Le 21/09/12
Cette rentrée se présente sous le signe des débats et des réformes sociales sur le fond habituel des fournitures scolaires et couvertures de livres.
Dans ce contexte, je souhaite mettre en lumière un arrêt de Conseil d’Etat tout juste rendu avant la pause aoûtienne, le 27 juillet 2012.
Conseil d’État 10ème et 9ème sous-sections réunies 27 juillet 2012 n° 349824
Les juges de la Place du Palais Royal étaient saisis d’un recours en annulation à l’encontre d’une décision de la Cour Nationale du Droit d’Asile en date du 19 novembre 2010 refusant le statut de réfugié à un ressortissant congolais.
Créée par la Loi n°2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, la Cour est une juridiction administrative dite spécialisée.
Depuis cette réforme, elle est venue remplacer la Commission des recours des réfugiés.
En son siège de MONTREUIL, elle connaît des recours formés contre les décisions de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).
Il lui appartient donc de statuer sur l’attribution de la qualité de réfugié en application des dispositions de la Convention de GENEVE du 28 juillet 1951 et des articles L 731-1 et suivants du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile.
Mais ses décisions n’échappent pas au contrôle du Conseil d’Etat qui apprécie l’interprétation et l’application qu’elle fait du droit international et national en matière d’asile.
C’est ainsi que le 27 juillet 2012 que les juges administratifs se sont penchés sur la situation d’un ressortissant congolais subissant un risque de persécution dans son pays d’origine du fait de son homosexualité.
Le statut de réfugié lui avait été refusé car il n’établissait pas avoir manifesté son orientation sexuelle en République Démocratique du Congo dont la législation pénale ne réprimait pas l’homosexualité.
Le Conseil d’Etat a censuré ce refus en relevant :
« 1. Considérant qu’aux termes du 2° du paragraphe A de l’article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951, la qualité de réfugié est reconnue à : » toute personne qui (…), craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; » ; qu’aux termes de l’article 10, paragraphe 1 d) de la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 : » Un groupe est considéré comme un certain groupe social lorsque, en particulier : / – ses membres partagent (…) une caractéristique ou une croyance à ce point essentielle pour l’identité ou la conscience qu’il ne devrait pas être exigé d’une personne qu’elle y renonce, et / – ce groupe a son identité propre dans le pays en question parce qu’il est perçu comme étant différent par la société environnante. / En fonction des conditions qui prévalent dans le pays d’origine, un groupe social spécifique peut être un groupe dont les membres ont pour caractéristique commune une orientation sexuelle. » ;
2. Considérant qu’un groupe social est, au sens de ces dispositions, constitué de personnes partageant un caractère inné, une histoire commune ou une caractéristique essentielle à leur identité et à leur conscience, auxquels il ne peut leur être demandé de renoncer, et une identité propre perçue comme étant différente par la société environnante ou par les institutions ; qu’en fonction des conditions qui prévalent dans un pays, des personnes peuvent, à raison de leur orientation sexuelle, constituer un groupe social au sens de ces dispositions ; qu’il convient dès lors, dans l’hypothèse où une personne sollicite le bénéfice du statut de réfugié à raison de son orientation sexuelle, d’apprécier si les conditions existant dans le pays dont elle a la nationalité permettent d’assimiler les personnes se revendiquant de la même orientation sexuelle à un groupe social du fait du regard que portent sur ces personnes la société environnante ou les institutions et dont les membres peuvent craindre avec raison d’être persécutés du fait même de leur appartenance à ce groupe ;
3. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’octroi du statut de réfugié du fait de persécutions liées à l’appartenance à un groupe social fondé sur des orientations sexuelles communes ne saurait être subordonné à la manifestation publique de cette orientation sexuelle par la personne qui sollicite le bénéfice du statut de réfugié dès lors que le groupe social, au sens des dispositions précitées, n’est pas institué par ceux qui le composent, ni même du fait de l’existence objective de caractéristiques qu’on leur prête mais par le regard que portent sur ces personnes la société environnante ou les institutions ; que la circonstance que l’appartenance au groupe social ne fasse l’objet d’aucune disposition pénale répressive spécifique est sans incidence sur l’appréciation de la réalité des persécutions à raison de cette appartenance qui peut, en l’absence de toute disposition pénale spécifique, reposer soit sur des dispositions de droit commun abusivement appliquées au groupe social considéré, soit sur des comportements émanant des autorités, encouragés ou favorisés par ces autorités ou même simplement tolérés par elles ».
Au terme de leur analyse, les juges ont considéré que le critère d’appartenance à un certain groupe social doit être apprécié en fonction des conditions propres au pays d’origine, à savoir la République Démocratique du Congo.
En l’espèce, celles-ci permettaient d’assimiler les personnes se revendiquant de la même orientation sexuelle à un groupe social compte tenu du regard porté sur elles par la société environnante ou les institutions.
De ce fait, les membres pouvaient craindre avec raison d’être persécutés du fait même de leur appartenance à ce groupe la manifestation publique de leur orientation sexuelle soit nécessaire.
Cet arrêt donne à réfléchir sur la condition des homosexuels dans certains états au jour les discussions s’engagent en France sur tant sur le lien matrimonial que sur le droit à l’adoption.