Incendie au Centre de Rétention de LYON – SAINT EXUPERY et conséquences

Le  31/07/11

Le recours contre une décision de maintien en rétention administrative et une mesure d’éloignement est sans doute l’un des contentieux où les difficultés pratiques sont les plus nombreuses tant pour les avocats que pour les juridictions.

Outre le chevauchement entre la compétence du Juge des Libertés et de la Détention et du Tribunal Administratif, ce domaine du Droit des Etrangers est souvent jalonné d’imprévus et de contretemps : indisponibilité des interprètes et des policiers en charge des transfert, nécessité d’un audiencement rapide ou encore relations tendues avec la Préfecture.

Il n’est donc pas toujours aisé de concilier les impératifs de célérité de la procédure d’urgence avec les moyens de la Justice.

Aussi lors de leur placement en rétention suivant immédiatement la garde-à-vue, les retenus sont bien souvent perdus devant ce contentieux de la reconduite.

On le serait à moins sauf à être un parfait habitué de ces procédures…

En pensant à tout cela, quelle meilleure illustration de cette réalité pouvais-je trouver que de vous exposer le récit de ces derniers jours ?

Mais avant toute chose, un petit rappel de l’article L 512-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile s’impose :

« En cas de décision de placement en rétention ou d’assignation à résidence en application de l’article L. 561-2, l’étranger peut demander au président du tribunal administratif l’annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification. 

(…)

Il est également statué selon la procédure prévue au présent III sur le recours dirigé contre l’obligation de quitter le territoire français par un étranger qui est l’objet en cours d’instance d’une décision de placement en rétention ou d’assignation à résidence en application de l’article L. 561-2. Le délai de soixante-douze heures pour statuer court à compter de la notification par l’administration au tribunal de la décision de placement en rétention ou d’assignation ».

Mercredi 27 juillet 2011 : 

– 11h20 :

A peine deux jours que l’une de mes consoeurs est en vacances et déjà elle est rattrapée par les dossiers du Cabinet.

Elle m’informe que Monsieur X vient d’être placé en rétention administrative à l’issue de son audition par les services de police.

Quelques semaines auparavant, ma consoeur avait formé un recours contre l’arrêté portant refus de titre de séjour assorti d’une obligation de quitter le territoire qui venait d’être notifiée à son client.

Le Tribunal Administratif de LYON a fixé l’audience de plaidoirie au 20 septembre 2011.

Mais le 26 juillet 2011, le délai d’un mois qui était imparti à Monsieur X pour organiser son départ de FRANCE, expire.

Sans attendre, il est interpellé et emmené au Centre de Rétention de LYON – SAINT EXUPERY.

– 16h10 :

La compagne de Monsieur X m’appelle, elle est inquiète car elle reste seule avec leurs deux jeunes enfants.

Un rendez-vous est fixé pour le lendemain à 11h00 afin de se préparer à l’audience du Tribunal Administratif qui doit être avancée compte tenu du placement en rétention.

Une petite précision doit ici être apportée: La légalité de l’obligation de quitter le territoire qui conditionne la rétention et la mise à exécution de la mesure d’éloignement, doit être jugée dans les 72 heures.

Cependant, le recours contre la décision de refus de titre de séjour n’obéit pas à la procédure d’urgence et reste audiencé au 20 septembre 2011.

– 18h30 :

L’avis d’audience du Tribunal Administratif de LYON et le dossier arrivent par fax au cabinet.

L’affaire est fixée au jeudi 28 juillet 2011 à 14h00.

Jeudi 28 juillet 2011 : 

– 9h30 :

Le Greffe me fait parvenir le mémoire en réponse de la Préfecture.

– 10h00 :

J’envoie au Tribunal Administratif de LYON le recours contre l’arrêté de maintien en rétention administrative dont j’ai reçu copie par l’Association FORUM REFUGIE présente au Centre de Rétention.

– 11h00 :

La famille arrive pour le rendez-vous, toujours aussi inquiète, d’autant qu’elle a raté les horaires de visite au Centre de Rétention et n’a pu rendre visite à Monsieur X.

– 11h50 :

J’arrive enfin à joindre Monsieur X sur son téléphone portable au Centre de Rétention.

– 12h30 :

J’adresse mes pièces complémentaires au greffe du Tribunal Administratif.

– 13h45 :

J’arrive au Tribunal Administratif pour voir Monsieur X avant l’audience. Comme il n’est pas encore là, j’avale mon 2ème café de la journée et toujours avec le ventre vide.

– 14h05 :

La greffière nous annonce que l’audience aura un peu de retard suite à un incident au Centre de Rétention de LYON – SAINT EXUPERY.

– 14h35 :

L’audience est annulée car un incendie s’est déclenché au Centre de Rétention. La seule information qui nous est donnée, c’est qu’aucune victime n’est à déplorer.

La famille présente dans la salle des pas perdus repart encore plus inquiète qu’à son arrivée.

– 16h00 :

J’arrive à joindre Monsieur X qui serait toujours dans la cour du Centre de Rétention et ignore encore le lieu de son transfert.

– 17h15 :

Le greffe du Tribunal Administratif de LYON m’indique que l’audience est reportée au mardi 2 août 2011 à 10h00.

Aucune information complémentaire n’est disponible sur le lieu de transfert de Monsieur X, les destinations de TOULOUSE ou NIMES sont évoquées.

Vendredi 29 juillet 2011 : 

– 7h00 :

La compagne de Monsieur X m’appelle pour m’informer qu’il serait désormais au Centre de Rétention de TOULOUSE. Même si l’information est matinale, c’est toujours une bonne nouvelle de savoir où se trouve son client.

– 11h00 :

J’appelle le Centre de Rétention de TOULOUSE pour avoir confirmation de la présence de Monsieur X.

On me précise alors que ce dernier n’a plus son téléphone portable à disposition car le mobile est équipé d’un appareil photo : Il a donc été confisqué.

On m’indique encore qu’il ne sera pas transféré à LYON pour l’audience du 2 août prochain.

– 11h10 :

Je laisse un message sur le répondeur de la CIMADE, Association présente au Centre de Rétention de TOULOUSE, pour prévenir de mon intervention et être avisée de la situation de Monsieur X.

– 13h10 :

J’appelle le greffe du Tribunal Administratif de LYON afin qu’il me soit confirmé que la juridiction lyonnaise conserve la compétence du recours contre le placement en rétention administrative.

L’audience du mardi 2 août 2011 à 10h00 est maintenue.

– 13h50 :

Je rend compte de la situation à la famille de Monsieur X qui a bien du mal à accepter cette séparation.

– 14h25 :

Les Services de la Préfecture m’informent que Monsieur X ne pourra être transféré pour l’audience du 2 août prochain et restera à TOULOUSE.

Samedi 30 juillet 2011 : 

– 9h20 :

J’envoie par fax à la CIMADE l’ensemble des éléments du dossier de Monsieur X pour que le Juge des Libertés et de la Détention ordonne son assignation à résidence.

Dimanche 31 juillet 2011 : 

– 19h00 :

Monsieur X a quitté le Centre de Rétention et a pu rejoindre sa famille. Il est rentré dans le Rhône par ses propres moyens

Saisi sur le fondement de l’article 13 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme,le Juge des Libertés et de la Détention de TOULOUSE a ordonné sa remise en liberté au vu du non-respect par le Tribunal Administratif de LYON de son obligation de statuer dans le délai de 72 heures sur le recours contre la décision de maintien en rétention et l’obligation de quitter le territoire.

Mardi 2 août 2011 : 

– 11h30 :

Le Tribunal Administratif de LYON a annulé l’obligation de quitter le territoire et la décision de maintien en rétention.

Mardi 23 août 2011 : 

Le Centre de Rétention de LYON – SAINT EXUPERY a réouvert ses portes.

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