Le 12/04/13
Les articles de ce blog reviennent régulièrement sur les interactions entre le droit français et le droit européen ainsi que leur nécessaire complémentarité dans l’intérêt du justiciable.
L’arrêt récent rendu par le Conseil Constitutionnel le 4 avril dernier est une nouvelle illustration de cette cohabitation des normes dans un domaine de la coopération policière et judiciaire en matière pénale.
Il porte sur le mandat d’arrêt européen défini par l’article 695-11 de notre Code de Procédure Pénale comme la « décision judiciaire émise par un Etat membre de l’Union européenne, appelé Etat membre d’émission, en vue de l’arrestation et de la remise par un autre Etat membre, appelé Etat membre d’exécution, d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privative de liberté ».
Cette procédure résulte de la décision-cadre du Conseil de l’Union européenne du 13 juin 2002 transposé en droit français par la Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
Par principe, le mandat d’arrêt européen dans l’ensemble des territoires des États membres de l’Union européenne.
La France a déclaré, cependant, que ce régime n’était pas applicable aux demandes de remise reçues par la France concernant des faits commis avant le 1er novembre 1993, date d’entrée en vigueur du Traité de Maastricht.
Ainsi les faits commis avant cette date relève de l’extradition tandis que ceux commis après ce, sont l’objet de la procédure du mandat d’arrêt européen.
L’exécution des mandats d’arrêt européens étrangers émis les pays de l’Union est confiée dans notre droit au parquet général et à la chambre de l’instruction.
Ainsi lorsqu’une personne frappée d’un tel mandat et appréhendée sur le territoire français, elle est présentée au procureur général sous quarante huit heures.
Celui-ci l’avise alors de l’existence et du contenu du mandat ainsi que de la faculté de consentir ou de s’opposer à sa remise à l’Etat de l’Union Européenne en attente de l’exécution du mandat.
Le procureur général peut ordonner son incarcération à défaut de garanties de représentation suffisantes.
Puis il saisit sans délai la Chambre de l’Instruction de la procédure afin qu’elle se prononce sur la remise à l’Etat de l’Union Européenne en attente et exécution du mandat.
La personne recherchée est alors convoquée à une audience publique qui se tient dans un délai de cinq jours ouvrables à compter de la date de sa présentation au procureur général.
S’il est fait droit à sa remise, elle sera transférée aux autorités étrangères dans les 10 jours suivant la date de la décision définitive de la chambre de l’instruction.
Mais si la personne recherchée s’est opposée à sa remise lors du débat contradictoire, elle peut former un pourvoi en cassation à l’encontre de la décision l’autorisant son transfert dans un délai de trois jours francs.
A titre particulier, la Chambre de l’Instruction est également compétente dans le cadre de la poursuite d’autres infractions et de la remise à un autre État membre.
En application de l’article 695-46 du Code de Procédure Pénale, elle peut ainsi être saisie «de toute demande émanant des autorités compétentes de l’Etat membre d’émission en vue de consentir à des poursuites ou à la mise à exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté prononcées pour d’autres infractions que celles ayant motivé la remise et commises antérieurement à celle-ci ».
Elle peut, par ailleurs, être amenée à statuer, « après la remise de la personne recherchée, sur toute demande des autorités compétentes de l’Etat membre d’émission en vue de consentir à la remise de la personne recherchée à un autre Etat membre en vue de l’exercice de poursuites ou de l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté pour un fait quelconque antérieur à la remise et différent de l’infraction qui a motivé cette mesure ».
Or dans ces deux cas, ni la législation française, ni relevé la décision-cadre du 13 juin 2002 ne prévoit de recours contre la décision de la Chambre de l’Instruction.
C’est donc cette absence de recours qui est à l’origine de l’arrêt du Conseil Constitutionnel en date du 4 avril 2013.
Saisi le 27 février 2013 sur question prioritaire de constitutionnalité par la Cour de Cassation, le Conseil a décidé de s’en remettre à la Cour de justice de l’Union Européenne.
Au terme de leur analyse, les sages ont relevé la décision-cadre du 13 juin 2002 transposée en droit français par la Loi du 9 mars 2004 ne comportait pas de dispositions relatives à un recours contre la décision tendant à étendre les effets du mandat d’arrêt européen ou d’autoriser la remise de la personne à un État tiers.
Le Conseil Constitutionnel s’est, de ce fait, retrouvé dans l’impossibilité de se déterminera sur la conformité de l’article 695-46 du Code de Procédure Pénale à la Constitution.
C’est ainsi qu’il a transmis une question préjudicielle pour la première fois à la Haute Cour afin d’obtenir son éclairage sur l’absence de recours de la décision de la Chambre de l’Instruction prévue à l’article 695-46 du Code de Procédure Pénale.
Conseil Constitutionnel 4 avril 2013 n° 2013-314P QPC
Il appartient désormais à la Cour de Justice de l’Union Européenne d’interpréter les dispositions de la décision-cadre et de se prononcer sur l’éventuelle atteinte portée au principe d’égalité devant la justice et au droit à un recours juridictionnel effectif.
La procédure de renvoi préjudiciel a permis aux juges français d’interroger les juges européens sur l’application du droit dans l’ensemble de l’Union européenne aux fins d’uniformité.
Mais malgré le recours à la procédure d’urgence devant la Cour de Justice de l’Union Européenne dans l’attente, la personne soumise au mandat d’arrêt européen est détenue…et la décision suspendue.