Ce qu’il faut savoir sur la procédure de changement de prénom

Chacun de nos choix, chacune de nos orientations conditionnent le chemin de vie qui se présente à nous. Au quotidien, nous sommes appelés à prendre des décisions aux conséquences plus ou moins importantes.

Il revient pourtant à nos parents, en toute conscience, de faire le premier choix de notre vie : ils nous imposent leurs noms mais nous offrent un prénom.

Que l’on se nomme Jean-Paul, Leila ou Franco, ce prénom est un élément de notre état civil, un morceau de notre identité mais également une parcelle d’intime.

Certains pensent d’ailleurs que nos traits de caractère se dessinent au travers de ces quelques lettres qui nous déterminent.

Si un mot ne saurait tout entier définir notre personnalité, il nous personnalise et fait de nous un être unique.

Cependant, il arrive que ce prénom dont notre famille nous a fait cadeau nous empoisonne car il est source de préjudices, de moqueries, de honte tant dans nos activités professionnelles que dans notre vie personnelle.

Le droit civil permet alors de saisir la justice pour solliciter le changement de prénom sous certaines conditions aussi précises que limitées.

  • Quel est le cadre légal de la procédure de changement de prénom ?

Le titulaire d’un prénom bénéficie d’un droit d’usage sur celui-ci dès son inscription sur l’acte de naissance.

En application des dispositions de l’article 60 du Code Civil, « toute personne qui justifie d’un intérêt légitime peut demander à changer de prénom. La demande est portée devant le juge aux affaires familiales à la requête de l’intéressé ou, s’il s’agit d’un mineur ou d’un majeur en tutelle, à la requête de son représentant légal. L’adjonction, la suppression ou la modification de l’ordre des prénoms peut pareillement être décidée ».

L’action en changement de prénom n’est pas une procédure qui s’aborde avec légèreté car elle s’inscrit dans un régime dérogatoire à l’immutabilité du prénom.

A l’inverse de la rectification de l’état civil visée à l’article 99 du Code Civil, cette procédure donne lieu à une instance engagée devant le Juge aux Affaires Familiales près du Tribunal de Grande Instance dans le ressort duquel l’acte de naissance du demandeur a été dressé ou du lieu où demeure celui-ci.

L’article 1055-1 du Code de Procédure Civile dispose cependant que « lorsque l’acte de naissance de l’intéressé est détenu par le service central de l’état civil du ministère des affaires étrangères, la demande peut aussi être présentée au juge du lieu où est établi ce service ».

L’instance relève de la procédure dite gracieuse ; le ministère public est partie à la procédure et la représentation par avocat est obligatoire.

Dans ce cadre, il peut être de demander au juge la modification du prénom, l’adjonction d’un prénom, le remplacement du prénom par un autre, la suppression de l’un des prénoms ou encore la modification de l’ordre des prénoms.

Lorsque la décision de changement de prénom est rendue et est devenue définitive, elle est transmise à la demande de l’avocat du requérant par le procureur de la République à l’officier d’état civil

Il est alors procédé à la modification de l’acte de naissance de l’intéressé.

  • Quelles sont les conditions de l’action ?

Pour soutenir une requête en changement de prénom, il est indispensable de justifier d’un intérêt légitime, intérêt relevant de l’appréciation souveraine du juge aux Affaires Familiales.

Tant il est justifié et motivé par des circonstances propres à l’espèce, l’intérêt peut être religieux, moral ou social.

Mais cet intérêt doit être distingué, selon une jurisprudence constante, de l’intérêt commercial ou professionnel qui est insuffisant pour motiver le changement de prénom.

Cass. Civ 1ère 3 janvier 1964 Bulletin Civil n°3

De ce fait, il incombe au demandeur de rapporter la preuve d’un trouble réel en dehors de toute convenance personnelle afin d’établir que non seulement le port du prénom est traumatisant mais également que son changement s’impose.

Tel est le cas lorsque la requête tend à solliciter la substitution du prénom de naissance par un autre usité depuis plusieurs années sans interruption.

L’objectif de l’action sera alors de mettre en conformité l’état civil avec l’état de fait.

Cependant, ce motif de changement du prénom est admis par la jurisprudence lorsque cet usage continu et constant depuis sa naissance ne procède pas d’une convenance personnelle.

Cass. Civ. 1ère 3 février 1981 Pourvoi n° 79-10523
Cass. Civ. 1ère 10 octobre 1984 Pourvoi n° 83-13934

Le motif est de même admis par la jurisprudence lorsque l’orthographe n’est pas conforme au prénom.

Cour d’Appel de RENNES 14 juin 1999 Juris-Data n°109160
Cour d’Appel de PAPEETE 13 mai 2004 Juris-Data n°247637

  • Quelles sont les autres situations ouvrant droit à changement de prénom ?

En dehors de cette action, certaines décisions administratives ou procédures peuvent être à l’origine d’une modification du prénom original.

Ainsi lorsqu’un ressortissant étranger acquière la nationalité française, il a la possibilité de solliciter la francisation de son prénom lors du dépôt de sa demande de naturalisation en application de l’article 42 du Décret n°93-1362 du 30 décembre 1993.

Cette possibilité est bien sûr ouverte si le prénom étranger dispose d’un équivalent dans la langue française.

Dans ces circonstances, le décret de naturalisation qui interviendra portera mention de cette francisation qui relève du choix exclusif du candidat à l’acquisition de la nationalité.

Il en va de même lorsqu’une action en rectification de la mention du sexe figurant dans un acte de naissance est engagée : cette procédure judiciaire implique nécessairement un changement de prénom.

Les personnes souffrant du «syndrome» du transsexualisme qui ne possèdent plus tous les caractères de leur sexe d’origine sont admis à mettre en conformité leur état civil avec leur état social.

Le principe du respect dû à la vie privée justifie cette rectification en adéquation avec le sexe dont elles ont désormais l’apparence.

Mais pour justifier une demande de rectification de la mention du sexe figurant dans un acte de naissance, le demandeur doit établir, au regard de ce qui est communément admis par la communauté scientifique, la réalité du syndrome transsexuel dont il est atteint ainsi que le caractère irréversible de la transformation de son apparence.

Cass. Civ. 1ère 7 juin 2012 Pourvoi n° 11-22490 et 10-26947

Enfin, le changement de prénom est également prévu dans le cadre de la procédure d’adoption plénière ou simple pour l’enfant mineur.

L’article 357 du Code Civil prévoit ainsi que « sur la demande du ou des adoptants, le tribunal peut modifier les prénoms de l’enfant ».

L’ensemble de situations ouvre une possibilité de modifier un élément de notre personnalité protégé par la loi.

S’elle ne pallie pas les années de souffrance ou de vexation, la procédure de changement prénom s’ouvre cependant sur une perspective d’avenir en adéquation avec la personnalité du requérant.