Le temps judiciaire

Le 15/05/11

La culture populaire aime à attribuer au temps de grandes vertus imaginaires afin d’enseigner à chacun l’endurance de la vie à défaut de maîtrise des événements.

On lui donne ainsi bien naïvement les qualités de faire passer la jeunesse turbulente, de guérir toutes les blessures ou de venir à bout de tout, s’il est accompagné de patience.


En droit, le temps est inscrit dans les principes qui dirigent l’instance à tous ses stades et en marquer le début, le cours et la fin.

 

Il n’est pas question dans ce bref article de venir à bout des différentes notions procédurales présidant au procès civil ou pénal.

Ce qui importe est de préciser simplement la prise en compte de ce temps qui s’écoule par les institutions judiciaires dans la vie de l’instance.

 

« Rien ne sert de courir, il faut partir à point » Jean de Lafontaine :

Il y a un temps pour tout, en droit comme dans les autres domaines : il y a donc un temps pour l’instance et pour la saisine du juge.

 

Cette règle s’applique en matière civile comme pénale à tous les acteurs de la procédure, justiciables et avocats, magistrats du siège et du parquet.


C’est ainsi qu’à l’aube du procès civil, le droit encadre le temps de l’action par la prescription dite extinctive.

Celle-ci sanctionne le non-exercice dans le délai fixé du droit d’ester en justice par sa perte, sauf suspension ou interruption (à voir sur le nouvel article 2241 du Code Civil ).

Mais ce délai n’est pas uniforme.

 

Depuis la Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, on distingue notamment le délai de droit commun pour les actions personnelles ou mobilières qui se prescrivent par cinq ans et le délai particulier de trente ans pour les actions réelles immobilières.

 

De plus, à côté de la prescription, on trouve également les délais dits préfixes insusceptibles d’interruption ou de suspension dans un soucis de sécurité juridique.

Ces délais accordés pour l’accomplissement d’un acte sont illustrés en droit du travail par le délai de préavis et en droit des personnes par l’action en contestation par la mère de la paternité du mari (art. 318-1 du Code Civil).

 

Le procès pénal est également soumis à ce temps de l’action organisé autour de la prescription de l’action publique qui s’applique à toutes les infractions sauf les crimes contre l’humanité.

Elle concerne le délai durant lequel le parquet peut poursuivre une infraction et varie suivant la qualification légale de celle-ci : dix ans pour les crimes, trois ans pour les délits et un an pour les contraventions .

 

« La joie du juste est que justice soit faite » Charles V de France :

La Justice a un coût : elle a également un délai pour être rendue.

A l’heure où les justiciables viennent à souffrir du manque de moyens et de l’engorgement des juridictions, le temps de l’instance connaît de plus en plus de limites.

 

En procédure civile, l’idée n’est pas nouvelle car il est admis que l’instance, comme bien des choses, peut se périmer.

Tel le cas lorsque, selon l’article 386 du Code de Procédure Civile , aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.

 

C’est dire si l’instance mérite de la vigilance et doit être surveillée comme le lait sur le feu : A défaut, elle ne brûle pas mais s’éteint.

S’il n’a disparu à son tour, le droit d’agir demeure cependant.

 

On doit à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales du 4 novembre 1950 la consécration du principe de règlement des litiges dans un délai raisonnable comme le rappelle son article 6:

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».

 

A l’occasion de deux arrêts récents, la Cour de Cassation a rappelé qu’elle veille au respect de cette notion en précisant le point de départ à prendre en compte (le jour de l’audition de l’intéressé sur commission rogatoire en l’espèce) et en faisant application des critères européens de complexité de l’affaire pour apprécier le caractère raisonnable de la durée d’une procédure.

Cass. Civ 1ère. 4 novembre 2010 Pourvois n°09-69955 et n°09-69776

 

Cet impératif doit être concilié avec l’évolution de l’instance et ses éventuelles suspensions telles que le sursis à statuer .

 

Celui-ci peut alors faire interagir la procédure pénale et civile lorsque le pénal tient le civil en l’état .

L’une et l’autre des procédures sont soumises au même objectif de célérité que l’on retrouve dans la Loi Perben I n°2002-1138 du 9 septembre 2002 instituant la comparution immédiate.

 

 

« Un jugement trop prompt est souvent sans justice » Voltaire :

Le jugement naît du débat contradictoire et met fin à l’instance.

S’il dessaisit le juge, il ouvre aussi la voie de l’appel encadrée par le temps, enfermée dans des délais de forclusion de dix jours au pénal , d’un mois au civil .

 

Ce recours ainsi que la cassation ou l’opposition donnent naissance à une nouvelle instance soumises aux mêmes règles temporelles de procédure civiles et pénales ou à d’autres…

 

L’exécution du jugement est aussi placé sous la contrainte du respect de nombreux délais.

Ainsi, au terme de l’article 478 du Code de Procédure Civile , le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif qu’il est susceptible d’appel doit être notifié dans les six mois de sa date, sous peine d’être non avenu.

 

 

En droit pénal, le temps qui s’écoule, mérite l’attention de l’ensemble des acteurs du procès :

Le Procureur de la République et le Juge d’Application des Peines d’abord doivent veiller à la bonne exécution des condamnations pénales.

Leur carence peut entraîner la prescription de la peine qui varie en fonction de la nature de l’infraction.

 

Celle-ci est de vingt ans pour un crime , de cinq ans pour un délit et de trois ans pour une contravention .


Le condamné doit ensuite se soumettre à certains délais de probation qu’il soit détenu ou libre.

Dans le premier cas, s’il entend bénéficier d’une mesure de libération conditionnelle au titre d’un aménagement de sa peine, sa demande ne pourra être présentée qu’à l’expiration d’un délai d’épreuve.

Dans le second cas, il devra se dispenser de commettre un crime ou un délit pour lequel il serait condamné soit à une peine criminelle, soit à une peine d’emprisonnement dans un délai de 5 ans, s’il est soumis au sursis simple.

 

Le cas échéant, il devra respecter les différentes obligations et/ou interdictions prescrites afin de respecter les conditions du sursis avec mise à l’épreuve.

 

Dans tous les cas, la récidive légale le survolera pendant sa réinsertion.

 

 

Enfin, la partie civile doit s’inquiéter d’obtenir l’indemnisation de son préjudice en exécution du jugement de condamnation sans tarder.

Le manque de réactivité peut l’empêcher de saisir le Service d’Aide au Recouvrement des Victimes d’Infractions dans le délai d’un an courant à compter du jour où la décision est devenue définitive.

 

 

En conclusion, le temps judiciaire rappelle en somme qu’il y a un temps pour tout.


« Le temps, c’est un peu comme le vent. Le vent, on ne le voit pas : on voit les branches qu’il remue, la poussière qu’il soulève. Mais le vent lui-même, personne ne l’a vu » Jean-Claude Carrière.

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