Le 26/03/13
L’égalité devant la Loi est un principe fondateur du droit français depuis le Code Napoléon de 1804 jusqu’aux lois les plus récentes régissant la vie civile.
Pour autant, les disparités qui existent entre les justiciables, ont conduit à modérer cette règle par la nécessité de protéger les plus fragiles d’entre nous.
L’affaiblissement par l’âge, la maladie ou le handicap sont autant d’accidents de la vie auxquels nous pouvons un jour tous être confrontés.
Aussi la Loi n° 68-5 du 3 janvier 1968 portant réforme du droit des incapables majeurs a-t-elle installé un cadre durable et organisé assurant la protection des majeurs en situation de dépendance ou de vulnérabilité.
Dépoussiérés par la Loi n°2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, les régimes de tutelle et de curatelle ont depuis lors été modernisés pour offrir une assistance respectueuse de la personne et une gestion adaptée de ses biens.
Cependant, durant de nombreuses années, cette protection s’est arrêtée aux portes des Juge des Tutelles, sans accès à la procédure pénale.
Si le Législateur tenait compte des faiblesses de l’auteur présumé d’une infraction, ce n’était seulement que lorsque la question de sa responsabilité pénale pleine et entière était en jeu au sens de l’article 122-1 Code Pénal.
L’élément intentionnel de l’infraction y trouve ses limites, confronté à l’abolition et l’altération du discernement ou à l’entrave du contrôle des actes incriminés.
Il en va bien autrement lorsqu’il est question de la qualité de victime et non plus de celle de l’auteur des faits.
Son état de vulnérabilité pouvant constituer une circonstance aggravante, les termes de la répression ignorent rarement l’état de faiblesse de la partie civile.
Mais depuis la Loi du 5 mars 2007, les tuteurs et curateurs se sont invités dans la procédure pénale.
C’est ainsi que l’article 706-113 Code de Procédure Pénale précise :
« Le procureur de la République ou le juge d’instruction avise le curateur ou le tuteur, ainsi que le juge des tutelles, des poursuites dont la personne fait l’objet. Il en est de même si la personne fait l’objet d’une alternative aux poursuites consistant en la réparation du dommage ou en une médiation, d’une composition pénale ou d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou si elle est entendue comme témoin assisté ».
Pour autant, certaines portes ne sont encore qu’entrouvertes aux tuteurs et curateurs.
Tel est le cas de celle des cabinets des juges d’instruction.
Même si les organes de protection du majeur bénéficient de plein droit d’un permis de visite lorsque leur protégé est placé en détention provisoire, ils ne participent pas aux actes de l’information.
Ils peuvent, d’ailleurs, ne pas être alertés par l’ouverture d’une instruction criminelle ou délictuelle dans laquelle le majeur est mis en cause.
Ainsi selon la Cour de Cassation, le retard apporté à transmettre l’avis des poursuites au juge des tutelles et au curateur n’a pas eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne mise en examen et n’entraîne pas de ce fait l’annulation de l’interrogatoire de première comparution et des actes subséquents.
Cass. Crim. 28 septembre 2010 Pourvoi n° 10-83283
L’information que les dispositions pénales prévoient, ne concernent donc que les poursuites, non l’enquête.
Par ailleurs, cette information ne donne lieu à aucune participation active de la part des curateurs ou tuteurs lors des instances correctionnelles ou criminelles auxquelles ils sont convoqués.
Ils peuvent certes prendre connaissance des pièces de la procédure mais n’ont pas qualité de partie à l’instance, ni mission d’assistance envers leurs protégés.
Ce dernier rôle reste dévolu exclusivement à l’Avocat qui assiste obligatoirement le majeur sous mesure de protection selon les dispositions de l’article 706-116 du Code de Procédure Pénale.
Ainsi si les curateurs ou tuteurs sont invités à être présents lors de l’audience, ce n’est que pour être entendu en qualité de témoin.
En leur absence, leur protégé pourra être jugé sans que la juridiction soit éclairée sur la mesure de protection en place alors qu’elle fait sienne le principe de personnalisation de la peine.
D’autres portes encore de la procédure pénale se trouvent complètement closes à ceux qui doivent pallier la vulnérabilité du majeur protégé.
Selon le rapport 2012 du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté , il s’agit de celles des gendarmeries et des commissariats.
En effet, l’existence de raisons plausibles de soupçonner qu’un majeur protégé a commis ou tenté de commettre une infraction peut entraîner son placement en garde à vue.
Cependant, l’article 63-2 du Code de Procédure Pénale n’impose pas aux services de police et de gendarmerie d’aviser les tuteurs ou curateurs de cette mesure.
C’est pourquoi, le CGLPL préconise de prévoir cet avis ainsi que la possibilité pour les tuteurs ou curateurs de désigner un médecin pour procéder à l’examen médical du majeur protégé gardé à vue.
La procédure pénale mérite donc d’évoluer encore pour qu’elle soit la plus équilibrée possible selon les qualités du justiciable.
Les conséquences de l’état de dépendance ou de vulnérabilité que le Juge des Tutelles a reconnu pour protéger le majeur, ne peuvent être regardées lointainement en droit pénal.