Petite évolution du « plaider-coupable », grande révolution de l’instance correctionnelle

Le 31/03/12

De tous les domaines juridiques, le Droit Pénal est sans doute celui qui a subi les plus grandes évolutions ces vingt dernières années.

La multiplication des articles du Code de Procédure Pénale est là pour en témoigner.

Aussi les formes du procès classiquement connues en la matière ont été modifiées par soucis d’adaptation sociale, de convenance politique ou en réponse à des événements dramatiques.

Aujourd’hui, il n’est donc plus question uniquement d’instances correctionnelles sur convocation , mais d’alternatives aux poursuites ou de procédures simplifiées.

Le langage du juriste s’est enrichi des termes ordonnance pénale, comparution immédiate, composition pénale et comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Cette dernière formule née de la Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité vise à écarter le débat sur le fond du dossier et à privilégier une sanction acceptée sur proposition du Procureur de la République.

Jusqu’à récemment, le « plaider-coupable » n’était accessible qu’aux prévenus poursuivis pour des délits punis à titre principal d’une peine d’amende ou d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans.

La Loi n°2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles a élargi ce cadre.

Désormais l’article 495-7 du Code de Procédure Pénale dispose :

« Pour tous les délits, à l’exception de ceux mentionnés à l’article 495-16 et des délits d’atteintes volontaires et involontaires à l’intégrité des personnes et d’agressions sexuelles prévus aux articles 222-9 à 222-31-2 du code pénal lorsqu’ils sont punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à cinq ans, le procureur de la République peut, d’office ou à la demande de l’intéressé ou de son avocat, recourir à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité conformément aux dispositions de la présente section à l’égard de toute personne convoquée à cette fin ou déférée devant lui en application de l’article 393 du présent code, lorsque cette personne reconnaît les faits qui lui sont reprochés ».

Cette réforme soulève de nombreuses interrogations qu’il convient de présenter en même temps que la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Du côté des magistrats, le constat parait simple à première vue.

Le législateur a souhaité faire primer la rapidité du traitement judiciaire afin de réduire les rôles (liste des affaires audiencées) des Tribunaux Correctionnels.

Le Procureur peut donc traiter tous les délits par le « plaider-coupable » à l’exception des délits de presse, des homicides involontaires, des délits politiques, des délits relevant de poursuites spéciales et des atteintes volontaires et involontaires à l’intégrité des personnes et agressions sexuelles les plus graves.

Si les faits sont reconnus et si les antécédents judiciaires sont limités, les dossiers délictuels peuvent donc être orientés vers cette procédure.

Mais la simplicité mise en avant pour valoriser la forme de cette instance créée nécessairement un déséquilibre.

Les pouvoirs des magistrats du parquet ont en effet été augmentés au détriment de ceux des magistrats du siège.

C’est ainsi que le Procureur la République va proposer une peine au prévenu qui, si elle est acceptée, devra être homologuée à l’audience publique se tenant dans le prolongement.

Le juge ne pourra alors que valider ou rejeter la proposition sans autre pouvoir d’appréciation ni sur le fond, ni sur la forme.

Ce système entraîne donc une nouvelle définition des rôles de chaque magistrat dans une procédure qui jusqu’alors ne s’appliquait qu’à certains délits.

On peut justement se demander si la rapidité rimera avec célérité à l’avenir.

Du côté des avocats, c’est la place du conseil qui s’inscrit dans une réflexion plus large de la fonction d’auxiliaire de justice.

Le prévenu ne peut renoncer à son droit d’être assisté par un avocat dont la présence est obligatoire lors de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Mais comme il l’a été précisé précédemment, l’aveux procédural et la culpabilité admise écartent toute discussion sur le fond du dossier.

Seul demeure donc le débat sur la peine et sa personnalisation.

Dans ce cadre, l’avocat conseille utilement son client sur l’opportunité d’accepter la procédure de « plaider-coupable » ainsi que sur la proposition du Procureur de la République au regard des éléments du dossier.

Il intervient aussi au travers de ses observations pour permettre une parfaite adaptation de la sanction à la situation du prévenu.

Mais le rôle de contrôle qui lui est dévolu par les articles 495-7 et suivants du Code de Procédure Pénale, ne s’exerce qu’au bénéfice de son client.

L’avocat reste le défenseur des libertés individuels et non le garant du respect de la procédure et sa légalité.

Ainsi son assistance ne saurait gommer les irrégularités du dossier, ni cautionner les choix du parquet comme c’est le cas pour sa présence en garde à vue.

D’autant que lorsqu’un débat sur les intérêts civils vient à s’ouvrir devant le juge de l’homologation, l’avocat retrouve toute sa latitude d’action, à condition toutefois que la juridiction soit enclin à accorder provision, expertise et renvoi sur intérêts civils.

Du côté des justiciables, d’autres problèmes se posent encore sur le plan pratique dans cette procédure qui peut ne pas apparaître aussi simplifiée.

Pour la partie civile, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ne modifie aucunement son droit à réparation qu’elle peut faire valoir devant le juge homologateur.

Si elle n’a pu exercer ce droit, elle pourra demander au Procureur de la République de faire citer le prévenu à une audience correctionnelle statuant sur les seuls intérêts civils.

Le prévenu quant à lui se trouve dans une situation différente de celle que l’on connaît devant le Tribunal Correctionnel.

Tout d’abord, il n’a pas le choix de se défendre seul dans cette instance, un avocat choisi ou commis lui étant obligatoirement dévolu.

L’article 495-8 du Code de Procédure Pénale impose ainsi la présence du conseil lors des déclarations et de la proposition de peine et précise que « l’intéressé étant informé que les frais seront à sa charge sauf s’il remplit les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle ».

L’économie de l’avocat est donc interdite dans le cadre des comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Ensuite, les aménagements de peine ab initio concernant les peines inférieures ou égales à un an d’emprisonnement sont difficilement compatibles avec le système du « plaider-coupable ».

Le Juge d’Application des Peines aura donc en charge de convoquer le condamné qui ne sera fixé sur une éventuelle semi-liberté ou un placement sous surveillance électronique qu’à cette occasion.

Dans cet intervalle, l’attente laissera place à quelques doutes.

Ce tableau des comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité et leur nouvelle organisation au regard de la Loi n°2011-1862 du 13 décembre 2011 ne pourra se dessiner plus précisément et dans toutes ses nuances qu’avec l’usage et la pratique.

En attendant, il appelle une grande vigilance dans l’exercice de la profession d’avocat et ouvre une discussion sur l’avenir du traitement des délits.

En effet, peut-on encore parler d’égalité des armes lorsque le Procureur de la République conserve entre ses mains l’opportunité des poursuites et l’opportunité des procédures ?