Le mécanisme de la crise

Le 15/07/13

J’accueille aujourd’hui une publication bien moins juridique qu’économique permettant d’apporter un regard avisé et un éclairage spécifique sur l’économie et ses mécanismes. 

 

Le siège de rédacteur appartient à Samuel MANSEAU, titulaire d’un Master en Géopolitique Européenne, que je remercie vivement pour sa participation et son travail. 

Nous vivons dans une économie globalisée.

Cette économie de type libérale est fondée sur la liberté d’entreprendre, de se déplacer, de travailler.

Depuis l’effondrement de l’URSS et du modèle communiste, les alliés menés par les Etats-Unis ont suivi une orientation capitaliste au lendemain de la seconde guerre mondiale.

Le plan Marshall a été le fer de lance de cette politique où le dollar s’est donc rapidement imposé comme monnaie de référence international.

En quelques décennies, le monde s’est rétréci : l’apparition d’Internet a facilité les échanges et permis d’interconnecter tous les acteurs économiques internationaux (banques, grands groupes industriels, médias, entreprise de BTP,…).

Bien sûr les banques ont joué un rôle majeur dans ce nouvel ordre mondial en organisant les modalités de règlement à l’échelle internationale entre monnaies différentes.

Présentes dans plusieurs pays, elles ont pu évoluer librement en s’affranchissant de la législation nationale et ainsi acquérir une fonction économique incontournable.

Elles ont ainsi transformé la richesse et la valeur en des concepts abstraits dans notre monde moderne, une pièce de monnaie ou un billet de banque ne contenant aucun matériau, même précieux pouvant garantir sa valeur faciale.

Le système s’est alors construit autour d’un seul maitre-mot : la confiance.

Mais en 2008, la faillite de Lehman Brothers a brisé cette pierre angulaire de la finance moderne.

Les prêts structurés issus de la bulle immobilière ont conduit les banques à prêter plus facilement à des taux plus bas mais variables.

Lorsque le marché immobilier s’est effondré, beaucoup d’acteurs économiques (promoteur, particuliers, artisans,…) ayant emprunté auprès de leur banque n’ont plus eu les moyens de la rembourser.

La première à avoir fait faillite a vu sa valeur s’effondrer et tous ceux qui possédaient des actions de cet établissement financier ont été touchés.

Par contamination, tout le secteur bancaire a été touché, toutes les banques étant soupçonnées d’être porteuses du même virus que Lehman Brothers.

Dans ce contexte, les Etats n’ont eu d’autres choix que de sauver leurs établissements bancaires et se sont porté garants pour eux.

L’argent public est ainsi venu au secours d’acteurs privés de l’économie devenus aussi incontournables que stratégiques

Cependant, malgré cette action de prêteur en dernier ressort, les entreprises se sont retrouvées face à une contraction de l’économie : la récession.

Le coeur du système capitaliste a donc été atteint par le mal avec des conséquences directes sur tous ses acteurs.

La crise, une maladie imaginaire : 

La base de l’économie capitaliste est la croissance.

C’est elle qui marque l’augmentation de la production, elle encore qui traduit une évolution de la consommation, elle surtout qui rétribue le capital.

Aussi lorsque la croissance disparait, tout le corps économique est atteint par un virus appelé récession, contagieux et transmissible par l’argent.

Cela commence par les entreprises frappées par une crise de ralentissement dont le premier symptôme est la baisse de leurs ventes et le second, l’allongement de leur durée de paiement.

Et lorsqu’elles se tournent vers leurs partenaires bancaires pour solliciter une ligne de crédit ou une facilité de caisse permettant de faire baisser leur fièvre, elles trouvent souvent un refus ou une proposition minorée.

Puis le mal des entreprises se transmet à leurs fournisseurs par la diminution du pouvoir d’achat.

Baisse des prix, contrepartie en nature ou paiement échelonné sont autant de gestes commerciaux auxquels les fournisseurs doivent consentir pour garantir leur sauvegarde.

Mais par ce mécanisme en cascade, ils voient cependant leurs rentrées d’argent diminuer et doivent eux aussi « réduire la voilure » en faisant à leur tour des économies.

Au bout de la chaine de restriction, se trouvent les services externes : intermédiaire, conseil, expert, professions libérales.

Les uns partent, frappés par la disparition de leurs clients, les autres restent, condamnés à négocier chaque prix, à retarder chaque paiement.

C’est ainsi que la circulation de l’argent dans l’économie se ralentit inlassablement, au fur et à mesure que le virus se répand.

Le problème structurel d’une économie interconnectée est donc que tous ses acteurs finissent par être contaminés.

Si la croissance disparaît alors qu’elle est le moteur de notre modèle économique, personne ne peut empêcher ce système globalisé de caler.

La décroissance et l’Etat : 

Face à la croissance qui s’évanouit, l’action des états pour soutenir l’économie nationale est alors cruciale.

Cependant, chaque état à aussi capacité d’endettement limité : l’aversion du risque s’applique à tous, sans exception.

En outre, la hausse du chômage diminue les rentrées fiscales en même temps qu’elle augmente les dépenses sociales.

L’état français est un ménage comme les autres qui doit faire face à la baisse de son budget et à l’augmentation de ses dépenses.

Aussi plus les déficits se creusent, plus l’état ne peut que diminuer ses dépenses sociales, réduisant encore le pouvoir d’achat de sa population.

En France un peu moins de 7 millions de personnes sont rémunérés par les prestations versées par l‘Etat.

Ce dernier soutient donc l’économie française.

Mais lorsque l’Etat diminue ses dépenses, cela a une conséquence directe sur tous les acteurs économiques nationaux qui voient leurs revenus diminuer par ricochet : toute l’économie intérieure s’en trouve impactée.

C’est alors que le pays entre en récession… et la crise s’accentue.

Pour maintenir ses dépenses, l’Etat va augmenter ses prélèvements fiscaux sur l’économie et faire pression sur les acteurs économiques.

Pour les entreprises comme les particuliers, la conséquence est la même : les rentrées d’argent (salaires, ventes,…) diminuent tandis que les dépenses augmentent (impôts, taxes,…).

La crise est donc avant tout un cercle vicieux qui atteint son paroxysme lorsque tout le monde est touché à son niveau. 

Le séisme social : 

Devant la propagation en cascade du mal, le risque est bien sûr que l’Etat se désengage de l’économie pour et par la privatisation.

Pour de nombreuses personnes, une telle situation revient à donner les clés de la banque à ceux qui l’ont cambriolé.

Le capitalisme apparait alors responsable de tous les maux, de la crise et de la perte de confiance sur fond d’affairisme et de corruption.

C’est ainsi que un souffle de révolte se propage pour faire rempart à l’infection.

Dans ce contexte tendu, le mouvement des indignés et l’ensemble des manifestations contre les politiques d’austérité ont montré l’opposition ferme de la population aux différentes politiques menées pour lutter contre la crise.

Ce mouvement de contestation est accompagné par une perte de souveraineté de la part de l’Etat qui se voit obligé de recourir à l’aide de prêteurs internationaux tels que le FMI ou la Banque Mondiale.

Ces derniers lui dictent la politique à suivre en contrepartie de leurs soutiens dans une négociation à sens unique.

L’austérité s’impose contre vents et citoyens dans des domaines aussi sensibles les uns que les autres : santé, éducation, justice, logement… etc

Elle force la population à la scission, entre ceux qui peuvent payer et ceux qui ne peuvent pas.

De ce séisme social, chacun tire des conséquences qui alimentent la crise : Au coeur des ménages, la préférence va à l’économie plutôt qu’à la dépense alors que dans la sphère des affaires, c’est l’aversion au risque qui fait loi.

Les effets directs de cette frilosité globale sont la rétention de l’argent entre les mains des banques encore malades.

Or ce sont les établissements financiers qui font normalement circuler l’argent dans l’économie comme le coeur assure l’écoulement du sang dans les veines et artères de tout le corps.

Elles se sont donc imposées comme des partenaires majeurs pour les acteurs économiques et politiques en distribuant la ressource monétaire et en organisant son utilisation (investissement, épargne,…).

Mais les banques ne soutiennent plus l’activité industrielle ou commerciale et n’injectent plus aucun fonds de l’épargne dans l’économie.

L’entreprise PSA en est l’exemple le plus récent :

En préférant directement s’adresser au grand public qu’à ses partenaires bancaires pour financer son redressement, elle cherche avant tout à faire face à des difficultés économiques en s’affranchissant des circuits de financement bancaire classique, toujours malade.

Cela préfigure peut-être des remèdes à trouver pour sortir de la crise et réintroduire la confiance dans notre économie.

Samuel MANSEAU 

Les données informatiques personnelles, un objet hors du commerce

Le 26/06/13

Chaque jour, nous évoluons dans une société où le commerce semble faire loi au détriment parfois de valeurs dévalorisées.

Il est un domaine cependant où l’ordre public et les bonnes moeurs ont su se préserver une place reconnue et stable, celui du droit.

Comme précédemment évoqué dans ces pages, la validité des contrats prévues à l’article 1108 du Code Civil s’analysent au regard des quatre conditions essentielles lors de la conclusion de la convention :

– Le consentement libre et éclairé de la partie/les parties,

– La capacité de contracter,

– L’objet certain déterminé/ déterminable des engagements,

– La cause licite dans l’obligation.

Dans un arrêt du 25 juin dernier, les juges de la Cour de Cassation ont récemment souligné l’importance de l’objet d’un contrat et sa qualité au regard de la moralité:

« Attendu que pour rejeter cette demande, l’arrêt, après avoir constaté que le fichier de clientèle tenu par la société Bout-Chard qui aurait dû être déclaré à la Commission nationale informatique et libertés (la CNIL) ne l’avait pas été, retient que la loi n’a pas prévu que l’absence d’une telle déclaration soit sanctionnée par la nullité ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que tout fichier informatisé contenant des données à caractère personnel doit faire l’objet d’une déclaration auprès de la CNIL et que la vente par la société Bout-Chard d’un tel fichier qui, n’ayant pas été déclaré, n’était pas dans le commerce, avait un objet illicite, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

Cass. Com. 25 juin 2013 Pourvoi n°12-17037 

Ces quelques phrases d’analyse qui se portent sur la cession de fichiers de clientèle, permet de revenir sur une notion fondamentale du droit des obligations.

Un objet vicieux non vicié :

Depuis l’empire napoléonien, les dispositions du Code Civil imposent que l’objet de l’obligation ou du contrat soit licite et conforme à l’ordre public et aux bonnes moeurs.

C’est ainsi que l’article 1128 dudit code souligne avec fermeté qu’« il n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet des conventions ».

Cette condition de conformité et de moralité de l’objet trouve à s’illustrer dans les domaines relevant des éléments de la personnalité, de l’intégrité physique et de la dignité humaine.

Tel est le cas de la gestation pour autrui par l’intermédiaire de mères porteuses.

En 1991, les juges de la Cour Suprême ont ainsi fermement affirmé qu’une convention, par laquelle une femme s’engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l’abandonner à sa naissance, contrevenait aux principes d’ordre public de l’indisponibilité du corps humain et de l’état des personnes.

Cass. Ass. Plén. 31 mai 1991 Pourvoi n° 90-20105 

A la suite, la Loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain s’est enrichi et a intégré dans le Code Civil l’article 16-5 selon lequel « les conventions ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits sont nulles ».

Il en va de même du respect du aux défunts et à leur dernière demeure.

Se trouvent donc hors du commerce le droit réel immobilier dont bénéficie le concessionnaire d’une sépulture qui s’étend au monument funéraire et à son droit d’usage.

Cass. Civ. 1ère 13 mai 1980 Pourvoi n° 78-15405 

De la commercialité de l’objet à la validité du contrat :

Le caractère illicite ou immoral de l’objet de l’obligation ou du contrat rend celui-ci impropre à tout commerce.

Le droit ne saurait, en effet, reconnaitre une valeur juridique aux conventions portant sur la commission d’un vol ou la vente d’une bombe atomique.

La protection de l’ordre de public est un impératif qui dépasse les enjeux du commerce et les intérêts mercantiles.

Aussi la seule sanction applicable est la nullité du contrat censé ne jamais avoir existé par l’effet de la rétroactivité.

C’est ainsi que les juges de la Cour de Cassation ont invalidé le contrat de vente d’un fichier de clientèle non déclaré auprès de la CNIL et méconnu de cet organisme.

Le contenu de ce fichier avait échappé au contrôle du gendarme informatique sur le respect de la protection des données personnelles.

Son élaboration contrevenait à l’article 22 de la Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés disposant:

« les traitements automatisés de données à caractère personnel font l’objet d’une déclaration auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ».

De ce fait, le fichier ne pouvait être commercialisé par la société créatrice à une autre société utilisatrice.

C’est donc par une censure ferme que l’objet de la cession a été déclaré illicite.

Ordre de priorité dans l’hébergement des demandeurs d’asile

Le 11/06/13

Le droit d’asile permet aux personnes qui sont persécutées dans leur pays d’origine par les autorités étatiques de solliciter la protection de la FRANCE.

Durant la durée de l’instruction de leur dossier par l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA), les demandeurs d’asile bénéficient d’un accueil et d’une prise en charge sociale.

Le Dispositif National d’Accueil (DNA) leur donne ainsi accès:

– à un hébergement dans les Centres d’Accueil pour Demandeurs d’Asile (CADA) à titre principal

– et au versement d’une allocation temporaire d’attente ou à une prise en charge par le dispositif d’accueil d’urgence à titre subsidiaire.

Selon l’article L 348-2 du Code de l’Action Sociale et des Familles, « les centres d’accueil pour demandeurs d’asile ont pour mission d’assurer l’accueil, l’hébergement ainsi que l’accompagnement social et administratif des demandeurs d’asile en possession de l’un des documents de séjour mentionnés à l’article L. 742-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, pendant la durée d’instruction de leur demande d’asile».

Ce n’est qu’à l’expiration du délai de recours contre la décision de l’Office Français de Protection des Réfugiés et apatrides ou à la date de la notification de la décision de la Cour Nationale du Droit d’Asile en appel que cette mission s’achève.

Depuis la Directive 2003/9 du 27 janvier 2003, les États membres de l’Union Européenne se doivent de remplir ces obligations vis-à-vis des demandeurs d’asile et de garantir leurs conditions d’accueil matérielles, notamment le logement, la nourriture et l’habillement au demandeur d’asile.

En effet, l’article 13 de la directive indique que :

« 1. Les États membres font en sorte que les demandeurs d’asile aient accès aux conditions matérielles d’accueil lorsqu’ils introduisent leur demande d’asile.

2. Les États membres prennent des mesures relatives aux conditions matérielles d’accueil qui permettent de garantir un niveau de vie adéquat pour la santé et d’assurer la subsistance des demandeurs ».

La législation européenne impose donc aux Etats membres des efforts pour éviter les situations d’indigence et de précarité des demandeurs d’asile dans l’attente de l’examen de leurs droits au séjour.

Chaque état est tenu de mettre à en oeuvre les objectifs de la directive relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile.

Pour ce faire, il doit considérer avec une attention particulière la situation des personnes particulièrement vulnérables telles que les adultes affaiblis par l’âge, la maladie, le handicap ou les mineurs accompagnant.

L’intérêt supérieur de ces derniers ne saurait être ignoré au regard de l’article 3-1 de la Convention relative aux droits de l’enfant du 26 janvier 1990.

C’est une considération primordiale demeurant au centre de toute décision ou mesure prise concernant un mineur.

Mais il arrive régulièrement que les services préfectoraux se trouvent dans l’incapacité de mettre à disposition des demandeurs d’asile une solution d’hébergement.

Au vu des dispositions précitées, il appartient alors au Juge Administratif d’apprécier souverainement si l’absence d’accueil d’urgence porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile.

Il est cependant amené à vérifier que les impératifs légaux peuvent être conciliés avec les moyens d’hébergement à la disposition de l’autorité publique.

Or il s’avère que tous les demandeurs d’asile ne sont pas logés à la même enseigne tant les départements manquent cruellement de places d’accueil.

Dans une décision du 16 mai 2013, le Conseil d’Etat a rappelé ainsi qu’il existait un ordre de priorité dont l’administration tient nécessairement compte pour réserver un hébergement d’urgence :

« Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. C…, ressortissant du Bouthan, est entré en France le 8 octobre 2011 afin d’y solliciter l’asile ; qu’une autorisation provisoire de séjour lui a été délivrée par le préfet de police afin de lui permettre de déposer une demande auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu’après le rejet de cette demande, cette autorisation a été renouvelée dans l’attente de la décision de la Cour nationale du droit d’asile, que M. C… a saisie d’un recours contre cette décision de rejet ; que si des droits à l’allocation temporaire d’attente lui ont été ouverts, il n’a pu bénéficier d’aucun hébergement d’urgence, depuis que sa demande d’asile est en cours d’examen et a été orienté vers le dispositif de veille sociale mentionné au 4 ; que, toutefois, l’administration fait valoir qu’elle ne dispose ni en région Ile-de-France ni dans d’autres régions d’hébergements en nombre suffisant pour répondre aux demandes d’hébergement des demandeurs d’asile, en forte augmentation et qu’elle se voit, dès lors, contrainte de définir un ordre de priorité tenant compte de la situation particulière de ceux-ci ; que M. C… est célibataire et sans charge de famille ; que si le certificat médical qu’il a transmis atteste que son état de santé rendrait préférable qu’il obtînt rapidement un hébergement d’urgence, il n’est pas soutenu que l’intéressé serait atteint d’une pathologie grave ou dans une situation de grande détresse ; que, dans ces conditions, la situation de M. Marahrjan ne peut, malgré la durée pendant laquelle il a été privé d’un hébergement, être regardée comme prioritaire au regard de l’ensemble des demandes d’hébergement adressées à l’administration ; qu’ainsi, il ne résulte pas de l’instruction que le comportement de l’administration à l’égard de M. Marahrjan ferait apparaître une méconnaissance manifeste des exigences mentionnées au 5 et aurait des conséquences graves pour lui, compte tenu de sa situation personnelle ».

Conseil d’État 16 mai 2013 N° 368337 

Le constat est bien peu rassurant concernant l’accueil d’urgence des demandeurs d’asile qui diffère selon leurs situations familiales et médicales.

C’est ainsi que la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme a mis en lumière ce problème et alerté les pouvoirs publics dans un avis en date du 15 décembre 2011 en soulignant la différence de traitement des demandes selon un ordre de priorité :

« A des occasions répétées, la CNCDH a interpellé le Parlement et le gouvernement pour que le droit d’asile, reconnu tant par la Constitution que par différents engagements internationaux de la France, et l’accueil des demandeurs d’asile soient effectivement garantis. Pourtant, le dispositif national d’accueil connaît une crise majeure dans une indifférence quasi-totale ».

Homophobie, travail et sport : La lutte contre les discriminations continue…

Le 02/06/13

J‘accueille de nouveau dans ses pages une publication de Myriam DELONCA, Avocat au Barreau de Lyon, pour une nouvelle intervention au cœur de l’actualité. 

A tout dire, je crois qu’elle a pris goût aux publications et la remercie d’ouvrir le blog à une autre vision du droit que la mienne. 

Les débats houleux et les manifestations retentissantes qui ont accompagné l’adoption de la Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe du 23 avril 2013, ont démontré récemment que la lutte contre les discriminations reste d’actualité.

A ceux qui pensaient encore que l’homophobie était d’un autre temps, la démonstration est faite la tolérance n’est pas un acquis.

Cette question ne touche pas que la conception de la famille, mais également d’autres domaines où l’esprit de cohésion et les valeurs humaines prévalent.

C’est ainsi que la Cour de Justice de l’Union Européenne a rendu le 25 avril dernier un arrêt intéressant à plus d’un titre.

Les juges communautaires se sont, en effet, prononcés sur les pratiques discriminantes d’un club de football professionnel.

– La saisine de la CJUE : 

La saisine ressortait d’une question préjudicielle posée par une juridiction roumaine suite à un litige entre l’association ACCEPT et le Conseil National (Roumain) de lutte contre les discrimination.

Le contexte était le suivant :

Une personne se présentant comme le dirigeant d’un club de football professionnel avait indiqué publiquement qu’un footballeur professionnel était exclu du processus de recrutement car il était présenté comme homosexuel.

Le 3 mars 2010, ACCEPT, organisation non gouvernementale roumaine dont l’objet est de promouvoir et de protéger les droits des personnes lesbiennes, gay, bisexuelles et transsexuelles, a déposé plainte contre le club de football devant le Conseil National de lutte contre les discriminations.

Contre toutes attentes, le Conseil avait rejeté la plainte, décision à laquelle l’association ACCEPT avait répondu en saisissant la juridiction judiciaire roumaine.

La Cour d’Appel de BUCAREST s’est alors interrogé sur l’application du droit européen et notamment de la directive 200/78 dont l’objectif est « d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, [le] handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en oeuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement ».

Mais le recrutement sportif et les conditions d’accès à l’emploi rentrent-ils également dans le cadre de la Directive ?

– La décision de la CJUE : 

C’est cette question que La CJUE a tranché en rappelant préalablement dans son arrêt qu’il ne lui appartenait pas d’examiner les faits, ni de dire si les circonstances à l’origine du litige au principal étaient révélatrices d’une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.

Seule l’instance juridictionnelle nationale conformément au droit national ou aux pratiques nationales détient ce pouvoir d’appréciation.

CJUE arrêt du 19 avril 2012, Meister, C 415/10 

En revanche, le fait que le Club de Football n’est pas contredit ou « pris ses distances» avec les déclarations en cause constitue un élément dont la Cour tient compte dans le cadre d’une appréciation globale des faits.

C’est ainsi que les juges de l’Union ont souligné qu’un « employeur défendeur ne saurait réfuter l’existence de faits permettant de présumer qu’il mène une politique d’embauche discriminatoire en se limitant à soutenir que les déclarations suggestives de l’existence d’une politique d’embauche homophone émanent d’une personne qui, bien qu’elle affirme et semble jouer un rôle important dans la gestion de cet employeur, n’est pas juridiquement capable de le lier en matière d’embauche« .

CJUE 25 avril 2013, aff. C-81/12, Asociatia ACCEPT c/ Consiliul National pentru Combaterea Discriminarii 

Cette position contribuera à la régression des stigmatisations pour des discriminations d’origine sexuelle au sein du sport et permettra plus de diversité.

Mais seule la juridiction Roumaine devra se prononcer sur le fond du dossier et vérifier si la sanction infligée (avertissement) au Club est appropriée à cette discrimination.

– La résonance avec la Cour de Cassation : 

On ne peut que se réjouir de cette décision qui trouve échos à celle de la Cour de Cassation en date du 24 avril 2013.

Cass. Soc. 24 avril 2013 Pourvoi n°11-15204 

Les juges français ont eu à s’interroger sur un litige concernant un salarié ayant réussi les épreuves d’aptitude aux fonctions de sous-directeur.

Ayant postulé quatorze fois à un poste de sous-directeur ou d’un niveau équivalent sans succès, il a fini par être licencié pour faute grave.

Malgré la transaction conclue avec son employeur, le salarié a saisi la juridiction prud’homale aux fins de solliciter la reconnaissance de son préjudice résultant d’une discrimination compte tenu de son orientation sexuelle

La discrimination et son indemnisation n’étant pas l’objet de la transaction, celle-ci ne faisait pas échec à la reconnaissance de la discrimination par les juges.

L’employeur opposait au salarié son licenciement et l’absence d’affectation à un poste de sous-directeur suite au refus de mobilité du salarié, raisons objectives et pertinentes selon lui.

La Cour de cassation a retenu, cependant, l’ambiance homophobe présente au sein de l’entreprise pour faire droit aux prétentions du salarié.

En dépit du climat national, le printemps 2013 apparaît enfin propice à plus de tolérance et à moins de discrimination.

Le sport le revendique, à l’image du club de footbaal Stonevall Londonien crée en 1991 affichant son statut de « gay friendly ».

Récemment, le monde du basket a également été éclairé d’une lumière nouvelle par la déclaration de Jasons COLLINS, joueur NBA qui a annoncé publiquement le 29 avril 2013 :

 » I’m a 34-year-old NBA center. I’m black. And I’m gay » 

Il était une fois un 17 mai 2013…

Le 17/05/13

Aujourd’hui, 17 mai 2013, se tient la journée internationale contre l’homophobie instaurée par le Comité IDAHO (International Day Against Homophobia and Transphobia) en 2005.

A l’origine, cette date a une valeur symbolique toute particulière puisque c’est le 17 mai 1990 que l’Organisation Mondiale de la Santé a retiré l’homosexualité de la liste des maladies.

En 2013, c’est également la date à laquelle le Conseil Constitutionnel s’est prononcé sur la constitutionnalité de la Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe récemment adoptée.

 

Saisis par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, les Sages ont clairement indiqué au terme de leur décision :

« que, si la législation républicaine antérieure à 1946 et les lois postérieures ont, jusqu’à la loi déférée, regardé le mariage comme l’union d’un homme et d’une femme, cette règle qui n’intéresse ni les droits et libertés fondamentaux, ni la souveraineté nationale, ni l’organisation des pouvoirs publics, ne peut constituer un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens du premier alinéa du Préambule de 1946 ; qu’en outre, doit en tout état de cause être écarté le grief tiré de ce que le mariage serait « naturellement » l’union d’un homme et d’une femme ».

Conseil Constitutionnel17 mai 2013 Décision n° 2013-669 

Les modifications du Code Civil concernant le mariage ont donc été déclarées conformes à la Constitution. 

Regard sur la petite muraille du Syndicat de la magistrature

Le 12/05/13

Le 24 avril dernier, le monde judiciaire a été quelque peu remué par les révélations d’un journaliste sur l’existence d’un gigantesque panneau découvert au siège du Syndicat de la Magistrature à PARIS intitulé le « Mur des cons ».

Sur fond de défense de la liberté syndicale ou de réquisitoire contre la république des juges, des voix se sont aussitôt élevées entre protection de la sphère privée et vertu magistrate.

C’est ainsi que Madame le garde des sceaux, Christiane Taubira, a condamné cette mauvaise blague avant d’annoncer la saisine du Conseil Supérieur de la Magistrature devant les députés car « le devoir de réserve des magistrats suppose de la retenue même dans le cadre de l’expression syndicale ».

La présidente du Syndicat de la Magistrature, Françoise Martres, s’est expliqué à son tour et a affirmé haut et fort que la pomme de discorde qui – l’on ne s’y méprenne pas – «s’attaquait aux idées, pas aux personnes » avait été détruite.

Dans son éditorial du 3 mai 2013, le Bâtonnier Charrière-Bournazel, Président du Conseil National des Barreaux a, de son côté, rendu hommage aux juges et à leur travail, tout en compatissant « à la douleur ressentie par ceux qui se sont ainsi découverts stigmatisés ».

Aujourd’hui, le séisme est passé … mais l’onde de choc se fait encore sentir me laissant perplexe face à cette saisissante blague.

Que faut-il bien penser de ce fameux « mur des cons » pendu dans la salle principale d’un local syndical qui a suscité tant de communiqués et de réactions ?

Ce panneau installé dans un lieu privé et destiné au simple jeu des syndiqués est présenté par le Syndicat de la Magistrature comme une plaisanterie de mauvais goût.

Chacun aura sa façon de percevoir le contenu de ce défouloir comme militant, outrageant, déplacé ou puéril.

Pourtant, ce que l’existence de ce « mur des cons » révèle est bien plus important qu’un banal sentiment d’approbation ou de désaccord, qu’une vive et vibrante émotion.

Elle traduit, d’abord, le malaise d’une partie de nos juges pris en étaux entre l’indépendance intrinsèque à leur fonction et la pression sociale et médiatique extrinsèque à laquelle ils sont confrontés.

Au gré de deux courants contraires, il n’est pas toujours aisé de nager, et encore moins de rester stoïque face à ce que l’office du juge impose de faire et ce que la Société attend de vous.

Aussi qu’il s’agisse d’idées ou de personnes, les unes et les autres peuvent sûrement pousser à l’intempérance en pleine tempête.

Ensuite, ce défouloir marque un détachement inquiétant de ceux qui se confrontent au quotidien à une réalité de la Société aussi peu glorieuse qu’effroyablement humaine.

Dire le droit sans se désunir de sa conscience et sans se départir d’équité est un exercice difficile qui appelle vigilance et justesse.

S’il faut se placer au-dessus des parties pour bien juger, il faut donc s’imposer à l’aplomb des autres acteurs de l’instance.

De là à dériver vers le mépris, il n’y a cependant qu’un pas que certains ne se voient même pas franchir.

Mais l’empreinte sur ce chemin ne change pas le panorama en fin de course au final.

N’oublions pas pourtant que l’Avocat limite les vues désagréables : il est un rempart entre les justiciables et les juges ce qui permet de lui conférer sa combativité et d’offrir aux magistrats la distance.

La conclusion reviendra à Michel Audiard au travers des dialogues des Tontons flingueurs : « Les cons ça ose tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît ».

A voté

Le 24/04/13

Hier, l’Assemblée nationale a adopté le projet de Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe à 331 voix 566 votants.

Sauf censure du Conseil Constitutionnel, le Code Civil intégrera prochainement un article 143 disposant :

« Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe ».

En 1804, le couple avait été emprisonné, asservi et brimé par les quatre rédacteurs du Code Napoléon.

Sous l’esprit de l’empereur, il était réduit à ne comprendre que les époux, hommes et femmes unis par les liens du mariage.

Puis l’union libre, le pacs et le mariage des personnes du même sexe ont fait évoluer au fils du temps cette définition.

C’est bien là la singularité du couple que de parler à tous et de tous…puisque comme l’écrivait LOYSEL, « boire, manger, coucher ensemble, c’est mariage ce me semble « .

Un mandat d’arrêt européen pour une question prioritaire de constitutionnalité et une question préjudicielle

Le 12/04/13

Les articles de ce blog reviennent régulièrement sur les interactions entre le droit français et le droit européen ainsi que leur nécessaire complémentarité dans l’intérêt du justiciable.

L’arrêt récent rendu par le Conseil Constitutionnel le 4 avril dernier est une nouvelle illustration de cette cohabitation des normes dans un domaine de la coopération policière et judiciaire en matière pénale.

Il porte sur le mandat d’arrêt européen défini par l’article 695-11 de notre Code de Procédure Pénale comme la « décision judiciaire émise par un Etat membre de l’Union européenne, appelé Etat membre d’émission, en vue de l’arrestation et de la remise par un autre Etat membre, appelé Etat membre d’exécution, d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privative de liberté ».

Cette procédure résulte de la décision-cadre du Conseil de l’Union européenne du 13 juin 2002 transposé en droit français par la Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

Par principe, le mandat d’arrêt européen dans l’ensemble des territoires des États membres de l’Union européenne.

La France a déclaré, cependant, que ce régime n’était pas applicable aux demandes de remise reçues par la France concernant des faits commis avant le 1er novembre 1993, date d’entrée en vigueur du Traité de Maastricht.

Ainsi les faits commis avant cette date relève de l’extradition tandis que ceux commis après ce, sont l’objet de la procédure du mandat d’arrêt européen.

L’exécution des mandats d’arrêt européens étrangers émis les pays de l’Union est confiée dans notre droit au parquet général et à la chambre de l’instruction.

Ainsi lorsqu’une personne frappée d’un tel mandat et appréhendée sur le territoire français, elle est présentée au procureur général sous quarante huit heures.

Celui-ci l’avise alors de l’existence et du contenu du mandat ainsi que de la faculté de consentir ou de s’opposer à sa remise à l’Etat de l’Union Européenne en attente de l’exécution du mandat.

Le procureur général peut ordonner son incarcération à défaut de garanties de représentation suffisantes.

Puis il saisit sans délai la Chambre de l’Instruction de la procédure afin qu’elle se prononce sur la remise à l’Etat de l’Union Européenne en attente et exécution du mandat.

La personne recherchée est alors convoquée à une audience publique qui se tient dans un délai de cinq jours ouvrables à compter de la date de sa présentation au procureur général.

S’il est fait droit à sa remise, elle sera transférée aux autorités étrangères dans les 10 jours suivant la date de la décision définitive de la chambre de l’instruction.

Mais si la personne recherchée s’est opposée à sa remise lors du débat contradictoire, elle peut former un pourvoi en cassation à l’encontre de la décision l’autorisant son transfert dans un délai de trois jours francs.

A titre particulier, la Chambre de l’Instruction est également compétente dans le cadre de la poursuite d’autres infractions et de la remise à un autre État membre.

En application de l’article 695-46 du Code de Procédure Pénale, elle peut ainsi être saisie «de toute demande émanant des autorités compétentes de l’Etat membre d’émission en vue de consentir à des poursuites ou à la mise à exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté prononcées pour d’autres infractions que celles ayant motivé la remise et commises antérieurement à celle-ci ».

Elle peut, par ailleurs, être amenée à statuer, « après la remise de la personne recherchée, sur toute demande des autorités compétentes de l’Etat membre d’émission en vue de consentir à la remise de la personne recherchée à un autre Etat membre en vue de l’exercice de poursuites ou de l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté pour un fait quelconque antérieur à la remise et différent de l’infraction qui a motivé cette mesure ».

Or dans ces deux cas, ni la législation française, ni relevé la décision-cadre du 13 juin 2002 ne prévoit de recours contre la décision de la Chambre de l’Instruction.

C’est donc cette absence de recours qui est à l’origine de l’arrêt du Conseil Constitutionnel en date du 4 avril 2013.

Saisi le 27 février 2013 sur question prioritaire de constitutionnalité par la Cour de Cassation, le Conseil a décidé de s’en remettre à la Cour de justice de l’Union Européenne.

Au terme de leur analyse, les sages ont relevé la décision-cadre du 13 juin 2002 transposée en droit français par la Loi du 9 mars 2004 ne comportait pas de dispositions relatives à un recours contre la décision tendant à étendre les effets du mandat d’arrêt européen ou d’autoriser la remise de la personne à un État tiers.

Le Conseil Constitutionnel s’est, de ce fait, retrouvé dans l’impossibilité de se déterminera sur la conformité de l’article 695-46 du Code de Procédure Pénale à la Constitution.

C’est ainsi qu’il a transmis une question préjudicielle pour la première fois à la Haute Cour afin d’obtenir son éclairage sur l’absence de recours de la décision de la Chambre de l’Instruction prévue à l’article 695-46 du Code de Procédure Pénale.

Conseil Constitutionnel 4 avril 2013 n° 2013-314P QPC 

Il appartient désormais à la Cour de Justice de l’Union Européenne d’interpréter les dispositions de la décision-cadre et de se prononcer sur l’éventuelle atteinte portée au principe d’égalité devant la justice et au droit à un recours juridictionnel effectif.

La procédure de renvoi préjudiciel a permis aux juges français d’interroger les juges européens sur l’application du droit dans l’ensemble de l’Union européenne aux fins d’uniformité.

Mais malgré le recours à la procédure d’urgence devant la Cour de Justice de l’Union Européenne dans l’attente, la personne soumise au mandat d’arrêt européen est détenue…et la décision suspendue.

Majeurs protégés et procédure pénale

Le 26/03/13

L’égalité devant la Loi est un principe fondateur du droit français depuis le Code Napoléon de 1804 jusqu’aux lois les plus récentes régissant la vie civile.

Pour autant, les disparités qui existent entre les justiciables, ont conduit à modérer cette règle par la nécessité de protéger les plus fragiles d’entre nous.

L’affaiblissement par l’âge, la maladie ou le handicap sont autant d’accidents de la vie auxquels nous pouvons un jour tous être confrontés.

Aussi la Loi n° 68-5 du 3 janvier 1968 portant réforme du droit des incapables majeurs a-t-elle installé un cadre durable et organisé assurant la protection des majeurs en situation de dépendance ou de vulnérabilité.

Dépoussiérés par la Loi n°2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, les régimes de tutelle et de curatelle ont depuis lors été modernisés pour offrir une assistance respectueuse de la personne et une gestion adaptée de ses biens.

Cependant, durant de nombreuses années, cette protection s’est arrêtée aux portes des Juge des Tutelles, sans accès à la procédure pénale.

Si le Législateur tenait compte des faiblesses de l’auteur présumé d’une infraction, ce n’était seulement que lorsque la question de sa responsabilité pénale pleine et entière était en jeu au sens de l’article 122-1 Code Pénal.

L’élément intentionnel de l’infraction y trouve ses limites, confronté à l’abolition et l’altération du discernement ou à l’entrave du contrôle des actes incriminés.

Il en va bien autrement lorsqu’il est question de la qualité de victime et non plus de celle de l’auteur des faits.

Son état de vulnérabilité pouvant constituer une circonstance aggravante, les termes de la répression ignorent rarement l’état de faiblesse de la partie civile.

Mais depuis la Loi du 5 mars 2007, les tuteurs et curateurs se sont invités dans la procédure pénale.

C’est ainsi que l’article 706-113 Code de Procédure Pénale précise :

« Le procureur de la République ou le juge d’instruction avise le curateur ou le tuteur, ainsi que le juge des tutelles, des poursuites dont la personne fait l’objet. Il en est de même si la personne fait l’objet d’une alternative aux poursuites consistant en la réparation du dommage ou en une médiation, d’une composition pénale ou d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou si elle est entendue comme témoin assisté ».

Pour autant, certaines portes ne sont encore qu’entrouvertes aux tuteurs et curateurs.

Tel est le cas de celle des cabinets des juges d’instruction.

Même si les organes de protection du majeur bénéficient de plein droit d’un permis de visite lorsque leur protégé est placé en détention provisoire, ils ne participent pas aux actes de l’information.

Ils peuvent, d’ailleurs, ne pas être alertés par l’ouverture d’une instruction criminelle ou délictuelle dans laquelle le majeur est mis en cause.

Ainsi selon la Cour de Cassation, le retard apporté à transmettre l’avis des poursuites au juge des tutelles et au curateur n’a pas eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne mise en examen et n’entraîne pas de ce fait l’annulation de l’interrogatoire de première comparution et des actes subséquents.

Cass. Crim. 28 septembre 2010 Pourvoi n° 10-83283 

L’information que les dispositions pénales prévoient, ne concernent donc que les poursuites, non l’enquête.

Par ailleurs, cette information ne donne lieu à aucune participation active de la part des curateurs ou tuteurs lors des instances correctionnelles ou criminelles auxquelles ils sont convoqués.

Ils peuvent certes prendre connaissance des pièces de la procédure mais n’ont pas qualité de partie à l’instance, ni mission d’assistance envers leurs protégés.

Ce dernier rôle reste dévolu exclusivement à l’Avocat qui assiste obligatoirement le majeur sous mesure de protection selon les dispositions de l’article 706-116 du Code de Procédure Pénale.

Ainsi si les curateurs ou tuteurs sont invités à être présents lors de l’audience, ce n’est que pour être entendu en qualité de témoin.

En leur absence, leur protégé pourra être jugé sans que la juridiction soit éclairée sur la mesure de protection en place alors qu’elle fait sienne le principe de personnalisation de la peine.

D’autres portes encore de la procédure pénale se trouvent complètement closes à ceux qui doivent pallier la vulnérabilité du majeur protégé.

Selon le rapport 2012 du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté , il s’agit de celles des gendarmeries et des commissariats.

En effet, l’existence de raisons plausibles de soupçonner qu’un majeur protégé a commis ou tenté de commettre une infraction peut entraîner son placement en garde à vue.

Cependant, l’article 63-2 du Code de Procédure Pénale n’impose pas aux services de police et de gendarmerie d’aviser les tuteurs ou curateurs de cette mesure.

C’est pourquoi, le CGLPL préconise de prévoir cet avis ainsi que la possibilité pour les tuteurs ou curateurs de désigner un médecin pour procéder à l’examen médical du majeur protégé gardé à vue.

La procédure pénale mérite donc d’évoluer encore pour qu’elle soit la plus équilibrée possible selon les qualités du justiciable.

Les conséquences de l’état de dépendance ou de vulnérabilité que le Juge des Tutelles a reconnu pour protéger le majeur, ne peuvent être regardées lointainement en droit pénal.

Ce qu’il faut savoir sur la rupture conventionnelle du contrat de travail

Le 13/03/13

C’est avec plaisir que j’accueille de nouveau dans ses pages une publication de Myriam DELONCA, Avocat au Barreau de Lyon. 

 

Je la remercie vivement pour son intervention et son point de vue avisé en droit du travail. 

 

Forte de son succès, la rupture conventionnelle est à l’origine de l’homologation de plus d’un million de résiliation de contrat de travail depuis son entrée en vigueur en 2008.

Au sens littéral, elle peut se définir comme un accord amiable permettant de rompre la convention liant l’employeur et le salarié dans le cadre de l’exécution d’une activité professionnelle.

La rupture conventionnelle répond aux exigences d’une procédure spécifique sans nécessité de motifs de licenciement, encadrée par deux entretiens et organisée sous le contrôle de l’Inspection du Travail.

C’est ainsi que dans un souci de protection des parties, cette procédure est soumise à l’homologation des services de l’Inspection du Travail (DIRRECTE).

Au-delà des enjeux sociaux, la rupture conventionnelle est au centre d’intérêts pécuniaires car elle ouvre droit au versement d’une indemnité également spécifique.

Son montant ne peut pas être inférieur à l’indemnité légale de licenciement ou à l’indemnité conventionnelle et peut faire l’objet de négociations avec l’employeur.

Il s’agit alors d’une indemnité supplémentaire qui peut être versée lors de la rupture conventionnelle ou dans un deuxième temps lors d’une éventuelle transaction postérieure et qui est calculée sur la base des 12 derniers mois ou des trois derniers mois (y compris les gratifications).

Rappelons que l’indemnité légale de licenciement est de un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté, auquel s’ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de 10 ans d’ancienneté.

Mais la convention collective applicable au contrat de travail peut parfois proposée un calcul d’indemnité plus avantageux.

Vous aurez donc compris que si la rupture conventionnelle est plus simple et plus souple qu’un licenciement, elle ne doit pas être usitée à la légère car des écueils persistent aussi bien pour le salarié que pour l’employeur.

Aussi, voici les réponses qui peuvent être apportées aux questions courantes qui se posent au salarié et à l’employeur pour la mise en oeuvre de cette procédure.

La rupture conventionnelle, une bonne option pour un salarié ? 

Dans la pratique, la rupture conventionnelle est parfois utilisée par un salarié qui envisage de démissionner afin de percevoir plus rapidement l’allocation chômage.

En effet, une démission conduit à un délai de carence de 4 mois lors de la perception de l’allocation « chômage ».

Bien sûr, cette pratique vide de son sens la rupture conventionnelle.

C’est ainsi que la rupture conventionnelle peut être refusée par l’employeur car cette dernière a un coût comme cela a été précisé.

La rupture conventionnelle et l’indemnité de préavis : 

Il est important de souligner que lors d’une rupture conventionnelle, aucune indemnité de préavis n’est versée.

Cette perte ne doit pas être négligée : elle peut, en effet, être conséquente sachant, à titre d’exemple, qu’elle correspond à 3 mois de salaire brut pour les salariés.

La rupture conventionnelle pendant les congés : 

Dans le cadre d’une suspension du contrat de travail comme les congés payés, le congé parental d’éducation, les congés sans solde, il est possible d’envisager une rupture conventionnelle.

En revanche, lors d’un congé pour maternité, d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle, il conviendra de respecter les périodes de protection prévu par le code du travail avant d’envisager une rupture conventionnelle.

Egalement en cas de maternité, la salariée bénéficie d’une protection particulière prévue par le Code du Travail.

L’indemnité de rupture conventionnelle et sa taxation : 

L’indemnité perçue lors d’une rupture conventionnelle, est exonérée uniquement à hauteur de deux fois la rémunération annuelle brute perçue au cours de l’année civile précédant la rupture du contrat de travail.

Pour autant, elle n’est pas nécessairement exonérée de cotisations sociales et peut être soumise à la CSG CRDS selon des règles précises d’exonération prenant en compte l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, l’indemnité versée (si supplémentaire) et le plafond de la sécurité sociale.

Le formulaire de procédure précise donc que les montants sont bruts à défaut de négociation précisant la prise en charge du montant.

Compte tenu de la technicité, il semble indispensable de solliciter l’avis d’un expert et de prendre conseil sur le calcul de ce montant.

La mise à la retraite ou une rupture conventionnelle ? 

Si le salarié peut bénéficier d’une pension de retraite de base , peu importe qu’il soit à taux plein ou non, l’intégralité de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle sera soumise à la CSG CRDS (8% environ ) sans exonération.

De plus, il est important de distinguer la mise à la retraite par l’employeur et la demande de départ à la retraite par le salarié.

Les conditions de départ ne donnent pas lieu au versement d’indemnités identiques en fonction des conventions collectives.

L’indemnité de mise à la retraite est parfois supérieure à l’indemnité de départ à la retraite.

La vigilance est donc de mise…

La rupture conventionnelle, une bonne option pour l’employeur ? 

Le forfait social mis en place par la loi de finances 2013 doit être pris en compte.

En effet pour l’employeur, aux charges sociales applicables sur le montant de l’indemnité (en fonction des exonérations selon le plafond de la sécurité sociale), s’ajoute désormais un forfait social de 20% (Article L 137-15 et suivants du Code de la sécurité sociale ).

En dehors de ce forfait, l’employeur sera amené à s’interroger sur les mêmes points que dans une procédure de licenciement.

La première illustration concerne la situation du salarié protégé, la demande de rupture conventionnelle étant soumise à l’homologation de l’inspection du travail selon un formulaire spécifique.

Le second exemple s’applique à la clause de non-concurrence pouvant donner lieu à renoncement ou versement de l’indemnité prévue.

La date de rupture du contrat de travail : 

Alors que l’article L 1237-13 du Code du Travail dispose que la convention de rupture fixe la date de rupture du contrat de travail, le formulaire prévoit une date envisagée.

Il est donc indispensable de convenir par écrit la date de rupture effective du contrat de travail d’un commun accord entre le salarié et l’employeur.

La prise des congés payés non soldés pourra être prise en compte dans la détermination de cette date.

L’accord transactionnel postérieur à la rupture conventionnelle : 

Il est utile de rappeler que la rupture conventionnelle malgré son caractère consensuel se distingue de la transaction.

Par définition, la rupture conventionnelle ne règle que la rupture du contrat.

Aussi le salarié est-il libre d’attaquer son employeur au titre de l’exécution du contrat postérieurement à la signature de la rupture conventionnelle.

Tel est le cas lorsqu’il existe un litige portant sur la rémunération variable ou encore les congés payés.

Au fil de cette présentation, il ressort de cet éclairage que tout est affaire de dialogue entre salarié et employeur.

Avant toute chose, la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties pour mettre fin au contrat de travail.

Alors il faudrait envisager un autre moyen de rupture…

Myriam DELONCA 

Avocat au barreau de LYON 

myriamdelonca@gmail.com 

www.myriamdelonca-avocat.com