QPC sur la Liberté de conscience des maires : le débat se poursuit…

 

Le 26/09/13

 

Le 22 septembre dernier, l’équinoxe d’automne a marqué la fin de l’été amenant dans son sillage l’annonce de la valse des feuilles.

 

Avant l’ocre et le rouge, le soleil des vacances résiste et s’accroche pour notre plus grand plaisir.

 

Sa douceur et sa chaleur durant les congés estivaux n’ont, cependant, pas suffi à balayer certains débats juridiques.

Loin du chemin des écoliers, ils resurgissent et bruissent dans les cours des mairies françaises en cette rentrée 2013

 

La Loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, c’est d’elle dont il s’agit, encore d’elle, toujours d’elle.

 

 

On savait qu’elle avait été menacée d’inapplication avant même son entrée en vigueur par certains maires refusant la célébration de mariages d’époux de même sexe .

 

On savait qu’elle s’était affichée dans les pages des journaux dans un feuilleton provençal de politique locale .

 

 

Le 18 septembre dernier, elle s’est invitée, de nouveau, au Conseil Constitutionnel à la requête du Conseil d’État.

 

 

Elle réapparait dans un litige concernant la circulaire NOR : INTK1300195C du ministre de l’intérieur en date du 13 juin 2013 portant sur les conséquences du refus illégal de célébrer un mariage de la part d’un officier d’état civil.

 

Ce texte rappelle les règles essentielles de fonctionnement du service public de l’état civil, à savoir :

 

« Le refus de célébrer le mariage par le maire peut constituer une voie de fait, c’est-à-dire une atteinte grave portée à une liberté fondamentale et une décision administrative manifestement insusceptible de se rattacher à l’exécution d’un texte législatif ou réglementaire.

(…)

Seul le Procueur de la République peut en effet s’opposer au mariage s’il estime qu’il pourrait être atteint par une cause de nullité.

(…)

Le refus illégal de célébrer un mariage expose son auteur à des poursuites sur le fondement des articles 432-1 et 432-7 du code pénal ».

 

 

Face à la fermeté de ces instructions, l’absence de garanties législatives de la liberté de conscience des maires a donné naissance à une question prioritaire de constitutionnalité nouvelle.

 

Aussi la Haute Juridiction Administrative a-t-elle décidé de s’en remettre aux Sages de la République.

 

Si aucune audience publique n’est, pour l’heure, fixée pour évoquer cette question, le débat se poursuit.

 

 

 

Actualisation

 

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux (Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 10ème sous-section de la section du contentieux

Séance du 6 septembre 2013 – Lecture du 18 septembre 2013

 

 

 

Vu le mémoire, enregistré le 2 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté par M. Franck M. et autres, en application de l’article 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; M. Franck M. et autres demandent au Conseil d’Etat, à l’appui de leur requête tendant à l’annulation de la circulaire du ministre de l’intérieur du 13 juin 2013 relative aux « conséquences du refus illégal de célébrer un mariage de la part d’un officier d’état civil », de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles 34-1, 74 et 165 du code civil ainsi que des dispositions de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 34 et 61-1 ;

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Anne Iljic, Auditeur,

– les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;

1. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (…) à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’Etat (…) » ; qu’il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant que les articles 34-1, 74 et 165 du code civil, ainsi que l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, sont applicables au présent litige au sens et pour l’application de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 ; que ces dispositions n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce que ces dispositions ne comporteraient pas les garanties qu’exige le respect de la liberté de conscience, soulève une question qui, sans qu’il soit besoin pour le Conseil d’Etat d’examiner son caractère sérieux, doit être regardée comme nouvelle ; qu’ainsi il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

 

 

D E C I D E :

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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des articles 34-1, 74 et 165 du code civil ainsi que de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. M. et autres jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Franck M. et autres, à la garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre de l’intérieur. Copie en sera adressée au Premier ministre.

 

 

 

 

 

 

Au terme de sa décision du 18 octobre 2013, le Conseil Constitutionnel a jugé les dispositions contestées conformes à la Constitution et a ainsi statué sur la question prioritaire de constitutionnalité précédemment évoquée :

 

« 10. Considérant qu’en ne permettant pas aux officiers de l’état civil de se prévaloir de leur désaccord avec les dispositions de la loi du 17 mai 2013 pour se soustraire à l’accomplissement des attributions qui leur sont confiées par la loi pour la célébration du mariage, le législateur a entendu assurer l’application de la loi relative au mariage et garantir ainsi le bon fonctionnement et la neutralité du service public de l’état civil ; qu’eu égard aux fonctions de l’officier de l’état civil dans la célébration du mariage, il n’a pas porté atteinte à la liberté de conscience ;

 

11. Considérant que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent ni le principe de pluralisme des courants d’idées et d’opinions, ni le principe de la libre administration des collectivités territoriales, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution« .

Conseil Constitutionnel 18 octobre 2013 Décision n° 2013-353 QPC