Durée de la rétention administrative et recommandations du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Le 26/02/13

Le 25 février dernier, le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté a présenté lors d’une conférence de presse son rapport d’activité 2012 après sa remise comme chaque année au Président de la République et au Parlement.

On doit la création de cette autorité indépendante, globe trotteuse des geôles, à la Loi n°2007-1545 du 30 octobre 2007.

Cette législation est la suite directe -mais non immédiate- du Protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants, adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies le 18 décembre 2002 à NEW YORK.

Grâce à elle, les locaux de garde à vue, établissements de santé, dépôts de tribunaux, centres éducatifs fermés, zones d’attente aéroportuaires et établissements pénitentiaires sont autant de lieux invisibles et méconnus placés sur le carnet de route du CGLPL.

Loin d’être des balade touristiques, les visites de vérification permettent de dresser un état de ces lieux et des conditions de « séjour » de leurs occupants au regard des libertés publiques

Les Centres de Rétentions Administratifs figurent parmi ces locaux.

Pour rappel, ils sont destinés à recevoir les étrangers en situation irrégulière frappés d’une mesure d’éloignement dans l’attente de l’organisation de leur départ selon l’article R 551-2 du CESEDA.

Au terme de son rapport 2012, le Contrôleur Général tire du placement au CRA des conclusions aussi limpides que sans appel.

Le cahier 1 du dossier de presse consacré au sort des étrangers titre, en effet, que « Le délai de rétention doit repasser à 32 jours ».

Il poursuit ainsi :

« 2012 est la première année complète d’application de la loi du 16 juin 2011 (relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité) qui modifie et amplifie les possibilités de recours à l’assignation à résidence (puisque désormais la rétention n’est possible que lorsque d’autres mesures sont inefficientes) et parallèlement, allonge la durée de la rétention, qui passe de 32 jours (au maximum) à 45 jours (au maximum) : une durée administrative de 5 jours au plus, suivie de deux périodes de 20 jours autorisées par le juge judiciaire ».

Enfin, il conclut :

« La question de la durée de la rétention ne peut donc être regardée comme définitivement tranchée. Le Contrôleur général qui a visité les 25 centres de rétention administrative recommande que la durée de rétention soit opportunément revue à la baisse et de nouveau fixée à 32 jours ».

Plus d’un an après son adoption, il semble que la Loi BESSON soit toujours loin de faire l’unanimité au point de réveiller un esprit de réforme.

Sire ! On en a gros…

Le 25/02/13

Qui n’a pas respiré ces derniers mois un certain parfum indélicat d’inquiétude dans l’atmosphère? Qui n’a pas entendu quelques paroles au souffle d’un ton cinglant raisonnées contre les murs? Qui n’a pas ressenti l’indifférence dans les regards des autres ou au fils de quelques échanges ?

Ainsi ai-je choisi d’ouvrir l’article de ce jour sur ces signes d’inconsidération et ces visages fermés dans l’air du temps.

En effet, l’incertitude nous fragilise tous en s’attaquant à la paix sociale aussi bien qu’à la sécurité matérielle.

Comme c’est humain, chacun d’entre nous réagit à sa façon face à la morosité ambiante et tente de se préserver autant que faire se peut.

Certains se complaisent dans un protectionnisme centré sur soi où « l’enfer c’est les autres » ; d’autres demeurent en éveil en se souvenant que l’étymologie latine de la société c’est d’abord la communauté.

Entre des espoirs et désespérance, il n’est pas de méthodes idéales pour avancer dans le bruit et dans la confusion sans se perdre.

Et sous ce vent de froideur, les portes du palais claquent elles aussi, laissant un malaise lentement s’installer au sein du monde judicaire.

Ainsi en mars 2012, je m’interrogeais sur l’estime que se portaient entre eux les acteurs de la Justice suite aux incidents répétés lors des audiences correctionnelles de la Cour d’Appel de NIMES.

Un an plus tard, le vernis se craquelle un peu plus sous la plume de Monsieur le Bâtonnier Christian Charrière-Bournazel, Président du Conseil National des Barreaux.

Dans son éditorial du 15 février 2013 , il dénonce la tyrannie de la suspicion frappant les avocats au travers d’un constat alarmant mais réel :

« Un abîme est en train de se creuser à nouveau entre les juges professionnels et les praticiens libéraux. Seuls les premiers seraient légitimes, les seconds suspects de tout. Par définition, le libéral serait malsain tandis que le fonctionnaire serait pur. Le secret serait le masque de la fraude. Ce n’est pas seulement un outrage, c’est le signe d’un dogmatisme insupportable ».

Je ne peux que m’interroger encore sur la réponse à donner à cette défiance croissante à laquelle l’Avocat est confronté dans sa mission quotidienne d’assistance et de représentation.

Le mépris n’est sans doute pas une fatalité pour l’auxiliaire de justice qui exerce ses fonctions avec « dignité, conscience, indépendance, probité et humanité ».

Ce clivage qui se fait plus pressant, a bien peu de sens si l’on se souvient qu’à l’origine, le Juge et l’Avocat sont tous deux issus des mêmes bancs de la faculté de Droit.

Ce n’est qu’après l’obtention d’un master ou d’un diplôme équivalent que les chemins de ces anciens étudiants se sont séparés avant de se retrouver, alors devenus professionnels, dans les prétoires.

Les magistrats ont suivi une formation de 31 mois en qualité d’auditeurs de justice organisée par l’Ecole Nationale de la Magistrature qu’ils ont intégrée après la réussite d’un concours national.

Les Avocats ont accédé quant à eux par la voie d’un examen au Centre Régional de Formation à la Profession d’Avocat qui les a préparé durant 18 mois à l’obtention du Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat.

Mais durant leurs initiations respectives, les deux apprentis juristes sont restés liés par leur formation alliant l’enseignement théorique à la pratique professionnelle.

L’un n’était jamais loin de l’autre, préparés au concours de l’ENM ou à l’examen du CRFPA par les mêmes organismes, les Instituts d’Etudes Judiciaires rattachés aux Universités de Droit.

Puis, sans trop savoir comment, ni pourquoi, l’esprit d’un Corps et la déontologie d’un Ordre les ont divisés.

Comme deux frères ennemis, les impératifs de coopération et l’appartenance à un même système judiciaire ne suffisent plus à les rassembler.

Désormais, l’Avocat peine à trouver sa place dans les débats que le Juge mène à force d’autorité et de rudesse, pressé d’objectifs et d’immédiateté.

Or, sous la mesure qui faillit, sous les échanges qui s’affaiblissent, c’est la Justice qui échappe à l’un et l’autre.

Aussi, au nom de ce système auquel l’Avocat et le Juge ont cru suffisamment, au moins à un moment, pour choisir les fonctions qui y étaient liées, l’équité et la sérénité ne doivent pas disparaître…

« La terreur ne réussit pas à la démocratie, parce que la démocratie a besoin de justice »

Edgar Quinet 

Regard sur la retenue d’un étranger aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour

Le 25/01/13

L’année 2012 aura été marquée par le débat sur le placement en garde à vue pour infraction à la législation des étrangers.

L’avis de la chambre criminelle de la Cour de Cassation du 5 juin 2012 puis les arrêts de la première chambre civile du 5 juillet 2012 ont mis fin définitivement aux controverses.

L’interprétation de la directive dite « retour » 2008/115/CE du 16 décembre 2008 s’en est trouvée clarifié et s’est imposée – non sans peine – à l’ensemble des juridictions civiles et pénales.

Pour autant, cette évolution de la répression a laissé un certain vide compliquant le travail des services de police et de gendarmerie ainsi que les démarches de retour des Préfectures.

Les premiers se sont vu privés des moyens leur permettant de garder à disposition durant quelques heures les étrangers soupçonnés de séjourner irrégulièrement en France.

Les secondes, contraintes de se prononcer sans délai sur les mesures d’éloignement, ont vu leur pouvoir limité par leurs propres horaires d’accueil.

C’est ainsi que la Loi n°2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées a pallié le manque.

Entrée en vigueur le 1er janvier 2013, cette législation est venue au secours des services de l’Etat par la création d’un nouveau régime de privation de libertés destiné exclusivement aux étrangers.

Les articles L 611-1 et suivants qui fixent les conditions de la retenue, ont été intégrés dans le Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile.

Pour autant, ce n’est que très symboliquement que cette retenue ne relève pas des dispositions du Code de Procédure Pénale.

Elle est, en effet, la suite évidente d’un contrôle d’identité effectué en application des articles 78-1,78-2, 78-2-1 et 78-2-2 dudit code au cours duquel l’étranger ne s’est pas trouvé en mesure de présenter ses documents de séjour ou autorisation de circulation sur le territoire français.

Dans un souci d’égalité et de proportionnalité, le Législateur a entendu encadrer ces opérations de contrôle à l’origine de la mesure tant sur la fin que sur les moyens.

Policiers et gendarmes ne peuvent dès lors vérifier le respect des obligations de détention que « si des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l’intéressé sont de nature à faire apparaître sa qualité d’étranger ».

Cette définition de l’extranéité renvoie sans équivoque à la jurisprudence de la Cour de Cassation du 28 mars 2012 déjà évoquée dans ces pages.

Quant à l’organisation des contrôles, elle devra combiner les limitations de durée, de lieu et de fréquence précédemment dégagées par la Cour de Justice de l’Union Européenne dans sa décision du 22 juin 2010 .

L’article L 611-1 du CESEDA a donc intégré les principes dégagés par la jurisprudence récente dans la mise en oeuvre des contrôles d’identité.

De son côté, l’article L 611-1-1 du même code n’oublie pas de reprendre les droits et garanties dont l’étranger placé sous la main de l’autorité publique, bénéficie.

Conduit dans les locaux de police ou de gendarmerie, celui-ci est ainsi mis en mesure durant sa retenue « de fournir par tout moyen les pièces et documents requis » utiles aux opérations de vérification nécessaires.

Le Procureur de la République est informé dès le début et tout moment du déroulement de la retenue qui s’effectue sous le contrôle de l’officier de police judiciaire.

L’étranger va bien sûr recevoir les informations afférentes à la mesure « dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend ».

Comme en matière de garde à vue, il pourra être assisté par un interprète, un avocat lors d’entretien de trente minutes en début de mesure puis durant ses auditions.

De même, il pourra être examiné par un médecin et prévenir sa famille, toute personne de son choix ainsi que les autorités consulaires de son pays.

Mais sauf circonstances particulières, ce n’est pas l’officier de police judiciaire qui informera les tiers mais l’étranger lui-même.

A l’évidence, le texte tente donc tant bien que mal de limiter le caractère coercitif de la retenue sans vraiment arriver à la distinguer de la garde à vue.

Certes la mesure est limitée à une durée de 16 heures à cours laquelle « l’étranger ne peut être placé dans une pièce occupée simultanément par une ou plusieurs personnes gardées à vue ».

De plus, la prise d’empreintes digitales ou de photographies n’est pas automatique et n’intervient que « lorsque celle-ci constitue l’unique moyen d’établir la situation de cette personne ».

Au surplus, le procès-verbal et les pièces de la procédure sont détruits dans un délai de six mois à compter de la fin de la mesure si aucune infraction n’a été relevée, aucune mesure d’éloignement n’a été prise, ni poursuite engagée.

Pour autant, la durée de la retenue s’impute directement sur celle de l’éventuelle garde à vue qui peut s’en suivre.

Comme la retenue douanière, la détention temporaire qu’elle entraine, ne laisse alors subsister aucun doute sur le caractère contraignant de cette mesure.

Ainsi bien que l’étranger soit invité à suivre les policiers et gendarmes à la suite du contrôle en dehors de toute interpellation, il ne semble avoir guère pouvoir s’y soustraire.

D’ailleurs, « s’il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite », son menottage n’est pas exclu.

Dans ces conditions, seule la pratique permettra de nous éclairer sur les différences réelles de traitement entre le gardé à vue et le retenu aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour.

En attendant, cette nouvelle mesure risque de peiner dans sa mise en oeuvre matérielle car les commissariats et gendarmeries devront bénéficier d’une pièce permettant d’assurer la parfaite séparation entre interpellés et invités.

Quant aux différents Barreaux, ils devront organiser l’intervention des avocats sans connaître les conditions précises de leur rémunération, ni le montant des dotations qui leur seront allouées pour ce faire.

A suivre…

Le libre consentement au mariage, histoire de contrat et de coeur

Le 03/01/13

L’année 2013 saura, à n’en pas douter, inspirer le Législateur et donner naissance à de nouveaux textes qui viendront ajouter aux précédents, les modifieront ou les abrogeront.

Adopté le 7 novembre 2012 en conseil des Ministres, le projet de Loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe est sous toutes les plumes et sur toutes les langues.

En effet, cette réforme, actuellement en cours de discussion au Parlement, a dès son annonce fait couler beaucoup d’encre et de salive.

Cette évolution annoncée ne saurait être prise avec légèreté car en droit français, l’acte de mariage revêt une nature juridique complexe compte tenu de son ambivalence.

Il est une institution marquée par une célébration et consacrée au cours de celle-ci par une déclaration solennelle des époux reçue par l’officier d’état civil.

Il est encore un contrat civil soumis à des conditions de forme et de validité telles que le consentement des parties.

L’article 180 du Code Civil dispose ainsi :

« Le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des deux époux, ou de l’un d’eux, ne peut être attaqué que par les époux, ou par celui des deux dont le consentement n’a pas été libre, ou par le ministère public. L’exercice d’une contrainte sur les époux ou l’un d’eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage.

S’il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l’autre époux peut demander la nullité du mariage ».

Ces dispositions créent donc une action en nullité du mariage au bénéfice des époux et du Procureur de la République lorsque le consentement vicié faisant naître une erreur sur la personnes et/ ou ses qualités essentielles.

Les articles 1108 et 1109 du Code Civil demeurés inchangés depuis 1804 posent en effet comme condition à la validité de toutes conventions « le consentement de la partie qui s’oblige », c’est-à-dire un accord libre et éclairé à l’inverse de celui « donné par erreur ou (…) extorqué par violence ou surpris par dol ».

De ce fait, le consentement des personnes vulnérables est strictement encadré pour assurer leur protection.

Le contrôle prévu par la Loi peut aller jusqu’à la substitution de l’acceptation du mariage par l’autorité judiciaire ou les proches dans l’intérêt de l’un ou l’autre des époux.

Selon l’article 460 du Code Civil, « le mariage d’une personne en tutelle n’est permis qu’avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué et après audition des futurs conjoints et recueil, le cas échéant, de l’avis des parents et de l’entourage ».

Par ailleurs, l’article 148 du même code prévoit « les mineurs ne peuvent contracter mariage sans le consentement de leurs père et mère ».

Devant ce panorama juridique, on comprend sans nul doute que le Législateur n’a pas fait sienne la maxime de Blaise PASCAL (1).

Sans nier les élans du coeur et l’attachement des époux, c’est avant tout la Raison que le mariage civil connait.

Dans une récente jurisprudence de 2012, la Cour de Cassation s’est distinguée par sa constance dans l’appréciation du consentement à l’union.

La promise semblait penser avec beaucoup de ferveurs que si l’argent ne faisait pas le bonheur de tous, il pouvait faire le sien.

Bien qu’il soit affaire de mariage, l’arrêt du 19 décembre 2012 porte sur une question d’intérêts sans nous parler d’une histoire d’amour.

En effet, à la suite de son union célébré en 1996, l’époux avait initié une action en annulation du mariage animé par la conviction que son épouse n’était pas sincère dans ses engagements.

Les événements ne le détrompèrent malheureusement pas.

Plus tard, son épouse devait être condamnée par une cour d’assises pour lui avoir volontairement porté des coups et fait des blessures, sans intention de donner la mort.

Le mari avait succomber à son agression moins d’un mois après la célébration des noces.

Cependant,à son décès, ses héritiers décidèrent de poursuivre l’action en nullité précédemment engagée.

Saisis sur pourvoi de l’épouse, les juges de cassation ont confirmé l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris rendu le 25 septembre 2008 ayant annuler le mariage en retenant que :

« L’arrêt relève qu’il ressort de plusieurs dépositions qu’au moment du mariage, Mme X… était animée par une intention de lucre et de cupidité, n’ayant pour but que d’appréhender le patrimoine de Philippe Y…, afin d’assurer son avenir et celui du fils qu’elle avait eu avec un tiers, et que cette dernière s’était refusée à son époux après le mariage, n’ayant consenti à une relation sexuelle que le jour du mariage, ce qui avait conduit Philippe Y…, qui éprouvait des doutes sur la sincérité de l’intention matrimoniale de son épouse, à exprimer sa volonté, dès le début du mois d’août, soit quelques jours avant de subir les coups mortels portés par Mme X…, de demander l’annulation du mariage ; qu’ayant ainsi fait ressortir que celle-ci n’avait pas eu l’intention de se soumettre à toutes les obligations nées de l’union conjugale, c’est à bon droit que la cour d’appel, après avoir retenu que Mme X… s’était mariée dans le but exclusif d’appréhender le patrimoine de Philippe Y…, en a déduit, sans méconnaître les exigences conventionnelles de la liberté du mariage, qu’il y avait lieu d’annuler celui-ci, faute de consentement ».

Cass. Civ. 1ère 19 décembre 2012 Pourvoi n°09-15606 

Bien mal acquis ne profite jamais…