Ce qu’il faut savoir sur la procédure de changement de prénom

Chacun de nos choix, chacune de nos orientations conditionnent le chemin de vie qui se présente à nous. Au quotidien, nous sommes appelés à prendre des décisions aux conséquences plus ou moins importantes.

Il revient pourtant à nos parents, en toute conscience, de faire le premier choix de notre vie : ils nous imposent leurs noms mais nous offrent un prénom.

Que l’on se nomme Jean-Paul, Leila ou Franco, ce prénom est un élément de notre état civil, un morceau de notre identité mais également une parcelle d’intime.

Certains pensent d’ailleurs que nos traits de caractère se dessinent au travers de ces quelques lettres qui nous déterminent.

Si un mot ne saurait tout entier définir notre personnalité, il nous personnalise et fait de nous un être unique.

Cependant, il arrive que ce prénom dont notre famille nous a fait cadeau nous empoisonne car il est source de préjudices, de moqueries, de honte tant dans nos activités professionnelles que dans notre vie personnelle.

Le droit civil permet alors de saisir la justice pour solliciter le changement de prénom sous certaines conditions aussi précises que limitées.

  • Quel est le cadre légal de la procédure de changement de prénom ?

Le titulaire d’un prénom bénéficie d’un droit d’usage sur celui-ci dès son inscription sur l’acte de naissance.

En application des dispositions de l’article 60 du Code Civil, « toute personne qui justifie d’un intérêt légitime peut demander à changer de prénom. La demande est portée devant le juge aux affaires familiales à la requête de l’intéressé ou, s’il s’agit d’un mineur ou d’un majeur en tutelle, à la requête de son représentant légal. L’adjonction, la suppression ou la modification de l’ordre des prénoms peut pareillement être décidée ».

L’action en changement de prénom n’est pas une procédure qui s’aborde avec légèreté car elle s’inscrit dans un régime dérogatoire à l’immutabilité du prénom.

A l’inverse de la rectification de l’état civil visée à l’article 99 du Code Civil, cette procédure donne lieu à une instance engagée devant le Juge aux Affaires Familiales près du Tribunal de Grande Instance dans le ressort duquel l’acte de naissance du demandeur a été dressé ou du lieu où demeure celui-ci.

L’article 1055-1 du Code de Procédure Civile dispose cependant que « lorsque l’acte de naissance de l’intéressé est détenu par le service central de l’état civil du ministère des affaires étrangères, la demande peut aussi être présentée au juge du lieu où est établi ce service ».

L’instance relève de la procédure dite gracieuse ; le ministère public est partie à la procédure et la représentation par avocat est obligatoire.

Dans ce cadre, il peut être de demander au juge la modification du prénom, l’adjonction d’un prénom, le remplacement du prénom par un autre, la suppression de l’un des prénoms ou encore la modification de l’ordre des prénoms.

Lorsque la décision de changement de prénom est rendue et est devenue définitive, elle est transmise à la demande de l’avocat du requérant par le procureur de la République à l’officier d’état civil

Il est alors procédé à la modification de l’acte de naissance de l’intéressé.

  • Quelles sont les conditions de l’action ?

Pour soutenir une requête en changement de prénom, il est indispensable de justifier d’un intérêt légitime, intérêt relevant de l’appréciation souveraine du juge aux Affaires Familiales.

Tant il est justifié et motivé par des circonstances propres à l’espèce, l’intérêt peut être religieux, moral ou social.

Mais cet intérêt doit être distingué, selon une jurisprudence constante, de l’intérêt commercial ou professionnel qui est insuffisant pour motiver le changement de prénom.

Cass. Civ 1ère 3 janvier 1964 Bulletin Civil n°3

De ce fait, il incombe au demandeur de rapporter la preuve d’un trouble réel en dehors de toute convenance personnelle afin d’établir que non seulement le port du prénom est traumatisant mais également que son changement s’impose.

Tel est le cas lorsque la requête tend à solliciter la substitution du prénom de naissance par un autre usité depuis plusieurs années sans interruption.

L’objectif de l’action sera alors de mettre en conformité l’état civil avec l’état de fait.

Cependant, ce motif de changement du prénom est admis par la jurisprudence lorsque cet usage continu et constant depuis sa naissance ne procède pas d’une convenance personnelle.

Cass. Civ. 1ère 3 février 1981 Pourvoi n° 79-10523
Cass. Civ. 1ère 10 octobre 1984 Pourvoi n° 83-13934

Le motif est de même admis par la jurisprudence lorsque l’orthographe n’est pas conforme au prénom.

Cour d’Appel de RENNES 14 juin 1999 Juris-Data n°109160
Cour d’Appel de PAPEETE 13 mai 2004 Juris-Data n°247637

  • Quelles sont les autres situations ouvrant droit à changement de prénom ?

En dehors de cette action, certaines décisions administratives ou procédures peuvent être à l’origine d’une modification du prénom original.

Ainsi lorsqu’un ressortissant étranger acquière la nationalité française, il a la possibilité de solliciter la francisation de son prénom lors du dépôt de sa demande de naturalisation en application de l’article 42 du Décret n°93-1362 du 30 décembre 1993.

Cette possibilité est bien sûr ouverte si le prénom étranger dispose d’un équivalent dans la langue française.

Dans ces circonstances, le décret de naturalisation qui interviendra portera mention de cette francisation qui relève du choix exclusif du candidat à l’acquisition de la nationalité.

Il en va de même lorsqu’une action en rectification de la mention du sexe figurant dans un acte de naissance est engagée : cette procédure judiciaire implique nécessairement un changement de prénom.

Les personnes souffrant du «syndrome» du transsexualisme qui ne possèdent plus tous les caractères de leur sexe d’origine sont admis à mettre en conformité leur état civil avec leur état social.

Le principe du respect dû à la vie privée justifie cette rectification en adéquation avec le sexe dont elles ont désormais l’apparence.

Mais pour justifier une demande de rectification de la mention du sexe figurant dans un acte de naissance, le demandeur doit établir, au regard de ce qui est communément admis par la communauté scientifique, la réalité du syndrome transsexuel dont il est atteint ainsi que le caractère irréversible de la transformation de son apparence.

Cass. Civ. 1ère 7 juin 2012 Pourvoi n° 11-22490 et 10-26947

Enfin, le changement de prénom est également prévu dans le cadre de la procédure d’adoption plénière ou simple pour l’enfant mineur.

L’article 357 du Code Civil prévoit ainsi que « sur la demande du ou des adoptants, le tribunal peut modifier les prénoms de l’enfant ».

L’ensemble de situations ouvre une possibilité de modifier un élément de notre personnalité protégé par la loi.

S’elle ne pallie pas les années de souffrance ou de vexation, la procédure de changement prénom s’ouvre cependant sur une perspective d’avenir en adéquation avec la personnalité du requérant.

Le Décret n° 2015-1437 du 5 novembre 2015 et la liste des pièces justificatives pouvant être exigées des candidats à la location

L’année 2015 n’en finit pas de remettre au goût du jour e à l’air du temps la Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs.

C’est d’abord, la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques qui a bousculé le statut des baux d’habitation le 6 août 2015.

De la colocation au terme du bail en passant par le délai préavis réduit du locataire en zone tendue, le vent Macron a soufflé sur l’immobilier locatif.

Le Décret n°2015-1437 du 5 novembre 2015 vient compléter ce dispositif en établissant une liste exhaustive des documents que le bailleur peut demander aux prétendants locataires et à leurs cautions.

Le titre de séjour des ressortissants étrangers figurent dans cet inventaire encadrant le « recrutement » du bailleur.

L’annexe I concernant la première catégorie est ici reportée pour une parfaite information.

LISTE DES PIÈCES JUSTIFICATIVES POUVANT ÊTRE EXIGÉES DE CHACUN DES CANDIDATS À LA LOCATION

A. – Une pièce justificative d’identité en cours de validité, comportant la photographie et la signature du titulaire parmi les documents suivants :
1. Carte nationale d’identité française ou étrangère.
2. Passeport français ou étranger.
3. Permis de conduire français ou étranger.
4. Document justifiant du droit au séjour du candidat à la location étranger, notamment, carte de séjour temporaire, carte de résident, carte de ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen.

B. – Une seule pièce justificative de domicile parmi les documents suivants :
1. Trois dernières quittances de loyer ou, à défaut, attestation du précédent bailleur, ou de son mandataire, indiquant que le locataire est à jour de ses loyers et charges.
2. Attestation d’élection de domicile établissant le lien avec un organisme agréé au titre de l’article L. 264-2 du code de l’action sociale et des familles.
3. Attestation sur l’honneur de l’hébergeant indiquant que le candidat à la location réside à son domicile.
4. Dernier avis de taxe foncière ou, à défaut, titre de propriété de la résidence principale.

C. – Un ou plusieurs documents attestant des activités professionnelles parmi les documents suivants :
1. Contrat de travail ou de stage ou, à défaut, une attestation de l’employeur précisant l’emploi et la rémunération proposée, la date d’entrée en fonctions envisagée et, le cas échéant, la durée de la période d’essai.
2. L’extrait K ou K bis du registre du commerce et des sociétés de moins de trois mois pour une entreprise commerciale.
3. L’extrait D 1 original du registre des métiers de moins de trois mois pour un artisan.
4. La copie du certificat d’identification de l’INSEE, comportant les numéros d’identification, pour un travailleur indépendant.
5. La copie de la carte professionnelle pour une profession libérale.
6. Toute pièce récente attestant de l’activité pour les autres professionnels.
7. Carte d’étudiant ou certificat de scolarité pour l’année en cours.
D. – Un ou plusieurs documents attestant des ressources parmi les documents suivants :
1. Le dernier ou avant-dernier avis d’imposition ou de non-imposition et, lorsque tout ou partie des revenus perçus n’a pas été imposé en France mais dans un autre Etat ou territoire, le dernier ou avant-dernier avis d’imposition à l’impôt ou aux impôts qui tiennent lieu d’impôt sur le revenu dans cet Etat ou territoire ou un document en tenant lieu établi par l’administration fiscale de cet État ou territoire.
2. Trois derniers bulletins de salaires.
3. Justificatif de versement des indemnités de stage.
4. Les deux derniers bilans ou, à défaut, une attestation de ressources pour l’exercice en cours délivré par un comptable pour les professions non salariées.
5. Justificatif de versement des indemnités, retraites, pensions, prestations sociales et familiales et allocations perçues lors des trois derniers mois ou justificatif de l’ouverture des droits, établis par l’organisme payeur.
6. Attestation de simulation établie par l’organisme payeur ou simulation établie par le locataire relative aux aides au logement.
7. Avis d’attribution de bourse pour les étudiants boursiers.
8. Titre de propriété d’un bien immobilier ou dernier avis de taxe foncière.
9. Justificatif de revenus fonciers, de rentes viagères ou de revenus de valeurs et capitaux mobiliers.

Divorce : quel sort pour le bail du logement principal des époux ?

Après la rupture et l’instance, le règlement des intérêts matériels et pécuniaires sont  source d’interrogations lorsque le divorce va être prononcé.

Le logement, celui qui a accueilli le couple et son quotidien, celui qui a constitué leur lieu de vie, celui qui a abrité la famille, est souvent au cœur de ses questionnements.

Si les époux sont propriétaires, ils disposent de plusieurs possibilités qui varient selon les accords et désaccords, de l’amiable à la licitation.

Si les époux sont locataires, ils bénéficient l’un et l’autre de la protection de leurs droits particuliers sur le logement principal et sont ainsi dans la situation de cotitulaires du bail.

L’article 14 de la Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs dispose d’ailleurs qu’« en cas d’abandon du domicile par le locataire, le contrat de location continue au profit du conjoint sans préjudice de l’article 1751 du code civil ».

Au moment du divorce, le droit au bail « pourra être attribué, en considération des intérêts sociaux et familiaux en cause » à l’un des époux par le Juge aux Affaires Familiales qui prononcera la dissolution du mariage.

Les dispositions de l’article 1751 du Code Civil prévoient précisément le cadre de l’attribution préférentielle à Monsieur ou Madame, accordée en considération « des intérêts sociaux et familiaux en cause ».

La Cour de Cassation a admis depuis longtemps que si le droit au bail est un droit personnel en ce sens qu’il est toujours un droit de créance, il n’est cependant pas un droit exclusivement attaché à la même si le contrat de location a été conclu avant le mariage par l’un des époux.

Cass. Civ. 1ère 10 décembre 1962 Bull. civ. I, n° 258

Les juges de Haute Juridiction ont récemment affiné leur analyse en précisant que la transcription du jugement de divorce ayant attribué le droit au bail à l’un des époux met fin à la cotitularité du bail tant légale que conventionnelle.

Cass. Civ. 3ème 22 octobre 2015 Pourvoi n°14-23726

En application de l’article 262 du Code civil, le jugement de divorce est opposable aux tiers dès lors que les formalités de mention en marge de l’état civil ont été accomplies.

La solidarité entre les époux au titre du paiement des loyers et charges disparait donc à compter de la transcription.

Le temps de la rétention administrative : Retour sur l’arrêt de la Cour de Cassation du 23 septembre 2015

Depuis la Loi n°2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité la durée initiale de la rétention administrative est passée de 2 à 5 jours dans le temps que sa prolongation s’est allongée en passant de 30 à 40 jours. En sus, cette réforme qui a fait grincer les dents des intervenants en droit des étrangers, a eu pour effet de retarder l’intervention du Juge des Libertés et de la Détention dans son contrôle des libertés individuelles.

Depuis lors, le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté recommande dans chacun de ses rapports annuels de ramener la rétention administrative de 32 jours au total au lieu des 45 actuels. C’est parce qu’elle met en cause la liberté individuelle que la rétention, ses conditions et sa durée doivent être strictement encadrés.

Conseil Constitutionnel 20 novembre 2003 n°2003-484

Bien sûr, la première garantie du placement repose sur la nature même de cette mesure privative de liberté : la rétention ne tend qu’au maintien des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire le temps strictement nécessaire à la préparation de leur départ.

Cependant, cet objectif est parfois apprécié avec une opportuniste souplesse par les préfets qui n’hésitent pas à l’adapter pour faire primer les contraintes d’organisation du service sur celui-ci.

Face à ces dérives, la Cour de Cassation avait souligné en 2012 que la rétention administrative était exclusive d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives. Dès lors, l’assignation à résidence en alternative au placement ne pouvait jamais revêtir un caractère exceptionnel.

Cass. Civ. 1ère 24 octobre 2012 Pourvoi n° 11-27956

Au terme d’un arrêt du 23 septembre 2015, la Haute Juridiction rappelle cette fois à l’administration qu’elle est tenue à la plus grande célérité dans l’exercice des diligences qu’elle doit accomplir à effet de l’organisation du départ de l’étranger.

Cass. Civ.1ère 23 septembre 2015 Pourvoi n° 14-25064

Cet arrêt récent est l’occasion de revenir sur les exigences temporelles de la rétention administrative dont le but est l’exécution de la mesure d’éloignement et de sa mise en œuvre par le représentant de l’État.

Un temps strictement nécessaire à la mise en œuvre de la mesure d’éloignement :

La directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 précise qu’ « il convient de subordonner expressément le recours à des mesures coercitives au respect des principes de proportionnalité et d’efficacité en ce qui concerne les moyens utilisés et les objectifs poursuivis ». En droit interne comme en droit européen, l’entrave à la liberté ne peut s’inscrire que dans un cadre légal protecteur.

Ainsi la rétention administrative est strictement défini par son article 15 de la directive dite « retour » selon lequel :

« 1. À moins que d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives , puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l’éloignement, en particulier lorsque:

a) il existe un risque de fuite, ou

b) le ressortissant concerné d’un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement ».

La limpidité de ces dispositions les a rendues inconditionnelles et suffisamment précises pour ne pas nécessiter d’autres éléments particuliers pour permettre leur mise en œuvre par les États membre.

CJUE 28 avril 2011 Affaire C 61/11 PPU

Elles doivent donc garantir à chaque rétention ordonnée, d’une part, le respect du principe de proportionnalité en ce qui concerne les moyens utilisés et les objectifs poursuivis et, d’autre part, le respect des droits fondamentaux des ressortissants concernés de pays tiers.

La mesure privative de liberté applicable à l’étranger en situation irrégulière ne peut avoir qu’une seule finalité, celle de préparer son retour et/ou procéder à son éloignement… Et puisque le placement est le corollaire de la décision de retour, les démarches aux fins de départ le territoire ne doivent pas faire défaut.

Aussi, la Cour de Cassation sanctionne-t-elle les juges de la Cour d’Appel de LYON pour avoir ordonné la prolongation de la rétention administrative en jugeant « que le préfet avait effectué les diligences nécessaires en adressant après le week-end, soit trois jours après le début de la rétention, un courrier au consul de Tunisie aux fins d’obtenir un laissez-passer consulaire pour l’intéressé ». Lorsqu’elle retient dans sa jurisprudence du 23 septembre 2015 « que la saisine des autorités consulaires était intervenue trois jours après le placement en rétention », c’est pour écarter toute inertie de confort de l’administration.

Le temps de la rétention administrative est compté, il est utile, il est contrôlé. Le Juge civil rappelle ainsi à la personne publique que l’effectivité de son pouvoir décisionnel est assujettie à un nécessaire contrôle de célérité. La durée du placement en rétention et de la prolongation est limitée au temps strictement nécessaire à la mise en œuvre de la mesure d’éloignement.

Un temps strictement dévolu aux diligences de retour et d’organisation du départ :

Durant les cinq premiers jours de la rétention, le Préfet doit donc être réactif et surtout appliqué à se constituer des preuves de ses actions. En effet, il doit être en mesure d’établir les diligences accomplies pour mettre à exécution la mesure d’éloignement.

Là où les juges de la Cour d’Appel avaient écarté les moyens modernes de transmission (télécopie et courriel), la Cour de Cassation en a tenu compte dans son arrêt du 23 septembre 2015 au titre des exigences tenant au contentieux de l’urgence. La question se pose ainsi de déterminer le délai dans lequel les diligences préfectorales en vue d’éloignement doivent être accomplies.

La jurisprudence est évidemment plus prolixe lorsque le contrôle de l’exécution des démarches auprès des consulats et des check in concerne la seconde prolongation de la rétention administrative dans le cadre de l’article L552-7 du CESEDA. L’article L 554-1 du CESEDA suscite bien moins de développements.

En 2011, la Cour de Cassation s’est cependant interrogée sur l’exécution des diligences et leur continuité durant la mesure de placement. Dans un arrêt antérieur à la réforme issue de la Loi n° 2011-672 précitée, elle avait retenu que le fait que l’étranger ayant fait l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière et d’une décision de placement en rétention administrative ait saisi l’OFPRA d’une demande d’asile ne justifie pas que l’administration suspende les diligences nécessaires à son départ pendant le cours de la procédure devant l’Office, l’article L 554-1 du CESEDA lui imposant d’exercer toute diligence à cet effet.

Cass. Civ. 1ère 16 juin 2011 Pourvoi n°10-18226

L’esprit de LAMARTINE est ainsi absent du CESEDA puisque le temps de la rétention administrative n’est pas suspendu

Mais la continuité n’implique pas nécessairement l’immédiateté de l’action de préparation du retour. Celle-ci ne ressort d’ailleurs pas de l’article 15 de la directive dite « retour » bien que celle-ci précise que « toute rétention est aussi brève que possible et n’est maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise ».

En 2010, la Cour de Cassation s’était saisi de cette question dans deux arrêts du 23 juin 2010 sans apporter de réponse adéquate et précise. Au terme de la première décision, elle avait retenue que les démarches nécessaires devaient être entreprises dès le placement en rétention même pendant le délai de recours devant le Tribunal Administratif.

Cass. Civ. 1ère 23 juin 2010 Pourvoi n° 09-14958

Mais dans le second arrêt, les juges s’étaient refusé de censurer une ordonnance de prolongation retenant que des vérifications s’imposaient sur la véritable nationalité de l’étranger que le temps écoulé entre son arrivée au centre de rétention administrative et la proximité du week-end ne permettaient pas d’entreprendre des démarches suffisamment étayées et sérieuses.

Cass. Civ. 1ère 23 juin 2010 Pourvoi n° 09-14065

L’arrêt du 23 septembre 2015 vient clarifier l’appréciation la situation en considérant les diligences « intervenue trois jours après le placement en rétention » comme tardives : c’est sans ambigüité qu’il convient de retenir de cette jurisprudence que l’administration est tenue d’exercer toutes diligences à cet effet dès le premier jour de la rétention.

Mais si le Préfet doit agir sans délai, il n’a pas à démontrer l’efficacité de ses démarches. Ce qui importe, c’est qu’il tente d’éloigner durant le temps de privation de liberté de l’étranger en situation irrégulière.

Dans ces tentatives, le Préfet n’est qu’un acteur parmi d’autres. Au-delà des diligences d’identification, il y a encore la reconnaissance des ressortissants et la délivrance de laissez-passer qui relèvent des autorités consulaires ainsi que l’organisation du voyage et la disponibilité des moyens transports au gré des différentes compagnies. L’attente peut donc être longue pour le migrant…

On comprend que la célérité doit de présider à l’application de l’article L 554-1 du CESEDA car durant le temps strictement nécessaire à son départ, la privation de liberté s’applique. Au centre du débat sur l’effectivité des diligences, elle est le seul enjeu, celui qui justifie d’ailleurs l’engagement d’un pourvoi en cassation jugé après la fin de la rétention administrative.

Cependant, la garantie juridique apportée par l’arrêt du 23 septembre 2015 démontre que le recours devant la Haute Juridiction n’est pas vain en la matière.

En effet et en conclusion, le projet de la Loi relatif au droit des étrangers en France du 23 juillet 2014 en cours de discussion au Sénat ne se conforme pas aux recommandations du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté sur la réduction à 32 jours de la rétention administrative.

Regard sur le projet de loi relatif au droit des étrangers en France

Le 20 juillet 2015, ont débuté à l’Assemblée nationale les débats sur le projet de loi relatif au droit des étrangers en France. Ce texte, déposé le 23 juillet 2014, tend à réformer l’accueil et le séjour des étrangers, à assoir l’organisation d’une immigration contrôlée et à poursuivre un objectif de lutte contre l’immigration irrégulière.

Le Gouvernement a mis en avant une idée simple, celle que « l’immigration peut être une opportunité pour la France, si elle est maîtrisée, si l’accueil des talents est encouragé et si l’intégration est favorisée« .

Bien sûr, les associations (ADDE-ANAFE-FASTI-GISTI-CIMADE-LDH-MOM-SAF-SM) qui interviennent dans le parcours des migrants ont une toute autre approche. Au terme de leur analyse commune du 11 février 2015, elles dressent le constat que le « projet de réforme du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne marque aucune volonté de rupture avec les réformes précédentes« . Elles s’étonnent -non sans regret- du déni des orientations suggérées par le rapport du député Matthias Fekl remis le 14 mai 2013.

La Commission nationale consultative des droits de l’Homme appréhende quant à elle la réforme sous l’angle de la question suivante : « le projet de loi a-t-il définitivement rompu avec l’image hypertrophiée d’un étranger cherchant toujours à pénétrer et à se maintenir illégalement en France, à faire venir sa famille illégalement, en s’efforçant d’utiliser frauduleusement toutes les ressources de la législation pour rester en France et profiter de l’État providence ? ». Elle y répond par la négative dans son avis du 21 mai 2015 tout en saluant les avancées dans les garanties apportées dans le cadre de l’exécution des mesures d’éloignements.

Nous aborderons ici trois thèmes vers lesquels s’orientent les dispositions du texte en discussion.

Le droit au séjour et l’accueil des étrangers :

Des débats sur l’identité nationale aux menaces d’attaques terroristes, l’idée même de division au sein de la société française semble devenue particulièrement épidermique.

Le dossier de presse du projet de loi relatif au droit des étrangers s’en fait l’écho en soulignant que « c’est quand on perd de vue la République, ses exigences, mais aussi son Histoire et ses valeurs, que l’on crée de la confusion, du clivage artificiel sans, en définitive, rien résoudre« .

La France entend donc donner priorité aux mobilités internationales de l’excellence et à l’amélioration de son système d’intégration tout en renforçant son système de lutte contre la fraude. Aussi le projet de loi prévoit-il dans son titre 1er des nombreuses dispositions suivant le sens du vent aux courants variables et parfois antagonistes.

Cela passe, tout d’abord, par une politique de délivrance de visas appliquée par les autorités diplomatiques et consulaires françaises privilégiant les entrées pour longs séjours.

Après l’entrée sur le territoire, les démarches d’installation ne sont pas moins complexes : l’article L. 311-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi réécrit pour actualiser et allonger la liste des documents de séjour dont doit être titulaire l’étranger majeurs souhaitant séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois.

Mais la vraie nouveauté du parcours de demandeur de titre concerne surtout le renforcement des dispositions relatives à l’intégration dans la société française lors de la délivrance de titre de séjour : le contrat d’accueil et d’intégration se voit ainsi remplacé par un contrat personnalisé fixant le parcours d’accueil et d’intégration avec un diagnostic individualisé.

Évaluation du niveau linguistique, prescription de formation adaptée, connaissance des droits et devoirs, il flotte dans l’air un parfum de lois à la Jules Ferry sur l’école républicaine, formatrice de citoyens. C’est qu' »il n’y a pas, en la matière, d’immigration subie« , affirme sans détours -en gras et souligné- le dossier de presse du projet de loi de juillet 2014.

Ensuite, pour répondre à cet objectif d’attractivité et d’excellence, un passeport talents d’une durée de quatre ans a été imaginé, remplaçant notamment le titre de séjour « compétence et talent ». A côté de ce dispositif, la carte de séjour pluriannuelle se généralise après la première année de séjour dans une limite de quatre ans sous condition de détention d’un visa long séjour.

L’article L. 313-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile fait donc peau neuve dans un souci de simplification des démarches et de désencombrement des préfectures.

Il est encore difficile de définir avec précision les contours du tableau concernant l’accueil et le droit au séjour, le texte initial s’étant allégé et modifié au fil des amendements en commission des lois et en commission des affaires culturelles. Mais la simplification de la législation n’est pas une évidence quand l’objectif d’encadrement prime.

D’autant que les préfectures vont peut-être se doter du droit de communication « ponctuel » des documents et informations strictement nécessaires par les dépositaires des actes d’état civil, les administrations chargées du travail et de l’emploi, des organismes de Sécurité sociale, des établissements scolaires, des fournisseurs d’énergie et de communication électroniques, des établissements de soins privés et publics, des établissements bancaires et des greffes des tribunaux de commerces.

A côté de l’organisation de cette collecte de données personnelles, des dispositions prévoient l’augmentation des pénalités dues par les transporteurs qui ne respectent pas leurs obligations de contrôle est accru aux fins de luttes contre la fraude.

C’est comme cela que le projet de loi en cours de lecture concilie le « savoir lutter contre les flux migratoires irréguliers, dans le respect des droits des migrants« .

L’éloignement et ses corollaires :

Le texte de loi relatif au droit des étrangers en France s’attaque donc au séjour irrégulier en renforcement l’efficacité des mesures de départ forcé.

En premier lieu, il ouvre deux nouvelles possibilités de notifier à l’encontre des migrants hors Union européenne une obligation de quitter le territoire français aux cas déjà visés à l’article L. 511-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : l’une est liée au comportement de l’étranger, qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois, constituant une menace pour l’ordre public appréciée au regard de la commission de faits passibles de poursuites pénales sur certains fondements ; l’autre tient à la méconnaissance de l’article L. 5221-5 du Code du travail pour l’étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois.

Le projet initial prévoyait une catégorie à l’adresse spécifique des demandeurs d’asiles déboutés. Mais l’amendement CL 204 du 30 juin 2015 a renvoyé cette question aux débats sur le projet de loi relatif à la réforme de l’asile.

Pour satisfaire à la mesure d’éloignement, l’étranger ne pourra plus se contenter de quitter le territoire national : il devra rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l’Union européenne où il est légalement admissible.

La tempérance admise suite à la disparition de l’article 23 de la Convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985 et à son remplacement par les dispositions de la Directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dite Directive « retour », risque donc de disparaître.

En deuxième lieu, le projet de loi entend aussi modifier le cadre des obligations de quitter le territoire applicables aux ressortissants de l’Union européenne. Le comportement personnel constituant, du point de vue de l’ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société pourra conduire à une mesure d’éloignement en dehors de toute poursuite et/ou condamnation pénale.

Un mauvais esprit pourrait associer cette évolution aux migrants de certains États membres à la suite de la levée des restrictions au marché de l’emploi depuis le 1er janvier 2015. Il ne s’agit sans doute que d’une coïncidence.

La France tente, en effet, de se positionner en bon élève de l’Union puisqu’elle revoit sa copie sur les délais de départ volontaire. Et c’est qu’ainsi qu’en troisième lieu, elle apporte une réponse au droit commun européen par une volonté d’assouplir sa législation en vigueur au profit d’une durée appropriée des délais accordés.

Cette avancée est bien vite oubliée car, en quatrième lieu, se discutent des interdictions de toute nature.
Un article L. 511-3-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit, tout d’abord, la mise en place d’une interdiction de circulation sur le territoire français d’une durée maximale de trois ans assortissant l’obligation de quitter le territoire français prononcée en application des 2° et 3° de l’article L. 511-3-1. Cette mesure ne s’applique qu’aux ressortissants communautaire et peut être abrogée sur demande de l’étranger à condition qu’il justifie résider hors de France depuis un an au moins. La défiance à l’égard de l’Union européenne se grime à peine.

A côté de cette nouveauté, l’interdiction de retour existant pour les ressortissants des États tiers se généralise pour aller de trois ans en cas d’absence de décision de délai de départ volontaire assortissant une obligation de quitter le territoire ou lorsque l’étranger n’a pas satisfait au délai préalablement octroyé, à deux ans en dehors de ces cas. Peuvent, toutefois, s’opposer à cette interdiction de retour les circonstances humanitaires qui relèvent de l’appréciation toute subjective des préfectures.

C’est cependant dans les dispositions concernant l’éloignement des étrangers que l’on retrouve les traces les plus évidentes d’un protectionnisme conjoncturel.

• La mise en œuvre de l’éloignement :

La mise en œuvre de l’obligation de quitter le territoire français ne fait que poursuivre sur cette lancée.

L’article L. 551-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile offre ainsi à la rétention administrative un nouvel écrin textuel qui conditionne cette mesure au cas où « l’étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque mentionné au 3° du II de l’article L. 511-1« .

Mais ces dispositions étouffent l’écho de la jurisprudence de la Cour de cassation jusqu’à le muer en simple murmure.

Cass. Civ 1ère 24 octobre 2012 Pourvoi n° 11-27956

On notera que le placement en rétention ne peut s’appliquer aux mineurs de treize ans… à moins bien sûr qu’ils n’entrent dans les cas d’exception prévus par l’amendement N°CL51 du 26 juin 2015 qui réaffirme sa vision singulière l’intérêt de l’enfant.

La rédaction revisitée de l’article L. 554-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne fait pas plus de place à la jurisprudence de la Cour de cassation : l’assignation à résidence, sans être exceptionnelle, est une possibilité largement applicable « dans tous les cas, les dispositions de l’article L. 561-2 peuvent être appliquées ». Elle peut prévenir la rétention, lui être substituée ou lui succéder. Et les représentants de l’État pourront y avoir recours si l’éloignement demeure une perspective raisonnable selon certains cas définis.

Cependant, cette mesure doit toujours être motivée et peut désormais couvrir une durée de six mois renouvelable. Son caractère d’alternative à la rétention et d’outil de contrôle le temps nécessaire à l’organisation du départ est renforcé par le projet de loi relatif au droit des étrangers. En effet, si le spectre de l’obstruction volontaire se dessine, le préfet peut solliciter le juge des libertés et de la détention pour l’autoriser à recourir aux services de police et de gendarmerie aux fins d’intervenir au domicile aux étrangers qui se cacheraient derrière l’inviolabilité du domicile pour faire obstacle à l’exécution de la mesure d’éloignement dont ils font l’objet. L’ordonnance du juge des libertés et de la détention n’aurait malgré tout qu’un effet exécutoire de 96 heures.

Au surplus, l’article L. 513-5 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile crée la possibilité de déplacement forcé, par l’intervention des services de police ou les unités de gendarmerie, de l’étranger, assigné à résidence, qui n’aurait pas déféré à une demande de présentation aux autorités consulaires de son pays en vue de la délivrance d’un document de voyage.

Entre la privation de libertés au centre de rétention administrative et la coercition à domicile, la contrainte est présente dans chacune des mesures de mise en œuvre de l’éloignement.

Mais le projet de loi distille tout de même, de ça et là, quelques orientations pour encadrer l’action des préfectures.

Il en est ainsi de la prohibition de l’exécution d’office de l’obligation de quitter le territoire si l’étranger a saisi le juge administratif d’un référé liberté. Le recours au juge et à son contrôle de légalité doit demeurer entier et effectif.

Il en va de même de l’accès des journalistes aux zones d’attente et aux centres de rétentions administratives qui permet à un regard extérieur de se poser sur les conditions de vie dans les lieux privatifs de libertés ne relevant pas de l’administration pénitentiaires.

Il est pourtant difficile de convenir de l’adéquation entre ces dispositifs de contrôle et l’esprit de la Directive « retour » qui invite à « privilégier le retour volontaire par rapport au retour forcé et d’accorder un délai de départ volontaire« .

A l’heure des débats parlementaires, le projet de loi relatif au droit des étrangers en France ne peut être regardé comme une véritable réforme de réglementation en place au regard des solutions législatives proposées.

Les associations regrettent d’ailleurs l’absence de « passerelle entre le titre de séjour pluriannuel et le droit au séjour pérenne » au terme de leur analyse commune du 11 février 2015.

Force est de constater que la lutte contre le séjour irrégulier des étrangers et l’éloignement de ces derniers sont au centre du texte. Il est difficile d’appréhender ce projet de loi sans le regarder comme le complément de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité portant transposition de la Directive « retour ».

Le droit de l’Union européenne engageait alors les États membres à « veiller à ce que, en mettant fin au séjour irrégulier de ressortissants de pays tiers, ils respectent une procédure équitable et transparente« .

Les dispositions forgées dans le contrôle interrogent sur l’équilibre entre les garanties des migrants, candidats au séjour, et la maîtrise d’une immigration « sélectionnée ».

La combinaison du référé liberté avec les différentes procédures concernant l’étranger placé en rétention administrative

Le placement en rétention administrative d’un étranger en séjour irrégulier est une décision relevant de la compétence du représentant de l’État dans le Département.

Toutefois, si la privation de liberté ressort initialement d’un arrêté préfectoral, elle n’exclut pas l’intervention des juridictions judiciaires dans le cadre de la prolongation de cette mesure.

Le contentieux de la rétention s’illustre ainsi par une double compétence du juge civil et du juge administratif qui donne lieu à une succession d’instances devant l’un et l’autre des ordres juridictionnels. Dans leur rôle respectif, le Juge des Libertés et de la Détention est le gardien des libertés individuelles tandis le Juge Administratif assure le contrôle de la légalité des actes.

Mais cette naïve distinction devient plus ténue lorsque les procédures relevant des articles R 552-17 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile et L 521-2 du Code de Justice Administrative sont initiées.

L’arrêt du Conseil d’État du 11 juin 2015 est une parfaite illustration de l’articulation complexe des compétences exclusives et/ ou concurrentes des juges civils et administratifs.

Conseil d’Etat 11 juin 2015 n° 390704

En l’espèce, un ressortissant géorgien a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français du d’assortie d’un placement en rétention administrative par le Préfet des Pyrénées Orientales. Le 13 avril 2015, son recours en annulation à l’encontre de ces décisions a été rejeté par le Tribunal Administratif de MONTPELLIER. Le lendemain, le Juge des Libertés et de la Détention a ordonné la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 20 jours.

Ce délai n’a pas permis d’éloigner l’étranger qui a été prorogé pour 20 jours supplémentaires le 4 mai 2015 par ordonnance du Juge des Libertés et de la Détention. Pour autant la rétention n’a pas permis d’organiser le départ suite à deux refus d’embarquer.

L’étranger a donc été transféré le 14 mai 2015 dans un autre centre. Fort de ce changement de ressort territorial, il a saisi le Juge des Libertés et de la Détention d’une demande de remise en liberté. Le 15 mai 2015, sa requête fondée sur un avis du médecin de l’ARS saisi par l’unité médicale du Centre a, cependant, été rejetée.

Il s’est donc retourné vers le Président du Tribunal Administratif de VERSAILLES qui a fait droit à sa demande le 18 mai 2015 dans le cadre d’un référé liberté.

A l’occasion de l’appel du Ministre de l’intérieur, il convient de revenir sur cette jurisprudence dans laquelle la complexité procédurale s’affiche, portée par l’astuce des avocats et soutenue par les alternatives offertes par le législateur.

– Le principe : La procédure spéciale de l’article L. 512-1 III du CESEDA est exclusive des référés du Titre V du Code de Justice administrative :

Au soutien de son recours en annulation de l’ordonnance du 18 mai 2015, le Ministre de l’intérieur argue de l’irrecevabilité de la requête en référé liberté fondée sur l’article L 521-2 du Code de Justice Administrative.

Cette question de la compatibilité entre la procédure spéciale contre une mesure d’éloignement suite au placement en rétention administrative et celle issue du contentieux administratif général n’est pas nouvelle.

Les juges du Conseil d’État ont pris position successivement sur les dispositions du Code Justice Administrative dont l’application en association à l’article L. 512-1 III du CESEDA posait problème.

Ainsi les principes qui permettent aux présidents de tribunal administratif de rejeter, par ordonnance, des conclusions entachées d’une irrecevabilité manifeste non susceptible d’être couverte en cours d’instance ne sont pas applicables au jugement des requêtes formées contre les mesures d’éloignement.

Conseil d’Etat 23 septembre 1992 n° 132388

De même, les recours dirigés contre les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière doivent être regardés comme exclus du champ d’application des dispositions de l’article R. 153-1 du Code de Justice Administrative s’appliquant à la communication aux parties du moyens relevé d’office.

Conseil d’Etat 6 juillet 1994 n° 159288

Le législateur a également entendu exclure l’application les dispositions selon lesquelles les décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 ne peuvent légalement intervenir qu’après que l’intéressé a été mis à même de présenter des observations écrites ou orales.

Conseil d’Etat 14 mars 2001 n° 208923

Le caractère exclusif de la procédure spéciale de l’article L. 512-1 III du CESEDA a donc déjà balayé nombres de principes du contentieux administratif. Il trouve ici à s’appliquer aux procédures de référé dans leur ensemble.

Le Conseil d’état avait déjà exclu la possibilité d’exercer un référé suspension à l’encontre d’un arrêté décidant la reconduite à la frontière d’un étranger, la spécificité procédurale liée à cette mesure d’éloignement se traduisant par le caractère non exécutoire de arrêté pendant le délai de recours ouvert à son encontre.

Conseil d’Etat 26 janvier 2001 n° 229565

Dans l’arrêt du 11 juin 2015, il attache au référé liberté cette même exclusion et l’applique à l’ensemble des procédures fondées sur le Titre V du Code de Justice administrative.

Là encore, cette solution n’est ni innovante, ni surprenante : l’intervention du juge des référés dans le cas où les mesures par lesquelles il est procédé à l’exécution d’une mesure d’éloignement comportent des effets qui, en raison de changements dans les circonstances de droit ou de fait depuis l’intervention de cet arrêté, excèdent le cadre qu’implique normalement sa mise à exécution se combine avec le mécanisme particulier de l’article L. 512-1 III du CESEDA.

Conseil d’Etat 14 janvier 2005 n° 276123

– L’exception : Les effets de l’exécution de la mesure d’éloignement excédant ceux qui s’attachent normalement à sa mise à exécution en raison de changements dans les circonstances de droit ou de fait :

Comme en toute chose, le principe connait une exception tenant non pas à la légalité de la mesure d’éloignement ou au placement en rétention administrative mais aux effets manifestement excessifs de l’éloignement.

Ainsi la mise à exécution d’une obligation de quitter le territoire français est envisagée dans toutes ses conséquences envers le migrant et ouvre droit à une voie de recours supplémentaire en dehors des cas des articles L. 512-1 III et L 552-1 et suivants du CESEDA.

L’office du Tribunal Administratif relève, en effet, du contrôle de légalité au fond de la mesure d’éloignement et de ses corollaires. L’intervention du Juge des Libertés et de la Détention est cantonné, quant à lui, à la prolongation de rétention administratif et à son interruption en présence de circonstances nouvelles de fait ou de droit.

Dans le cadre du référé liberté, le juge de l’urgence a compétence pour prendre les mesures nécessaires à la sauvegarde des libertés fondamentales concernant l’exécution de la décision de retour.

La combinaison de ces différentes procédures ne peut dès lors être envisagée que dans le schéma temporel présenté par l’ordonnance du 11 juin 2015 qui se déroule au fils des étapes successives.

La compétence exclusive du Juge des Libertés et de la Détention pour mettre fin au placement en rétention en dehors des effets de l’exécution de la mesure d’éloignement est strictement affirmée par le Conseil d’État.

Conseil d’État 15 avril 2016 n°398550

L’avis du médecin de l’Agence Régionale de Santé est donc une circonstance nouvelle de fait et de droit retenant l’attention du juge administratif des référés et propre à changer la donne.

Alerté par l’unité médicale du Centre de Rétention Administrative, le MARS a le 4 mai 2015 estimé dans l’espèce que l’état de santé de l’étranger imposait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entrainer des conséquences d’une exceptionnelle gravité et que le traitement approprié qui devait être poursuivi pendant un an, n’existait pas dans le pays d’origine.

C’est cet avis qui a permis au Juge des Référés de se saisir de cette situation où les modalités selon lesquelles il est procédé à l’exécution d’une telle mesure relative à l’éloignement forcé d’un étranger emportent des effets qui, en raison de changements dans les circonstances de droit ou de fait survenus depuis l’intervention de cette mesure et après que le juge, saisi sur le fondement de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, a statué ou que le délai prévu pour le saisir a expiré, excèdent ceux qui s’attachent normalement à sa mise à exécution.

Pourtant, il n’avait pas réussi à convaincre le Juge des Libertés et de la Détention dont l’appréciation de cette circonstance grave semble différer. Si cet élément nouveau oblige de représentant de l’État à procéder à un réexamen de la situation du migrant, il n’a pas permis de faire cesser la rétention administrative.

Il est curieux de considérer que la mise à exécution de la mesure d’éloignement susceptible d’intervenir à tout moment et portant une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté personnelle de l’étranger du fait de ses conséquences d’une exceptionnelle gravité sur son état de santé, est sans effet sur une décision de privation de liberté.

Cette divergence d’analyses témoigne de la réelle difficulté pour le juge civil d’entendre que le placement en rétention administrative doit rester une mesure exceptionnelle reposant sur des circonstances particulières conformément aux principes issus de la directive dite « retour ».

Rappelons qu’il y a un an, la Cour de Justice de l’Union Européenne avait clairement affirmé que l’article 15, paragraphes 3 et 6, de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens que le contrôle que doit effectuer l’autorité judiciaire saisie d’une demande de prolongation de la rétention d’un ressortissant d’un pays tiers doit permettre à cette autorité de statuer sur le fond, au cas par cas, sur la prolongation de la rétention du ressortissant concerné, sur la possibilité de substituer à la rétention une mesure moins coercitive ou sur la remise en liberté de ce ressortissant, ladite autorité étant ainsi compétente pour se fonder sur les faits et les preuves produits par l’autorité administrative l’ayant saisie ainsi que sur les faits, les preuves et les observations qui lui sont éventuellement soumis lors de cette procédure.

CJUE -3ème chbre 5 juin 2014 Affaire C 146/14 PPU

Cette jurisprudence qui pose le principe d’un réexamen des conditions de fond ayant servi de fondement à la rétention initiale du ressortissant, n’a pas porté ses fruits.

De la rétroactivité de la loi pénale plus douce appliquée au délit de séjour irrégulier

Il y a deux ans, le législateur palliait l’impossibilité de placer en garde à vue un étranger susceptible d’avoir commis l’infraction de séjour irrégulier en adoptant la Loi du 31 décembre 2012.

La retenue pour vérification du droit au séjour trouvait sa place dans le CESEDA à l’article L 611-1-1 un peu à l’écart des mesures coercitives du Code de Procédure Pénale.

L’avènement de la retenue ne doit pas faire oublier que la loi n°2012-1560 a également modifié le régime des infractions liées au séjour irrégulier des étrangers qu’il s’agisse d’aide, d’entrée ou d’obstruction à l’éloignement.

La rédaction de l’article L 624-1 du CESEDA a tenté de s’adapter aux impératifs la directive « retour » 2008/115/CE du 16 décembre 2008 qui doit être interprétée dans le sens qu’elle s’oppose à la répression par les États membres du séjour irrégulier par des sanctions pénales d’un ressortissant d’un pays tiers qui, tout en séjournant irrégulièrement sur le territoire dudit État membre et n’étant pas disposé à quitter ce territoire volontairement, n’a pas été soumis aux mesures coercitives visées à l’article 8 de cette directive et n’a pas, en cas de placement en rétention en vue de la préparation et de la réalisation de son éloignement, vu expirer la durée maximale de cette rétention.

C’est dans cet esprit que les juges de la Chambre Criminelle ont annulé un arrêt de la Cour d’Appel de LYON du 30 août 2013 condamnant un étranger en situation irrégulière à une peine d’un an d’emprisonnement et cinq ans d’interdiction du territoire français pour soustraction à l’exécution d’une mesure de reconduite à la frontière en récidive.

Cass. Crim. 1er avril 2015 Pourvoi n° 13-86418

Le 13 mars 2012, le Préfet du GARD a pris à l’encontre du prévenu obligation de quitter le territoire national. Quelques mois plus tard, l’étranger était condamné pour soustraction à une mesure d’exécution par décision du 7 septembre 2012. Sous le coup de la mesure d’éloignement précitée, il avait refusé d’embarquer à bord d’un avion en partance pour l’étranger.

A sa sortie de la maison d’arrêt le 24 octobre 2012, l’étranger s’est vu notifié un arrêté de rétention administrative pris par le Préfet du RHÔNE. La mesure privative de liberté succédait immédiatement à l’exécution de la condamnation pénale.

Mais moins de 3 heures après le placement, l’étranger était conduit à l’embarquement et s’opposait avec force à son éloignement.

La tentative avortée de reconduite est intervenue avant l’expiration du délai de recours de 48 heures contre l’arrêté de placement en rétention administrative, sans que l’étranger puisse user de ce droit.

Poursuivi une nouvelle fois pour soustraction à une mesure d’exécution de l’obligation de quitter le territoire français, l’étranger est condamné par la Cour d’Appel de LYON en état de récidive légale.

L’arrêt de la Cour de Cassation de 1er avril 2015 ouvre une discussion sur la force normative de la directive « retour » 2008/115/CE du 16 décembre 2008 conjugué au principe issu du droit interne de la rétroactivité de la loi pénale plus douce.

De l’application dans le temps de la loi pénale plus douce :

La rétroactivité de la loi pénale plus douce dérive du principe de nécessité des peines garanti par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Au terme d’un arrêt du 20 janvier 1981, les sages de la République ont reconnu la valeur constitutionnelle de ce principe lors de l’examen de la Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes soumise à leur contrôle.

Conseil Constitutionnel 20 janvier 1981, no 80-127 DC

Aussi l’article 112-1 du Code Pénal précise-t-il que « les dispositions nouvelles s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ».

On doit à la procédure de question prioritaire de constitutionnalité d’avoir rappelé que le fait de ne pas appliquer aux infractions commises sous l’empire de la loi ancienne la loi pénale nouvelle, plus douce, revient à permettre au juge de prononcer les peines prévues par la loi ancienne et qui, selon l’appréciation même du législateur, ne sont plus nécessaires.

Conseil Constitutionnel 3 décembre 2010, n° 2010-74 QPC

L’application de ce principe de clémence collective n’est donc ni poussiéreux, ni légendaire dans le temps judiciaire.

La Cour de Cassation l’a appliqué tout naturellement au délit de soustraction à une mesure d’exécution d’une obligation de quitter le territoire français modifié par la Loi n°2012-1560 du 31 décembre 2012.

La Cour d’Appel de Lyon ne s’était pas saisi de cette rétroactivité du texte d’incrimination devant « la volonté délibérée et persistante de l’intéressé de se maintenir sur le territoire français » malgré la décision d’éloignement prise par un arrêté du préfet du Gard le 13 mars 2012.

Pourtant la rédaction nouvelle de l’article L 624-1 du CESEDA incriminant le fait pour tout étranger qui, faisant l’objet d’une mesure d’éloignement s’est maintenu irrégulièrement sur le territoire français sans motif légitime, après avoir fait l’objet d’une mesure régulière de placement en rétention ou d’assignation à résidence ayant pris fin sans qu’il ait pu être procédé à son éloignement devait bénéficier au prévenu.

Le délit ne pouvait dès lors être constitué en tous ses éléments avant que le délai maximal de la rétention administrative ne soit expiré, à savoir quarante cinq jours.

Les juges de la Haute Cour ne s’y sont pas trompé et ont sanctionné par la même un usage de l’article L 551-1 du CESEDA sans considération des impératifs de nécessité et proportionnalité imposés par la législation européenne.

La tentative d’éloignement étant intervenue quelques heures après la sortie de maison d’arrêt, il n’y avait pas lieu à maintien au Centre de Rétention de l’étranger « pour le temps strictement nécessaire à son départ ».

De la Conformité du raisonnement aux principes issus de la directive retour :

L’arrêt du 1er avril 2015 démontre –si besoin était- à quel point le juge français peine à intégrer la législation européenne dans son appréciation. Dire le droit relève désormais du calcul d’une aire hexagonale dans une géométrie Schengen.

L’interprétation des dispositions de la Directive « retour » est donc régulièrement à l’origine d’interrogations sur sa compatibilité avec le droit interne en matière de rétention administrative et d’infractions à la législation des étrangers.

C’est ainsi qu’en 2012, la Cour de Cassation a admis que cette directive s’oppose à une réglementation nationale réprimant le séjour irrégulier par une peine d’emprisonnement.

Cass. Crim. Avis n° 9002 du 5 juin 2012

Cass. Civ 1ère 5 juillet 2012 Pourvoi n°11-30371

Cass. Civ 1ère 5 juillet 2012 Pourvoi n°11-19250

Cass. Civ 1ère 5 juillet 2012 Pourvoi n°11-30530

Le 28 janvier 2015, la même directive a conduit les juges de cassation à saisir la Cour de Justice de l’Union Européenne d’une question préjudicielle portant sur l’article L 621-2 du CESEDA réprimant l’infraction d’entrée irrégulière.

Cass. Civ. 1ère 28 janvier 2015 Pourvoi n°13-28349

En l’espèce, les juges de la haute Cour retiennent qu’un étranger ayant fait l’objet d’un placement en rétention administrative ou d’une assignation à résidence ne peut être poursuivi du chef de soustraction à l’exécution d’une décision de reconduite à la frontière que si ces mesures administratives ont pris fin sans qu’il ait été procédé à son éloignement après avoir posé dans son analyse le principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce.

L’infraction de soustraction à l’exécution d’une mesure d’éloignement et l’état de récidive légale qui l’accompagne sont donc écartés.

On ne manquera pas de noter que deux articles du texte du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008, les articles 8 et 15 se trouvent au cœur des différents pourvois évoqués.

Seules les dispositions s’appliquant aux mesures privatives de liberté telles que la garde à vue, la rétention administrative ou l’emprisonnement délictuel sont en cause. Seules les terminologies de « nécessaires », « suffisantes » et « moins coercitives » propres à ces mesure sont d’interprétation délicate. Seul l’encadrement des restrictions à la liberté d’aller et de venir prête semble donc à discussion…

Les Lois n°2011-672 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité du 16 juin 2011 et n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour suscitent donc de nombreux développements.

Certains diront que la transposition indélicate de la directive « retour » en droit interne est à l’origine. D’autres penseront que les arrêts récents de la Cour de Justice de l’Union Européenne démontrent les difficulté d’adaptation d’un texte commun dans des systèmes juridiques différents.

Sans doute faut-il voir une évolution dans la pratique des juges de l’ordre judiciaire qui se désinvestissent du contentieux des migrants au profit des Tribunaux administratifs. Depuis trois ans, l’intervention du juge administratif préalablement au juge judiciaire dans le contentieux de la rétention administrative a changé le paysage jurisprudentiel.

Le gardien des libertés individuelles redessine son rôle dans la subsidiarité du juge de la légalité.
Pourtant, c’est bien dans une conception inverse que la directive « retour » le place : dans l’arrêt du 5 juin 2014, la Cour de Justice de l’Union Européenne relève, en effet, que le contrôle portant sur la nécessité et la proportionnalité s’applique non seulement au placement en rétention administrative mais également à sa prolongation.

CJUE -3ème chbre 5 juin 2014 Affaire C 146/14 PP

Les juges de cassation n’ont donc pas fini de se prononcer sur le cadre légal des mesures privatives de liberté intéressant le droit des étrangers.

D’autant qu’au-delà de la rétroactivité de la loi pénale plus douce, la protection de l’exercice d’une voie de recours s’est insidieusement invité dans l’arrêt du 1er avril 2015, la Cour d’Appel de Lyon ayant relevé que ni le recours contre al décision de placement en rétention, ni le délai pour l’exercer ne pouvaient suspendre l’exécution de la mesure d’éloignement.

La coïncidence veut que c’est le jour où les juges de cassation ont rendu leur arrêt que le Décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 modifiant les pratiques judiciaires et conditionnant la saisine des juridictions civiles à l’accomplissement de diligences préalables en vue de parvenir à une résolution amiable du litige est entré en vigueur.

Sauf justification d’un motif légitime tenant à l’urgence ou à la matière considérée, l’exercice d’un recours contentieux se voit désormais encadrer par un préliminaire de discussions qui tend à limiter l’accès au juge.

Le droit d’ester en justice demeure, cependant, une liberté fondamentale garantie par la Déclaration des Droits l’Homme et du Citoyen et consacrée par le Conseil Constitutionnel au terme de sa décision du 25 juillet 1989.

Conseil Constitutionnel 25 juillet 1989 – Décision N° 89-257 DC

Forte de ce principe, la Cour de Cassation ne manque pas de rappeler régulièrement que l’exercice d’une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue donc un droit qui ne dégénère en abus que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.

Cass. Civ. 2ème 11 janvier 1973 Pourvoi n° 71-12446

Cass. Civ. 3ème 10 octobre 2012 Pourvoi n° 11-15473

Cass. Civ. 1ère 24 avril 2013 Pourvoi n° 11-26597

C’est dans cet esprit que les juges de la Chambre Criminelle ont annulé un arrêt de la Cour d’Appel de LYON du 30 août 2013.

Cass. Crim. 1er avril 2015 Pourvoi n° 13-86418

De l’effet du recours formé par le demandeur d’asile contre l’arrêté ordonnant sa remise à l’État responsable sur la computation du délai de transfert de six mois

L’actualité législative de ces derniers mois a été fortement marquée par l’adoption en première lecture par l’Assemblée Nationale du projet de loi relatif à l’asile le 16 décembre 2014.

Cette réforme « a pour principal objet de garantir que la France assure pleinement son rôle de terre d’asile en Europe » selon le projet enregistré le 23 juillet 2014.

Elle s’inscrit dans une politique européenne et doit notamment permettre de transposer en droit interne avant le 20 juillet 2015 les directives « accueil » (2013/33/EU) et « procédure » (2013/32/UE) toutes deux adoptées le 26 juin 2013.

Comme à son habitude, le processus d’intégration des normes européennes au droit interne appelle à la vigilance d’une transcription fidèle et aux bons soins par égard au texte d’origine.

L’exercice impose, en effet, de transposer des principes communs aux États membres tout en les adaptant au droit national sans les dénaturer.

Aussi la révision du dispositif actuel suscite-t-elle une forte mobilisation des différents intervenants qui prennent en charge les réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire.

L’enjeu de conformité européenne est avant tout celui des garanties procédurales et des conditions d’accueil des demandeurs d’asile.

Au-delà des directives « accueil » et « procédure », la refonte du droit d’asile passe également par le droit dérivé issue du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dit « Dublin III » remplaçant le règlement (UE) n° 343/2003 du 18 février 2003 dit « Dublin II ».

D’application directe, ce règlement contribue à la coopération entre les pays de l’Union Européenne en établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

Son interprétation et sa mise en œuvre sont l’une et l’autre à l’origine d’un arrêt du 4 mars 2015 rendu par le Conseil d’État.

L’espèce marquée par l’intervention de la CIMADE fait suite à la saisine du juge des référés d’une demande d’admission provisoire au séjour consécutive à l’annulation d’une décision de placement en rétention fondée sur un arrêté de remise aux autorités espagnoles.

Au centre de cette jurisprudence, la question de la compétence de l’État responsable de la demande d’asile en cas d’entrée irrégulière est posée ainsi que celle de la computation du délai de transfert après acceptation de la remise par cet État.

1/ La détermination de la compétence de l’État responsable de l’examen de la demande d’asile en cas d’entrée irrégulière :

Le droit d’asile est admis au nombre des principes à valeur constitutionnelle, la protection de « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté » étant affirmé sans détours par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel renvoie le préambule de la Constitution de 1958.

Conseil Constitutionnel n°92-307 du 25 février 1992

L’article L 711-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile met en œuvre cet asile dit « constitutionnel » fondé sur l’impérieuse nécessité de se substituer à la protection de l’État dont le demandeur a la nationalité lorsqu’elle est défaillante.

La France ne peut, cependant, reconnaitre sa compétence sans vérifier que le droit dérivé ne renvoie l’examen de la demande d’asile à aucun autre pays de l’Union Européenne.

Ainsi depuis l’entrée en vigueur de la Convention de Dublin du 15 juin 1990, le mécanisme de détermination de l’État responsable de l’examen d’une demande de protection internationale est parfaitement rôdé.

L’adoption le 26 juin 2013 par le Parlement Européen et le Conseil du règlement (UE) n°604/2013, dit « Dublin III » n’a pas bouleversé les pratiques acquises : le principe général est demeuré identique ainsi que les critères de détermination de l’État responsable.

En matière d’entrée ou de séjour irrégulier de ressortissant d’un pays tiers, l’Union Européenne a souhaité responsabiliser l’État membre à l’origine de son intrusion et/ou de son installation en lui conférant la charge de l’instruction de la demande d’asile.
L’article 13 du règlement « Dublin III » prévoit donc que l’État qui a laissé pénétrer un étranger, par voie terrestre, maritime ou aérienne, sur son territoire est responsable de l’examen de sa demande de protection internationale.

Cependant, sa responsabilité prend fin douze mois après la date de franchissement irrégulier de la frontière de cet État.

Dans l’attente de la réponse de l’État requis, le demandeur d’asile n’est pas admis au séjour et est placé sous convocation « Dublin » qui ne vaut pas autorisation de séjour.

Sa présence sur le territoire relève de la tolérance, sa situation administrative est incertaine, son accueil future est soumis à la procédure de détermination de l’État responsable.

C’est ce que l’arrêt du 4 mars 2015 rendu par le Conseil d’État met en évidence par la mention du renouvellement des convocations du demandeur entre 2014 et 2015.

Mais comme les juges de la Haute Juridiction ne manquent pas de rappeler, la détermination de l’État responsable « s’effectue une fois pour toutes à l’occasion de la première demande d’asile, au vu de la situation prévalant à cette date ».

Au regard de l’article 7 du règlement « Dublin III », l’Espagne s’est vu reconnaitre la compétence de l’instruction de la demande à compter du 28 novembre 2013 durant une période de 12 mois.

En donnant leur accord à la réadmission le 4 juin 2014, les autorités espagnoles ont donc fait une application stricte des critères de responsabilité.

2/ La computation du délai de transfert de 6 mois après acceptation de la remise :

Le règlement (UE) n°604/2013, dit « Dublin III » a maintenu la condition de transfert dans un délai de six mois à compter de l’acceptation implicite ou explicite de l’État requis pour la prise en charge de l’examen de la demande d’asile.

Au delà de six mois, l’État requis est libéré de son obligation de prise en charge ou de reprise en charge et la responsabilité est transférée à l’État requérant.

Si le point de départ du délai fixé par l’article 29 du règlement est sans ambigüité, sa computation est aménagée en fonction du droit national et des voies de recours ouvertes à l’encontre de la mesure d’éloignement et des décisions d’exécution de celle-ci.

A la suite de son refus de titre du 17 juin 2014, le ressortissant guinéen a fait l’objet d’un placement en rétention administrative le 28 octobre 2014 pour exécution de la décision de remise aux autorités espagnoles.

Le jugement du 30 octobre 2014 a, cependant, été frappé d’appel par le Préfet de Haute-Garonne.

L’article 27 du règlement « Dublin III » prévoit que « le recours ou la révision confère à la personne concernée le droit de rester dans l’État membre concerné en attendant l’issue de son recours ou de sa demande de révision ».

On retrouve cet effet suspensif du recours contre la décision de transfert dans les dispositions de l’article L 512-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile.

Celui-ci agit nécessairement sur la date de computation du délai de six mois de mise en œuvre du transfert après acceptation de la réadmission.

Cette problématique n’est pas nouvelle puisque la Cour de Justice de la Communauté Européenne a déjà eu à en connaitre dans le cadre du le règlement « Dublin II ».

Dans un arrêt Petrossian du 29 janvier 2009, elle a ainsi précisé que le règlement « Dublin II » devait être interprété en ce sens que, lorsque la législation de l’État membre requérant prévoit l’effet suspensif d’un recours, le délai d’exécution du transfert court, non pas déjà à compter de la décision juridictionnelle provisoire suspendant la mise en œuvre de la procédure de transfert, mais seulement à compter de la décision juridictionnelle qui statue sur le bien-fondé de la procédure et qui n’est plus susceptible de faire obstacle à cette mise en œuvre.

CJCE, 29 janvier 2009, affaire C-19/08

Le Conseil d’État distingue donc deux situations selon l’issue de la procédure de première instance suivant recours suspensif et l’intervention d’un appel :

– Si le recours est rejeté par le premier juge, le délai court à compter du jugement : la mesure de transfert est à nouveau susceptible d’exécution,
– Si la mesure de transfert est annulée par le premier juge et qu’un appel est interjeté, le délai court à compter, le cas échéant, de l’intervention de la décision juridictionnelle infirmant cette annulation.

Le point de départ du délai de six mois peut donc être fixé à la date du prononcé de l’arrêt définitif ayant autorité de la force jugée malgré l’absence d’effet suspensif de l’appel.

Cette appréciation du Conseil d’État place dans une situation d’incertitude l’étranger qui forme son recours contre son placement en rétention administrative.

Si l’issue de la première instance est déterminante sur l’éventualité du transfert, l’appel l’est tout autant sur la computation de son délai d’exécution.

En pratique, la durée de l’instruction de l’appel interjeté par le préfet et les priorités d’audiencement variables d’une juridiction d’appel à l’autre forcent l’étranger à maintenir son souffle plus que de raison.

La seule limite à cette attente ressort de l’article 29 du règlement « Dublin III » puisque le délai de transfert ne peut dépasser un an au maximum s’il n’a pas pu être procédé au transfert.

Bien sûr, comme le souligne le Conseil d’État, il est « loisible » au représentant de l’État de reprendre une nouvelle mesure de transfert.

Dans le cas d’un appel du préfet, on comprend mal quel serait l’intérêt d’une telle démarche qui le contraindrait à intervenir dans un délai de six mois à compter l’accord de reprise en charge.

Dans l’attente de l’interprétation de la Cour de justice de l’union Européenne sur l’infraction d’entrée irrégulière

Depuis son entrée en vigueur le 13 janvier 2009, la directive dite « retour » 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ne cesse de faire parler d’elle.

L’interprétation de ses dispositions est régulièrement à l’origine d’interrogations sur sa compatibilité avec le droit interne concernant les mesures d’éloignement des étrangers en situation irrégulière dans un pays de l’espace SCHENGEN.

C’est ainsi qu’en 2012, la Cour de Cassation avait admis que la directive s’opposait à une réglementation nationale réprimant le séjour irrégulier d’une peine d’emprisonnement.

Cass. Crim. Avis n° 9002 du 5 juin 2012
Cass. Civ 1ère 5 juillet 2012 Pourvoi n°11-30371
Cass. Civ 1ère 5 juillet 2012 Pourvoi n°11-19250
Cass. Civ 1ère 5 juillet 2012 Pourvoi n°11-30530

La Loi n°2012-1560 du 31 décembre 2012 avait pris acte de cette jurisprudence et écarté le placement en garde à vue des étrangers, auteurs présumés de l’infraction de séjour irrégulier au bénéfice de leur retenue pour vérification du droit au séjour.

A l’inverse, cette mesure coercitive demeurait applicable aux auteurs présumés de l’infraction d’entrée irrégulière et de maintien en séjour irrégulier.

Cette situation pourrait, cependant, prochainement évoluer à la suite de la saisine de la Cour de Justice de l’Union Européenne d’une question préjudicielle par la Cour de Cassation.

La Haute Cour a sursis à statuer dans l’attente de la réponse des juges européens.

En l’espèce, une ressortissante ghanéenne a fait été interpellée lors d’un contrôle à bord d’un autobus en provenance de Belgique et à destination du Royaume Uni alors qu’elle transitait par la France.

A l’issue de sa garde en vue pour entrée irrégulière, le Préfet du Pas de Calais lui avait notifié son placement en rétention administrative consécutif une décision de remise aux autorités belges pour réadmission.

Du Juge des Libertés et de la Détention, l’affaire s’est élevée jusqu’à la Cour de Cassation pour réclamer l’extension de l’application des jurisprudences El Dridi et Achughbabian à ceux qui y sont entrés irrégulièrement.

CJUE 28 avril 2011, El Dridi, C-61/PPU
CJUE 6 décembre 2011, Achughbabian, C-329/1

Au terme de ces décisions, il doit être rappelé que la directive « retour » doit être interprétée en ce sens qu’elle :

– s’oppose à une réglementation d’un État membre réprimant le séjour irrégulier par des sanctions pénales, pour autant que celle-ci permet l’emprisonnement d’un ressortissant d’un pays tiers qui, tout en séjournant irrégulièrement sur le territoire dudit État membre et n’étant pas disposé à quitter ce territoire volontairement, n’a pas été soumis aux mesures coercitives visées à l’article 8 de cette directive et n’a pas, en cas de placement en rétention en vue de la préparation et de la réalisation de son éloignement, vu expirer la durée maximale de cette rétention;

– ne s’oppose pas à une telle réglementation pour autant que celle-ci permet l’emprisonnement d’un ressortissant d’un pays tiers auquel la procédure de retour établie par ladite directive a été appliquée et qui séjourne irrégulièrement sur ledit territoire sans motif justifié de non-retour.

Or si la ressortissante ghanéenne originaire d’un pays tiers était entrée irrégulièrement sur le territoire, elle se retrouvait à séjourner de fait irrégulièrement en France.

De plus, elle n’avait ni été soumise aux mesures coercitives visées à l’article 8 de la directive « retour » et ni vu expirer la durée maximale de sa rétention administrative de 45 jours.

C’est donc légitimement qu’elle soutenait que la différence de traitement entre les étrangers auteurs présumés de l’infraction d’entrée irrégulière et ceux soupçonnés de séjour irrégulier s’expliquaient difficilement.

Dans le premier cas, les intéressés ne peuvent relever que du régime de la retenue pour vérification du droit au séjour alors que dans le second, ils peuvent être placés en garde à vue à l’issue de leur contrôle d’identité.

Cela s’explique par l’évolution législative du 31 décembre 2012.

L’article L 621-2 du CESEDA prévoit, en effet, que l’infraction d’entrée irrégulière est punie d’une peine d’emprisonnement d’un an permettant de recourir aux dispositions de l’article 62-2 du Code de Procédure Pénale.

L’article L 621-1 du CESEDA qui réprimait l’infraction de séjour irrégulier, a quant à lui été abrogé par La Loi no 2012-1560 précitée.

Au regard de ces considérations, la Cour de Cassation a donc décidé de renvoyer à la Cour de Justice de l’Union Européenne aux fins de répondre aux questions suivantes :

« 1) L’article 3 2 de la directive 2008/115/CE doit il être interprété en ce sens qu’un ressortissant d’un Etat tiers est en séjour irrégulier sur le territoire d’un Etat membre et relève, à ce titre, du champ d’application de cette directive, en vertu de son article 2, paragraphe 1, lorsque cet étranger se trouve dans une situation de simple transit, en tant que passager d’un autobus circulant sur le territoire de cet Etat membre, en provenance d’un autre Etat membre, faisant partie de l’espace Schengen, et à destination d’un État membre différent ?
2) L’article 6, paragraphe 3, de cette directive doit il être interprété en ce sens que cette dernière ne s’oppose pas à une réglementation nationale réprimant l’entrée irrégulière d’un ressortissant d’un État tiers d’une peine d’emprisonnement, lorsque l’étranger en cause est susceptible d’être repris par un autre État membre, en application d’un accord ou arrangement conclu avec ce dernier avant l’entrée en vigueur de la directive ?
3) Selon la réponse qui sera donnée à la question précédente, cette directive doit elle être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale réprimant l’entrée irrégulière d’un ressortissant d’un État tiers d’une peine d’emprisonnement, selon les mêmes conditions que celles posées par la Cour de justice de l’Union européenne dans l’arrêt du 6 décembre 2011, Achughbabian (C 329/11), en matière de séjour irrégulier, lesquelles tiennent à l’absence de soumission préalable de l’intéressé aux mesures coercitives visées à l’article 8 de la directive et à la durée de sa rétention ?« 

Cass. Civ. 1ère 28 janvier 2015 Pourvoi n°13-28349

La patience est de rigueur car l’interprétation des juges européens ne devrait pas intervenir avant plusieurs mois.

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  • Actualisation :

Après de longs mois d’attente, la Cour de Justice de l’Union Européenne a retenu au terme d’un arrêt du 7 juin 2016 que la  directive retour  s’oppose à ce qu’un ressortissant d’un pays non UE puisse, avant d’être soumis à la procédure de retour, être mis en prison au seul motif de  son entrée irrégulière sur le territoire d’un État membre via une frontière intérieure de l’espace Schengen.

Elle a ainsi motivé sa décision comme il suit :

« 1) L’article 2, paragraphe 1, et l’article 3, point 2, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, doivent être interprétés en ce sens qu’un ressortissant d’un pays tiers se trouve en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre et relève, à ce titre, du champ d’application de cette directive, lorsque, sans remplir les conditions d’entrée, de séjour ou de résidence, il transite par cet État membre en tant que passager d’un autobus, en provenance d’un autre État membre, faisant partie de l’espace Schengen, et à destination d’un troisième État membre se trouvant en dehors de cet espace.

2) La directive 2008/115 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation d’un État membre permettant du seul fait de l’entrée irrégulière par une frontière intérieure, conduisant au séjour irrégulier, l’emprisonnement d’un ressortissant d’un pays tiers, pour lequel la procédure de retour établie par cette directive n’a pas encore été menée à son terme.

Cette interprétation est également valable lorsque le ressortissant concerné est susceptible d’être repris par un autre État membre, en application d’un accord ou d’un arrangement au sens de l’article 6, paragraphe 3, de ladite directive« .

CJUE Grande Chambre 17  juin 2016 Affaire C‑47/15

Le 9 novembre 2016, la Cour de Cassation a fait sienne cette appréciation :

« Attendu qu’en cas de flagrant délit, le placement en garde à vue n’est possible, en vertu des articles 63 et 67 du code de procédure pénale, qu’à l’occasion d’enquêtes sur les délits punis d’emprisonnement ; qu’il s’ensuit que le ressortissant d’un pays tiers, entré en France irrégulièrement, par une frontière intérieure à l’espace Schengen, qui n’encourt pas l’emprisonnement prévu à l’article L. 621-2, 2°, du CESEDA dès lors que la procédure de retour établie par la directive 2008/115/CE n’a pas encore été menée à son terme, ne peut être placé en garde à vue à l’occasion d’une procédure de flagrant délit diligentée du seul chef d’entrée irrégulière ;

Qu’en se déterminant comme il l’a fait, sans rechercher si la procédure de retour établie par la directive n°2008/115/CE avait été menée à son terme à l’égard de l’intéressée, le premier président a privé sa décision de base légale« .

Cass. Civ.1ère 9 novembre 2016 Pourvoi n°13-28349

Dès lors, tout placement en garde à vue pour des faits d’entrée irrégulière par une frontière intérieure à l’espace Schengen (hors mise en œuvre de la procédure de retour)est entaché d’illégalité.

Communiqué de presse CJUE

Res publica

« La république est le gouvernement qui nous divise le moins« .

Adolphe THIERS

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Si je m’appelle « république », je suis le fruit d’un consensus et non d’une unanimité.

Je suis née en France en 1792 mais je ne me suis établie qu’en 1873 avec autant de fragilité que de vigueur.

Depuis lors, je n’ai cessé d’évoluer, de me maintenir et de m’enrichir de nombreux principes et valeurs au fils des saisons, des victoires et des intempéries.

De mes origines latines, je suis et demeurai « chose publique »: je vous appartiens à tous.

A vous donc de me faire vivre selon les choix et les aspirations du même consensus qui m’a vu naître.