Ce qu’il faut savoir sur la servitude légale de passage

Une servitude est une charge supportée par un fonds dit servant, au bénéfice d’un autre fonds dit dominant.

Elle suppose l’existence de deux biens immobiliers appartenant à deux propriétaires différents : elle est ainsi attachée au fonds qu’elle grève et est l’accessoire du droit de propriété de celui auquel elle profite.

Selon les cas, ces charges revêtent divers caractères permettant de déterminer leur nature mais aussi leur mode d’acquisition.

Ainsi, la servitude de passage est apparente du fait du chemin qui la matérialise, au contraire de celle de canalisation sous-terraine ; la servitude d’écoulement des eaux pluviales est continue, à l’inverse de celle de puisage.

De toutes, la plus connue est sans doute la servitude légale en cas d’enclave qui est constituée par un droit de passage sur le terrain d’autrui.

Je vous propose de nous intéresser à cette dernière dans l’analyse qui suit.

 

  • Quand cette charge est-elle créée ?

Selon l’article 682 du Code Civil, « le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n’a sur la voie publique aucune issue, ou qu’une issue insuffisante, soit pour l’exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d’opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d’une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner».

La création d’une servitude quelle qu’elle soit, ne porte pas atteinte au droit de propriété : elle donne cependant naissance à des sujétions qui s’imposent au propriétaire du fonds grevé.

Comme on l’aura compris, la charge sera créée en l’espèce pour désenclaver une parcelle et aménager un droit de passage.

Lorsqu’un terrain est dépourvu d’accès à la voie publique ou doté d’un accès insuffisant, il est dit enclavé.

La Cour de Cassation a eu l’occasion de préciser que pour déterminer l’état d’enclave d’un fonds, le juge doit rechercher si les voies qui permettraient sa desserte, même privées, sont ouvertes au public.

Cass. Civ 3ème 13 mai 2009 Pourvoi 08-14640

 

Dans cette hypothèse, le propriétaire pourra alors réclamer sur le/ les fonds voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de son fond.

La servitude pourra cependant être créée de deux façons :

– soit les parties s’entendent amiablement sur le droit de passage, elles concluront un accord précisant l’assiette et l’indemnisation,

– soit il existe un désaccord total ou partiel, le propriétaire du fonds enclavé devra alors saisir le Tribunal de Grande Instance du lieu de l’immeuble aux fins de fixation judiciaire des modalités de la charge.

 

  • Quelles sont les obligations du bénéficiaire du droit de passage ?

Si l’état d’enclave entraîne l’existence de plein droit de la servitude, il ne permet pas au propriétaire du fonds dominant d’user du fonds servant selon son bon vouloir.

Le passage est encadré par certaines modalités d’exercice et accompagné d’une contrepartie financière.

Selon les dispositions de l’article 683 du Code Civil, le tracé du passage, c’est-à-dire l’assiette, doit concilier deux critères : celui du chemin le plus court entre le terrain enclavé et la voie publique, et celui du chemin le moins dommageable pour le/ les propriétaires du/des fonds servants.

Pour autant, l’accord des parties sur ce point doit prendre en considération les constructions et la topographie des lieux pour se déterminer ainsi que les nécessités de circulation.

 

De plus, le propriétaire du fonds servant peut solliciter la modification de l’assiette de la servitude pour des raisons de commodité, sous réserve de supporter les frais d’implantation afférents à la nouvelle assiette.

Cass. Civ 3ème 27 octobre 1993 Pourvoi 91-17024

 

Mais d’ordinaire, il appartient au propriétaire du fonds enclavé d’indemniser son voisin des dommages qu’il subit par le passage, à savoir le bruit ou la détérioration du chemin, doivent faire l’objet d’une indemnisation.

La servitude peut donc donner lieu au paiement d’une indemnité dont l’action est prescriptible.

Qu’elle soit versée sous forme de capital ou d’annualités, la somme convenue entre les parties ou fixée judiciairement doit être proportionnée aux dommages occasionnés.

 

  • La servitude passage légale peut-elle disparaître ?

La servitude n’est pas perpétuelle et peut s’éteindre de diverses façons.

– La première situation concerne évidemment la disparition de l’état d’enclave par la création d’une desserte suffisante sur la voie publique.

Cette évolution peut ressortir de l’implantation d’une route suite à la construction d’un ensemble immobilier ou à l’expansion de la commune ou des modifications du PLU.

La servitude perd alors l’utilité à l’origine de sa création et disparaît.

 

– Il en va de même dans la deuxième situation provenant de la réunion des deux propriétés concernées (article 705 du Code Civil).

Les deux fonds se confondent alors entre les mains d’un même propriétaire.

 

– La troisième situation s’applique à l’impossibilité d’usage de la servitude (article 703 du Code Civil ).

Elle résulte alors de modifications dans l’état matériel des lieux ou d’un phénomène naturel.

 

Pour autant, comme le souligne l’article 704 du Code Civil, les servitudes « revivent si les choses sont rétablies de manière qu’on puisse en user ».

L’empêchement qui rend l’usage du droit de passage impossible, ne sera alors que provisoire.

En dehors de ces cas, il es important de préciser que ni le non usage du passage pendant 30 ans, ni l’abandon par le bénéficiaire n’éteignent pas la servitude légale.

Cass. Civ 3ème 11 février 1975 Pourvoi 73-13974

Cass. Civ 3ème 27 mars 1991 Pourvoi 89-16443

 

L’infraction de traite des êtres humains

Le 29/05/11

Richard BACH écrivait qu’« Au sein de chacun de nous se trouve le pouvoir de consentir à la santé et à la maladie, à la richesse et à la pauvreté, à la liberté et à l’esclavage. C’est nous qui maîtrisons cela et nul autre ».

Depuis deux siècles, la reconnaissance des droits des hommes dans de nombreux pays a permis de réduire l’asservissement de l’homme par l’homme à travers le monde.

Cependant s’il a parfois été aboli en quelques lieux, l’esclavage a pris des formes modernes qui n’ont pas échappé aux institutions internationales.

Aussi, les Nations unies ont-elles adopté à New York le 15 novembre 2000 le Protocole de Palerme, additionnel à la convention contre la criminalité transnationale organisée, pour prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.

Ce protocole ratifié par la France le 6 août 2002 avait pour vocation de placer les États face leur devoir de protection à l’égard des victimes de la traite.

Dans le même élan, le Conseil de l’Europe a adopté le 16 mai 2005 la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains dite Convention de Varsovie .

Le 9 janvier 2008, la France a ratifié la convention entrée en vigueur depuis le 1er février 2008.

Afin d’intensifier la lutte, l’Union Européenne a ensuite adoptée la directive UE 2011/36du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil en date du 19 juillet 2002.

L’ensemble de ces normes internationales et européennes reprennent une définition unique de la traite des êtres humains, à savoir :

« Le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes ».

Protocole de Palerme 15 novembre 2000 Article 3

Convention de Varsovie 16 mai 2005 Article 4

Directive UE 2011/36 5 avril 2011 Article 2

Fort de cette évolution, la Loi n°2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a crée dans notre droit pénal national une infraction réprimant la traite des êtres humains.

 La répression du Code Pénal : 

La France connaît l’abolition de l’esclavage selon décret du 7 avril 1848 et, depuis lors, a fait sienne le principe du respect de la dignité de la personne humaine.

C’est la raison pour laquelle, l‘article 225-4-1 du Code Pénal reconnaît la traite des êtres humains et la punit de sept ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.

Cette infraction implique l’existence des éléments constitutifs suivants:

– le fait de recruter une personne, de la transporter, de la transférer, de l’héberger ou de l’accueillir,

– pour la mettre à sa disposition ou à la disposition d’un tiers, même non identifié,

– afin soit de permettre la commission contre cette personne des infractions de proxénétisme, d’agression ou d’atteintes sexuelles, d’exploitation de la mendicité, de conditions de travail ou d’hébergement contraires à sa dignité, soit de contraindre cette personne à commettre tout crime ou délit,

– en échange d’une rémunération ou de tout autre avantage ou d’une promesse de rémunération ou d’avantage.

Contrairement la définition internationale, la contrainte quelle qu’elle soit n’est pas une composante de ce délit.

Mais elle constitue l’une des circonstances aggravantes prévues à l’article 225-4-2 du Code Pénal qui sont de trois ordres :

 Les premières tiennent à la qualité des victimes, à savoir leur minorité, leur vulnérabilité, leur nombre et leur nationalité.

Les deuxièmes se rapportent au processus délictuel, c’est-à-dire au lieu de l’infraction, aux moyens de communication utilisés pour assurer le contact avec la victime, aux risques auxquels la victime a été exposés et aux contraintes physiques ou morales qu’elle a subies.

Les troisièmes concernent la qualité de l’auteur de par son lien de parenté ou d’ascendance sur la victime ou de par ses fonctions.

Bien sûr si des actes de torture ou à de barbarie sont intervenus dans la constitution de l’infraction, l’aggravation franchira un nouveau pallier : ces sévices feront encourir à l’auteur la réclusion criminelle à perpétuité.

Le législateur a cependant compris que la première entrave à l’enquête et de ce fait à la répression est le silence.

Il arrive, en effet, que la traite des êtres humains relèvent de réseaux, parfois enracinés à l’étranger et souvent organisés et hiérarchisés.

La dénonciation et la collaboration avec les autorités administratives ou judiciaires sont donc encouragées pour éviter ou faire cesser l’infraction, en limiter les conséquences ou en identifier les coauteurs ou complices.

La Coopération est ainsi récompensée par l’exemption ou la réduction de la peine encourue ab initio.

 Les droits des victimes : 

Dans son préambule (18), la Directive UE 2011/36 du 5 avril 2011 précise qu’« il est nécessaire que les victimes de la traite des êtres humains soient en mesure d’exercer leurs droits d’une manière effective. C’est pourquoi il conviendrait de leur apporter assistance et aide, avant et pendant la procédure pénale, ainsi qu’après celle-ci pour une période suffisante ».

Comme on l’aura compris, les victimes de la traite sont des pantins entre les mains de marionnettistes qui ont su habilement profiter de leurs faiblesses.

Profondément marquées par les souffrances qu’elles ont endurées, elles ont perdu l’estime d’elles-mêmes.

Ces victimes d’un autre âge sont souvent habitées par la peur des représailles et isolées de leurs proches.

L’article R 316-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile prend en compte ces circonstances depuis le Décret n°2007-1352 du 13 septembre 2007.

Aussi lorsque les services de police ou de gendarmerie identifient une victime de la traite, ils sont tenus de l’informer de ses droits.

– La victime a la possibilité d’être admis au séjour et à l’exercice d’une activité professionnelle provisoirement.

En effet, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » puis une carte de résident peut être délivrée à l’étranger victime de la traite ayant déposé plainte ou témoigné dans une procédure pénale contre l’auteur des faits.

Mais il ne s’agit que d’une faculté pour la Préfecture en charge de la demande, non d’un droit acquis.

– La victime bénéficie ainsi d’un délai de réflexion de trente jours pour décider de faire ou non une demande de titre sur ce fondement : durant ce délai, un récépissé lui est remis.

– La victime est, par ailleurs, avisée des mesures d’accueil, d’hébergement et de protection mise en place pendant ce délai de réflexion, à savoir la protection sociale, le versement d’une allocation d’attente, un accompagnement social et une protection policière en cas de danger.

Plusieurs associations seront présentes pour l’assister et l’aider dans ses démarches.

– Les services de police ou de gendarmerie lui précisent enfin les droits notifiées à toutes victimes s’appliquant à la constitution de partie civile, l’aide juridictionnelle et le droit à indemnisation.

En application des dispositions de l’article 706-3 du Code de Procédure Pénale , la victime bénéficie au surplus d’une réparation intégrale de son préjudice et est accessible à la saisine de la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions.

L’ensemble de ces informations concernant ses droits lui sont données en toute confidentialité dans une langue qu’elle comprend.

Les dispositions législatives assurent ainsi la parfaite connaissance et la complète effectivité des droits de la victime de traite.

Cependant, le lecteur averti relèvera l’absence de références jurisprudentielles illustrant la présentation ci-dessus. 

L’explication ressort du faible nombre de condamnations prononcées sur le fondement de l’article 225-4-1 du Code Pénal par les juridictions répressives.

On se plairait presque à croire que l’esclavage moderne est anecdotique dans notre société actuelle… Dans les faits, il n’en est rien pourtant.

Seulement les magistrats du parquet démontrent de grandes réticences et frilosités à poursuivre les auteurs sur le fondement de la traite des êtres humains.

Ils préfèrent souvent se tourner vers d’autres infractions moins complexes à déterminer tels que le travail dissimulé, le proxénétisme ou l’aide à l’entrée et au séjour d’étrangers.

Mais cette facilité d’approche et cette simplicité d’analyse privent malheureusement les victimes de la traite des droits afférents à sa qualification .

Et surtout, comme l’a dit Abraham LINCOLN « Lorsque l’homme s’habitue à voir les autres porter les chaînes de l’esclavage, c’est qu’il accepte lui-même un jour de les porter».

Placement en garde à vue d’un étranger en séjour irrégulier : le juge français et la directive retour

Le 22/05/11

La directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dite « directive retour » a été adopté le 16 décembre 2008.

 Cette mesure fixe les normes et procédures communes au retour dans leur pays d’origine ou tout Etat tiers des citoyens non ressortissants d’un Etat de l’Union en situation irrégulière sur le territoire de l’Union.

Entrée en vigueur le 13 janvier 2009, la directive laissait aux Etats membres un délai expirant le 24 décembre 2010 afin de procéder à sa transposition en droit interne.

Mais la FRANCE n’a pas respecté cette échéance : la directive est donc depuis le 25 décembre 2010 directement invocable par les justiciables.

Depuis lors, les juridictions de l’hexagone sont saisies des moyens fondés sur cette législation européenne dans le contentieux de droit des étrangers.

Si le respect du délai de départ volontaire est l’objet du débat devant les Tribunaux Administratifs, c’est l’illégalité du placement en garde à vue qui occupe les juges civils.

Le droit européen et la garde à vue pour séjour irrégulier : 

Le placement en garde à vue suit le plus souvent l’interpellation pour séjour irrégulier et précède le placement en rétention administrative. 

Elle intervient donc entre le contrôle d’identité et l’exécution de la mesure d’éloignement, sous le contrôle du Procureur de la République.

Sa nature de mesure privative de liberté la met au centre des discussions.

Au terme d’un arrêt du 28 avril 2011 , la Cour de Justice de l’Union Européenne a indiqué qu’en application de la directive retour, les Etats membres ne pouvaient sanctionner d’une peine d’emprisonnement des étrangers en séjour irrégulier et enjoints de quitter le territoire de ce fait.

Dans cette espèce concernant l’Etat italien, un ordre d’éloignement du territoire national avait été émis le 21 mai 2010 et notifié le même jour à Monsieur El Dridi.

A la suite d’un contrôle effectué six mois plus tard, Monsieur El Dridi qui ne s’était pas conformé à cet ordre, avait été condamné par le Tribunale di Trento à une peine de un an d’emprisonnement de ce fait.

En appel, la Corte d’appello di Trento avait sursis à statuer et renvoyé à la Cour de Justice de l’Union Européenne le litige sur question préjudicielle.

La Cour a indiqué que « la directive 2008/115/CE du parlement européen et du conseil en date du 16 décembre 2008, entrée en vigueur le 13 janvier 2009, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres concernant le retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, particulièrement en ses articles 15 et 16, doit être interprétée dans ce sens qu’elle s’oppose à la règlementation d’un Etat membre qui prévoit l’infliction d’une peine d’emprisonnement à un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier pour le seul motif que celui-ci demeure, en violation d’un ordre de quitter le territoire de cet Etat dans un délai déterminé sur ledit territoire sans motif justifié ». 

Et voici, une brèche qui s’ouvre pour contester la garde à vue des étrangers en situation irrégulière.

L’article L 621-1 du CESEDA dispose que « l’étranger qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L 211-1 et L 311-1 ou qui s’est maintenu en France au-delà de la durée autorisée par son visa sera puni d’une peine d’amende de 3 750 euros ». 

Cette contravention ne permet donc pas d’être gardé à vue pour ce motif puisque la garde à vue ordonnée pour les nécessités de l’enquête ne s’applique qu’en cas de flagrance lorsqu’une peine d’emprisonnement est encourue. 

Il n’en reste pas moins que cette mesure privative de liberté apparaît dans nombres de procédures d’étrangers irréguliers.

Elle se rapproche ainsi de l’emprisonnement portant également atteinte à la liberté d’aller et de venir.

De ce fait, les services de police ou de gendarmerie ne sauraient retenir que pendant quatre heures un étranger en séjour irrégulier pour contrôler son identité et prendre toute décision utile à son éloignement.

La jurisprudence des juridictions françaises : 

Plusieurs Cour d’Appel ont ainsi retenu que l’étranger en séjour irrégulier ne pouvait être placé en garde à vue pour l’infraction de séjour irrégulier.

Par un arrêt du 6 mai 2011, la Cour d’Appel de NÎMES a notamment précisé qu’« en l’état de l’arrêt du 28 avril 2011 susvisé, les juridictions doivent laisser inappliquée toute disposition contraire au résultat de la directive ».

Cour d’Appel de NÎMES 6 mai 2011 RG 11/00186 

La Cour d’Appel de TOULOUSE a considéré que « un étranger ayant commis le délit prévu à l’article L 621-1 du CESEDA n’encourt, par la suite, au regard des prescriptions européennes qu’une peine d’amende de 3 750 euros maximum à l’exclusion d’un peine d’emprisonnement et ne peut en conséquence faire l’objet d’un placement en garde à vue en application de l’article 67 du code de procédure pénale, que seule une rétention de quatre heures est possible ».

Cour d’Appel de TOULOUSE 9 mai 2011 N°AMP 11/253 

Dans ce sens, on peut également citer la décision de la Cour d’Appel de RENNES du 6 mai 2011 (n°2011/126).

A LYON, les positions sont divergentes au sein même de la Cour d’Appel :

Le 16 mai 2011, une première formation de la Cour a relevé que les articles 15 et 16 de la Directive pouvaient être invoqués directement et que toutes dispositions contraires devaient être laissées inappliquées.

Cour d’Appel de LYON 16 mai 2011 n°246/2011 – 247/2011 

En se fondant sur la jurisprudence européenne, elle a reconnu l’irrégularité de la garde à vue pour séjour irrégulier et confirmé l’ordonnance du juge des Libertés et de la Détention rejetant la requête du Préfet de la SAVOIE en prolongation de la rétention administrative.

Le même jour, une deuxième formation a dit que le placement en garde à vue était une mesure liée aux nécessités de l’enquête et ne pouvait être assimilée à la privation de liberté résultant d’une incarcération.

Cour d’Appel de LYON 16 mai 2011 n°232/2011 

Celle-ci a rejeté le moyen d’annulation comme les Cours d’AIX-EN-PROVENCE et de PARIS avant elle.

Le 17 mai 2011, une troisième formation a distingué cette fois entre les différentes situations selon la nature de mesure d’éloignement, les éventuelles procédures antérieures… pour juger dans le même sens.

Dans le cas d’un arrêté de reconduite à la frontière sans antécédent, elle retient ainsi que l’application des règles posées par la directive est subordonnée à la délivrance d’une décision de retour à l’encontre de l’étranger, à savoir un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour et imposant ou énonçant une obligation de retour.

Cour d’Appel de LYON 17 mai 2011 n°264/2011-265/2011

et 262/2011-263-2011 

Dans le cas d’une obligation de quitter le territoire, elle précise que les services de police n’étaient pas informés lors du contrôle d’identité entraînant le placement en garde à vue de la décision de retour, cette information n’apparaissant qu’en cours de procédure et en raison des investigations menées durant la garde à vue.

Cour d’Appel de LYON 17 mai 2011 n°260/2011-261/2011 

Mais dans les deux cas, le résultat est identique puisque le moyen est rejeté.

Il flotte donc à LYON un petit vent de distension dont l’effet « gône » a déjà conduit au pourvoi à l’origine de l’arrêt du 15 avril 2011 rendu par la Cour de Cassation .

Le temps judiciaire

Le 15/05/11

La culture populaire aime à attribuer au temps de grandes vertus imaginaires afin d’enseigner à chacun l’endurance de la vie à défaut de maîtrise des événements.

On lui donne ainsi bien naïvement les qualités de faire passer la jeunesse turbulente, de guérir toutes les blessures ou de venir à bout de tout, s’il est accompagné de patience.


En droit, le temps est inscrit dans les principes qui dirigent l’instance à tous ses stades et en marquer le début, le cours et la fin.

 

Il n’est pas question dans ce bref article de venir à bout des différentes notions procédurales présidant au procès civil ou pénal.

Ce qui importe est de préciser simplement la prise en compte de ce temps qui s’écoule par les institutions judiciaires dans la vie de l’instance.

 

« Rien ne sert de courir, il faut partir à point » Jean de Lafontaine :

Il y a un temps pour tout, en droit comme dans les autres domaines : il y a donc un temps pour l’instance et pour la saisine du juge.

 

Cette règle s’applique en matière civile comme pénale à tous les acteurs de la procédure, justiciables et avocats, magistrats du siège et du parquet.


C’est ainsi qu’à l’aube du procès civil, le droit encadre le temps de l’action par la prescription dite extinctive.

Celle-ci sanctionne le non-exercice dans le délai fixé du droit d’ester en justice par sa perte, sauf suspension ou interruption (à voir sur le nouvel article 2241 du Code Civil ).

Mais ce délai n’est pas uniforme.

 

Depuis la Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, on distingue notamment le délai de droit commun pour les actions personnelles ou mobilières qui se prescrivent par cinq ans et le délai particulier de trente ans pour les actions réelles immobilières.

 

De plus, à côté de la prescription, on trouve également les délais dits préfixes insusceptibles d’interruption ou de suspension dans un soucis de sécurité juridique.

Ces délais accordés pour l’accomplissement d’un acte sont illustrés en droit du travail par le délai de préavis et en droit des personnes par l’action en contestation par la mère de la paternité du mari (art. 318-1 du Code Civil).

 

Le procès pénal est également soumis à ce temps de l’action organisé autour de la prescription de l’action publique qui s’applique à toutes les infractions sauf les crimes contre l’humanité.

Elle concerne le délai durant lequel le parquet peut poursuivre une infraction et varie suivant la qualification légale de celle-ci : dix ans pour les crimes, trois ans pour les délits et un an pour les contraventions .

 

« La joie du juste est que justice soit faite » Charles V de France :

La Justice a un coût : elle a également un délai pour être rendue.

A l’heure où les justiciables viennent à souffrir du manque de moyens et de l’engorgement des juridictions, le temps de l’instance connaît de plus en plus de limites.

 

En procédure civile, l’idée n’est pas nouvelle car il est admis que l’instance, comme bien des choses, peut se périmer.

Tel le cas lorsque, selon l’article 386 du Code de Procédure Civile , aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.

 

C’est dire si l’instance mérite de la vigilance et doit être surveillée comme le lait sur le feu : A défaut, elle ne brûle pas mais s’éteint.

S’il n’a disparu à son tour, le droit d’agir demeure cependant.

 

On doit à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales du 4 novembre 1950 la consécration du principe de règlement des litiges dans un délai raisonnable comme le rappelle son article 6:

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».

 

A l’occasion de deux arrêts récents, la Cour de Cassation a rappelé qu’elle veille au respect de cette notion en précisant le point de départ à prendre en compte (le jour de l’audition de l’intéressé sur commission rogatoire en l’espèce) et en faisant application des critères européens de complexité de l’affaire pour apprécier le caractère raisonnable de la durée d’une procédure.

Cass. Civ 1ère. 4 novembre 2010 Pourvois n°09-69955 et n°09-69776

 

Cet impératif doit être concilié avec l’évolution de l’instance et ses éventuelles suspensions telles que le sursis à statuer .

 

Celui-ci peut alors faire interagir la procédure pénale et civile lorsque le pénal tient le civil en l’état .

L’une et l’autre des procédures sont soumises au même objectif de célérité que l’on retrouve dans la Loi Perben I n°2002-1138 du 9 septembre 2002 instituant la comparution immédiate.

 

 

« Un jugement trop prompt est souvent sans justice » Voltaire :

Le jugement naît du débat contradictoire et met fin à l’instance.

S’il dessaisit le juge, il ouvre aussi la voie de l’appel encadrée par le temps, enfermée dans des délais de forclusion de dix jours au pénal , d’un mois au civil .

 

Ce recours ainsi que la cassation ou l’opposition donnent naissance à une nouvelle instance soumises aux mêmes règles temporelles de procédure civiles et pénales ou à d’autres…

 

L’exécution du jugement est aussi placé sous la contrainte du respect de nombreux délais.

Ainsi, au terme de l’article 478 du Code de Procédure Civile , le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif qu’il est susceptible d’appel doit être notifié dans les six mois de sa date, sous peine d’être non avenu.

 

 

En droit pénal, le temps qui s’écoule, mérite l’attention de l’ensemble des acteurs du procès :

Le Procureur de la République et le Juge d’Application des Peines d’abord doivent veiller à la bonne exécution des condamnations pénales.

Leur carence peut entraîner la prescription de la peine qui varie en fonction de la nature de l’infraction.

 

Celle-ci est de vingt ans pour un crime , de cinq ans pour un délit et de trois ans pour une contravention .


Le condamné doit ensuite se soumettre à certains délais de probation qu’il soit détenu ou libre.

Dans le premier cas, s’il entend bénéficier d’une mesure de libération conditionnelle au titre d’un aménagement de sa peine, sa demande ne pourra être présentée qu’à l’expiration d’un délai d’épreuve.

Dans le second cas, il devra se dispenser de commettre un crime ou un délit pour lequel il serait condamné soit à une peine criminelle, soit à une peine d’emprisonnement dans un délai de 5 ans, s’il est soumis au sursis simple.

 

Le cas échéant, il devra respecter les différentes obligations et/ou interdictions prescrites afin de respecter les conditions du sursis avec mise à l’épreuve.

 

Dans tous les cas, la récidive légale le survolera pendant sa réinsertion.

 

 

Enfin, la partie civile doit s’inquiéter d’obtenir l’indemnisation de son préjudice en exécution du jugement de condamnation sans tarder.

Le manque de réactivité peut l’empêcher de saisir le Service d’Aide au Recouvrement des Victimes d’Infractions dans le délai d’un an courant à compter du jour où la décision est devenue définitive.

 

 

En conclusion, le temps judiciaire rappelle en somme qu’il y a un temps pour tout.


« Le temps, c’est un peu comme le vent. Le vent, on ne le voit pas : on voit les branches qu’il remue, la poussière qu’il soulève. Mais le vent lui-même, personne ne l’a vu » Jean-Claude Carrière.

Renouvellement du bail d’habitation et réévaluation du loyer

Le 08/05/11

La Loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs a précédemment été évoquée dans ces pages au sujet du dépôt de garantie à la charge du preneur dans les baux d’habitation.

 

Un article précédente avait permis de présenter le rôle de la commission départementale de conciliation et des juridictions civiles dans le règlement des litiges entre bailleur et preneur.

Elles interviennent également lorsqu’à l’approche du terme du contrat, le bailleur souhaite augmenter le loyer et présente à cet effet à son preneur une offre de renouvellement.

 

Si le bailleur ne peut refuser de renouveler le bail que pour des motifs précis tels que la vente ou l’habitation, il peut procéder à la réévaluation du loyer dans certaines conditions que je vous propose de développer ici.

 

L’offre de renouvellement de bail avec revalorisation du loyer :

Au terme de l’article 17 C de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le renouvellement du bail et/ou sa reconduction tacite n’entraîne pas la réévaluation du loyer.

 

Le bailleur peut cependant procéder à un réajustement si :

– le loyer est manifestement sous-évalué,

– une offre de réévaluation est présentée au preneur au moins six mois avant la fin du contrat.

 

Le première condition impose au propriétaire du logement loué de justifier non pas que le loyer appliqué est inadéquate, mais qu’il ne correspond pas à la valeur locative.

Cette sous-évaluation manifeste est un préalable à toute proposition de réévaluation de loyer.

Cass. Civ. 3e 1er mars 1995 Pourvoi 92-16919

 

La seconde condition nécessite du bailleur qu’il fasse part à son locataire de sa proposition de renouvellement avec réévaluation dans le délai imparti par lettre recommandée AR ou signifié par acte d’huissier.

Selon les prescriptions légales obligatoires, cette offre doit contenir :

– 3 ou 6 (selon la commune) références de loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables permettant de déterminer le nouveau loyer,

– les dispositions intégrales de l’article 17c de la loi du 6 juillet 1989.

 

A défaut de respect de ces dispositions, la nullité de l’offre est encourue sous réserve de justifier d’un grief résultant du défaut de mention en application de l‘article 114 du Code de Procédure Civile .

Cass . Civ. 3e 22 mars 1995 Pourvoi 93-18111

 

L’intervention de la Commission de Conciliation des Loyers :

A réception de l’offre de renouvellement, le preneur dispose d’un délai de 4 mois pour faire connaître sa réponse.

 

Selon sa position, plusieurs situations se présentent alors :

Si le preneur accepte, la hausse sera étalée sur 3 ou 6 ans en fonction de son importance, à savoir inférieur ou supérieure à 10 %.

S’il refuse ou s’abstient de répondre dans ce délai, la Commission Départementale de Conciliation devra être saisie afin de dépasser l’opposition expresse ou tacite du preneur.

 

En effet, l’article 20 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 précise qu’ « Il est créé auprès du représentant de l’Etat dans chaque département une commission départementale de conciliation composée de représentants d’organisations de bailleurs et d’organisations de locataires en nombre égal, dont la compétence porte sur les litiges résultant de l’application des dispositions de l’article 17 de la présente loi et des articles 30 et 31 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 précitée« .

L’un et l’autre des parties peuvent saisir la Commission par courrier recommandé AR aux fins de convocation.

 

Le législateur a imposé ce préalable de conciliation avant toute saisine du juge du fond dans un soucis de règlement amiable des litiges locatifs.

 

Ainsi, la Cour de Cassation a eu l’occasion de préciser que le juge ne peut être valablement saisi d’une demande en fixation de loyer avant que le délai de deux mois imparti à la commission pour se prononcer soit écoulé.

Cass. Civ. 3ème 13 décembre 2006 Pourvoi 05-20761

 

Cependant la commission n’a qu’un rôle consultatif : elle rend des avis dénués de l’autorité de la chose jugée dans les deux mois suivant sa saisine (sauf retard).

Pour autant, l’inobservation de ce délai entre la saisine de la Commission et celle du Tribunal constitue une fin de non-recevoir en application des dispositions de l’article 122 du Code de Procédure Civile.

Ce manquement ne peut donc être régularisé ultérieurement.

 

La saisine du Tribunal d’Instance :

Si les parties se concilient, la Commission en prendra acte et entérinera les modalités de l’accord intervenu.

À défaut, elle rendra un avis concernant tant la sous-évaluation que le montant du nouveau loyer.

 

L’échec d’une éventuelle conciliation contraint alors le bailleur à saisir le juge d’instance pour fixation du loyer.

Ce dernier doit faire preuve de réactivité et de vigilance car la saisine du Tribunal, c’est-à-dire la remise de l’assignation au secrétariat-greffe, doit intervenir avant le terme du bail.

 

Dans le cas contraire, le contrat de location sera reconduit aux conditions antérieures de loyer.

 

Le juge ainsi saisi doit statuer sur la sous-évaluation manifeste du loyer, et dans la positive, fixer le nouveau loyer.

 

Bien que le formalisme procédural soit strictement encadré, les autres éléments du litige sont laissés à l’appréciation des juges du fond.

Ils peuvent donc minorer le loyer de renouvellement lorsque l’appartement longtemps sous l’empire de la loi de 1948, est occupé par le même locataire depuis plus de 50 ans et qu’il n’est relevé aucun de travaux particuliers d’amélioration des locaux, en considérant que le bailleur n’a subi aucune perte de loyer du fait d’une occupation continue.

Cour d’appel de Paris 6e ch. B 12 mars 2009 n° 07/17664

 

Au terme du bail, un nouveau contrat prendra effet pour une durée égale au précédent et aux mêmes conditions.

 

 

A noter, qu’il existe, cependant, des exceptions réglementaires à la procédure précitée tel que le décret de blocage des loyers parisiens.

Ainsi, dans les communes concernées, la majoration ne peut dépasser la plus élevée de deux limites, à savoir :

– la moitié de la différence entre le loyer déterminé conformément à l’article 17 c et le loyer à la date du renouvellement ;

– une majoration du loyer annuel égale à 15 % du coût réel des travaux TTC, dans le cas où le bailleur a réalisé des travaux d’amélioration portant sur les parties privatives ou communes d’un montant au moins égal à la dernière année de loyer, depuis le dernier renouvellement ou la dernière reconduction tacite du contrat ou, si le contrat n’a été ni renouvelé ni reconduit, depuis sa date d’effet.

Ce décret de blocage ne s’applique dès lors qu’aux baux renouvelés dans les douze mois suivant la date de son entrée en vigueur : il produit ses effets durant tout le bail.

Décret n° 2010-946 du 25 août 2010

 

Le traitement pénal des violences conjugales

Le 01/05/11

En 1992, la violence conjugale est devenue un délit pénal, même en l’absence d’incapacité de travail temporaire.

Depuis lors, le législateur a amélioré le cadre juridique existant, de la prévention à la répression, afin de lutter efficacement contre ce phénomène de violences intrafamiliales,

 

La loi n°2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants s’intègre dans cette évolution visant à la protection des victimes.

Au titre des articles 515-9 à 515-13 du Code Civil , le conjoint (et non seulement l’épouse) peut désormais saisir le Juge aux Affaires Familiales pour bénéficier d’une ordonnance de protection .

 

De plus, l’article 142-12-1 du Code de Procédure Pénale prévoit la possibilité pour le Juge d’instruction de placer le mis en examen sous assignation à résidence avec surveillance électronique durant l’information.

Surtout, la législation actuelle permet au Procureur de la République qui dispose de l’opportunité des poursuites, d’avoir le choix quant au traitement pénal de l’infraction.

 

A la suite du dépôt de plainte, il déterminera la voie, selon lui, la plus adaptée à la nature et la gravité des faits, aux circonstances de l’espèce et à la personnalité du prévenu.

 

Le rappel à la loi :

Le rappel à la loi de l’article 41-1 du Code de Procédure Pénale est une mesure préalable à l’engament de l’action publique ayant pour but soit :

– d’assurer la réparation du dommage causé à la victime,

– de mettre fin au trouble résultant de l’infraction,

– de contribuer au reclassement de l’auteur des faits.

A l’occasion de violences conjugales, il est rarement ordonné sans conditions propres à répondre à la situation.

 

En plus de l’indemnisation de la victime, le Procureur de la République peut ainsi imposer la mise en place de soins ou de suivi social de l’auteur des faits et lui demander de résider hors du domicile ou de la résidence du couple.

 

Une médiation pénale peut également assortir le rappel à la loi sous condition expresse d’adhésion de la victime et si cette dernière n’a pas saisi le Juge aux Affaires Familiales d’une demande d’ordonnance de protection .

 

Le Procureur de la République contrôle l’exécution de la mesure.

La prescription de l’action publique étant suspendue, il pourra en l’absence de respect des obligations engager des poursuites ou décider d’une composition pénale.

 

La composition pénale :

La condition première de cette mesure d’alternative aux poursuites est la reconnaissance de la commission de l’infraction par son auteur.

L’aveu est alors apprécié comme une prise de conscience des agissements délictueux assurant une réelle possibilité de réinsertion.

La seconde condition limite l’application de cette procédure aux auteurs de contraventions et de délits punis d’une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à 5 ans.

Le plus souvent organisée au seing des Maison de Justice et du Droit par l’intermédiaire d’un délégué, la composition pénale acceptée fait l’objet d’un procès verbal que le Procureur de la République soumettra au Président de la juridiction compétente pour validation.

 

La victime est informée de la mesure et peut présenter une demande de dommages et intérêts dont le règlement s’ajoutera à :

– la peine d’amende,

– l’accomplissement d’un stage de citoyenneté,

– l’exécution d’un travail non rémunéré au profit de la collectivité,

l’interdiction de rencontrer ou de recevoir la victime,

– l’obligation de résider hors du domicile ou de la résidence du couple,

– la mise en place de soins ou de suivi social…

 

L’exécution de la composition pénale éteint l’action publique et rend de ce fait toute poursuite impossible ; l’inexécution, au contraire, entraîne l’engament de poursuites par le Procureur de la République.

 

Les poursuites pénales :

Dans les autres dossiers, et notamment en cas d’échec des mesures précédentes, le Procureur de la République renvoie l’auteur des faits devant les juridictions correctionnelles.

 

Deux situations se retrouvent alors, soit que le prévenu soit invité à se présenter à une audience ultérieure, soit qu’il soit jugé dans le cadre des comparutions immédiates.

En effet, le Procureur de la République peut choisir une réponse judiciaire instantanée lorsqu’une peine d’emprisonnement d’au moins deux ans est prévue si les charges réunies sont suffisantes et l’affaire en l’état d’être jugée ou en cas de délit flagrant pour lequel une peine de prison de six mois, est encourue et que les éléments de l’espèce le justifient.

 

C’est donc la gravité des faits qui permettra d’opter pour une décision pénale rapide.

Cette solution a pour avantage d’éviter une réitération immédiate des faits et d’extraire sans délai le prévenu de son milieu familial.

 

La/le conjoint bénéficiera d’un souffle de paix pour réfléchir à son histoire de couple et aux suites qu’elle/il entend donner à sa vie commune.

Ce répit est souvent indispensable pour se défaire de l’emprise indiscutable de l’autre qui s’est installée au fur à mesure du temps dans l’angoisse et la peur.

 

Malgré cela, il arrive souvent que la victime n’arrive pas à rompre tous liens avec son agresseur à l’issue de la garde à vue ou de l’audience de jugement.

 

 

Mais, par la loi n°2010-769 du 9 juillet 2010, le législateur a pris conscience de l’état de faiblesse lorsqu’un des conjoints en profite pour manipuler l’autre et le marquer de son empreinte.

L’article 222-33-2-1 du Code Pénal réprime donc le harcèlement au seing de couple caractérisé par des « agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale ».

 

Car il est toujours insupportable de penser que la première scène de violences qu’elles soient physiques ou morales, est la famille.

 

Réflexion sur le délit d’outrage

Le 27/04/11

En application de l’article 433-5 du Code Pénal : « constituent un outrage puni de 7500 euros d’amende les paroles, gestes ou menaces, les écrits ou images de toute nature non rendus publics ou l’envoi d’objets quelconques adressés à une personne chargée d’une mission de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa mission, et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont elle est investie.

 

Lorsqu’il est adressé à une personne dépositaire de l’autorité publique, l’outrage est puni de six mois d’emprisonnement et de 7500 euros d’amende ».

Dans son rapport rendu le 8 mars 2007, la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS) remarquait « une inflation des procédures pour outrages engagées de manière trop systématique par les personnels des forces de l’ordre ».

 

Ce constat pose la question à la fois du comportement des justiciables à l’égard des personnes dépositaires de l’autorité publique ainsi que de la défiance envers les procédures de gendarmes et policiers outragés.

Aussi la réflexion sur le délit d’outrage s’impose-t-elle.

 

Mécanisme de l’infraction :

Sont protégés par l’outrage :

– les experts nommés par décision judiciaire, les administrateurs judiciaires et mandataires liquidateurs, les greffiers, les interprètes assermentés, les parlementaires (personnes chargées d’une mission de service public) …

– les représentants de l’État et des collectivités territoriales, les représentants de la force publique, les agents publics exerçant une fonction de police, les agents assermentés de la SNCF (personnes dépositaires de l’autorité publique)…

 

Les faits réprimés peuvent prendre la forme de paroles, de gestes, de menaces, d’écrits ou d’images non rendus publics ou encore d’envoi d’objet quelconque.

Mais quelques soient le support ou le type d’action, les agissements délictueux doivent être de nature à porter atteinte à la dignité ou au respect dû à la fonction de la personne outragée.

 

En effet, ils visent l’autorité que représente la victime dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa fonction, et non sa personnalité.

Afin de qualifier l’infraction, il faut donc démontrer la connaissance par l’auteur de la qualité de la personne outragée mais également sa conscience du caractère outrageant.

 

 

Il arrive, par ailleurs, que l’outrage soit adressé de manière indirecte, notamment par l’intermédiaire d’un tiers.

L’auteur de l’outrage doit alors avoir la volonté d’atteindre la victime qui doit nécessairement avoir une connaissance effective de l’atteinte qui lui est porté.

 

Ainsi, la Cour de Cassation a jugé que ne pouvait être qualifié de rapporteur nécessaire que celui dont le prévenu savait que par ses liens avec la personne outragée il lui rapporterait l’outrage.

En l’espèce, un avocat qui venait de terminer un entretien avec une personne gardée à vue, s’était retourné vers sa cliente et avait prononcé des propos outrageant envers le président de la chambre de l’instruction, en présence des gendarmes chargés de l’enquête.

Cass. Crim. 26 octobre 2010 Pourvoi n° 09-88460

 

 

La réflexion devient délicate lorsque l’on rappelle que les éléments constitutifs de l’infraction sont mis en évidence par l’enquête de police ou de gendarmerie.

Or, celle-ci est parfois menée par des collègues ou subalternes de la personne outragée.

 

Tel était le cas dans un arrêt rendu par la Cour de Cassation en 2008 où l’enquête diligentée avait été menée par des gendarmes dont le commandant victime était le supérieur hiérarchique.

Les juges avaient alors indiqué que le défaut d’impartialité d’un enquêteur pouvait constituer une cause de nullité de la procédure, à la condition que ce grief ait eu pour effet de porter atteinte au caractère équitable et contradictoire de la procédure ou de compromettre l’équilibre des droits des parties.

Cass. Crim. 14 mai 2008 Pourvoi n ° 08-80483


Appréciation des juges du fond :

Cette dernière jurisprudence illustre parfaitement les difficultés d’appréciation de la notion d’outrage dont la problématique est complexe et l’approche varie selon les espèces.

Les juges du fonds évaluent, en conséquence, le caractère intentionnel de l’atteinte subie selon les circonstances, la teneur des écrits, la grossièreté des propos ou la violence des gestes.

 

Or, l’outrage et son appréciation qui se heurtent à la liberté d’expression, sont source depuis plusieurs années de nombreux débats.

 

Ainsi, dans une question du 11 novembre 2008, Michel LIEBGOTT, député de la Moselle, attirait l’attention de Madame la Garde des sceaux sur l’intrigante inflation de ce délit.

 

En réponse, Madame la Ministre de la Justice précisait que : « Si cette infraction vise à protéger la qualité des agents de la fonction publique ou des personnes dépositaires de l’autorité publique, il appartient à chacune d’elles de signaler les faits dont elle s’estime victime. Une fois relevé, l’outrage donne lieu à enquête au cours de laquelle, a minima, l’auteur et la victime sont entendus. Ces éléments sont ensuite soumis au ministère public, qui apprécie la caractérisation des faits et décide des suites qu’il entend y donner, en application des dispositions des articles 40 et 40-1 du code de procédure pénale ».

Réponse ministérielle n° 34893 JOAN Q 3 février 2009

 

 

Quelques mois plus tard, la diffusion d’un reportage dans l’émission Envoyé spécial du 10 septembre 2009 sur France 2 soulevait de vives interrogations non seulement sur la sincérité des procédures mais encore sur l’indemnisation des victimes.

 

C’est dans ce contexte que Monsieur Jean-Claude FRUTEAU, député de la Réunion, a relancé le débat sur l’augmentation des procédures pénales relatives aux outrages en envisageant la dépénalisation de ce délit lors d’une question du 13 octobre 2009.

 

Dans sa réponse, Madame la Ministre de la Justice indiquait que : « Il ressort des statistiques de la direction des affaires criminelles et des grâces que les condamnations pour outrage sont passées de 14 046 à 23 942, entre 1996 et 2008. Ces décisions sont prononcées par des juridictions qui, après avoir établi que les faits sont constitués, les répriment, au vu des circonstances de l’infraction et de la personnalité de l’auteur, conformément à la loi ».

Réponse ministérielle n° 60442 JOAN Q 27 avril 2010


Depuis lors, l’outrage a évolué pour gagner en emprise et en territoire.

 

Au terme du Décret n°2010-1634 du 23 décembre 2010, le droit pénitentiaire a emprunté au droit pénal pour faire de cette infraction une faute disciplinaire.

 

Selon l’article R 57-7-2 du Code de Procédure Pénale , les outrages formulés par une personne détenue à l’encontre d’un membre du personnel de l’établissement pénitentiaire, d’une personne en mission ou en visite au sein de cet établissement ou des autorités administratives ou judiciaires sont désormais susceptibles d’être sanctionnés par la Commission de discipline.

 

Arrêts de la Cour de Cassation du 15 avril 2011 : la jurisprudence, créatrice de droit

Le 17/04/11

Depuis le 15 avril dernier, les médias ont largement communiqué sur l’évolution des droits du gardé à vue consécutive à quatre arrêts rendus par la Cour de Cassation.

Les avocats n’ont pas manqué eux aussi de relayer cette information : je ne ferai donc pas exception à la règle.

Encore une fois, le droit européen n’est pas étranger auxdits changements.

 

En effet, la Cour Européenne des Droits de l’Homme avait réaffirmé le 27 novembre 2008 que « quoique non absolu, le droit de tout accusé à être effectivement défendu par un avocat, au besoin commis d’office, figure parmi les éléments fondamentaux du procès équitable ».

Décision Salduz c/Turquie, req. n° 36391/02 du 27 novembre 2008

 

Ainsi pour que le droit à un procès équitable consacré par l’article 6 demeure suffisamment « concret et effectif », l’accès à un avocat devait intervenir dès le premier interrogatoire d’un suspect par la police ; à défaut il est porté une « atteinte irrémédiable aux droits de la défense lorsque des déclarations incriminantes faites lors d’un interrogatoire de police subi sans assistance possible d’un avocat sont utilisées pour fonder une condamnation».

 

A la suite, le Conseil Constitutionnel, saisi sur question prioritaire de constitutionnalité, a déclaré inconstitutionnel les articles du Code de Procédure Pénale fixant le régime général de la garde à vue.

Décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010

 

 

Le 15 avril 2011, la Cour de Cassation a tranché, en faveur de l’application immédiate des principes posés par l’arrêt Salduz concernant le droit d’être assisté d’un avocat dès la première heure de garde à vue et tout au long de la procédure.

 

 

La formation de la Cour de Cassation :

 

Pour bien comprendre la portée des derniers arrêts de la juridiction suprême, il semble indispensable de connaître son fonctionnement ainsi que son processus décisionnel.

La Cour de cassation est composée de cinq chambres civiles, dont une chambre commerciale et une chambre sociale, et une chambre criminelle.

Chaque chambre se prononce dans le domaine relevant de sa compétence.

 

Par exception, les juges de la Cour de Cassation peuvent se réunir dans d’autres formations, soit en chambre mixte, soit en assemblée plénière pour trancher des questions de droit communes ou d’une importance toute particulière.

La chambre mixte présidée par le premier président réunit ainsi des magistrats appartenant au moins à trois chambres de la Cour de cassation ainsi que les présidents et doyens des chambres qui la composent et deux conseillers de chacune de ces chambres.

 

Quant à l’assemblée plénière, cette formation présidée par le premier président regroupe les présidents et les doyens des chambres ainsi qu’un conseiller pris au sein de chaque chambre.

Elle n’intervient que pour trancher une question de principe et asseoir sa position auprès des juges du fond.

 

C’est dans le cadre de cette dernière formation que la Cour de Cassation a rendu ses arrêts du 15 avril 2011.

 

La teneur des arrêts du 15 avril 2011 :

Les Juges de la Cour de cassation ont statué sur la régularité de mesures de garde à vue au regard de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui consacre le droit à l’assistance effective d’un avocat.

 

Les quatre cas portés devant l’assemblée plénière concernent des ressortissants étrangers (chinois, kenyan, tunisien et comorien) en situation irrégulière, interpellés puis placés en garde à vue pour infraction à la législation sur les étrangers.

Comme à l’accoutumé, ces gardés à vue ont fait l’objet d’un placement en rétention administrative sur la base d’un arrêté de reconduite à la frontière.

 

L’organisation de leur départ nécessitant la prolongation de cette mesure, les préfets de la Vienne, des Deux-Sèvres, de Loire-Atlantique et du Rhône ont saisi le juge des libertés et de la détention compétent aux fins de prolongation de la rétention pour un durée de 15 jours.

 

C’est dans ce cadre que les retenus ont contesté la régularité de la procédure de garde à vue.

Sur appel de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, la Cour d’Appel de Lyon a considéré la procédure régulière, tandis que la Cour d’Appel de Rennes l’a jugée irrégulière.

 

Afin d’homogénéiser la jurisprudence, l’assemblée plénière de la Cour de Cassation a :

– Consacré le droit de la personne placée en garde à vue de bénéficier de l’assistance d’un avocat dès le début de la mesure et pendant ses interrogatoires,

– Décidé de l’application immédiate de la décision européenne constatant la non-conformité de la législation française aux exigences issues de la Convention.


La portée de la jurisprudence :

La décision du 30 juillet 2010 rendue par le Conseil Constitutionnel avait engagé la discussion sur la réforme de la garde à vue en rappelant que « la garde à vue demeure une mesure de contrainte nécessaire à certaines opérations de police judiciaire », dont le recours et le déroulement doivent être encadrés par des garanties appropriées.

Étaient alors dénoncées les dispositions de l’article 63-4 du Code de Procédure Pénale qui restreignent les droits de la défense en ne permettant pas à la personne retenue contre sa volonté de bénéficier de l’assistance effective d’un avocat.

 

Un délai de 10 mois était donné au gouvernement pour modifier la législation pénale en vigueur jugée inconstitutionnelle.

 

C’est ainsi que la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue a été adoptée.

 

Cependant, son entrée en vigueur n’est prévue qu’au 1er juin 2011, soit le premier jour du deuxième mois suivant sa publication au Journal officiel.

 

 

Or, la Cour de Cassation affirme l’application immédiate de la décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme : la législation française non-conforme ne saurait donc s’appliquer à compter du prononcé des quatre arrêts.

 

Les procédures de garde à vue intervenant dans la période trouble du 16 avril au 30 mai 2011 devront respecter la législation nouvelle appliquée par anticipation selon les consignes du garde des sceaux.

 

L’ironie du sort veut que la loi nouvelle relative à la garde à vue ai été publiée au journal officiel le 15 avril 2011, date des arrêts de la Cour de Cassation.