenues et à leurs parents et amis, l’article 31 du décret attaqué instaure une interdiction générale, de caractère absolu et sans aucune limitation de durée, qui impose des sujétions excessives au regard des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

En conséquence, les obligations tenant à la bonne exécution du service public pénitentiaire dont la mission est de garder et de réinsérer, disparaissent à la fin de la détention.

L’interdiction qui se retrouve donc sans fondement, a donc été annulé par le Conseil d’Etat.

 

Censure des juges de Strasbourg de la rétroactivité d’un revirement de jurisprudence défavorable

Le 01/08/12

Avant de faire un petit tour en vacances, je vous propose aujourd’hui un petit retour sur une récente décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme du 10 juillet dernier.

Déjà évoqués dans ces pages, les juges de Strasbourg se sont prononcé sur l’application rétroactive d’un revirement jurisprudentiel modifiant le calcul des remises de peines et donc la durée de la détention.

CEDH, 3esect., 10 juill. 2012, Del Rio Prada, req. n° 42750/09 

En l’espèce, la requérante avait été condamnée entre 1988 et 2000 à plusieurs peines privatives de liberté successives dont le total s’élevait à … 3 000 ans.

Cependant, le code pénal espagnol, la jurisprudence et la pratique des autorités pénitentiaires permettaient de limiter à 30 ans la durée de sa détention et d’imputer les remises de peine pour travail sur ce total.

Le nombre d’année d’incarcération pouvait dès lors être réduit grâce à ce système favorable à la condamnée et valorisant ses efforts de réinsertion.

Au début de l’année 2008, la requérante était donc avisée que la date de sa remise en liberté était fixée au 2 juillet 2008 selon l’état du droit espagnol.

Mais contre toute attente, un revirement de jurisprudence du Tribunal suprême du 28 février 2006 devait modifier l’heure de sa libération.

Suite à cette décision, l’Audiencia Nacional demanda aux autorités pénitentiaires d’annuler la date prévue de mise en liberté et d’effectuer un nouveau calcul par une ordonnance du 19 mai 2008.

Or le nouveau calcul entraînait une aggravation de sa peine de 9 ans environs, particulièrement défavorable à la condamnée.

Face à cette situation, elle saisissait donc la Cour Européenne des Droits de l’Homme par requête du 3 août 2009.

Au soutien de ses prétentions, la requérante invoquait l’article 7 de la Convention qui dispose :

« 1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise.

2. Le présent article ne portera pas atteinte au jugement et à la punition d’une personne coupable d’une action ou d’une omission qui, au moment où elle a été commise, était criminelle d’après les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées».

La Cour a donc eu à se prononcer sur les effets du revirement de jurisprudence espagnol et ses conséquences au regard de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales.

Après étude des arguments réciproques, elle relève :

« si elle admet l’argument du Gouvernement selon lequel le calcul des bénéfices pénitentiaires en tant que tel sort du champ d’application de l’article 7, la manière dont les dispositions du code pénal de 1973 ont été appliquées allait au-delà. Dans la mesure où le changement de la méthode de calcul de la peine à purger a eu des conséquences importantes sur la durée effective de la peine au détriment de la requérante, la Cour estime que la distinction entre la portée de la peine infligée à la requérante et les modalités de son exécution n’apparaissait donc pas d’emblée (voir, mutatis mutandis, Kafkaris, précité, § 148).

(…)

A la lumière de tout ce qui précède, la Cour estime qu’il était difficile, voire impossible, pour la requérante de prévoir le revirement de jurisprudence du Tribunal suprême et donc de savoir, à l’époque des faits, ainsi qu’au moment où toutes ses peines ont été cumulées, que l’Audiencia Nacional ferait un calcul des remises de peines sur la base de chacune des peines individuellement imposées et non sur celle de la peine totale à purger, allongeant ainsi substantiellement la durée de son emprisonnement.

Dès lors, il convient de rejeter l’exception préliminaire du Gouvernement et de conclure qu’il y a eu violation de l’article 7 de la Convention ».

Les conséquences de cette analyse ont donc conduit les juges de Strasbourg a déclarer que :

– depuis le 3 juillet 2008, la requérante était détenue irrégulièrement,

– l’État espagnol devait assurer sa remise en liberté dans les plus brefs délais.

Retour sur l’obligation de détention d’un éthylotest pour tout conducteur de véhicule terrestre à moteur

Le 25/07/12

 « Parfois je m’imagine sur la route des vacances

En bon chef de famille, au volant d’un monospace

Avec un cercle en plastique, on appuie dessus ça sort, ça fait porte gobelet

Et un truc très pratique pour ranger les pièces de monnaie ».

Ces quelques lignes tirées d’une chanson de Benabar évoqueront aux juilletistes et aux aoûtiens les départs en vacances.

Pour ma part, elles sont l’accroche idéale pour évoquer les questions très actuelles de prudence et de vigilance sur les routes.

Afin de partir serein, il faut voyager léger mais bien équipé : triangle de pré-signalisation, gilet de sécurité….et depuis peu éthylotest.

Ce n’est pas un hasard mais une profonde réflexion qui a conduit à l’adoption du Décret n° 2012-284 du 28 février 2012 relatif à la possession obligatoire d’un éthylotest par le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur .

Si « en 2011, l’alcool a causé la mort de 1150 personnes », il était indispensable de tirer les conséquences de ce douloureux constat.

Un premier pas à destination des professionnels : 

Les professionnels de la nuit, tenanciers de discothèques, bars à ambiance musicale et autres cabarets, ont été les premiers à passer de la sensibilisation à l’action.

L’arrêté du 24 août 2011 relatif aux conditions de mise à disposition de dispositifs certifiés permettant le dépistage de l’imprégnation alcoolique dans les débits de boissons a marqué les esprits.

Il a fixé les modalités d’application (délai de mise à disposition, nombre des dispositifs et caractéristiques techniques) de l’article L 3341-4 du Code de la Santé Publique qui dispose :

« Dans les débits de boissons à consommer sur place dont la fermeture intervient entre 2 heures et 7 heures, un ou plusieurs dispositifs permettant le dépistage de l’imprégnation alcoolique doivent être mis à la disposition du public».

Ainsi, depuis le 1er décembre 2011, cet arrêté impose aux responsables de l’exploitation des établissements concernés de s’assurer que la demande de dépistage peut être satisfaite dans un délai inférieur à quinze minutes.

Un second pas concernant les particuliers : 

Les automobilistes sont désormais directement impliqués par la détention d’un éthylotest depuis le Décret n° 2012-284 du 28 février 2012 entré en vigueur le 1er juillet 2012.

L’obligation prévue par ce texte marque un renforcement de la responsabilisation individuelle bien que la répression ne sera mise en oeuvre qu’à partir du 1er novembre 2012.

Pour l’heure, les policiers et/ou gendarmes doivent se cantonner à rappeler cette obligation lors des contrôles routiers.

Mais le décret astreint tout conducteur d’un véhicule de posséder un éthylotest :

– non usagé,

– disponible immédiatement

– et satisfaisant aux conditions de validité.

Cependant, le texte précise que le conducteur d’un véhicule équipé d’un dispositif d’antidémarrage par éthylotest électronique ainsi que le conducteur d’un autocar équipé d’un tel dispositif est réputé en règle.

Par ailleurs, les conducteurs de 2 ou 3 roues, dont la cylindrée ne dépasse pas 50 cm3, ne sont pas concernés par cette obligation.

Malgré ces avancés, il faudra attendre quelques mois avant de percevoir les effets de ces réglementations.

L’obligation est une chose, son application en est une autre .

Cette dernière est l’affaire de chacun car comme ne cesse de le rappeler la Sécurité Routière, au volant nous sommes « tous responsables »

Voies d’exécution : la recherche d’emploi est une activité professionnelle comme les autres

Le 23/07/12

L’année 2012 s’habille d’austérité et de rigueur comme chacun se le rappelle à grand renfort de médias et d’analyses économiques.

Le soleil n’y fait rien, les mots sur la crise s’imposent dans chaque discussion au même titre que les prévisions météorologiques.

Je m’inscris donc dans cet air du temps pour glisser quelques mots sur une jurisprudence récente de la Cour Cassation illustrant – s’il en était besoin – que les juges adaptent le droit aux évolutions de la société et aux maux qui la touchent.

Lorsque le ciel s’assombrit et que les dettes s’accumulent, celui que les justiciables craignent de voir frapper à leur porte est sans conteste l’huissier de justice.

Cet officier ministériel « mal-aimé » est le professionnel de l’exécution des décisions de justice et des voies forcées de recouvrement qu’elles autorisent.

Il peut notamment procéder aux actes de saisie vente consistant à immobiliser les biens d’un débiteur pour procéder à leur vente afin de rembourser son créancier.

La Loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution et son Décret d’application n°92-755 du 31 juillet 1992 encadrent cependant strictement cette voie d’exécution.

Ainsi ces textes ne permettent pas de recourir à cette mesure lorsque la créance est inférieure à 535,00 euros et est de nature alimentaire, sauf à ce que les saisies sur compte bancaire ou sur rémunération précédentes se soient révélées infructueuses.

A cela s’ajoute une limitation tenant aux biens, objets de la mesure : le débiteur ne peut de ce fait être privé de certains meubles auxquels l’utilité quotidienne donne un caractère indispensable.

Pour cette raison, l’article 14 de la Loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 exclut des biens saisissables « Les biens mobiliers nécessaires à la vie et au travail du saisi et de sa famille, si ce n’est pour paiement de leur prix ».

L’article 39 du Décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 précisent encore que sont «nécessaires à la vie et au travail du débiteur saisi et de sa famille:

Les vêtements;

La literie;

Le linge de maison;

Les objets et produits nécessaires aux soins corporels et à l’entretien des lieux;

Les denrées alimentaires;

Les objets de ménage nécessaires à la conservation, à la préparation et à la consommation des aliments;

Les appareils nécessaires au chauffage;

La table et les chaises permettant de prendre les repas en commun;

Un meuble pour abriter le linge et les vêtements et un meuble pour ranger les objets ménagers;

Une machine à laver le linge;

Les livres et autres objets nécessaires à la poursuite des études ou à la formation professionnelle;

Les objets d’enfants;

Les souvenirs à caractère personnel ou familial;

Les animaux d’appartement ou de garde;

Les animaux destinés à la subsistance du saisi, ainsi que les denrées nécessaires à leur élevage;

Les instruments de travail nécessaires à l’exercice personnel de l’activité professionnelle».

Ces dispositions ouvrent droit à une voie de contestation contre la saisie des biens concernés qui suspend la procédure dont ces biens sont l’objet.

En application de l’article 130 du Décret du 31 juillet 1992, il appartient au Juge de l’Exécution près du Tribunal de Grande Instance de connaître de ces litiges.

En effet, selon l’article L 213-6 du Code de l’Organisation Judiciaire, il « connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire ».

Il peut être saisi par le débiteur ou par l’huissier de justice dans le mois suivant la signification de l’acte de saisie.

Dans le cadre de cette procédure orale, l’inventaire des biens dressé par l’huissier est ainsi débattu en audience publique.

C’est à l’occasion d’une telle contestation que les juges de la Cour de Cassation se sont récemment prononcés sur la notion d’« instruments de travail nécessaires à l’exercice personnel de l’activité professionnelle ».

Etait en cause le matériel informatique du débiteur qui ne bénéficie pas d’une « présomption » d’insaisissabilité pour ne pas être expressément visé dans la liste de l’article 39 du Décret du 31 juillet 1992.

Ce bien n’est pas inconnu de la jurisprudence car sa nature et son utilité font parfois obstacle à sa vente forcée.

Aussi, il est à l’origine d’une réponse ministérielle du 18 août 2003 dans laquelle le Ministre de la Justice a souligné que « s’il ne sert pas à l’exercice de l’activité professionnelle, l’ordinateur personnel ne peut être considéré comme insaisissable ».

Dans l’espèce du 28 juin 2012, le matériel informatique du débiteur avait été immobilisé lors des opérations de saisie vente.

La question du caractère d’instrument de travail de l’ordinateur semblait alors ne pas s’être posée puisque son propriétaire était sans emploi.

Pourtant, la saisissabilité du bien a été contestée jusqu’en cassation.

Au terme de leur analyse, les juges de la Cour suprême considèrent « qu’un ordinateur utilisé pour la recherche d’un emploi doit être assimilé à un instrument nécessaire à l’exercice personnel d’une activité professionnelle».

Cass. Civ 2ème 28 juin 2012 Pourvoi n°11-15055 

Eu égard à la conjoncture actuelle, il apparaît que la définition d’outil de retour à l’emploi prime sur celle d’instrument de travail effectif.