L’impartialité du Juge des enfants, magistrat instructeur et président de la juridiction de jugement

Le 28/08/11

Depuis plusieurs années, la délinquance des mineurs fait l’objet d’un débat récurrent sur son traitement judiciaire prévu par l’ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.

Terrain médiatique, elle est souvent évoquée pour mettre en lumière des faits divers marquants caractérisés par la violence, l’action en réunion ou en récidive.

Face à son visage actuel, juvénile et menaçant, les justiciables estiment – à tort ou à raison – que la réponse pénale aux infractions commises est insuffisante.

En avril dernier, le Gouvernement a engagé dans ce contexte une procédure accélérée destinée à l’adoption d’un projet de loi portant notamment sur le jugement des mineurs.

La réforme tend à l’instauration d’un Tribunal Correctionnel pour mineurs afin de juger les auteurs de plus de 16 ans poursuivis pour des délits commis en récidive.

Comme le Tribunal Pour Enfants, un juge des enfants siégera nécessairement au sein de cette nouvelle formation collégiale de jugement.

Pourtant, la place de ce dernier dans l’une et l’autre de ces juridictions au travers de son impartialité a été récemment remise en cause par le Conseil Constitutionnel.

Le juge des enfants dispose de plusieurs prérogatives lorsqu’il est saisi à l’initiative du Procureur de la République des faits commis par un mineur réprimés pénalement: il peut mettre en examen, instruire et juger l’affaire.

Sa double casquette de magistrat instructeur et de juge du fond est à l’origine de la censure du Conseil Constitutionnel dans deux décisions successives du 8 juillet et du 4 août 2011 :

– La première décision fait suite à la saisine de la Haute Juridiction le 4 mai 2011 par la Cour de Cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité (encore elle ) sur la conformité des articles L 251-3 et L 251-4 du Code de l’Organisation Judiciaire à la Constitution.

En effet, l’article L 251-3 dudit code prévoyait que « le tribunal pour enfants est composé d’un juge des enfants, président, et de plusieurs assesseurs » sans exclure le juge des enfants qui avait instruit l’affaire de présider à l’audience de jugement.

Le Conseil Constitutionnel a relevé que ces dispositions portaient atteinte au principe d’impartialité des juridictions :

« 11. Considérant que le principe d’impartialité des juridictions ne s’oppose pas à ce que le juge des enfants qui a instruit la procédure puisse, à l’issue de cette instruction, prononcer des mesures d’assistance, de surveillance ou d’éducation ; que, toutefois, en permettant au juge des enfants qui a été chargé d’accomplir les diligences utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et qui a renvoyé le mineur devant le tribunal pour enfants de présider cette juridiction de jugement habilitée à prononcer des peines, les dispositions contestées portent au principe d’impartialité des juridictions une atteinte contraire à la Constitution ; que, par suite, l’article L. 251-3 du code de l’organisation judiciaire est contraire à la Constitution ».

Décision n° 2011-147 QPC du 08 juillet 2011 

Afin de permettre au législateur de se mettre en conformité sans nuire au bon fonctionnement de la Justice, il a reporté au 1er janvier 2013 la date de l’abrogation du texte jugé inconstitutionnel.

La question prioritaire de constitutionnalité sera donc à l’origine d’une nouvelle modification législative à la suite des Lois du 14 avril 2011 relative à la garde à vue et du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.

– La seconde décision s’inscrit dans un contrôle de constitutionnalité par voie d’action, soit antérieur à la promulgation d’une loi nouvellement votée, sur saisine de plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs.

Elle concerne la loi évoquée ci-dessus sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs qui crée le Tribunal Correctionnel pour mineurs.

Le Projet de loi adopté le 6 juillet 2011 par l’Assemblée Nationale prévoyait dans son article 24-1 :

« Les mineurs âgés de plus de seize ans sont jugés par le tribunal correctionnel pour mineurs lorsqu’ils sont poursuivis pour un ou plusieurs délits punis d’une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à trois ans et commis en état de récidive légale.

Le tribunal correctionnel pour mineurs est composé selon les modalités prévues à l’article 398 du code de procédure pénale, à l’exception des troisième à cinquième alinéas. Il est présidé par un juge des enfants ».

Le Conseil a rappelé sa précédente décision du 8 juillet 2011 pour censurer aux mêmes motifs la possibilité du juge des enfants qui a instruit l’affaire de présider le Tribunal Correctionnel pour Mineurs :

« 53. Considérant, en second lieu, qu’au considérant 11 de sa décision n° 2011-147 QPC du 8 juillet 2011 susvisée, le Conseil constitutionnel a jugé que « le principe d’impartialité des juridictions ne s’oppose pas à ce que le juge des enfants qui a instruit la procédure puisse, à l’issue de cette instruction, prononcer des mesures d’assistance, de surveillance ou d’éducation ; que, toutefois, en permettant au juge des enfants qui a été chargé d’accomplir les diligences utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et qui a renvoyé le mineur devant le tribunal pour enfants de présider cette juridiction de jugement habilitée à prononcer des peines, les dispositions contestées portent au principe d’impartialité des juridictions une atteinte contraire à la Constitution ; que, par suite, l’article L. 251-3 du code de l’organisation judiciaire est contraire à la Constitution » ; que, pour les mêmes motifs, il y a lieu de déclarer contraire à la Constitution le deuxième alinéa de l’article 24-1 de l’ordonnance du 2 février 1945 qui dispose que le tribunal correctionnel des mineurs est présidé par un juge des enfants ».

Décision n° 2011-635 DC du 4 août 2011 

Rappelons que la Convention Européennes de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales a consacré ce principe d’impartialité des juridictions dans son article 6 :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial , établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».

Incendie au Centre de Rétention de LYON – SAINT EXUPERY et conséquences

Le  31/07/11

Le recours contre une décision de maintien en rétention administrative et une mesure d’éloignement est sans doute l’un des contentieux où les difficultés pratiques sont les plus nombreuses tant pour les avocats que pour les juridictions.

Outre le chevauchement entre la compétence du Juge des Libertés et de la Détention et du Tribunal Administratif, ce domaine du Droit des Etrangers est souvent jalonné d’imprévus et de contretemps : indisponibilité des interprètes et des policiers en charge des transfert, nécessité d’un audiencement rapide ou encore relations tendues avec la Préfecture.

Il n’est donc pas toujours aisé de concilier les impératifs de célérité de la procédure d’urgence avec les moyens de la Justice.

Aussi lors de leur placement en rétention suivant immédiatement la garde-à-vue, les retenus sont bien souvent perdus devant ce contentieux de la reconduite.

On le serait à moins sauf à être un parfait habitué de ces procédures…

En pensant à tout cela, quelle meilleure illustration de cette réalité pouvais-je trouver que de vous exposer le récit de ces derniers jours ?

Mais avant toute chose, un petit rappel de l’article L 512-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile s’impose :

« En cas de décision de placement en rétention ou d’assignation à résidence en application de l’article L. 561-2, l’étranger peut demander au président du tribunal administratif l’annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification. 

(…)

Il est également statué selon la procédure prévue au présent III sur le recours dirigé contre l’obligation de quitter le territoire français par un étranger qui est l’objet en cours d’instance d’une décision de placement en rétention ou d’assignation à résidence en application de l’article L. 561-2. Le délai de soixante-douze heures pour statuer court à compter de la notification par l’administration au tribunal de la décision de placement en rétention ou d’assignation ».

Mercredi 27 juillet 2011 : 

– 11h20 :

A peine deux jours que l’une de mes consoeurs est en vacances et déjà elle est rattrapée par les dossiers du Cabinet.

Elle m’informe que Monsieur X vient d’être placé en rétention administrative à l’issue de son audition par les services de police.

Quelques semaines auparavant, ma consoeur avait formé un recours contre l’arrêté portant refus de titre de séjour assorti d’une obligation de quitter le territoire qui venait d’être notifiée à son client.

Le Tribunal Administratif de LYON a fixé l’audience de plaidoirie au 20 septembre 2011.

Mais le 26 juillet 2011, le délai d’un mois qui était imparti à Monsieur X pour organiser son départ de FRANCE, expire.

Sans attendre, il est interpellé et emmené au Centre de Rétention de LYON – SAINT EXUPERY.

– 16h10 :

La compagne de Monsieur X m’appelle, elle est inquiète car elle reste seule avec leurs deux jeunes enfants.

Un rendez-vous est fixé pour le lendemain à 11h00 afin de se préparer à l’audience du Tribunal Administratif qui doit être avancée compte tenu du placement en rétention.

Une petite précision doit ici être apportée: La légalité de l’obligation de quitter le territoire qui conditionne la rétention et la mise à exécution de la mesure d’éloignement, doit être jugée dans les 72 heures.

Cependant, le recours contre la décision de refus de titre de séjour n’obéit pas à la procédure d’urgence et reste audiencé au 20 septembre 2011.

– 18h30 :

L’avis d’audience du Tribunal Administratif de LYON et le dossier arrivent par fax au cabinet.

L’affaire est fixée au jeudi 28 juillet 2011 à 14h00.

Jeudi 28 juillet 2011 : 

– 9h30 :

Le Greffe me fait parvenir le mémoire en réponse de la Préfecture.

– 10h00 :

J’envoie au Tribunal Administratif de LYON le recours contre l’arrêté de maintien en rétention administrative dont j’ai reçu copie par l’Association FORUM REFUGIE présente au Centre de Rétention.

– 11h00 :

La famille arrive pour le rendez-vous, toujours aussi inquiète, d’autant qu’elle a raté les horaires de visite au Centre de Rétention et n’a pu rendre visite à Monsieur X.

– 11h50 :

J’arrive enfin à joindre Monsieur X sur son téléphone portable au Centre de Rétention.

– 12h30 :

J’adresse mes pièces complémentaires au greffe du Tribunal Administratif.

– 13h45 :

J’arrive au Tribunal Administratif pour voir Monsieur X avant l’audience. Comme il n’est pas encore là, j’avale mon 2ème café de la journée et toujours avec le ventre vide.

– 14h05 :

La greffière nous annonce que l’audience aura un peu de retard suite à un incident au Centre de Rétention de LYON – SAINT EXUPERY.

– 14h35 :

L’audience est annulée car un incendie s’est déclenché au Centre de Rétention. La seule information qui nous est donnée, c’est qu’aucune victime n’est à déplorer.

La famille présente dans la salle des pas perdus repart encore plus inquiète qu’à son arrivée.

– 16h00 :

J’arrive à joindre Monsieur X qui serait toujours dans la cour du Centre de Rétention et ignore encore le lieu de son transfert.

– 17h15 :

Le greffe du Tribunal Administratif de LYON m’indique que l’audience est reportée au mardi 2 août 2011 à 10h00.

Aucune information complémentaire n’est disponible sur le lieu de transfert de Monsieur X, les destinations de TOULOUSE ou NIMES sont évoquées.

Vendredi 29 juillet 2011 : 

– 7h00 :

La compagne de Monsieur X m’appelle pour m’informer qu’il serait désormais au Centre de Rétention de TOULOUSE. Même si l’information est matinale, c’est toujours une bonne nouvelle de savoir où se trouve son client.

– 11h00 :

J’appelle le Centre de Rétention de TOULOUSE pour avoir confirmation de la présence de Monsieur X.

On me précise alors que ce dernier n’a plus son téléphone portable à disposition car le mobile est équipé d’un appareil photo : Il a donc été confisqué.

On m’indique encore qu’il ne sera pas transféré à LYON pour l’audience du 2 août prochain.

– 11h10 :

Je laisse un message sur le répondeur de la CIMADE, Association présente au Centre de Rétention de TOULOUSE, pour prévenir de mon intervention et être avisée de la situation de Monsieur X.

– 13h10 :

J’appelle le greffe du Tribunal Administratif de LYON afin qu’il me soit confirmé que la juridiction lyonnaise conserve la compétence du recours contre le placement en rétention administrative.

L’audience du mardi 2 août 2011 à 10h00 est maintenue.

– 13h50 :

Je rend compte de la situation à la famille de Monsieur X qui a bien du mal à accepter cette séparation.

– 14h25 :

Les Services de la Préfecture m’informent que Monsieur X ne pourra être transféré pour l’audience du 2 août prochain et restera à TOULOUSE.

Samedi 30 juillet 2011 : 

– 9h20 :

J’envoie par fax à la CIMADE l’ensemble des éléments du dossier de Monsieur X pour que le Juge des Libertés et de la Détention ordonne son assignation à résidence.

Dimanche 31 juillet 2011 : 

– 19h00 :

Monsieur X a quitté le Centre de Rétention et a pu rejoindre sa famille. Il est rentré dans le Rhône par ses propres moyens

Saisi sur le fondement de l’article 13 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme,le Juge des Libertés et de la Détention de TOULOUSE a ordonné sa remise en liberté au vu du non-respect par le Tribunal Administratif de LYON de son obligation de statuer dans le délai de 72 heures sur le recours contre la décision de maintien en rétention et l’obligation de quitter le territoire.

Mardi 2 août 2011 : 

– 11h30 :

Le Tribunal Administratif de LYON a annulé l’obligation de quitter le territoire et la décision de maintien en rétention.

Mardi 23 août 2011 : 

Le Centre de Rétention de LYON – SAINT EXUPERY a réouvert ses portes.

Confraternité, union du serment

Le 24/07/11

La prestation de serment est le prémisse obligé de l’entrée dans la Profession d’Avocat : elle marque l’engagement aux principes qui président à la fonction d’auxiliaire de Justice.

En effet, l’exercice professionnel est libéral, indépendant et surtout réglementé par les dispositions de la Loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 et le Décret n°91-1197 du 27 novembre 1991.

Même si on n’entre pas en avocature comme on entre en religion, « un grand pouvoir implique de grandes responsabilités » comme Ben Parker le rappelle à son neveu de Spiderman dans le film du même nom .

Certains trouveront ce petit clin d’oeil étonnant et répondront que seul Daredevil est «avocat le jour et justicier la nuit ».

Cependant, la référence aux héros de la MARVEL n’est pas anodine car la robe est porteuse de valeurs collectives autour desquelles les confrères se retrouvent et qui doivent soutenues.

Mais entre la salle des pas perdus et les bureaux de nos cabinets, les principes de la Profession d’Avocat sont parfois mis à mal par la fierté et le stress.

Selon l’article 1.3 du Règlement Intérieur National de la profession d’avocat (RIN) :

« L’avocat exerce ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité, dans le respect des termes de son serment. 

Il respecte en outre, dans cet exercice, les principes d’honneur, de loyauté, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie. 

Il fait preuve, à l’égard de ses clients, de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence ».

La confraternité apparaît donc comme l’un des fondements essentiels qui doit s’imposer au quotidien afin garantir des bonnes relations entre avocats :

– Elle commande aux rapports entre les membres de la Profession d’être toujours emprunt de loyauté et de considération.

– Elle prescrit la diligence à l’occasion de la défense d’un client ou dans la gestion d’un dossier.

– Elle implique la correction dans les propos et les comportements à l’égard des confrères.

Cette solidarité attendue des avocats ne doit pas s’entendre uniquement des membres d’un même barreau.

Prévu au Code de déontologie des avocats européens, le principe dépasse l’hexagone pour s’appliquer aux relations entre les avocats de l’Union européenne, à l’intérieur des frontières de cet espace ou hors celles-ci.

Les articles 21.5.1.1 et 21.5.1.2 du RIN intégrant les dispositions dudit code prescrivent en effet que « l’avocat reconnaît comme confrère tout avocat d’un autre Etat membre et a à son égard un comportement confraternel et loyal ».

La Confraternité comporte une limite explicite puisque « elle ne doit cependant jamais mettre en opposition les intérêts de l’avocat et ceux du client ».

Outre ces normes nationales et européennes, certains barreaux prennent souvent soin de rappeler cette exigence dans leur propre règlement.

Tel est le cas à LYON où l’article LY 3.2.1.1. du Règlement intérieur du Barreau relève que « tous rapports entre avocats s’exercent dans un esprit de confraternité, de correction et de courtoisie ».

Ce rappel fait échos aux pouvoirs du Conseil de l’Ordre dont la mission est de veiller à «maintenir les principes de probité, de désintéressement, de modération et de confraternité sur lesquels repose la profession et d’exercer la surveillance que l’honneur et l’intérêt de ses membres rendent nécessaire ».

Dans ce cadre, le Conseil en tant que garant de la déontologie règle les difficultés et sanctionne les manquements : il traite ainsi « toute question intéressant l’exercice de la profession, la défense des droits des avocats et la stricte observation de leurs devoirs ».

Ce rôle de contrôle du principe de Confraternité appartient également aux juridictions civiles et leur permet de livrer leur appréciation de celui-ci.

La Cour de Cassation a ainsi considéré que manquait à ses obligations de délicatesse, de modération, de courtoisie et de confraternité, l’avocat qui se rendait coupable du délit d’injure publique à l’encontre d’une association à vocation syndicale de jeunes avocats

Cass. Civ 1ère . 17 février 2011 Pourvoi n° 09-72249 

Très récemment la Haute Juridiction a eu l’occasion de préciser que le fait de porter atteinte aux principes essentiels de la profession faisait interdiction de bénéficier du titre d’avocat honoraire.

Cass. Civ 1ère . 23 juin 2011 Pourvoi n° 10-19470 

Pour ma part, je pense que la Confraternité n’est qu’une illustration de la considération et de la tolérance que l’on doit porter aux autres même si ce n’est pas toujours aisé, pour moi comme pour tous.

L’humilité et la modestie me semblent deux bons points de départ car on trouve toujours meilleur ou pire que soi.

Exhumation : le plus proche parent, héritier du sésame de la sépulture

Le 17/07/11

Dans un arrêt du 16 juin 2011, la Cour de Cassation interrogée sur la nature de la réunion de corps a eu l’occasion de préciser que cette opération s’analysait en une exhumation.

Cass. Civ. 1ère 16 juin 2011 Pourvoi, n° 10-13580 

Cette jurisprudence permet de s’intéresser dans la publication de ce jour au monde des défunts et à la protection de leur repos éternel.

Le tenant de la personnalité juridique est l’exercice des droits que la Loi garantit tel que la sauvegarde de son intégrité physique.

Mais comme le souligne les dispositions de l’article 16-1-1 du Code Civil , « le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort ».

Aussi la loi impose que les restes des personnes décédées quelque puisse être leur forme soient « traités avec respect, dignité et décence ».

A sa mort, chaque sujet de droits bénéficie donc de la protection de sa sépulture, de l’inviolabilité et l’immutabilité de ce dernier refuge destiné à l’accueillir.

C’est la raison pour laquelle l’exhumation qui consiste à déplacer un défunt pour le réinhumer dans une autre sépulture, est strictement encadrée par les articles R2213-40 et suivants du Code Général des Collectivités Territoriales .

Cette opération qui s’acheve par la réception du corps exhumé par une nouvelle sépulture à bref délai ne peut intervenir que dans les trois cas suivants :

– l’exhumation par autorité de justice ayant pour objet l’identification des causes de la mort et/ou de ses conditions, la réalisation de prélèvements post mortem sur le cadavre…

– l’exhumation de nature administrative nécessaire au transport et à la réinhumation du corps dans un nouveau cimetière ou à la reprise de concession à l’initiative des communes.

– l’exhumation d’intérêt privé demandée par la famille du défunt pour le transfert du corps en un autre lieu de sépulture.

Dans ce dernier cas, toute demande d’exhumation est présentée par le plus proche parent de la personne défunte au maire de la commune sur le territoire de laquelle repose le corps concerné.

C’est ce dernier qui sera compétent pour délivrer l’autorisation nécessaire, sauf à Paris où cette prérogative revient au Préfet de police.

Seuls des motifs graves peuvent justifier l’exhumation : le maire peut donc la refuser pour des raisons motivées notamment fondées sur le respect de l’ordre public.

Si l’autorité administrative y consent, l’opération sera réalisée sous la surveillance et le contrôle d’un fonctionnaire désigné.

Malgré les restrictions de la Loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit du 17 mai 2011, cette intervention ouvre droit au règlement de vacations.

Un parent ou mandataire d’un parent doit impérativement être présent lors de l’exhumation ; à défaut l’opération ne peut avoir lieu.

Il convient de préciser que l’exhumation à la demande de la famille intervient parfois pour libérer des places dans une concession funéraire ou une sépulture privée aux fins de nouvelles inhumations.

Elle correspond alors à ce qu’on nomme, selon les circonstances, la « réunion de corps » ou la « réduction de corps ».

C’est cette opération non définie par le Code Général des Collectivités Territoriales qui intéresse la jurisprudence récente de la Cour de Cassation du 16 juin 2011.

Les faits de l’espèce concernaient en effet la réunion de corps d’un couple réalisée à la demande d’un parent n’étant pas le plus proche des défunts, à savoir la belle-fille, et le droit à réparation du préjudice des plus proches membres de la famille.

Se fondant sur l’article R 2213-40 du Code Général des Collectivités Territoriales, la Cour a cassé l’arrêt d’appel en considérant que la réunion de corps devait être analysée en une exhumation.

Elle en déduit que cette opération ne pouvait intervenir qu’avec l’accord des plus proches parents des personnes défuntes, en l’espèce les enfants.

De ce fait, la Cour de Cassation sanctionne l’irrespect du caractère inviolable et immutable du droit à sépulture.

A noter que les juges civils prennent le contre-pied du Conseil d’Etat qui considère au contraire que le rassemblement, à l’occasion d’une inhumation, de restes épars dans un caveau ne nécessite pas de recueillir l’avis du parent le plus proche.

Conseil d’Etat du 11 décembre 1987 Commune de Contes Requête n° 72998 

Question prioritaire de constitutionnalité, initiatrice de réformes législatives

Le 11/07/11

Depuis la réforme du 23 juillet 2008, les modifications de la Constitution ont introduit la notion de question prioritaire de constitutionnalité.

L’article 61-1 dispose en effet :

« Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur le renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ».

Le deuxième alinéa de l’article 62 prévoit par ailleurs qu’« une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause ».

Cette procédure permet de soulever l’exception de la constitutionnalité des dispositions d’une législation dans le cadre d’une instance civile, pénale ou administrative.

Son but est de purger l’ordre juridique des dispositions inconstitutionnelles lorsque les dispositions législatives en vigueur n’ont pas été soumises au contrôle du Conseil Constitutionnel préalablement à leur promulgation.

Initiatrice de la réforme du Code de Procédure Pénale et de l’adoption de la Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue , la question prioritaire de constitutionnalité a redonné au Conseil Constitutionnel un nouveau souffle dans sa fonction de gardien de la Constitution.

Depuis lors, elle a également donné naissance à la Loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge .

Modification des conditions de forme d’hospitalisation à la demande d’un tiers et d’office, intervention renforcée du Juge des Libertés et de la Détention et intégration des soins ambulatoires viendront ainsi enrichir et compléter le Code de la Santé Publique.

A l’origine de cette évolution, il y a deux décisions du Conseil Constitutionnel :

Dans la première en date du 26 novembre 2010, les Sages ont eu à se prononcer sur l’hospitalisation à la demande d’un tiers et le maintien de cette mesure.

Ils ont alors précisé qu’en prévoyant que l’hospitalisation sans consentement peut être maintenue au-delà de quinze jours sans intervention d’une juridiction de l’ordre judiciaire, les dispositions du Code de la Santé Publique méconnaissaient les exigences de l’article 66 de la Constitution.

La liberté individuelle ne saurait être sauvegardée que si son garant, le juge judiciaire, intervient dans le plus court délai possible.

Décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010 

Dans la seconde décision en date du 9 juin 2011, les Sages ont récidivé et ont repris leur jurisprudence antérieure mais dans le cadre cette fois de l’hospitalisation d’office.

Si une mesure privative de liberté n’a pas à être nécessairement prise par l’autorité judiciaire, pour autant un réexamen de la situation de la personne hospitalisée dans les vingt-quatre heures suivant son admission doit permettre de s’assurer que l’hospitalisation d’office est nécessaire.

En l’absence d’une telle garantie, le Conseil Constitutionnel a censuré les dispositions jugées contraires à la Constitution.

Décision n° 2011-135/140-QPC du 9 juin 2011 

La hiérarchie des normes s’imposent donc dans les domaines du droit où la liberté des justiciables est en jeu.

La question prioritaire de constitutionnalité permet désormais aux sages du Conseil de rappeler avec force l’équilibre essentiel qui doit exister entre l’exercice d’une liberté et ses restrictions.

Article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 

La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société, la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi. 

La Profession d’Avocat : histoire personnelle d’une orientation professionnelle

Le 09/07/11

L’arrivée de cette période estivale et des vacances judiciaires sont l’occasion de se lancer dans l’archivage et d’améliorer le classement au sein du Cabinet. C’est ainsi que j’ai retrouvé au cours de mes fouilles archéologiques le rapport de stage que j’ai rédigé lorsque j’étais élève-avocat. 

Dans son introduction, j’expliquais alors les raisons de mon orientation professionnelle. Comme la plume est un peu maladroite, le propos un peu gauche, le contenu un peu naïf, je requière l’indulgence des internautes et confrères. 

Mais c’est avec attendrissement et nostalgie que je vous livre cette petite histoire plus personnelle qu’à l’ordinaire. 

« La justice est la base de la société : le jugement constitue l’ordre de la société : or le jugement est l’application de la justice ». (1)

ARISTOTE

Les choix de carrière représentent dans une vie des décisions importantes : ils sont bien souvent dictés par des éléments extérieurs comme les capacités scolaires, la volonté familiale ou les possibilités financière. Rien n’est jamais vraiment dû au hasard…

Cependant, ces choix répondent aussi aux aspirations personnelles, cela permet d’expliquer l’influence qu’ils peuvent avoir sur le chemin d’une vie.

(…)

Le droit est partout, dans chaque geste du quotidien, dans chaque habitude, dans chaque événement de la vie qu’il soit heureux ou malheureux. En effet, lorsque je circule en voiture, le simple fait de m’arrêter à un feu tricolore avant de traverser la chaussé fait entrer le droit dans mon univers : je respecte le code de la Route.

Mariage, succession, achat d’un bien immobilier, accident de la circulation, funérailles, de la naissance au trépas, les lois s’appliquent et se succèdent. Alors, elles encadrent sans brimer, elles domptent les instincts sans les réprimer.

Il existe un cause à cette omniprésence. Selon Platon (2) « ce qui donne naissance à la société c’est l’impuissance où chaque homme se trouve de se suffire à lui-même, et le besoin qu’il éprouve de beaucoup de choses ». Il n’est donc pas bon que l’Homme soit seul. Par conséquent hommes et femmes se regroupent en communauté et s’organisent en ordre social commun.

L’Homme a ainsi besoin du droit, le but de ce dernier étant d’instaurer les règles qui lui permettront de vivre en société, de créer les bases d’une communauté d’individus. Se forment alors une infinité de groupes sociaux avec des règles de vie différentes propres au groupe auquel elles s’appliquent.

Chacun a sa langue, son histoire, ses coutumes et éventuellement sa religion : les historiens s’accordent à dire que ces éléments communs d’appartenance et d’identification collective réalisent une sorte d’inconscient collectif qui se transmet de génération en génération, au fils des siècles et des événements au sein d’un même groupe.

Comme une photographie, les législations et les jurisprudences donnent donc la représentation éphémère d’une société à un instant T. Elles naissent du métissage de l’histoire, de la culture, des valeurs, des croyances, des espoirs, des peurs, des certitudes et des incertitudes d’une même population. Aussi le lien qui unit un peuple à ses lois même s’il n’est parfois pas revendiqué, est toujours réel.

Le monde n’est ni immobile, ni statique. De ce fait lorsqu’un élément forgeant une société se modifie, ses lois évoluent nécessairement. Ces changements dans l’espace et le temps ne sont pas sans effet : inévitablement, ils engendrent un mouvement perpétuel qui influence le droit. Rien n’est donc jamais acquis.

Aussi pour comprendre une société, en saisir sa substance, comprendre les aspirations communes des membres qui la composent, est-il nécessaire de connaître ses lois. Logiquement, l’essence même de la société se retrouve incontestablement dans son droit.

Le droit est une science humaine, une science de l’homme et par voie de conséquence, la science d’une population ciblée, la science de l’Autre.

C’est pourquoi, le désir de mieux comprendre le monde qui m’entoure, de mieux appréhender la société dans laquelle j’évolue, m’a attirée vers le droit.

Puis par la suite, je me suis orientée vers la profession d’Avocat.

(…)

L’avocat est l’« auxiliaire de justice dont la mission est de renseigner et de conseiller son client en matière juridique, en l’assistant en justice et en le représentant » : ce sont ces derniers aspects de cette activité qui m’ont attiré.

En premier lieu, l’Avocat a une mission d’assistance : il accompagne ses clients dans leur action, les guide et les conseille utilement. Chaque nouveau dossier est une nouvelle occasion de mettre en pratique ses connaissances.

J’ai toujours considéré et considère encore qu’apprendre et avoir la possibilité de faire des études est une chance. Pourvoir enrichir son esprit, avoir accès à de nombreux ouvrages rédigés par une multitude d’auteurs permet de mieux se connaître, de mieux connaître les autres, de mieux connaître le monde.

Mais le savoir n’est rien si on ne le partage avec personne.

L’Avocat met ses connaissances à la disposition des autres et exploite son potentiel pour les autres. A partir de ses acquis, il recherche la meilleure argumentation pour son client, l’oriente et le renseigne.

Comme chaque affaire est toujours et jamais la même, la recherche est sans cesse renouvelée et les outils de travail évoluent. L’Avocat s’investit donc pour ses clients qui viennent quérir une aide juridique.

En second lieu, l’Avocat assure une mission de représentation. Ce rôle est très intéressant car il permet à la fois d’être proche et lointain de son client.

Lorsque l’Avocat représente son client, cela implique une certaine « intimité  » : il connaît son affaire, éventuellement son caractère et partage un instant de sa vie.

Il y a incontestablement une dimension humaine dans sa fonction qui transparaît à ce moment-là : le client vient à l’Avocat avec son histoire, ses espoirs, ses doutes, parfois ses craintes face à l’appareil judiciaire.

Plus encore, il place en l’Avocat sa confiance et s’en remet à lui.

Cependant, l’Avocat ne se confond jamais avec son client car l’affaire qu’il traite, le dossier qu’il gère ne doit pas l’impliquer personnellement. Par conséquent, il demeure toujours une distance entre l’Avocat et son client.

Sans juger et avec mesure, l’Avocat va écouter, informer, accompagner son client. Il parle pour son client et de son client, il est à côté de lui et non avec lui. Comme un interprète, il traduit en langage juridique la volonté de son client et son argumentaire.

Ainsi la profession d’Avocat est une profession où il ne faut jamais rien tenir pour acquis, où il faut toujours à évoluer, où il faut sans cesse continuer à apprendre et à avancer.

Mais l’humain reste toujours au coeur de la fonction.

« La loi est comme un couteau : elle n’offense pas qui la manie ».

Emmanuel KANT 

L’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 et le formalisme du cautionnement locatif

Le 19/06/11

Le cautionnement est un contrat par lequel «celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même ».

La mise en mouvement de la caution est conditionnée à la défaillance de débiteur qu’elle garantit.

Au terme de la Loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs , le bailleur d’un logement d’habitation peut recourir à cette sûreté pour s’assurer du règlement des loyers, charges et accessoires due par son locataire.

Dans ce cadre, l’engagement de la caution peut avoir des conséquences financières sont non négligeables et demande au garant d’être attentif aux obligations qu’il souscrit.

Aussi, le législateur a entendu encadré l’acte de cautionnement par un formalisme strict.

Conditions de forme du cautionnement locatif : 

La forme et le contenu qui doivent être ceux de l’engagement de caution, sont expressément précisés au dernier alinéa de l’article 22-1 de la Loi de 1989 selon lequel :

«La personne qui se porte caution fait précéder sa signature de la reproduction manuscrite du montant du loyer et des conditions de sa révision tels qu’ils figurent au contrat de location, de la mention manuscrite exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu’elle a de la nature et de l’étendue de l’obligation qu’elle contracte et de la reproduction manuscrite de l’alinéa précédent».

Ainsi le cautionnement doit obligatoirement comporter les mentions suivantes :

– Le montant du loyer et ses conditions de sa révision,

– La reproduction de l’alinéa précédent de l’article 22-1 de la Loi concernant la résiliation de l’engagement à durée indéterminée.

Il appartient bien évidemment à celui qui s’engage d’apposer personnellement de sa main ces mentions suivies de sa signature.

La loi ne manque pas de préciser que ce formalisme utile permet d’établir de façon non équivoque la connaissance que la caution a de la nature et de l’étendue de son obligation.

De ce fait, les mentions manuscrites prescrites constituent une condition de validité du cautionnement.

Aucun élément ne permet donc d’écarter le formalisme ad validitatem imposé par le législateur.

Cependant, il convient de souligner que les dispositions de l’article 22-1 de la Loi ne concernent que les cautionnements conclus sous seings privés.

La Cour de Cassation a, en effet, relevé que les cautionnements donnés en la forme authentique, avec le concours d’un notaire, ne sont pas soumis à ces dispositions.

Cass Civ 3ème 9 juillet 2008 Pourvoi n°07-10926 

Sanction du non respect des dispositions de l’article 22-1 : 

En cas de manquement au formalisme précité, il n’existe aucune ambiguïté sur la sanction encourue car «ces formalités sont prescrites à peine de nullité du cautionnement».

Ainsi l’inobservation de l’une de ces exigences emporte la disparition rétroactive de l’engagement sans condition supplémentaire.

Dans un arrêt du 8 mars 2006, la Cour de Cassation a eu l’occasion de rappeler que les formalités édictées par l’article 22-1 de la Loi sont prescrites à peine de nullité sans qu’il soit nécessaire d’établir l’existence d’un grief.

Cass Civ 3ème 8 mars 2006 Pourvoi n° 05-11042 

Les juges de la Cour Suprême ont, par ailleurs, relevé que l’article 22-1 de la Loi n’opérait pas de distinction selon le caractère déterminé ou indéterminé de la durée du cautionnement.

Cass Civ 3ème 27 septembre 2006 Pourvoi n° 05-17804 

Or, la simple omission de reproduction des conditions de la révision du loyer emporte l’annulation de l’acte litigieux.

CA ANGERS 30 novembre 2010 n° 08/02990 

La caution qui s’engage pour une durée déterminée est de même tenue de recopier les dispositions de l’article 22-1 de La loi s’appliquant à la résiliation des cautionnements à durée indéterminée.

La Cour de Cassation confirme là encore qu’en son dernier alinéa, l’article 22-1 de la Loi n’introduit aucune distinction selon le caractère déterminé ou indéterminé de la durée du cautionnement.

Cass Civ 3ème 14 septembre 2010 Pourvoi n° 09-14001 

La vigilance du bailleur est donc de mise, sous peine que l’engagement de caution disparaisse et soit réputé ne jamais avoir existé.

Le défaut de respect des obligations légales précitées risque alors de lui faire perdre sa garantie de règlement si son locataire s’avère défaillant…

Report de l’intervention du Juge des Libertés et de la Détention en matière de rétention administrative

Le 15/06/11

Au terme de son article 44, le projet de Loi relatif à l’immigration adopté par le Sénat le 11 mai 2011 précise que «  l’étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l’autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours « .

Ainsi, non seulement la durée du placement en rétention passe de 2 à 5 jours mais l’intervention du Juge Judiciaire, garant des libertés individuelles et compétent pour autoriser la prolongation de cette mesure, est d’autant retardée.

Cependant, le Conseil Constitutionnel a jugé conforme à la Constitution ce nouveau délai d’intervention du Juge des Libertés et de la Détention dans une décision du 9 juin 2011.

Le Juge Administratif statuera donc préalablement à la saisine du Juge Judiciaire : le contrôle de la légalité est désormais prioritaire sur la protection de la liberté individuelle.

Procédure de contestation des honoraires d’avocat

Le 12/06/11

 Au terme d’un arrêt du 1er juin 2011, la Cour de Cassation a souligné que les lettres simples adressées au Bâtonnier aux fins de contestation des honoraires d’un avocat ne saisissaient pas celui-ci d’une réclamation formée selon les modalités prescrites aux articles 174 et suivants du Décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 .

Cass. Civ. 2e 1er juin 2011 Pourvoi 10-16381 

Cette décision se rapporte à la procédure permettant le règlement des litiges pouvant survenir entre le client et son conseil en matière d’honoraires.

En effet, l’article 174 du Décret précité dispose que « les contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires des avocats ne peuvent être réglées qu’en recourant à la procédure prévue aux articles suivants ».

Ainsi, l’évocation de la jurisprudence récente est l’occasion de préciser la procédure s’appliquant aux réclamations en matière d’honoraires et les formalités de ces recours.

Le cadre de la procédure : 

La rétribution des prestations de l’avocat est encadré par l’article 10 de la Loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, récemment modifié par la Loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées.

Selon ces dispositions, « Les honoraires de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.

A défaut de convention entre l’avocat et son client, l’honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci. 

Toute fixation d’honoraires, qui ne le serait qu’en fonction du résultat judiciaire, est interdite. Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d’un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu ».

Le principe est donc que les honoraires de l’ avocat sont libres et fixés en accord avec son client.

Le Conseil National des Barreaux rappelle sur son site internet que « le coût de l’intervention de votre avocat n’est pas un sujet tabou ».

Pour autant, il existe bel et bien un contentieux en matière d’honoraires qu’il fasse suite au rejet d’une demande d’aide juridictionnelle ou qu’il intervienne dans tous autres contextes.

Conformément à la jurisprudence des juges de la Cour Suprême, la définition de « client » s’applique à toute personne demandant à un avocat des conseils qu’il reçoit : en sa qualité, le client est redevable des honoraires réclamés.

Cass. Civ. 2e 26 juin 2008 Pourvoi 06-11227 

En application de l’article 2224 du Code Civil, l’action en contestation ou fixation des honoraires se prescrit par cinq ans à compter de la date à laquelle le mandat de l’avocat a pris fin.

La saisine et la décision du Bâtonnier : 

Les contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires sont soumises successivement au Bâtonnier de l’Ordre des Avocats, puis au Premier Président de la Cour d’Appel.

La première étape passe donc par la saisine du Bâtonnier du Barreau auquel l’avocat dont la rétribution est discutée, appartient.

Le formalisme de la demande retenu par l’article 175 du Décret est celui de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou remise contre récépissé.

L’arrêt précité du 1er juin 2011 précise les conditions de saisine initiant la procédure du Décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, à savoir :

– seule la demande présentée selon les modalités prescrites saisit le bâtonnier,

– seule la réponse adressée par le Bâtonnier dans ce cadre est susceptible de recours devant le Premier Président de la Cour d’Appel.

Ainsi donc le formalisme s’impose aussi bien au client qu’à l’avocat pouvant saisir son Bâtonnier de toute difficulté de règlement.

Dès lors qu’il est valablement saisi, le Bâtonnier « informe l’intéressé que, faute de décision dans le délai de quatre mois, il lui appartiendra de saisir le premier président de la cour d’appel dans le délai d’un mois ».

Le manquement à cette obligation empêche le délai de recours devant le Premier Président de courir.

Cass. Civ. 2e 9 octobre 2008 Pourvoi 06-16847 

Lorsqu’elles reçoivent une parfaite information, les parties sont convoquées et entendues dans leurs observations par le Bâtonnier lui-même ou par le rapporteur qu’il aura désigné pour le substituer.

Et à l’expiration du délai de quatre mois pouvant être prorogé par décision motivée et notifiée aux parties, le Bâtonnier statue sur le litige.

S’il s’abstient de respecter cette échéance et ne répond pas, il est admis que le demandeur puisse réitérer sa requête auprès du Bâtonnier à défaut de recours.

S’il se prononce, la décision sera notifiée sous quinze jours aux parties par courrier recommandé avec demande d’avis de réception faisant mention, à peine de nullité, du délai et des modalités du recours.

En l’absence de contestation, cette décision pourra être rendue exécutoire par ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance sur requête.

Le recours devant le Premier Président de la Cour d’Appel : 

Le Premier Président de la Cour d’Appel est amené à intervenir dans le contentieux des honoraires dans les deux cas énumérés par l’article 176 du Décret :

– soit si l’une ou l’autre partie entende contester la décision du Bâtonnier,

– soit s’il est saisi à défaut de décision rendue par le Bâtonnier à l’expiration du délai de quatre mois sauf prorogation.

Dans l’un ou l’autre des cas, le recours se fera par lettre recommandée avec demande d’avis de réception dans un délai d’un mois.

Mais contrairement à la saisine du Bâtonnier, la formalité prescrite est prévue non à titre de recevabilité mais uniquement probatoire.

Comme l’a retenu la Cour de Cassation dans un arrêt du 19 mars 2009, la lettre recommandée n’est destinée qu’à régler toute contestation éventuelle sur la date du recours.

Cass. Civ. 2e 19 mars 2009 Pourvoi 08-15838 

Il sera cependant précisé que cette jurisprudence s’appliquait au recours formé par lettre déposée au greffe de la cour d’appel et non par lettre simple.

A la suite, les parties seront une nouvelle fois convoquées huit jours à l’avance en application de l’article 177 du Décret.

Comme devant le Bâtonnier, l’oralité et le principe du contradictoire président à cette procédure spéciale. 

Cass. Civ. 2e 10 juillet 2008 Pourvoi 07-13027 

Mais, l’intervention du juge est limitée au règlement de la fixation des honoraires…

Conformément à l’article 174 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991, le Premier Président d’une Cour d’Appel n’a ainsi pas le pouvoir de se prononcer sur une éventuelle responsabilité de l’avocat à l’égard de son client résultant d’un manquement à son devoir de conseil et d’information.

Cass. Civ. 2e 6 mai 2010 Pourvoi 09-65389 

S’il l’estime nécessaire, le Premier Président peut, à tout moment, renvoyer l’affaire à la Cour aux fins qu’il soit statué collégialement sur le litige opposant les parties.

A l’issue des débats et du délibéré, l’ordonnance ou l’arrêt rendu sera notifié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Cette procédure spécifique définies par des articles 174 et suivants du Décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 s’applique à tous les litiges entre avocat et client concernant les honoraires.

Mais en toute logique, ce principe souffre une exception.

Si l’avocat en cause est le Bâtonnier de l’Ordre, il va de soi qu’il ne pourra se prononcer sur la fixation de ses propres honoraires.

Les contestations le concernant seront alors portées devant le Président du Tribunal de Grande Instance compétent selon les mêmes modalités.

Nullité des gardes à vue antérieures au 1er juin 2011

Le 06/06/11

Dans le prolongement de l’arrêt rendu le 15 avril 2011 en assemblée plénière, la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation a réaffirmé le 31 mai dernier le droit à un procès équitable au visa de l’article 6 § 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

Elle a ainsi précisé « qu’il se déduit de ce texte que toute personne, placée en garde à vue, doit, dès le début de cette mesure, être informée de son droit de se taire et, sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’espèce, pouvoir bénéficier, en l’absence de renonciation non équivoque, de l’assistance d’un avocat ».

C’est ainsi que la Chambre Criminelle a cassé les arrêts écartant l’exception de nullité des procès-verbaux établis dans le cadre de la retenue douanière puis de la garde à vue ainsi que des actes subséquents.

 Cass. Crim. 31 mai 2011 Pourvoi 11-81412 

Cass. Crim. 31 mai 2011 Pourvoi 10-88293 

Cass. Crim. 31 mai 2011 Pourvoi 10-80034 

Cass. Crim. 31 mai 2011 Pourvoi 10-88809