Recouvrement de pension alimentaire

Les chiffres de la Justice 2015 retiennent que le contentieux du droit de la famille représente 408 874 des affaires nouvelles connues par les Tribunaux de Grande Instance.

Parmi elles, 36 778 concernent des demandes de contribution à l’entretien de l’enfant en dehors d’une procédure de divorce, soit 10 % des procédures au fond.

Les aliments sont ainsi une large source de recours au juge car la filiation fait naitre indubitablement des obligations financières.

Selon les articles 208 et 371-2 du Code Civil, la pension alimentaire dont l’un des parents sera tenu au paiement,  est accordée dans la proportion des besoins du créancier et des capacités financières du débiteur.

A ce titre, la table de référence annexée à la circulaire CIV/06/10 du 12 avril 2010 détermine une simple valeur indicative du montant de la contribution mais non obligatoire.

Cass. Civ. 1ère  23 octobre 2013 Pourvoi n°12-25301

Mais une fois que le juge a tranché, il n’est pas toujours aisé d’obtenir exécution de la décision de justice lorsque le débiteur se dérobe face à l’autorité de la chose jugée.

Le législateur a depuis de longues dates ces situations douloureuses pour assurer le règlement au créancier et organiser une contrainte efficace contre le débiteur.

Le renforcement récent de cadre légal existant par de nouvelles mesures est l’occasion de revenir sur les conditions de recouvrement des pensions alimentaires.

  • Garanties contre les pensions alimentaires impayées (GIPA) :

En octobre 2014, une expérimentation a été lancée dans 20 départements français afin de renforcer les garanties contre les pensions alimentaires impayées (GIPA).

Ce dispositif instauré par la Loi du 4 août 2014 pour l’égalité entre les femmes et les hommes est généralisé à l’ensemble du territoire français, métropole et outre-mer, depuis le 1er avril 2016 grâce à la Loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.

Il s’articule autour de deux objectifs :

Le premier but est d’aider financièrement les familles monoparentales en substituant les CAF et MSA aux débiteurs défaillants ou irréguliers.

L’application des garanties contre les pensions alimentaires impayées se traduit donc par le versement d’une allocation de soutien familial différentielle versée dès le deuxième impayé d’un montant de 104,75 euros par mois et par enfant.

Pour prétendre à cette aide, il est nécessaire cependant que  la pension alimentaire  ait été fixée ou validée par décision de justice pour que le parent de l’enfant de moins de 20 ans puisse en bénéficier sans condition de ressources.

Si tel est le cas, le versement de l’allocation de soutien familial complémentaire sera maintenu durant 6 mois suivant une éventuelle reprise de vie commune.

La seconde vocation du dispositif GIPA est de faciliter le recouvrement par les CAF et MSA, organismes subrogés dans les droits des créanciers, des pensions impayées pour lutter efficacement contre les impayés de pensions alimentaires.

La  procédure extrajudiciaire de paiement direct auprès de l’employeur du débiteur leur est ouverte pour mettre en place une saisie sur salaire au titre des 24 mois d’arriérés.

  • Procédure de paiement direct :

En dehors de ce système relevant des organismes sociaux, il existe une procédure extrajudiciaire tout aussi simplifié aux effets redoutables.

Selon l’article L 213-1 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, « tout créancier d’une pension alimentaire peut se faire payer directement le montant de cette pension par les tiers débiteurs de sommes liquides et exigibles envers le débiteur de la pension. Il peut notamment exercer ce droit entre les mains de tout débiteur de sommes dues à titre de rémunération, ainsi que de tout dépositaire de fonds ».

Le paiement direct peut être mis en œuvre dès qu’une seule échéance d’une pension alimentaire fixée par une décision judiciaire devenue exécutoire n’a pas été payée à son terme.

Il s’applique également au recouvrement de la contribution aux charges du mariage et de la prestation compensatoire sous forme de rente viagère.

A l’inverse de la garantie contre les pensions alimentaires impayées, le premier impayé ou règlement partiel ou retard de paiement imputable à la seule carence du débiteur peut donner lieu au paiement direct.

De même, le défaut d’indexation de la pension alimentaire peut permettre au créancier d’y recourir.

La procédure est applicable aux termes à échoir de la pension mais également aux termes échus pour les 6 derniers mois précédents la notification de la demande de paiement direct.

Elle est gratuite puisque les frais qu’elle engendre, sont prélevés directement sur les sommes saisies.

Si l’avocat conseille et missionne, l’huissier de justice exécute le paiement direct et recouvre : il est donc l’interlocuteur privilégié du créancier.

Les administrations et services de l’État, les collectivités publiques, les organismes de sécurité sociale et ceux assurant la gestion des prestations sociale doivent lui prêter leur concours.

L’huissier peut également consulter l’Administration fiscale et les établissements bancaires afin d’obtenir des renseignements sur la situation du débiteur.

Selon les cas et les situations, les deux procédures peuvent apparaitre complémentaires ou concurrentes.

Leur intérêt commun est assuré le recouvrement des pensions alimentaires sans recours au juge et sans frais.

Une critique doit cependant être formulée contre ce système qui favorise le recouvrement forcé au détriment du dialogue.

Si les garanties contre les pensions alimentaires impayées et la procédure de paiement directe sont gratuites, la médiation familiale permet de dépasser le conflit est-elle payante

Portée de la table de référence des pensions alimentaires et office du juge

Le 28/10/13

Dans le cadre d’une procédure de divorce ou de fixation de la contribution à l’entretien et l’éducation d’enfant, le Juge aux Affaires Familiales doit se pencher sur la situation économique des parents.

 

C’est ainsi qu’il évalue leurs capacités financières au vu des ressources et des charges de chacun afin de déterminer le quantum de la pension qui sera versée par le père ou la mère au titre des aliments.

 

 

L’article 371-2 du Code Civil dispose, en effet, que :

 

« Chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant.

Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l’enfant est majeur ».

 

 

Pour faciliter cette analyse et homogénéiser les pratiques locales, le ministère de la Justice a établi une table de référence indicative pour la fixation de la contribution à l’entretien et l’éducation des enfants (CEEE) après la séparation des parents.

 

Cet outil de travail diffusé en annexe de la circulaire CIV/06/10 du 12 avril 2010 présente une grille d’évaluation tenant compte des modalités d’accueil de l’enfant (résidence alternée, droit de visite et d’hébergement simple ou élargi).

 

 

Cependant, si l’utilité de ce support n’est pas discutable, il ne peut lui être attribué qu’une portée toute relative.

 

Le Juge peut être guidé par la table de référence mais n’est jamais dispensé d’apprécier :

 

– les besoins de l’enfant eu égard à son âge, à ses habitudes de vie et aux soins qui lui sont indispensables,

– les capacités contributives du débiteur en tenant compte de ses charges, de sa situation personnelle et de la nature de ses ressources.

 

 

Les juges de la Cour de Cassation ont fermement rappelé ce principe en sanctionnant la décision d’une cour d’appel fixant le montant d’une pension alimentaire en se fondant sur la table de référence :

 

« Attendu que, pour condamner M. X… à verser une contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, l’arrêt énonce, d’une part, que la table de référence “indexée” à la circulaire du 12 avril 2010 propose de retenir pour un débiteur, père d’un enfant, disposant d’un revenu imposable de n… euros par mois et exerçant un droit d’accueil “classique” une contribution mensuelle de n… euros, d’autre part, que l’exercice d’un droit d’accueil restreint augmente, de façon non négligeable, les charges du parent au domicile duquel l’enfant réside ;

Qu’en fondant sa décision sur une table de référence, fût-elle annexée à une circulaire, la cour d’appel, à laquelle il incombait de fixer le montant de la contribution litigieuse en considération des seules facultés contributives des parents de l’enfant et des besoins de celui-ci, a violé, par fausse application, le texte susvisé »

Cass. Civ. 1ère 23 octobre 2013 Pourvoi n°12-25301

 

 

En cela, cette jurisprudence est parfaitement conforme à la circulaire CIV/06/10 du 12 avril 2010 qui présente la table annexée comme une référence indicative et non un barème obligatoire.