Placement en garde à vue pour infraction à la législation des étrangers : un avis qui change tout

Le 11/06/12

Depuis plusieurs mois, l’entrée et le séjour irrégulier réprimée par l’article L621-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile sont au coeur de nombreuses discussions.

La directive dite « retour » 2008/115/CE du 16 décembre 2008 entrée en vigueur le 13 janvier 2009 en est la cause.

Sa transposition dans le droit interne et son application ont mis à jour deux problématiques concernant cette infraction, l’une tenant à sa répression, l’autre au placement en garde à vue consécutif à la procédure d’enquête.

Les premières interrogations ont bénéficié de l’éclaircissement de la Cour de Justice de l’Union Européenne au travers de sa jurisprudence.

Ainsi l’interprétation de la Directive retour dégagée par les arrêts des 28 avril et 6 décembre 2011 a permis de fixer le principe selon lequel l’entrée ou le séjour irrégulier ne peuvent être à l’origine d’une peine d’emprisonnement.

Par exception, la privation de liberté peut être mise en oeuvre si la procédure de retour établie par la Directive a été appliquée et que l’étranger séjourne irrégulièrement sur le territoire sans motif justifié de non-retour.

Les seconds questionnements ont été plus longs à trouver une issue juridique et ont entraîné une cacophonie bruyante entre les Cour d’Appel des quatre coins de la France.

Il aura fallu attendre un avis du 5 juin 2012 rendu par la Chambre criminelle de la Cour de Cassation pour que les considérations de légalité priment sur celles d’organisation des services de police, de gendarmerie et des préfectures.

En effet, il est parfois difficile de concevoir que la garde à vue sert exclusivement les besoins de l’enquête au sens de l’article 62-2 du Code de Procédure Pénale.

Dans le temps de cette mesure, il peut bien sûr être procédé aux recherches et investigations sur l’identité et les conditions d’entrée ou de séjour de l’étranger.

Mais il peut également n’y avoir que des diligences éparses qui ne justifient pas une privation de liberté, si ce n’est dans l’attente d’une décision d’éloignement et d’un placement en rétention administrative.

Désormais, la donne change puisque les Juges de la Cour Suprême relèvent :

« Il résulte de l’article 62-2 du code de procédure pénale issu de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 qu’une mesure de garde à vue ne peut être décidée par un officier de police judiciaire que s’il existe des raisons plausibles de soupçonner que la personne concernée a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’emprisonnement ; qu’en outre, la mesure doit obéir à l’un des objectifs nécessaires à la conduite de la procédure pénale engagée ; qu’à la suite de l’entrée en application de la directive du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants d’Etats tiers en séjour irrégulier, telle qu’interprétée par la Cour de justice de l’Union européenne, le ressortissant d’un Etat tiers mis en cause, pour le seul délit prévu par l’article L. 621-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers, n’encourt pas l’emprisonnement lorsqu’il n’a pas été soumis préalablement aux mesures coercitives visées à l’article 8 de ladite directive ; qu’il ne peut donc être placé en garde à vue à l’occasion d’une procédure diligentée de ce seul chef ».

Cass. Crim. Avis n° 9002 du 5 juin 2012 

Au terme de cette analyse, il apparaît que les deux problématiques précédemment évoquées demeurent indiscutablement liées :

– par principe, l’infraction d’entrée ou de séjour irrégulier ne peut donner lieu à une peine d’emprisonnement.

– Or, le placement en garde à vue ordonné que pour les nécessités de l’enquête ne peut s’appliquer qu’en cas de flagrance lorsqu’un crime ou un délit est puni de prison.

CQFD : Tout placement en garde à vue de ce chef est donc illégal.

Un mois après l’avis de la chambre criminelle, la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation a fait sienne cette analyse au terme de trois arrêts du même jour.

Les juges confirment ainsi :

« Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (arrêts du 28 avril 2011, C-61/PPU, et du 6 décembre 2011, C-329/11) que la directive 2008/115/CE s’oppose à une réglementation nationale réprimant le séjour irrégulier d’une peine d’emprisonnement, en ce que cette réglementation est susceptible de conduire, pour ce seul motif, à l’emprisonnement d’un ressortissant d’un pays tiers, lorsque ce dernier, non disposé à quitter le territoire national volontairement, soit n’a pas été préalablement soumis à l’une des mesures coercitives prévues à l’article 8 de cette directive, soit, a déjà fait l’objet d’un placement en rétention, mais n’a pas vu expirer la durée maximale de cette mesure ; qu’en outre, en cas de flagrant délit, le placement en garde à vue n’est possible, en vertu des articles 63 et 67 du code de procédure pénale, applicables à la date des faits, qu’à l’occasion d’enquêtes sur les délits punis d’emprisonnement ; qu’il s’ensuit que le ressortissant d’un pays tiers, en séjour irrégulier en France, qui n’encourt pas l’emprisonnement prévu par l’article L. 621-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile lorsqu’il se trouve dans l’une ou l’autre situation exposée par la jurisprudence européenne précitée, ne peut être placé en garde à vue à l’occasion d’une procédure de flagrant délit diligentée de ce seul chef » .

Cass. Civ 1ère. 5 juillet 2012 Pourvoi n°11-30371 

Cass. Civ 1ère. 5 juillet 2012 Pourvoi n°11-19250 

Cass. Civ 1ère. 5 juillet 2012 Pourvoi n°11-30530 

Pour l’heure, le débat semble clos. Cependant, nul doute que la définition des mesures dites « coercitives » sera sujet à de nouvelles discussions.

Le droit ne connaît pas l’ennui…

Profession d’Avocat : porte ouverte à l’accès

Le 21/05/12

A toutes destinations, il n’est pas un seul chemin qui conduit. 

 

Chacun est libre de choisir à son gré entre autoroutes et départementales, entre transports routiers et voyages ferroviaires. 

 

 

C’est ainsi qu’il n’existe pas une voie pour entrer dans la Profession d’Avocat : bien sûr il y a un itinéraire conseillé destinés aux plus grand nombre mais aussi quelques raccourcis connus des aguerris. 

 

Les étudiants en droit passent l’examen d’entrée au CRFPA pour y suivre un enseignement d’un an et demi avant de présenter le Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat. 

 

Les notaires, huissiers de justice, maîtres de conférences et autres juristes justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle sont dispensés de la formation théorique et pratique et de l’examen final. 

 

 

Promulgué le 3 avril 2012, le décret n° 2012-441 relatif aux conditions particulières d’accès à la profession d’avocat a mis en place une nouvelle passerelle et modifié l’article 97 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la Profession d’Avocat. 

 

L’article 5 dudit décret prévoit ainsi que : 

 

« Les personnes justifiant de huit ans au moins d’exercice de responsabilités publiques les faisant directement participer à l’élaboration de la loi sont dispensées de la formation théorique et pratique et du certificat d’aptitude à la profession d’avocat ». 

 

Les portes de l’avocature s’ouvrent donc à la classe politique. 

 

 

Pour autant, un examen de contrôle des connaissances en déontologie et en réglementation professionnelle est prévu afin que les valeurs et principes qui s’attachent à la fonction d’auxiliaire de Justice, soient parfaitement intégrés par les nouveaux venus. 

 

Les obligations du serment d’Avocat ne sauraient, en effet, être supplantées par la connaissance du droit et l’expérience professionnelle. 

 

L’arrêté du 30 avril 2012 fixe donc le programme et les modalités de cet examen de contrôle organisé une fois par an. 

 

 

Déontologiques, organisation professionnelle, modalités de l’exercice professionnel et responsabilité civile professionnelle sont autant éléments dont la connaissance doit être parfaitement acquise. 

 

Aussi un examen consiste-t-il à contrôler le candidat en le soumettant à l’évaluation d’un jury durant trente minutes. 

Le prétendant à l’avocature devra obtenir une note au moins égale à 12 sur 20 pour être admis à cet oral. 

 

 

Si la porte de la Profession n’est pas fermée aux professionnels du droit, encore faut-il avoir le sésame qui permet de l’ouvrir. 

 

Droits et contributions : quand la solidarité financière guide le Conseil Constitutionnel

Le 06/05/12

La Loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 précédemment évoquée a instauré :

– une contribution pour l’aide juridique de 35 euros due par le demandeur en matière civile, commerciale, prud’homale, sociale ou rurale devant les juridictions judiciaires et administratives applicables aux instances engagées entre le 1er octobre 2011 et le 31 décembre 2013,

– un droit d’un montant de 150 euros affecté au fonds d’indemnisation de la profession d’avoués près les cours d’appel dû par les parties applicables aux appels interjetés à compter du 1er janvier 2012.

On ne peut feindre que ces dispositions témoignent des besoins du financement du service public de la Justice.

Surtout, elles interrogent sur l’accessibilité au droit et la solidarité contributive demandé aux justiciables.

C’est ainsi qu’entre discussion et contestation, ces dispositions ont donné lieu à une question prioritaire de constitutionnalité soumise au Conseil Constitutionnel portant sur leur conformité aux droits et libertés de la Constitution.

Les sages ont donc pris position suite à une double saisine de la Cour de cassation (le 26 janvier 2012) et du Conseil d’État (le 3 février 2012).

Par décision du 13 avril 2012, le Conseil Constitutionnel s’est prononcé comme il suit :

« 4. Considérant que, selon les requérants et les parties intervenantes, l’instauration d’une contribution pour l’aide juridique de 35 euros due par instance introduite devant une juridiction non pénale et d’un droit de 150 euros dû par les parties à l’instance d’appel lorsque la représentation est obligatoire méconnaissent le droit à un recours juridictionnel effectif ainsi que les droits de la défense et portent atteinte au principe d’égalité devant l’impôt et les charges publiques ; qu’en renvoyant au décret le soin de définir les conséquences, sur la suite de la procédure, de l’absence de paiement de ces contributions, le législateur aurait en outre méconnu l’étendue de sa compétence ;

(…)

9. Considérant que, par les dispositions contestées, le législateur a poursuivi des buts d’intérêt général ; que, eu égard à leur montant et aux conditions dans lesquelles ils sont dus, la contribution pour l’aide juridique et le droit de 150 euros dû par les parties en instance d’appel n’ont pas porté une atteinte disproportionnée au droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction ou aux droits de la défense ; 

10. Considérant qu’en instituant la contribution pour l’aide juridique et le droit de 150 euros dû par les parties à l’instance d’appel, le législateur a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels ; qu’il a pris en compte les facultés contributives des contribuables assujettis au paiement de ces droits ; que, si le produit du droit de 150 euros est destiné à l’indemnisation des avoués, le principe d’égalité devant l’impôt et les charges publiques n’imposait pas que l’assujettissement au paiement de ce droit fût réservé aux instances devant les seules cours d’appel où le monopole de la représentation par les avoués a été supprimé par la loi du 25 janvier 2011 susvisée ; qu’aucune de ces contributions n’entraîne de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques » .

Conseil Constitutionnel 13 avril 2012 n° 2012-231/234 QPC 

Au terme de leur analyse, les sages ont déclaré les dispositions législatives soumises à leur contrôle conformes à la Constitution.

Ce sont les buts d’intérêt général poursuivis par le Législateur qui sont mis en avant dans cette décision très attendue et sollicitée par les deux hautes juridictions judiciaires et administratives.

La solidarité financière entre les justiciables est d’abord évoquée en application de l’article 13 de la Déclaration de 1789 pour justifier la contribution pour l’aide juridique.

Le coût de la mise en oeuvre de la réforme de la garde à vue 2011 et de l’intervention de l’avocat au cours de cette mesure résultant de la loi du 14 avril semble suffire à lui seul à expliquer le règlement des 35 euros.

Le nécessaire financement de l’indemnisation des avoués près les cours d’appel prévue par la Loi du 25 janvier 2011 est ensuite souligner pour légitimer le droit affecté à cette profession.

Le paiement de 150 euros ressort de la « simplification et de la modernisation » de la justice ayant entraîné la disparition d’une profession sans disposer du budget propre à son indemnisation.

A l’issue du débat, il ressort de cette décision que le financement du service public de la Justice doit relever de l’effort de chacun.

Les justiciables supporteront donc la charge des droits et contributions et que les professionnels du droit en assumeront la collecte.

Contentieux de la rétention : la double compétence du juge civil et du juge administratif

Le 30/04/12

Le placement en rétention administrative d’un étranger en séjour irrégulier est une décision relevant de la compétence du représentant de l’Etat dans le Département, le Préfet.

En application de l’article L 551-2 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile, cette décision « est prise par l’autorité administrative, après l’interpellation de l’étranger et, le cas échéant, à l’expiration de sa garde à vue, ou à l’issue de sa période d’incarcération en cas de détention ».

La privation de liberté et le transport au Centre de Rétention Administratif ressortent donc d’un arrêté préfectoral et non d’un acte judiciaire.

Dans un arrêt du 12 avril 2012, la Cour de Cassation a ainsi rappelé que le premier président d’une cour d’appel ne peut ordonner le placement en rétention administrative d’un étranger mais seulement prolonger une telle mesure.

Cass. Civ. 1ère 12 avril 2012 Pourvoi n° 11-11904 

Cette jurisprudence est l’occasion d’évoquer le contentieux de la rétention administrative au travers de la compétence du juge civil et du juge administratif.

Le Tribunal Administratif, juge de la légalité du placement en rétention : 

L’adoption de la Loi n°2011-672 du 16 juin 2011 a modifié l’ordre d’intervention des deux ordres juridictionnels pour donner la priorité au juge administratif.

Pour autant, la forme de sa saisine ainsi que sa compétence n’ont pas évoluées et demeurent déterminées par l’ article L 512-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile :

« En cas de décision de placement en rétention ou d’assignation à résidence en application de l’article L. 561-2, l’étranger peut demander au président du tribunal administratif l’annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification. Lorsque l’étranger a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, le même recours en annulation peut être également dirigé contre l’obligation de quitter le territoire français et contre la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention ou d’assignation ».

Il appartient donc à l’étranger qui conteste l’arrêté pris à son encontre ordonnant son transport au Centre de Rétention Administrative, de saisir le juge par requête.

Ce recours juridictionnel tend à l’obtenir l’annulation de l’acte administratif assortie d’une remise en liberté immédiate.

Cependant, le contrôle du juge ne porte que sur la légalité de l’arrêté de placement et la nécessité de la rétention administrative.

Les conditions d’interpellation de l’étranger ou de placement en garde à vue ne relèvent pas de la compétence du Tribunal Administratif.

Aussi seuls les moyens fondés sur l’illégalité externe, l’illégalité interne et/ou la violation d’une convention internationale opposable à la FRANCE pourront être soulevés par l’étranger ou son conseil.

Le recours introduit dans un délai de 48 heures à compter de la notification de la décision de placement en rétention, donne lieu à une audience publique sans rapporteur publique dans le cadre spécifique d’une procédure orale.

Le Tribunal Administratif statue dans les 72 heures à compter de sa saisine par jugement susceptible d’un appel non suspensif d’exécution.

Le Juge des Libertés et de la Détention, gardien des libertés individuelles : 

La compétence du juge civil varie par la nature de son contrôle qui porte sur la rétention administrative, sa mise en oeuvre de cette mesure et les conditions d’hébergement.

Son intervention se poursuit donc tout au long du séjour du retenu au Centre de Rétention Administrative jusqu’à sa sortie ou son retour.

Au contraire du juge administratif, le Juge des Libertés et de la Détention n’est, sauf exception, pas saisi d’un recours mais d’une simple requête à l’initiative du Préfet.

L’article L 552-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile dispose ainsi :

« Quand un délai de cinq jours s’est écoulé depuis la décision de placement en rétention, le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention ».

C’est à cette occasion que l’étranger pourra soumettre au gardien des libertés individuelles le contrôle de la légalité de la procédure pénale ayant précédé son transport au Centre de Rétention Administrative.

Tous les moyens d’irrecevabilité, de nullité ou d’ irrégularité pourront être soulevés pour s’opposer à la prolongation de la rétention pour un durée de vingt jours supplémentaires.

Si l’étranger bénéficie d’un passeport en cours de validité et de garanties de représentation effectives et suffisantes, il pourra solliciter son assignation à résidence dans l’attente de son retour.

A l’issue des débats tenus en audience publique, le Juge des Libertés et de la Détention statue dans les 24 heures à compter de sa saisine par ordonnance susceptible d’appel.

En cas de rejet de la requête en prolongation du Préfet, l’étranger est maintenu à la disposition durant 6 heures dans l’attente d’un éventuel appel du Procureur de la République.

Comme on l’aura compris, dans l’une ou l’autre des instances engagées, le litige oppose toujours le Préfet et au retenu.

Si le juge administratif peut annuler ou confirmer la décision de placement en rétention administrative, le juge civil ne peut qu’ordonner ou rejeter la prolongation de cette mesure.

Mais quel que soit le juge saisi, le Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile prévoit dans ses articles L 512-1 et L 552-1 que l’étranger peut demander au Président de la juridiction de lui désigner un conseil d’office.

Le critère d’extranéité dans les contrôles d’identité : précision de la Cour de Cassation

Le 04/04/12

Les dispositions de l’article 78-2 du Code de Procédure Pénale limitent les contrôles d’identité opérés par les services de police et de gendarmerie à quatre situations précises, à savoir :

– S’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’une personne a commis, tenté de commettre une infraction ou qu’elle se prépare à commettre un crime ou un délit ou encore qu’elle est susceptible de fournir des renseignements utiles en cas de crime ou de délit,

– Sur réquisitions écrites du Procureur de la République dans des lieux et pour une période de temps déterminé en vue de la recherche d’auteurs d’infractions limitativement énumérées,

– En prévention des atteintes à l’Ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens,

– Lors des contrôles réalisés dans la zone Schengen ou les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouvertes au trafic international.

Comme déjà précisé dans ces pages , la Loi n°2011-267 dite LOPPSI a savamment encadré ces derniers types de contrôles aux fins de se conformer aux principes dégagées par la Cour de Justice de l’Union Européenne.

Cependant quelque soit l’un des quatre cadres précités, il est une question récurrente qui subsiste.

L’article L611-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile rappelle en effet que :

« A la suite d’un contrôle d’identité effectué en application des articles 78-1, 78-2 et 78-2-1 du code de procédure pénale, les personnes de nationalité étrangère peuvent être également tenues de présenter les pièces et documents visés à l’alinéa précédent (pièces ou documents sous le couvert desquels elles sont autorisées à circuler ou à séjourner en France). »

Pour autant, le texte ne précise pas les éléments qui permettent de présumer de l’extranéité de l’individu soumis au contrôle et tenu de justifié de la légalité de son séjour sur le territoire.

Bien évidemment la déduction de nationalité ne peut se fonder sur des motifs discriminatoires ou des indices physiques lors de ces contrôles non systématiques.

Aussi les moyens de détermination de la qualité apparente de ressortissant étranger demeurent-t-ils obscurs.

Dans un arrêt du 28 mars dernier, les juges de la Haute Cour sont venus apportés quelques précisions sur les critères applicables à l’analyse, critères qui se révèlent aussi factuels que variables.

En l’espèce, le séjour irrégulier avait été révélé à la suite à un contrôle d’identité requis par le Procureur de la République.

L’extranéité ressortait selon les procès verbaux de police du fait que l’intéressé était né à l’étranger et ne répondait pas aux questions relatives à sa date de naissance.

La Cour de cassation censure cette appréciation :

« Attendu que l’ordonnance retient à bon droit que, si l’article L. 611-1, alinéa 2, du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile autorise les services de police, à la suite d’un contrôle opéré en application de l’article 78-2 du code de procédure pénale, à requérir la présentation des documents sous le couvert desquels une personne de nationalité étrangère est autorisée à circuler ou séjourner en France, cette faculté est cependant subordonnée à la constatation de la qualité d’étranger, laquelle doit se déduire d’éléments objectifs extérieurs à la personne même de l’intéressé ; que le fait d’être né à l’étranger et de ne pas répondre aux questions relatives à sa date de naissance ne constitue pas un élément objectif déduit des circonstances extérieures à la personne, susceptible de présumer la qualité d’étranger ; d’où il suit que le moyen n’est pas fondé« .

Cass. Civ 1ère 28 mars 2012 Pourvoi n°11-11099 

Si l’on sait désormais que la nationalité étrangère doit se déduire « d’éléments objectifs extérieurs », une définition de ces éléments serait fort opportune.

Petite évolution du « plaider-coupable », grande révolution de l’instance correctionnelle

Le 31/03/12

De tous les domaines juridiques, le Droit Pénal est sans doute celui qui a subi les plus grandes évolutions ces vingt dernières années.

La multiplication des articles du Code de Procédure Pénale est là pour en témoigner.

Aussi les formes du procès classiquement connues en la matière ont été modifiées par soucis d’adaptation sociale, de convenance politique ou en réponse à des événements dramatiques.

Aujourd’hui, il n’est donc plus question uniquement d’instances correctionnelles sur convocation , mais d’alternatives aux poursuites ou de procédures simplifiées.

Le langage du juriste s’est enrichi des termes ordonnance pénale, comparution immédiate, composition pénale et comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Cette dernière formule née de la Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité vise à écarter le débat sur le fond du dossier et à privilégier une sanction acceptée sur proposition du Procureur de la République.

Jusqu’à récemment, le « plaider-coupable » n’était accessible qu’aux prévenus poursuivis pour des délits punis à titre principal d’une peine d’amende ou d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans.

La Loi n°2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles a élargi ce cadre.

Désormais l’article 495-7 du Code de Procédure Pénale dispose :

« Pour tous les délits, à l’exception de ceux mentionnés à l’article 495-16 et des délits d’atteintes volontaires et involontaires à l’intégrité des personnes et d’agressions sexuelles prévus aux articles 222-9 à 222-31-2 du code pénal lorsqu’ils sont punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à cinq ans, le procureur de la République peut, d’office ou à la demande de l’intéressé ou de son avocat, recourir à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité conformément aux dispositions de la présente section à l’égard de toute personne convoquée à cette fin ou déférée devant lui en application de l’article 393 du présent code, lorsque cette personne reconnaît les faits qui lui sont reprochés ».

Cette réforme soulève de nombreuses interrogations qu’il convient de présenter en même temps que la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Du côté des magistrats, le constat parait simple à première vue.

Le législateur a souhaité faire primer la rapidité du traitement judiciaire afin de réduire les rôles (liste des affaires audiencées) des Tribunaux Correctionnels.

Le Procureur peut donc traiter tous les délits par le « plaider-coupable » à l’exception des délits de presse, des homicides involontaires, des délits politiques, des délits relevant de poursuites spéciales et des atteintes volontaires et involontaires à l’intégrité des personnes et agressions sexuelles les plus graves.

Si les faits sont reconnus et si les antécédents judiciaires sont limités, les dossiers délictuels peuvent donc être orientés vers cette procédure.

Mais la simplicité mise en avant pour valoriser la forme de cette instance créée nécessairement un déséquilibre.

Les pouvoirs des magistrats du parquet ont en effet été augmentés au détriment de ceux des magistrats du siège.

C’est ainsi que le Procureur la République va proposer une peine au prévenu qui, si elle est acceptée, devra être homologuée à l’audience publique se tenant dans le prolongement.

Le juge ne pourra alors que valider ou rejeter la proposition sans autre pouvoir d’appréciation ni sur le fond, ni sur la forme.

Ce système entraîne donc une nouvelle définition des rôles de chaque magistrat dans une procédure qui jusqu’alors ne s’appliquait qu’à certains délits.

On peut justement se demander si la rapidité rimera avec célérité à l’avenir.

Du côté des avocats, c’est la place du conseil qui s’inscrit dans une réflexion plus large de la fonction d’auxiliaire de justice.

Le prévenu ne peut renoncer à son droit d’être assisté par un avocat dont la présence est obligatoire lors de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Mais comme il l’a été précisé précédemment, l’aveux procédural et la culpabilité admise écartent toute discussion sur le fond du dossier.

Seul demeure donc le débat sur la peine et sa personnalisation.

Dans ce cadre, l’avocat conseille utilement son client sur l’opportunité d’accepter la procédure de « plaider-coupable » ainsi que sur la proposition du Procureur de la République au regard des éléments du dossier.

Il intervient aussi au travers de ses observations pour permettre une parfaite adaptation de la sanction à la situation du prévenu.

Mais le rôle de contrôle qui lui est dévolu par les articles 495-7 et suivants du Code de Procédure Pénale, ne s’exerce qu’au bénéfice de son client.

L’avocat reste le défenseur des libertés individuels et non le garant du respect de la procédure et sa légalité.

Ainsi son assistance ne saurait gommer les irrégularités du dossier, ni cautionner les choix du parquet comme c’est le cas pour sa présence en garde à vue.

D’autant que lorsqu’un débat sur les intérêts civils vient à s’ouvrir devant le juge de l’homologation, l’avocat retrouve toute sa latitude d’action, à condition toutefois que la juridiction soit enclin à accorder provision, expertise et renvoi sur intérêts civils.

Du côté des justiciables, d’autres problèmes se posent encore sur le plan pratique dans cette procédure qui peut ne pas apparaître aussi simplifiée.

Pour la partie civile, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ne modifie aucunement son droit à réparation qu’elle peut faire valoir devant le juge homologateur.

Si elle n’a pu exercer ce droit, elle pourra demander au Procureur de la République de faire citer le prévenu à une audience correctionnelle statuant sur les seuls intérêts civils.

Le prévenu quant à lui se trouve dans une situation différente de celle que l’on connaît devant le Tribunal Correctionnel.

Tout d’abord, il n’a pas le choix de se défendre seul dans cette instance, un avocat choisi ou commis lui étant obligatoirement dévolu.

L’article 495-8 du Code de Procédure Pénale impose ainsi la présence du conseil lors des déclarations et de la proposition de peine et précise que « l’intéressé étant informé que les frais seront à sa charge sauf s’il remplit les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle ».

L’économie de l’avocat est donc interdite dans le cadre des comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Ensuite, les aménagements de peine ab initio concernant les peines inférieures ou égales à un an d’emprisonnement sont difficilement compatibles avec le système du « plaider-coupable ».

Le Juge d’Application des Peines aura donc en charge de convoquer le condamné qui ne sera fixé sur une éventuelle semi-liberté ou un placement sous surveillance électronique qu’à cette occasion.

Dans cet intervalle, l’attente laissera place à quelques doutes.

Ce tableau des comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité et leur nouvelle organisation au regard de la Loi n°2011-1862 du 13 décembre 2011 ne pourra se dessiner plus précisément et dans toutes ses nuances qu’avec l’usage et la pratique.

En attendant, il appelle une grande vigilance dans l’exercice de la profession d’avocat et ouvre une discussion sur l’avenir du traitement des délits.

En effet, peut-on encore parler d’égalité des armes lorsque le Procureur de la République conserve entre ses mains l’opportunité des poursuites et l’opportunité des procédures ?

Le juge, l’avocat et le justiciable

Le 14/03/12

Depuis plusieurs mois, une forte tension règne lors des audiences correctionnelles de la Cour d’Appel de NIMES entraînant une lente dégradation des relations entre avocats et magistrats du ressort.

Les incidents qui se succèdent, perturbent ainsi le procès pénal.

Mais au-delà du rapport de force qui semble s’être installé, c’est le respect du aux fonctions de juges et d’auxiliaires de justice qui est en cause.

Devant l’ampleur du phénomène, le Conseil National des Barreaux a adopté une motion en assemblée générale des 10 et 11 février 2012 demandant au Ministre de la Justice et des Libertés d’ordonner une inspection.

En l’absence d’intervention, cet appel a été renouvelé le 13 mars dernier en échos au rassemblement organisé par les Avocats du ressort de la Cour d’Appel de NIMES le même jour.

Cette situation déplaisante ne peut que pousser à l’interrogation sur l’estime que se portent entre eux les acteurs de la Justice aujourd’hui…

A n’en pas douter, les échanges de mots et les gestes inappropriés au sein du prétoire traduisent une incompréhension du rôle réciproque des avocats et magistrats, ces maillons essentiels de la chaîne judiciaire.

Les uns ont pour mission de porter la parole des parties en toute égalité et en toute contradiction.

Les autres ont l’office de juger les faits selon le droit en toute équité et en toute impartialité.

Et tous participent à la bonne administration de la justice et concourent à la sérénité du déroulement de l’instance.

Or les uns et les autres doivent entretenir la confiance des justiciables, parties civiles ou prévenus, qui se retrouvent au coeur des débats.

La Justice est, en effet, rendue en leurs noms aux fins de garantir la paix sociale et l’effectivité des droits de chacun.

A défaut, ces mêmes justiciables seront les premiers à souffrir de la mutation des salles d’audience en arènes judiciaires.

Pour empêcher la tempérance de déserter le palais, il incombe à chacun, magistrats et avocats, de faire face à ses engagements respectifs.

L’article 21.4.3 du Code de Déontologie des Avocats Européens rappelle ainsi que :

« Tout en faisant preuve de respect et de loyauté envers l’office du juge, l’avocat défend son client avec conscience et sans crainte, sans tenir compte de ses propres intérêts ni de quelque conséquence que ce soit pour lui-même ou toute autre personne ».

De plus, l’article 6 de l’Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature dispose que :

« Tout magistrat, lors de sa nomination à son premier poste, et avant d’entrer en fonctions, prête serment en ces termes :

« Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder religieusement le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. »

Il ne peut, en aucun cas, être relevé de ce serment ».

Il en ressort que la considération est acquise à tous et entre tous à l’audience, seul le respect se gagne mais jamais au détriment d’une bonne justice.

Regard sur la nullité de garde à vue

Le 07/03/12

L’année 2011 aura été marquée par une vive évolution des textes fondant et encadrant le placement en garde à vue.

Avant même que ce contexte de réforme ne s’amorce, cette mesure privative de liberté souffrait de nombreuses critiques des justiciables et des juristes quant à son recours jugé parfois excessif et quant à l’insuffisance de ses garanties des droits de la défense mises en oeuvre.

Ainsi la Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 a-t-elle été adoptée, engageant un premier pas vers la conformité de la législation française aux principes dégagés par la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

L’Avocat est désormais invité à être présent lors des auditions et confrontations sans pour autant avoir une participation active dans l’enquête.

Le gardé à vue bénéficie maintenant du droit de se taire face aux questions insistantes et répétitives des enquêteurs.

Depuis lors la jurisprudence dessine lentement les contours de cette toute nouvelle organisation où chacun doit trouver sa place.

Avant cela, les décisions des juridictions civiles et pénales avaient déjà permis d’affirmer le principe et son exception applicables à la garde à vue :

Il est ainsi acquis que tout manquement aux droits du gardé à vue porte nécessairement atteinte aux droits de la défense au sens de l’article 802 du Code de Procédure Pénale et peut entraîner la nullité de la mesure.

Pour autant, s’il existe des circonstances insurmontables dûment mentionnées aux procès-verbaux justifiant cet écueil, la sanction sera écartée.

Il appartient au juge de contrôler le respect des garanties posées par les articles 62-2 du Code de Procédure Pénale comme autant de garde-fous à la légalité de la mesure.

Cependant, il ne faut pas ignorer que la portée de la nullité de la garde à vue reste limitée tant par ses effets que par ses conditions de mise en oeuvre.

Cette sanction revêt donc une importance et un intérêt bien différents selon les situations.

Ainsi seules doivent être annulées, en conséquence de la nullité de la garde à vue, les pièces de la procédure dont cette mesure est le support nécessaire.

Cass. Crim. 22 juin 2000 Pourvoi no 00-82632 

En outre, l’article 170 du Code de Procédure Pénale restreint au juge d’instruction, au procureur de la République et aux parties le droit de faire valoir la nullité d’un acte.

Dans un arrêt du 14 février 2012, la Cour de Cassation a d’ailleurs précisé que le coprévenu d’un gardé à vue était sans qualité pour se prévaloir de la méconnaissance d’un droit qui appartient en propre à ce dernier.

Cass. Crim. 14 février 2012 Pourvoi n°11-84694 

On l’aura compris les changements survenus ces derniers mois dans ce domaine du droit s’apparentent bien plus à un frissonnement qu’à un séisme.

Ce qu’il faut savoir sur l’empiètement sur le terrain d’autrui

Le 21/02/12

Le droit de propriété est une notion fondamentale reconnue, protégée et encadrée par les dispositions du Code Civil.

L’attachement à la terre, sa possession et sa transmission sont en effet des valeurs présentes depuis longtemps dans notre société.

En 1789, les rédacteurs de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ont ainsi proclamé que « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité » (Article 17).

Depuis 1804, l’article 545 du Code Civil protège ce droit en énonçant que :

« Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité».

Ce petit rappel des règles protectrices de la propriété est l’occasion d’évoquer le régime juridique de l’empiètement.

Qu’est-ce que l’empiètement et ses conséquences? 

L’empiètement est un abus de droit consistant en l’extension de la construction implantée sur une parcelle au fonds voisin appartenant à un propriétaire distinct.

En l’absence de titre ou d’accord écrit, la démolition de cette construction « débordante » et la remise en état des lieux peuvent être ordonnées.

Il importe peu que l’empiètement sur le terrain d’autrui soit minime ou qu’il ne déprécie pas la valeur du bien.

En effet, le droit de propriété étant absolu et inviolable, il ne saurait souffrir aucune restriction quand bien même le constructeur serait de bonne foi.

Bien que cette règle puisse paraître sévère, elle est appliquée strictement au fils d’une jurisprudence constante par la Cour de Cassation qui l’a récemment rappelé dans un arrêt du 10 novembre 2009.

Civ. 3ème 10 novembre 2009 Pourvoi n° 08-17526 

Selon les juges de la Haute Cour, la démolition peut donc être exigée par le propriétaire du sol sur lequel l’empiètement a été réalisé, quelle que soit la bonne ou mauvaise foi du constructeur, sauf s’il justifie d’un titre ou d’un accord amiable.

Civ. 1ere 8 mars 1988 Pourvoi n° 86-16589 

Quelle est la différence entre empiètement et construction sur le terrain d’autrui ? 

Le régime juridique de l’empiètement qui se déduit des dispositions de l’article 545 du Code Civil se distingue de celui de la construction sur le terrain d’autrui.

L’article 555 du Code Civil indique ainsi que :

« Lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l’alinéa 4, soit d’en conserver la propriété, soit d’obliger le tiers à les enlever ».

Ces dispositions ne sauraient s’appliquer à l’extension d’une construction sur un fonds voisin mais uniquement à l’implantation d’un immeuble nouveau sur le terrain d’autrui.

Leurs conséquences divergent alors selon la situation :

– si le constructeur est de bonne foi, le propriétaire du fonds sera tenu de conserver les constructions et d’en payer le prix,

– si le constructeur est de mauvaise foi, le propriétaire pourra à son choix soit solliciter la démolition, la remise en état des lieux et prétendre à des dommages et intérêts, soit conserver l’édifice contre indemnisation.

On l’aura compris dans l’un ou l’autre des cas, le propriétaire du fonds bénéficiera d’un droit d’accession qu’il soit forcé ou consenti.

De plus, contrairement aux règles applicables à l’empiètement, la bonne foi du constructeur aura une incidence directe sur les options légales qui s’offriront au propriétaire.

Quel est le droit à indemnisation du propriétaire du fonds ? 

En matière d’empiètement, il n’existe aucune disposition légale précise et adaptée aux circonstances toutes particulières de cette situation.

Les dispositions de l’article 1382 du Code Civil régissant la responsabilité civile délictuelle ont donc tout naturellement vocation à s’appliquer.

Le principe est alors que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ».

Pour autant, la jurisprudence n’a pas manqué de pallier l’imprécision des textes et a permis de définir les contours du droit à indemnisation du propriétaire évincé.

La Cour de Cassation a notamment relevé que l’empiétement sur la propriété d’autrui suffit à caractériser la faute visée à l’article 1382 du Code Civil.

Civ 3ème 10 novembre 1992 Pourvoi n° 90-19944 

Encore faut-il rapporter la preuve d’un préjudice personnel, direct et certain ainsi que d’un lien de causalité entre la réalisation du dommage et l’empiètement pour engager la responsabilité délictuelle.

En effet, la présomption de faute ne saurait suffire à elle seule à permettre au propriétaire d’être indemnisé lorsque la démolition et la remise en état interviennent.

Il n’en reste pas moins que le propriétaire bénéficie d’une protection certaine et effective de son droit à l’encontre d’autrui.

Récemment, tout en confirmant sa position, la Cour de Cassation a souligné que « la défense du droit de propriété contre un empiétement ne saurait dégénérer en abus ».

Civ. 3ème 15 juin 2011 Pourvoi n° 10-20337 

L’infraction de séjour irrégulier, le droit européen et la constitution

Le 12/02/12

En dehors du maintien en zone d’attente ou du placement en rétention administrative dans le temps strictement nécessaire à l’organisation du départ, l’entrée et le séjour irrégulier des étrangers sont susceptibles d’être réprimés pénalement .

Ces infractions sont visées par l’article L621-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile qui dispose que :

« L’étranger qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1 et L. 311-1 ou qui s’est maintenu en France au-delà de la durée autorisée par son visa sera puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 Euros.

La juridiction pourra, en outre, interdire à l’étranger condamné, pendant une durée qui ne peut excéder trois ans, de pénétrer ou de séjourner en France. L’interdiction du territoire emporte de plein droit reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant à l’expiration de la peine d’emprisonnement ».

Le droit européen s’est invité dans le droit pénal à la suite de l’adoption de la directive dite « retour » 2008/115/CE du 16 décembre 2008 entrée en vigueur le 13 janvier 2009.

Cette nouvelle législation a soulevé plusieurs interrogations au sein des pays de l’Union quant à l’entrée et au séjour irrégulier et à sa répression.

C’est ainsi que la Cour de Justice de l’Union Européenne a eu à se prononcer sur l’interprétation de ladite directive « retour ».

Dans un arrêt du 28 avril 2011, les juges européens ont indiqué que ce texte devait être interprété dans ce sens qu’il s’oppose à la règlementation d’un Etat membre qui prévoit l’infliction d’une peine d’emprisonnement d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier pour le seul motif que celui-ci demeure, en violation d’un ordre de quitter le territoire de cet Etat dans un délai déterminé sur ledit territoire sans motif justifié.

CJUE 28 avril 2011 C 61/11 PPU 

Quelque mois plus tard, la même Cour a été saisie sur question préjudicielle par la Cour d’Appel de PARIS.

Elle a précisé sa position en soulignant que la directive devait être interprétée en ce sens qu’elle :

– s’oppose à une réglementation d’un État membre réprimant le séjour irrégulier par des sanctions pénales, pour autant que celle-ci permet l’emprisonnement d’un ressortissant d’un pays tiers qui, tout en séjournant irrégulièrement sur le territoire dudit État membre et n’étant pas disposé à quitter ce territoire volontairement, n’a pas été soumis aux mesures coercitives visées à l’article 8 de cette directive et n’a pas, en cas de placement en rétention en vue de la préparation et de la réalisation de son éloignement, vu expirer la durée maximale de cette rétention;

– ne s’oppose pas à une telle réglementation pour autant que celle-ci permet l’emprisonnement d’un ressortissant d’un pays tiers auquel la procédure de retour établie par ladite directive a été appliquée et qui séjourne irrégulièrement sur ledit territoire sans motif justifié de non-retour.

CJUE 6 décembre 2011 C 329/11 

Il y a quelques jours le Conseil Constitutionnel est intervenu dans le débat entre la compatibilité entre la directive et le droit pénal français.

La Haute Juridiction a été ainsi saisie le 23 novembre 2011 par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’infraction de l’entrée et au séjour irrégulier et sa conformité à la constitution.

Conseil Constitutionnel n° 2011-217 QPC du 03 février 2012 

La directive « retour » et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne ont été invoquées pour fonder l’inconstitutionnalité de l’article L621-1 du CESEDA.

Cependant, l’incompatibilité d’une disposition législative aux engagements internationaux de la France et d’inconstitutionnalité du texte répressif français sont deux choses différentes.

Les sages ont donc rappelé que la première ne relevait pas de leur compétence et ont considéré que :

« eu égard à la nature de l’incrimination pour laquelle elles sont instituées, les peines ainsi fixées, qui ne sont pas manifestement disproportionnées, ne méconnaissent pas l’article 8 de la Déclaration de 1789 ; 

(…)

les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ».

A chacun son rôle.

Il appartiendra au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation de se prononcer sur cette question dans un futur proche.