La présomption d’innocence, garantie pénale et civile

Le 09/10/11

Depuis quelques jours, les bruissements de journaux et les échos des reportages ont porté les regards sur les institutions policières lyonnaises.

Entre information et médiatisation, c’est l’occasion de rappeler que l’exposition des personnes jetées au coeur de l’actualité judiciaire doit toujours être maniée avec prudence.

Même si « l’innocence a parfois l’apparence du crime»*, le respect du à sa présomption s’impose quelque soit les circonstances et les acteurs des événements qui sont sous le feu des médias.

Selon ce principe, seule la preuve de la commission d’une infraction et l’abolition du doute font naître la certitude de la culpabilité.

A défaut, celui dont l’innocence est sauve, bénéficiera d’un acquittement ou d’une relaxe.

Aussi, la rumeur publique et l’encre des journaux ne peuvent faire oublier que le mis en cause ne doit pas être présenté comme coupable par les autorités jusqu’à sa condamnation définitive.

Cette conséquence directe de la présomption d’innocence a été soulignée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme il y a quelques mois.

CEDH 24 mai 2011 Requête 53466/07 Konstas c/ Grèce 

Dans l’air du temps, le sujet du jour revient donc sur ce principe fondamental du Droit Pénal à valeur constitutionnelle qui constitue un droit subjectif garanti et protégé par le Code Civil.

Un principe fondamental du Droit Pénal à valeur constitutionnelle : 

On doit la première référence à la présomption d’innocence dans notre droit actuel à l’article 9 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 qui proclame :

« Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne, doit être sévèrement réprimée par la Loi ».

Cependant, ce ne sera qu’en 1981 que le Conseil Constitutionnel reconnaîtra sa valeur constitutionnelle lors du contrôle de constitutionnalité de la loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes

Conseil Constitutionnel 20 janvier 1981 n° 80-127 

Malgré ces quelques traces, il faudra attendre la loi no 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale pour que ce principe fondamental apparaisse explicitement dans le Code de Procédure Pénale au travers de ses articles 177-1 et 212-1.

Ces dispositions consacrent la présomption d’innocence au travers de sa mise en application lorsque le juge instruction ou la Chambre de l’accusation rendent une ordonnance de non-lieu à l’issue des investigations.

Il s’en suit la publication intégrale ou partielle de cette décision ou l’insertion d’un communiqué informant le public des motifs et du dispositif de celle-ci, dans un ou plusieurs journaux, écrits périodiques ou services de communication audiovisuelle désignés.

Sept ans plus tard, la Loi n°2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes intègrera finalement ce principe dans un article préliminaire (III) disposant :

« Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie. Les atteintes à sa présomption d’innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi».

Dans le même temps, celui-ci fera son apparition dans le serment prêté par les jurés des Cours d’Assises promettant de se « rappeler que l’accusé est présumé innocent et que le doute doit lui profiter » au terme de l’article 304 du même code.

Ces quelques mots rappellent que c’est la preuve de la culpabilité qui annihile l’innocence et écarte la présomption dans le même temps que le doute.

Mais il arrive que la charge de la preuve soit renversée.

Ainsi, lorsque les procès-verbaux constatent les infractions à la réglementation sur le stationnement payant des véhicules qui font foi jusqu’à preuve contraire, c’est au prévenu qu’il revient d’apporter la preuve du fonctionnement défectueux de l’appareil horodateur.

Cass. Crim. 15 février 2000 Pourvoi 99-83971 

En même temps qu’elle a entraîné une protection accrue de la présomption d’innocence, la légalisation de 2000 a amené une reconnaissance du droit à indemnisation.

La réparation des frais non payés par l’Etat et exposés par le mis en cause lorsqu’une juridiction a prononcé un non-lieu, une relaxe ou un acquittement à son encontre est donc évoquée à l’article 800-2 du Code de Procédure Pénale.

En 2011, la Loi n°2011-392 relative à la garde à vue viendra encore enrichir le dispositif en appliquant le principe aux mesures privatives de libertés « strictement limitées aux nécessités de la procédure ».

Un droit subjectif garanti et protégé par le Code Civil : 

Avant qu’elle n’apparaisse dans le Code de Procédure Pénale, le Code Civil a fait de la présomption d’innocence un droit subjectif garanti et protégé par son article 9-1.

La Loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale a ainsi affirmé que :

« Chacun a droit au respect de la présomption d’innocence.

Lorsqu’une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, aux fins de faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence, et ce aux frais de la personne, physique ou morale, responsable de cette atteinte ».

Par ailleurs, elle a complété et ajouté des dispositions aux Lois du 29 juillet 1881 sur le Droit de la Presse et du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle.

Ces modifications ont permis d’organiser les moyens de réprimer les atteintes au principe et d’indemniser ses conséquences dommageables.

Le mis en cause peut de ce fait protéger sa réputation au travers de la garantie de son droit à l’image notamment illustrée par l’article 803 du Code de Procédure Pénale précisant que :

« Nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s’il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite.

Dans ces deux hypothèses, toutes mesures utiles doivent être prises, dans les conditions compatibles avec les exigences de sécurité, pour éviter qu’une personne menottée ou entravée soit photographiée ou fasse l’objet d’un enregistrement audiovisuel ».

Mais la mise en oeuvre de cette protection est limitée à une obligation de moyens, c’est-à-dire une promesse non une réalisation.

Aussi en cas de méconnaissance de la présomption d’innocence, le mis en cause bénéficiera d’un droit à réparation pécuniaire ou en nature.

Il convient de préciser que l’indemnisation fondée sur l’article 9-1 du Code Civil est indépendante de la responsabilité délictuelle.

De ce fait, une diffamation relevant de la Loi du 29 juillet 1881 ne peut être sanctionnée sur le fondement de l’article1382 du Code Civil

Cass. Civ 1ère. 6 mai 2010 Pourvoi 09-67624 

Par ailleurs, le respect du principe doit être concilié avec le droit à l’information et la liberté de la presse.

C’est ainsi que la Cour de Cassation a eu l’occasion de préciser que l’atteinte à la présomption d’innocence consiste à présenter publiquement comme coupable, avant condamnation, une personne poursuivie pénalement.

Un article suggérant la culpabilité d’une personne mise en examen pour meurtre et ne contenant pas de conclusions définitives manifestant un préjugé tenant pour acquise la culpabilité ne constitue pas une telle atteinte.

Cass. Civ 1ère. 19 octobre 1999 Pourvoi 97-15802 

A ces garanties nationales, il faut bien sûr ajouter les conventions internationales qui proclament et protégent la présomption d’innocence.

Dans son article 11, la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 énonce ainsi que « toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public où toutes les garanties nécessaires à la défense lui auront été assurées ».

Plus tard, la Cour Européenne des Droits de l’Homme en a déduit que la personne poursuivie n’a pas à collaborer à la recherche de la vérité, qu’elle peut donc se taire et ne pas contribuer à sa propre incrimination.

CEDH 25 février 1933 Requête no10588/83 Funke c/ France 

Il en découlera le droit au silence applicable à la mesure de garde à vue et lors de l’interrogatoire de première comparution devant le Juge d’Instruction.

*Louis VIGEE

Le coût de la Justice

Le 02/10/11 (modifié le 18/03/2014)

Du 1er octobre 2011 au 31 décembre 2013, tout demandeur introduisant une instance en matière civile, commerciale, prud’homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire ou administrative était tenu au règlement d’une contribution de 35 euros.

Cette tarification fixe traduisait – s’il en était besoin- le manque indiscutable de moyens de la Justice en général et de l’aide juridique en particulier.

Depuis plusieurs années, le gouvernement cherche désespérément de nouvelles sources de financement autres que la solidarité nationale.

J’avais déjà évoqué dans ces pages la Loi n°2010-1657 du 29 décembre 2010 au travers du Décret n°2011-272 du 15 mars 2011 portant diverses dispositions en matière d’aide juridictionnelle et d’aide à l’intervention de l’avocat qui avait susciter le débat.

Le 29 juillet 2011, l’article 54 de la Loi de finances rectificative pour 2011 avait crée cette contribution : le décret n° 2011-1202 du 28 septembre 2011 relatif au droit affecté au fonds d’indemnisation de la profession d’avoué près les cours d’appel et à la contribution pour l’aide juridique en avait précisé les conditions d’exigibilité et d’application.

Cette réforme malmenait une fois encore l’effectivité du principe d’accès au droit pris en étau entre équité et pérennité.

La seule question qui se pose désormais pour les justiciables, est celle du coût de la Justice et de « l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction d’origine, de race ou de religion ».

Une contribution pour l’aide juridique : 

Il y a quatre ans, le rapport d’information établi au nom de la commission des finances par Monsieur Roland du LUART, sénateur de la Sarthe, mettait en évidence l’essoufflement du système de l’aide juridictionnelle.

Il soulignait le nombre croissant de ses bénéficiaires depuis sa création par la Loi n°91-647 du 10 juillet 1991 portant les admissions prononcées entre 1991 et 2006, de 348 587 à 904 532.

Malheureusement, les crises économiques contemporaines n’ont pas enraillés cette progression…

L’article 1635 bis Q du Code Général des Impôts instaure donc une contribution pour l’aide juridique de 35,00 euros aux fins de financement d’un système dont l’implosion était annoncée.

Mais cette taxe exigible à compter du 1er octobre 2011 ne s’adressait pas à tous les justiciables : seuls les demandeurs qui ont engagé une instance doivent s’en acquitter.

De plus, il existait trois types d’exception à son règlement, l’une tenant à la qualité des personnes demanderesses, l’autre à la juridiction saisie, la dernière à la nature des procédures initiées :

– La première catégorie dispensait de tout règlement l’État et les personnes bénéficiaires de l’aide juridictionnelle (au contraire des droits de plaidoirie ).

– La deuxième catégorie écartait l’exigibilité de la redevance eu égard à la juridiction saisie en excluant les instances engagées devant :

– la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infraction,

– le Juge des Enfants,

– le Juge des Libertés et de la Détention,

– le Juge des Tutelles.

– La troisième catégorie exonèrait le versement de cette taxe pour certains contentieux limitativement énumérés, à savoir :

– le traitement des situations de surendettement des particuliers et les procédures de redressement et de liquidation judiciaires,

– les recours introduits devant une juridiction administrative à l’encontre de toute décision individuelle relative à l’entrée, au séjour et à l’éloignement d’un étranger sur le territoire français ainsi qu’au droit d’asile ,

– le référé liberté devant une juridiction administrative,

– les procédures d’ordonnance de protection devant le Juge aux Affaires Familiales,

– les procédures d’omission et de radiation des listes électorales.

En dehors de ces cas, la contribution de 35 euros désormais disparue était due pour toutes les instances civiles, commerciales, prud’homales, sociales, rurales et administratives, en première instance comme en appel ou en cassation.

Toutefois lorsqu’une même instance donnait lieu à plusieurs procédures successives devant la même juridiction, elle n’était versée qu’au titre de la première des procédures intentées.

Pour s’assurer de l’acquittement de cette contribution, le Législateur avait même prévu une sanction impitoyable à l’origine d’une importante polémique.

L’article 62 du Code de Procédure Civile disposait ainsi :

« A peine d’irrecevabilité, les demandes initiales sont assujetties au paiement de la contribution pour l’aide juridique prévue par l’article 1635 bis Q du code général des impôts ».

L’article R 411-2 du Code de Justice Administrative précisait encore :

« Lorsque la contribution pour l’aide juridique prévue à l’article 1635 bis Q du code général des impôts est due et n’a pas été acquittée, la requête est irrecevable ».

Cependant, seul le juge pouvait relever cette irrecevabilité qui ne donnait pas nécessairement lieu à débat.

Le cas échéant, il invitait le demandeur à présenter ses observations écrites avant de statuer mais pouvait également rapporter sa décision en cas d’erreur et à la condition d’être saisie d’une requête dans un délai de 15 jours à compter de la notification.

On notera qu’en tout état de cause, les défendeurs ou intervenants à l’instance étaient purement et simplement écartés du processus décisionnel.

Peu importe les circonstances de l’espèce, le règlement de la contribution pour l’aide juridique prévalait sur le principe du contradictoire.

Cette fin de non-recevoir se distinguait donc parfaitement de l’absence de qualité et du défaut d’intérêt à agir dans un intérêt pécuniaire d’une bonne Justice.

 Sous l’égide du garde des sceaux, Christiane Taubira, la contribution a disparu : elle n’est plus due pour les instances engagées après le 1er janvier 2014.

L’existence des autres frais : 

Si la contribution pour l’aide juridique entrée en vigueur n’est plus d’actualité, elle ne constitue pas pour autant la seule participation due par les justiciables.

Il existe, encore, bien d’autres taxes, droits de procédure et frais d’enrôlement s’appliquant devant certaines juridictions.

Il convient de distinguer selon la nature du contentieux pour déterminer le coût de ces différentes contributions qui participent au financement de la Justice et de ses auxiliaires.

– En ce qui concerne les juridictions civiles et administratives, le principe qui s’applique aux actes de justice est celui de l’absence de droits.

L’article 1089 B du Code Général des Impôts dispose ainsi que « les actes des secrétariats des juridictions judiciaires et administratives ne sont pas soumis au droit d’enregistrement, ni à toute autre taxe».

Mais si la saisine est libre de taxes, les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire peuvent donner lieu à des droits proportionnels ou progressifs, notamment devant le Tribunal de Grande Instance.

Il s’agit cependant d’une exception au sens de l’article 1089 A du Code Général des Impôts.

– Devant les juridictions pénales, l’opportunité des poursuites dévolue au Procureur de la République s’oppose aux droits d’enregistrement.

Seules les décisions répressives peuvent donc être créatrices de taxes prenant la forme d’un droit de procédure dû par chaque condamné, sauf pour les jugements sur intérêts civils.

Selon l’article 1018 A du Code Général des Impôt, ce droit fixe varie selon la décision rendue, à savoir :

– 22 euros pour les ordonnances pénales en matière contraventionnelle ou correctionnelle et les décisions des tribunaux de police et des juridictions de proximité,

– 90 euros pour les décisions des tribunaux correctionnels,

– 120 euros pour les décisions des Cours d’Appel statuant en matière correctionnelle et de police,

– 375 euros pour les décisions des Cours d’Assises.

Ainsi la qualification pénales des faits poursuivis qui détermine la juridiction compétente, aura nécessairement une incidence sur le montent du droit à régler en cas de condamnation.

– A l’inverse, les juridictions commerciales ne taxent pas les jugements qu’elles prononcent, ni les ordonnances qu’elles rendent.

Mais le fonctionnement spécifique des Tribunaux de Commerce donne lieu au règlement de droits d’enregistrement quelque soit le mode de saisine des juridictions.

L’équité impose cependant que les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle soient dispensés de ces frais.

Pour les autres justiciables, les procédures déterminent les coût de l’enrôlement des actes introductifs d’instance oscillant de 83,48 euros pour une assignation au fond, à 49,89 euros pour assignation référé et 38,86 euros pour une injonction de payer.

Il sera précisé que le redressement et de la liquidation Judiciaire répondent à un tarif spécifique de 91,26 euros.

Ce système dérive de la délégation du service public de la justice confiés aux greffiers des tribunaux.

Ces officiers publics et ministériels sont des professionnels libéraux nommés par le garde des sceaux et encadrés par un statut défini au Code de Commerce.

A l’issue de ce balayage, les différentes taxes, droits de procédure et frais d’enrôlement évoqués semblent ne pas faciliter l’accès à la Justice et au contrôle du juge. 

Regard sur la loi du 10 août 2011 : la réforme de la justice des mineurs (Deuxième Partie)

Le 25/09/11

La présentation de La loi n°2011-939 du 10 août 2011 se poursuit sous la plume de Clémentine GIBOUDEAU .

Après l’accroissement de la participation des citoyens à la justice, la deuxième partie de cet article vous propose de se pencher sur la réforme de la justice des mineurs. 

II- La réforme de la justice pénale des mineurs : vers une déspécialisation ? 

A- Un objectif de répression : 

Alors même qu’une réforme d’ensemble est à l’étude depuis plusieurs années, l’Ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante se trouve modifiée en profondeur par l’introduction de diverses dispositions qui ébranlent les principes fondamentaux de la justice pénale des mineurs.

Les plus généraux d’entre eux sont le principe de l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs et la recherche de leur relèvement éducatif et moral.

Ces principes, qui fondent l’existence même de la spécificité de la justice des mineurs, ont été élevés au rang des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République par le Conseil Constitutionnel le 29 août 2002.

Or, la principale innovation mise en place par la loi du 10 août 2011 est la création d’un Tribunal Correctionnel pour mineurs (TCM), formation spécialisée du Tribunal Correctionnel composé d’un juge des enfants et de deux autres magistrats.

Le TCM est compétent sous les conditions cumulatives suivantes :

– pour les mineurs âgés de plus de 16 ans, ainsi que leurs co-auteurs et complices majeurs

– pour les délits punis d’une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à 3 ans

– commis en état de récidive légale

Cette nouvelle juridiction vient bouleverser les fondements de la justice pénale des mineurs, notamment sur deux points :

 la dérogation à la majorité pénale :

La Convention internationale des droits de l’enfant de 1989, ratifiée par la France, prévoit pourtant que les enfants doivent bénéficier d’une justice spécifique jusqu’à 18 ans.

– une atteinte à la spécialisation des juridictions et des magistrats :

L’Ordonnance du 2 février 1945 prévoit cependant que les juridictions de droit commun ne sont pas compétentes, les mineurs ne pouvant être jugés que devant des tribunaux pour enfants ou des cours d’assises des mineurs.

La composition de ce Tribunal correctionnel pour mineurs ne semble pas garantir cette spécialisation car un seul juge des enfants siège aux côtés de deux magistrats non spécialisés.

Cela est d’autant plus vrai pour les délits relevant du Tribunal Correctionnel dans sa formation citoyenne, pour lesquels deux citoyens-assesseurs siègeront au côté de ces magistrats…

On peut alors craindre une déspécialisation de la justice des mineurs, glissant progressivement et dangereusement vers celle des majeurs.

Pour autant, le Conseil Constitutionnel, malgré des décisions précédentes contraires, a validé ces dispositions, sous réserve que la phase d’instruction par le juge des enfants soit préservée.

B- La question de la personnalisation de la peine du mineur renforcée : 

Dans la lignée de la Loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs et la Loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (1), cette réforme affirme un objectif de répression.

Sous couvert d’une politique de prévention de la récidive, la création du Tribunal Correctionnel pour Mineurs traduit, on l’aura compris, une volonté de répression accrue de la délinquance juvénile.

On précisera d’ailleurs que le Conseil Constitutionnel a validé la possibilité de recourir à la « présentation immédiate » devant le Tribunal Pour Enfants, procédure fortement comparable à la comparution immédiate des majeurs.

Ce mode de saisine remet évidemment en cause la phase préparatoire au jugement, pourtant fondamental dans la justice des mineurs, pour laquelle la primauté de l’éducatif est la règle.

Saluons toutefois la censure de l’assignation à résidence avec surveillance électronique des mineurs de 13 à 16 ans, jugée, à raison, trop sévère en tant qu’alternative au contrôle judiciaire.

Mais le principe de la personnalisation de la peine reste bien présent puisque certaines dispositions permettent d’apporter une meilleure connaissance du mineur, de son histoire et de sa personnalité.

Cette découverte passe d’abord par la mise en place d’un dossier unique des délinquants mineurs.

Celui-ci regroupera des informations concernant leur personnalité, leur situation sociale et familiale.

Placé sous le contrôle du procureur de la République et du juge des enfants, son accès par les parties restera relativement ouvert.

Bien que certaines questions se posent en termes de divulgations d’informations parfois sensibles et confidentielles, ce dossier permettra d’avoir une vision d’ensemble du mineur et de son parcours.

Ensuite, le législateur s’est orienté vers une implication renforcée des parents dans la procédure pénale.

Les représentants légaux seront en effet informés des principales décisions concernant les mineurs.

Parallèlement, s’ils ne répondent pas aux convocations, ils pourront être contraints par la force publique à comparaître aux audiences dans l’intérêt de l’enfant.

La loi du 10 août 2011 a donc emprunté le chemin de la sanction et de la responsabilisation des mineurs délinquants et de leurs parents.

Les deux volets de cette loi qui viennent d’être exposés, suscitent de multiples interrogations quant à leur mise en oeuvre.

Malgré les prévisions de l’étude d’impact réalisée par le gouvernement, cette double réforme semble difficilement applicable tant du point de vue financier que pratique.

Les raisons en sont les suivantes :

– le projet de participation des citoyens est évalué à 20 millions d’euro alors que la justice dispose déjà de moyens financiers et humains très limités ;

– la formation, d’ailleurs très légère, qui sera dispensée à ces futurs citoyens-assesseurs implique de facto que du personnel de justice offre de son temps ;

– les audiences du TCFC vont s’en trouver considérablement allongées, les citoyens-assesseurs étant totalement étrangers aux notions juridiques et au fonctionnement de la justice. Cette réforme se proposait pourtant d’accélérer le rythme de la justice pénale ;

– de même concernant la comparution des mineurs pour laquelle le mot d’ordre devient la rapidité, qui implique nécessairement plus de magistrats et de personnels spécialisés.

Il faut préciser qu’une fois encore les acteurs de la justice ont été laissés de côté dans l’élaboration du projet législatif.

Les magistrats, avocats et organisations de protection de l’enfance, notamment l’Unicef, ont pourtant réclamé la mise en place d’une concertation générale avant de modifier pour la 35e fois l’ordonnance du 2 février 1945.

Au final et au-delà des difficultés d’application, on constate que cette loi est l’illustration d’une stigmatisation de la délinquance juvénile par le biais d’une surmédiatisation.

Les statistiques affichent pourtant un taux de réponse pénale plus élevé pour les mineurs que pour les majeurs de même qu’une augmentation de la délinquance des mineurs proportionnellement moins conséquente que celle des majeurs.

Par ailleurs, la plus grande participation des citoyens au procès pénal n’apportera pas nécessairement aux justiciables la confiance en la justice tant réclamée.

Ce serait oublier que la légitimité d’une décision de justice ne dépend pas de la composition de la juridiction mais de la compétence, de l’indépendance et de l’impartialité des juges.

L’avancée ne peut passer que par la transparence, l’accessibilité, la fluidité et la cohérence du service public de la justice … et par des moyens financiers et humains.

Regard sur la loi du 10 août 2011 : l’accroissement de la participation des citoyens à la justice (Première Partie)

Le 18/09/11

C’est un autre regard sur le Droit que je vous propose de découvrir aujourd’hui au travers d’une présentation de La loi n°2011-939 du 10 août 2011 en deux parties consacrées :

– l’une à l’accroissement de la participation des citoyens à la justice,

– l’autre à la réforme de la justice des mineurs.

Je cède donc ma place de rédacteur à Clémentine GIBOUDEAU qui nous a accompagné durant ses quelques semaines de stage au cours desquelles elle a démontré des qualités qui caractérisent un juriste avisé et feront d’elle un avocat éclairé.

Le 13 avril dernier, le garde des sceaux, Michel Mercier, a présenté en conseil des ministres un projet de loi portant sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et au jugement des mineurs.

Ce texte visait deux objectifs :

– rapprocher les citoyens de la justice en élargissant leur champ de participation au jugement des délits en correctionnel, répondant ainsi au voeu du Président de la République,

 améliorer l’efficacité de la procédure de jugement des mineurs, en permettant des réponses pénales plus rapides et mieux adaptées à leur personnalité.

Dès la présentation de ce projet, de nombreuses contestations se sont élevées face aux modifications envisagées, tant de la part de l’opposition que du Conseil National des Barreaux, et des syndicats de la Magistrature.

Mais si le contenu du texte faisait débat, le choix de la procédure d’adoption était tout aussi critiquable.

Afin que la loi soit rapidement votée, le Gouvernement a décidé d’engager la procédure accélérée d’adoption de la loi.

Par le recours à l’article 45 de la Constitution, le projet n’a donc été soumis qu’à une seule lecture par chacune des assemblées du Parlement.

Le gouvernement a ainsi voulu légiférer dans l’urgence par le biais d’une loi démagogique, préférant un travail parlementaire « au rabais » plutôt que la naissance d’une véritable discussion sur la justice pénale.

A la suite du vote, le Conseil Constitutionnel s’est penché sur la conformité à la Constitution de cette réforme législative.

Les Sages se sont notamment prononcés sur l’indépendance du Juge des Enfants dans leur arrêt du 4 août 2011.

C’est ainsi que la Loi n°2011-939 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs a été promulguée le 10 août 2011.

Le Code de Procédure Pénale, le Code de l’Organisation Judiciaire et l’Ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante se trouvent désormais modifiés sur plusieurs points.

I- L’accroissement de la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale : 

A- La participation limitée et encadrée des citoyens : 

L’idée de rapprocher les citoyens de la justice n’est pas récente.

Il existe déjà des juridictions échevinales en matière civile et pénale telles que le conseil de prud’hommes ou la cour d’assise.

La loi nouvelle affiche pour objectif d’élargir le champ de participation des citoyens en créant une nouvelle formation au sein du Tribunal Correctionnel : le Tribunal Correctionnel dans sa formation citoyenne (TCFC).

Celui-ci sera composé de deux citoyens-assesseurs siégeant au côté de trois magistrats professionnels et compétent pour juger certains délits dits sensibles « portant une atteinte grave à la cohésion sociale » :

– les atteintes volontaires et involontaires à la personne humaine ainsi que les destructions, dégradations et détériorations dangereuses, passibles d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à 5 ans,

– les vols avec violence.

La composition mixte de cette juridiction a soulevé un problème de compétence notamment à l’origine de la saisine du Conseil Constitutionnel.

En effet, les normes constitutionnelles garantissent le droit à un tribunal indépendant, impartial et répondant à des exigences de capacité.

Or, le jugement des délits fait appel à des notions juridiques et extra-juridiques complexes : la gravité, l’intention, la récidive, le préjudice pour ne citer qu’elles.

La question s’est posée de savoir si des citoyens « novices » pouvaient présenter les qualités et la capacité nécessaires pour siéger dans une juridiction de jugement pénale.

Selon le Conseil Constitutionnel, la Constitution ne s’oppose pas à ce qu’une juridiction pénale, au sein de laquelle siègent des juges non professionnels, prononce des peines privatives de liberté.

Des réserves ont cependant été émises sur ces « juges justiciables », dont la proportion doit rester minoritaire et qui doivent présenter certaines garanties.

La loi n’impose pas de compétences juridiques ou d’expérience particulière, cependant les citoyens-assesseurs devront être « à même de se prononcer de façon éclairée sur les matières soumises à leur appréciation ».

Par voie de conséquence, les Sages ont censuré les dispositions relatives à la participation des citoyens concernant :

– les infractions au Code de l’environnement ;

– les délits contre la nation, l’Etat et la paix publique.

Ces derniers ont été jugés « d’une nature telle que leur examen nécessite des compétences juridiques spéciales qui font obstacle à ce que des personnes tirées au sort y participent ».

Pour autant, la technicité ne semble pas moins présente pour les infractions d’homicides ou de blessures involontaires que pour le délit d’usurpation d’identité !

La question de la compétence demeure en matière d’application des peines requérant, me semble-t-il, d’autant plus de compétences techniques.

B- Le rôle des citoyens : 

Ces citoyens-assesseurs seront sélectionnés parmi les personnes inscrites sur la liste annuelle du jury d’assises établie après tirage au sort sur les listes électorales.

Un tri sera donc réalisé en fonction de certains critères notamment l’impartialité, l’aptitude, la moralité ou la probité.

On peut d’ailleurs s’interroger sur les modalités relativement subjectives de cette sélection qui risque d’être peu représentative de la mixité sociale…

Ainsi désignés, les citoyens-assesseurs du Tribunal Correctionnel et de la chambre des appels correctionnels pourront poser des questions aux parties et participer au délibéré.

Pour autant, ils n’interviendront dans les décisions du tribunal que sur la qualification des faits, la culpabilité du prévenu et la peine.

Toutes les autres questions relèveront exclusivement de la compétence des magistrats, satisfaisant ainsi à l’exigence constitutionnelle de capacité.

De la même façon, la Loi du 10 août 2011 prévoit la participation de citoyens-assesseurs au sein du Tribunal de l’application des peines et de la chambre de l’application des peines de la Cour d’Appel.

Comme en matière de jugement, des limitations ont également été posées en matière d’application des peines.

L’intervention des citoyens-assesseurs concernera les décisions relatives aux aménagements de peine tels que la fin de la libération conditionnelle ou le régime de la semi-liberté.

Le Conseil Constitutionnel a, là-encore, émis une réserve d’interprétation concernant cette participation : il a précisé que les citoyens ne pourraient se prononcer sur des questions techniques telles que l’examen des conditions de recevabilité ou des incidents de procédure.

Par ailleurs, si la loi du 10 août 2011 a permis aux citoyens d’entrer dans la composition de certaines juridictions, elle a aussi modifié la procédure devant des juridictions dans lesquels ils étaient déjà présents.

Paradoxalement à ce qui précède, la réforme législative a également eu pour but de simplifier la procédure devant la cour d’assises, notamment en diminuant la participation des jurés.

En effet, les jurés au nombre de 9 sont limités à 6 en première instance et passent de 12 à 9 en appel : les règles de la majorité qualifiée s’en trouvent donc modifiées.

Elles sont cependant compensées selon les Sages du Conseil Constitutionnel par l’obligation de motiver les verdicts d’assises, nouvellement imposée par cette même loi.

Avant d’aborder le second volet de la Loi, il est important de préciser que la portée des dispositions relatives à la création du TCFC doit être relativisée.

En effet, le législateur entend recourir à l’expérimentation et a choisi les Cours d’Appel de Dijon et de Toulouse pour mettre en oeuvre ces nouvelles dispositions dès le 1er janvier 2012.

Cette expérimentation, fortement critiquable en ce qu’elle méconnaît le principe d’égalité devant la loi dans un domaine où les libertés fondamentales sont en jeu, pourra être étendue à une dizaine de Cours d’appel avant d’être généralisée à partir du 1er janvier 2014.

A SUIVRE…

L’origine des Lois : le Décret du 27 avril 1848 relatif à l’abolition de l’esclavage

Le 11/09/11

Cette rentrée marque la poursuite de la série de billets mêlant l’histoire et le droit en replaçant dans son contexte une importante évolution juridique et sociale.

Ce quatrième volet de l’origine des lois sera consacré au décret en date du 27 avril 1848 relatif à l’abolition de l’esclavage dans les colonies et les possessions françaises.

A l’origine de cette avancée, il y a d’abord un faux départ initié dans une période de doutes et d’hésitations où le peuple de France cherchait encore comment devenir le peuple français.

En effet, si la Convention a proclamé la liberté universelle le 15 pluviôse an II (4 février 1794), Bonaparte avant d’être Napoléon a rétabli l’esclavage le 27 floréal an X (17 mai 1802).

Quarante ans seront encore nécessaires pour que les républicains dépassent les intérêts commerciaux et proclament que « l’esclavage est un attentat contre la dignité humaine».

Au début de l’année 1848, Paris hume les senteurs précoces de la révolution qui lui monte bientôt à la tête à l’aube du printemps des peuples.

La France est alors gouvernée par Louis-Philippe 1er succédant à Charles X en 1830.

Le roi s’est installé dans une monarchie de juillet bien éloignée de la royauté d’ancien régime et en attente d’une nouvelle République.

18 ans après son accession au trône, il fait des choix peu judicieux malgré sa bienveillance : il souffre alors de l’impopularité du Président du Conseil, François Guizot, fervent conservateur et opposant au suffrage universel.

A ceux qui espèrent le changement en pleine crise économique, ce dernier répond par la célèbre citation « Enrichissez vous par le travail et par l’épargne ».

C’est ainsi que l’impatience gagnant, l’évolution devient révolution dans l’esprit des républicains qui se réunissent en banquets pour contourner la loi interdisant les rassemblements publics.

L’étincelle qui mettra le feu aux poudres viendra de l’interdiction par le roi du banquet de clôture repoussé du 14 janvier au 22 février 1948.

La IIème République sera proclamée le 24 février 1948 après l’abdication de Louis-Philippe 1er.

Dans la confusions et l’euphorie, des élections sont organisées les 23 et 24 avril 1848 pour élire l’assemblée nationale constituante afin d’encadrer ce nouveau régime.

Le 4 mars 1848, Victor Schoelcher est nommé Président de la Commission d’abolition de l’esclavage chargée de préparer l’émancipation par le gouvernement provisoire.

Sous son impulsion, le décret relatif à l’abolition de l’esclavage dans les colonies et les possessions françaises sera voté le 27 avril 1848.

Ainsi pour abolir définitivement l’asservissement de l’homme par l’homme, les français devaient avant tout renoncer à la monarchie.

Il reste à préciser cependant que ce réveil de conscience s’inscrit dans une évolution européenne amorcée au Danemark en 1792.

Ce n’est que le 18 décembre 1865 que les États-Unis suivront ce mouvement de libération en faveur des esclaves après ratification par la majorité des états.

Le commandement de payer, préalable à la mise en oeuvre de la clause résolutoire dans les baux d’habitation

Le 04/09/11

A plusieurs reprises, la Loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs a été évoquée dans les pages de ce blog au titre du formalisme contractuel qu’elle impose ou des procédures de règlement des litiges qu’elle met en oeuvre.

Cette législation régit en effet le contrat de location des logements d’habitation, de sa conclusion à la fin de l’engagement des parties.

Si à l’échéance du terme le bail peut être renouvelé ou reconduit, il peut également être résilié pendant toute sa durée.

En dehors de la délivrance d’un congé, le contrat peut notamment stipuler une clause prévoyant la résiliation du bail en cas de manquement ou d’inexécution d’une obligation contractuelle par l’une ou l’autre des parties.

Cette clause dite résolutoire met fin au contrat de plein droit et limite les pouvoirs du juge dans sa mise en oeuvre et ses effets.

Aussi en cas de loyers et charges impayés, la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 a-t-elle encadrée l’application de cette clause à terme par la signification d’un commandement de payer.

Le commandement de payer, premier acte d’exécution : 

Le commandement de payer est un acte d’huissier par lequel une personne se voit ordonner d’exécuter une obligation sous peine d’exécution forcée.

Bien que la stipulation d’une clause résolutoire dans un contrat de bail relève exclusivement de la commune intention des parties, le législateur a soumis son usage à la délivrance d’un tel acte préalablement à la rupture contractuelle.

L’article 24 alinéa 1er de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 dispose ainsi :

« Toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux ».

Dans ses démarches de résiliation, le bailleur est donc accompagné par un huissier de Justice dont l’intervention garantit la régularité de la procédure.

Le commandement de payer est soumis à un certain formalisme permettant de concilier la parfaite information du preneur sur les éléments de la créance et le respect de ses droits.

Il est utile de préciser que si le commandement de payer est un acte d’exécution, il est aussi un acte de mise en oeuvre du droit au logement . 

En effet, dans son alinéa 2 l’article 24 de la Loi tendant à améliorer les rapports locatifs précise encore :

« A peine d’irrecevabilité de la demande, l’assignation aux fins de constat de la résiliation est notifiée à la diligence de l’huissier de justice au représentant de l’Etat dans le département, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, au moins deux mois avant l’audience, afin qu’il saisisse, en tant que de besoin, les organismes dont relèvent les aides au logement, le Fonds de solidarité pour le logement ou les services sociaux compétents. Le ou les services ou organismes saisis réalisent une enquête financière et sociale au cours de laquelle le locataire et le bailleur sont mis en mesure de présenter leurs observations ; le cas échéant, les observations écrites des intéressés sont jointes à l’enquête ».

Le délai de régularisation de 2 mois : 

Comme l’article le précise dans son titre, le commandement de payer est un préalable à la mise en oeuvre de la clause résolutoire du bail d’habitation.

C’est ainsi que le bénéfice de la clause stipulée au contrat ne produira d’effet que deux mois après la délivrance du commandement de payer à condition qu’il soit demeuré infructueux.

Le preneur dispose donc d’un délai afin de régulariser sa situation auprès de son bailleur et d’obtenir, le cas échéant, la mise en place d’un échéancier pour apurer sa dette locative.

Dans le cas contraire, la procédure de résiliation stipulée dans la clause pourra aboutir.

Cependant, la Cour d’Appel de PARIS a eu l’occasion de préciser que la clause résolutoire ne pouvait être mise en oeuvre pour un défaut de paiement des frais de recouvrement alors même que ceux-ci sont contractuellement à la charge du preneur.

De même, elle ne saurait être déclarée acquise pour non paiement des termes échus postérieurement au commandement:

Cour d’Appel de PARIS 1er juillet 1997 – 6ème chambre – RG : 96/82971 

La même juridiction a, de plus, affirmé dans un arrêt du 19 décembre 2001 que les frais de commandement de payer et la clause pénale ne constituaient pas des accessoires du loyer dont le défaut de paiement était susceptible d’entraîner le jeu de la clause résolutoire.

Cour d’Appel de PARIS 19 décembre 2001 – 14ème chambre – RG : 2001/11264 

En conséquence, si le preneur procède au règlement des sommes dues au titre des arriérés de loyers et charges arrêtés à la date de la délivrance avant l’expiration du délai imparti, le commandement de payer ne sera donc pas demeuré infructueux.

Si à l’inverse, le preneur n’a pas fait suite au commandement ou n’a pas été en mesure de régulariser sa situation, il conservera la possibilité de solliciter des délais de paiement devant le Juge saisi aux fins de constater de la résiliation.

Très récemment, la Cour de Cassation a rappelé qu’aucun délai, aux termes de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, n’était imposé au preneur pour saisir le juge d’une demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire.

Cass. Civ.3ème 16 février 2011 Pourvoi n°10-14945 

L’impartialité du Juge des enfants, magistrat instructeur et président de la juridiction de jugement

Le 28/08/11

Depuis plusieurs années, la délinquance des mineurs fait l’objet d’un débat récurrent sur son traitement judiciaire prévu par l’ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.

Terrain médiatique, elle est souvent évoquée pour mettre en lumière des faits divers marquants caractérisés par la violence, l’action en réunion ou en récidive.

Face à son visage actuel, juvénile et menaçant, les justiciables estiment – à tort ou à raison – que la réponse pénale aux infractions commises est insuffisante.

En avril dernier, le Gouvernement a engagé dans ce contexte une procédure accélérée destinée à l’adoption d’un projet de loi portant notamment sur le jugement des mineurs.

La réforme tend à l’instauration d’un Tribunal Correctionnel pour mineurs afin de juger les auteurs de plus de 16 ans poursuivis pour des délits commis en récidive.

Comme le Tribunal Pour Enfants, un juge des enfants siégera nécessairement au sein de cette nouvelle formation collégiale de jugement.

Pourtant, la place de ce dernier dans l’une et l’autre de ces juridictions au travers de son impartialité a été récemment remise en cause par le Conseil Constitutionnel.

Le juge des enfants dispose de plusieurs prérogatives lorsqu’il est saisi à l’initiative du Procureur de la République des faits commis par un mineur réprimés pénalement: il peut mettre en examen, instruire et juger l’affaire.

Sa double casquette de magistrat instructeur et de juge du fond est à l’origine de la censure du Conseil Constitutionnel dans deux décisions successives du 8 juillet et du 4 août 2011 :

– La première décision fait suite à la saisine de la Haute Juridiction le 4 mai 2011 par la Cour de Cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité (encore elle ) sur la conformité des articles L 251-3 et L 251-4 du Code de l’Organisation Judiciaire à la Constitution.

En effet, l’article L 251-3 dudit code prévoyait que « le tribunal pour enfants est composé d’un juge des enfants, président, et de plusieurs assesseurs » sans exclure le juge des enfants qui avait instruit l’affaire de présider à l’audience de jugement.

Le Conseil Constitutionnel a relevé que ces dispositions portaient atteinte au principe d’impartialité des juridictions :

« 11. Considérant que le principe d’impartialité des juridictions ne s’oppose pas à ce que le juge des enfants qui a instruit la procédure puisse, à l’issue de cette instruction, prononcer des mesures d’assistance, de surveillance ou d’éducation ; que, toutefois, en permettant au juge des enfants qui a été chargé d’accomplir les diligences utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et qui a renvoyé le mineur devant le tribunal pour enfants de présider cette juridiction de jugement habilitée à prononcer des peines, les dispositions contestées portent au principe d’impartialité des juridictions une atteinte contraire à la Constitution ; que, par suite, l’article L. 251-3 du code de l’organisation judiciaire est contraire à la Constitution ».

Décision n° 2011-147 QPC du 08 juillet 2011 

Afin de permettre au législateur de se mettre en conformité sans nuire au bon fonctionnement de la Justice, il a reporté au 1er janvier 2013 la date de l’abrogation du texte jugé inconstitutionnel.

La question prioritaire de constitutionnalité sera donc à l’origine d’une nouvelle modification législative à la suite des Lois du 14 avril 2011 relative à la garde à vue et du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.

– La seconde décision s’inscrit dans un contrôle de constitutionnalité par voie d’action, soit antérieur à la promulgation d’une loi nouvellement votée, sur saisine de plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs.

Elle concerne la loi évoquée ci-dessus sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs qui crée le Tribunal Correctionnel pour mineurs.

Le Projet de loi adopté le 6 juillet 2011 par l’Assemblée Nationale prévoyait dans son article 24-1 :

« Les mineurs âgés de plus de seize ans sont jugés par le tribunal correctionnel pour mineurs lorsqu’ils sont poursuivis pour un ou plusieurs délits punis d’une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à trois ans et commis en état de récidive légale.

Le tribunal correctionnel pour mineurs est composé selon les modalités prévues à l’article 398 du code de procédure pénale, à l’exception des troisième à cinquième alinéas. Il est présidé par un juge des enfants ».

Le Conseil a rappelé sa précédente décision du 8 juillet 2011 pour censurer aux mêmes motifs la possibilité du juge des enfants qui a instruit l’affaire de présider le Tribunal Correctionnel pour Mineurs :

« 53. Considérant, en second lieu, qu’au considérant 11 de sa décision n° 2011-147 QPC du 8 juillet 2011 susvisée, le Conseil constitutionnel a jugé que « le principe d’impartialité des juridictions ne s’oppose pas à ce que le juge des enfants qui a instruit la procédure puisse, à l’issue de cette instruction, prononcer des mesures d’assistance, de surveillance ou d’éducation ; que, toutefois, en permettant au juge des enfants qui a été chargé d’accomplir les diligences utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et qui a renvoyé le mineur devant le tribunal pour enfants de présider cette juridiction de jugement habilitée à prononcer des peines, les dispositions contestées portent au principe d’impartialité des juridictions une atteinte contraire à la Constitution ; que, par suite, l’article L. 251-3 du code de l’organisation judiciaire est contraire à la Constitution » ; que, pour les mêmes motifs, il y a lieu de déclarer contraire à la Constitution le deuxième alinéa de l’article 24-1 de l’ordonnance du 2 février 1945 qui dispose que le tribunal correctionnel des mineurs est présidé par un juge des enfants ».

Décision n° 2011-635 DC du 4 août 2011 

Rappelons que la Convention Européennes de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales a consacré ce principe d’impartialité des juridictions dans son article 6 :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial , établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».

Incendie au Centre de Rétention de LYON – SAINT EXUPERY et conséquences

Le  31/07/11

Le recours contre une décision de maintien en rétention administrative et une mesure d’éloignement est sans doute l’un des contentieux où les difficultés pratiques sont les plus nombreuses tant pour les avocats que pour les juridictions.

Outre le chevauchement entre la compétence du Juge des Libertés et de la Détention et du Tribunal Administratif, ce domaine du Droit des Etrangers est souvent jalonné d’imprévus et de contretemps : indisponibilité des interprètes et des policiers en charge des transfert, nécessité d’un audiencement rapide ou encore relations tendues avec la Préfecture.

Il n’est donc pas toujours aisé de concilier les impératifs de célérité de la procédure d’urgence avec les moyens de la Justice.

Aussi lors de leur placement en rétention suivant immédiatement la garde-à-vue, les retenus sont bien souvent perdus devant ce contentieux de la reconduite.

On le serait à moins sauf à être un parfait habitué de ces procédures…

En pensant à tout cela, quelle meilleure illustration de cette réalité pouvais-je trouver que de vous exposer le récit de ces derniers jours ?

Mais avant toute chose, un petit rappel de l’article L 512-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile s’impose :

« En cas de décision de placement en rétention ou d’assignation à résidence en application de l’article L. 561-2, l’étranger peut demander au président du tribunal administratif l’annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification. 

(…)

Il est également statué selon la procédure prévue au présent III sur le recours dirigé contre l’obligation de quitter le territoire français par un étranger qui est l’objet en cours d’instance d’une décision de placement en rétention ou d’assignation à résidence en application de l’article L. 561-2. Le délai de soixante-douze heures pour statuer court à compter de la notification par l’administration au tribunal de la décision de placement en rétention ou d’assignation ».

Mercredi 27 juillet 2011 : 

– 11h20 :

A peine deux jours que l’une de mes consoeurs est en vacances et déjà elle est rattrapée par les dossiers du Cabinet.

Elle m’informe que Monsieur X vient d’être placé en rétention administrative à l’issue de son audition par les services de police.

Quelques semaines auparavant, ma consoeur avait formé un recours contre l’arrêté portant refus de titre de séjour assorti d’une obligation de quitter le territoire qui venait d’être notifiée à son client.

Le Tribunal Administratif de LYON a fixé l’audience de plaidoirie au 20 septembre 2011.

Mais le 26 juillet 2011, le délai d’un mois qui était imparti à Monsieur X pour organiser son départ de FRANCE, expire.

Sans attendre, il est interpellé et emmené au Centre de Rétention de LYON – SAINT EXUPERY.

– 16h10 :

La compagne de Monsieur X m’appelle, elle est inquiète car elle reste seule avec leurs deux jeunes enfants.

Un rendez-vous est fixé pour le lendemain à 11h00 afin de se préparer à l’audience du Tribunal Administratif qui doit être avancée compte tenu du placement en rétention.

Une petite précision doit ici être apportée: La légalité de l’obligation de quitter le territoire qui conditionne la rétention et la mise à exécution de la mesure d’éloignement, doit être jugée dans les 72 heures.

Cependant, le recours contre la décision de refus de titre de séjour n’obéit pas à la procédure d’urgence et reste audiencé au 20 septembre 2011.

– 18h30 :

L’avis d’audience du Tribunal Administratif de LYON et le dossier arrivent par fax au cabinet.

L’affaire est fixée au jeudi 28 juillet 2011 à 14h00.

Jeudi 28 juillet 2011 : 

– 9h30 :

Le Greffe me fait parvenir le mémoire en réponse de la Préfecture.

– 10h00 :

J’envoie au Tribunal Administratif de LYON le recours contre l’arrêté de maintien en rétention administrative dont j’ai reçu copie par l’Association FORUM REFUGIE présente au Centre de Rétention.

– 11h00 :

La famille arrive pour le rendez-vous, toujours aussi inquiète, d’autant qu’elle a raté les horaires de visite au Centre de Rétention et n’a pu rendre visite à Monsieur X.

– 11h50 :

J’arrive enfin à joindre Monsieur X sur son téléphone portable au Centre de Rétention.

– 12h30 :

J’adresse mes pièces complémentaires au greffe du Tribunal Administratif.

– 13h45 :

J’arrive au Tribunal Administratif pour voir Monsieur X avant l’audience. Comme il n’est pas encore là, j’avale mon 2ème café de la journée et toujours avec le ventre vide.

– 14h05 :

La greffière nous annonce que l’audience aura un peu de retard suite à un incident au Centre de Rétention de LYON – SAINT EXUPERY.

– 14h35 :

L’audience est annulée car un incendie s’est déclenché au Centre de Rétention. La seule information qui nous est donnée, c’est qu’aucune victime n’est à déplorer.

La famille présente dans la salle des pas perdus repart encore plus inquiète qu’à son arrivée.

– 16h00 :

J’arrive à joindre Monsieur X qui serait toujours dans la cour du Centre de Rétention et ignore encore le lieu de son transfert.

– 17h15 :

Le greffe du Tribunal Administratif de LYON m’indique que l’audience est reportée au mardi 2 août 2011 à 10h00.

Aucune information complémentaire n’est disponible sur le lieu de transfert de Monsieur X, les destinations de TOULOUSE ou NIMES sont évoquées.

Vendredi 29 juillet 2011 : 

– 7h00 :

La compagne de Monsieur X m’appelle pour m’informer qu’il serait désormais au Centre de Rétention de TOULOUSE. Même si l’information est matinale, c’est toujours une bonne nouvelle de savoir où se trouve son client.

– 11h00 :

J’appelle le Centre de Rétention de TOULOUSE pour avoir confirmation de la présence de Monsieur X.

On me précise alors que ce dernier n’a plus son téléphone portable à disposition car le mobile est équipé d’un appareil photo : Il a donc été confisqué.

On m’indique encore qu’il ne sera pas transféré à LYON pour l’audience du 2 août prochain.

– 11h10 :

Je laisse un message sur le répondeur de la CIMADE, Association présente au Centre de Rétention de TOULOUSE, pour prévenir de mon intervention et être avisée de la situation de Monsieur X.

– 13h10 :

J’appelle le greffe du Tribunal Administratif de LYON afin qu’il me soit confirmé que la juridiction lyonnaise conserve la compétence du recours contre le placement en rétention administrative.

L’audience du mardi 2 août 2011 à 10h00 est maintenue.

– 13h50 :

Je rend compte de la situation à la famille de Monsieur X qui a bien du mal à accepter cette séparation.

– 14h25 :

Les Services de la Préfecture m’informent que Monsieur X ne pourra être transféré pour l’audience du 2 août prochain et restera à TOULOUSE.

Samedi 30 juillet 2011 : 

– 9h20 :

J’envoie par fax à la CIMADE l’ensemble des éléments du dossier de Monsieur X pour que le Juge des Libertés et de la Détention ordonne son assignation à résidence.

Dimanche 31 juillet 2011 : 

– 19h00 :

Monsieur X a quitté le Centre de Rétention et a pu rejoindre sa famille. Il est rentré dans le Rhône par ses propres moyens

Saisi sur le fondement de l’article 13 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme,le Juge des Libertés et de la Détention de TOULOUSE a ordonné sa remise en liberté au vu du non-respect par le Tribunal Administratif de LYON de son obligation de statuer dans le délai de 72 heures sur le recours contre la décision de maintien en rétention et l’obligation de quitter le territoire.

Mardi 2 août 2011 : 

– 11h30 :

Le Tribunal Administratif de LYON a annulé l’obligation de quitter le territoire et la décision de maintien en rétention.

Mardi 23 août 2011 : 

Le Centre de Rétention de LYON – SAINT EXUPERY a réouvert ses portes.

Confraternité, union du serment

Le 24/07/11

La prestation de serment est le prémisse obligé de l’entrée dans la Profession d’Avocat : elle marque l’engagement aux principes qui président à la fonction d’auxiliaire de Justice.

En effet, l’exercice professionnel est libéral, indépendant et surtout réglementé par les dispositions de la Loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 et le Décret n°91-1197 du 27 novembre 1991.

Même si on n’entre pas en avocature comme on entre en religion, « un grand pouvoir implique de grandes responsabilités » comme Ben Parker le rappelle à son neveu de Spiderman dans le film du même nom .

Certains trouveront ce petit clin d’oeil étonnant et répondront que seul Daredevil est «avocat le jour et justicier la nuit ».

Cependant, la référence aux héros de la MARVEL n’est pas anodine car la robe est porteuse de valeurs collectives autour desquelles les confrères se retrouvent et qui doivent soutenues.

Mais entre la salle des pas perdus et les bureaux de nos cabinets, les principes de la Profession d’Avocat sont parfois mis à mal par la fierté et le stress.

Selon l’article 1.3 du Règlement Intérieur National de la profession d’avocat (RIN) :

« L’avocat exerce ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité, dans le respect des termes de son serment. 

Il respecte en outre, dans cet exercice, les principes d’honneur, de loyauté, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie. 

Il fait preuve, à l’égard de ses clients, de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence ».

La confraternité apparaît donc comme l’un des fondements essentiels qui doit s’imposer au quotidien afin garantir des bonnes relations entre avocats :

– Elle commande aux rapports entre les membres de la Profession d’être toujours emprunt de loyauté et de considération.

– Elle prescrit la diligence à l’occasion de la défense d’un client ou dans la gestion d’un dossier.

– Elle implique la correction dans les propos et les comportements à l’égard des confrères.

Cette solidarité attendue des avocats ne doit pas s’entendre uniquement des membres d’un même barreau.

Prévu au Code de déontologie des avocats européens, le principe dépasse l’hexagone pour s’appliquer aux relations entre les avocats de l’Union européenne, à l’intérieur des frontières de cet espace ou hors celles-ci.

Les articles 21.5.1.1 et 21.5.1.2 du RIN intégrant les dispositions dudit code prescrivent en effet que « l’avocat reconnaît comme confrère tout avocat d’un autre Etat membre et a à son égard un comportement confraternel et loyal ».

La Confraternité comporte une limite explicite puisque « elle ne doit cependant jamais mettre en opposition les intérêts de l’avocat et ceux du client ».

Outre ces normes nationales et européennes, certains barreaux prennent souvent soin de rappeler cette exigence dans leur propre règlement.

Tel est le cas à LYON où l’article LY 3.2.1.1. du Règlement intérieur du Barreau relève que « tous rapports entre avocats s’exercent dans un esprit de confraternité, de correction et de courtoisie ».

Ce rappel fait échos aux pouvoirs du Conseil de l’Ordre dont la mission est de veiller à «maintenir les principes de probité, de désintéressement, de modération et de confraternité sur lesquels repose la profession et d’exercer la surveillance que l’honneur et l’intérêt de ses membres rendent nécessaire ».

Dans ce cadre, le Conseil en tant que garant de la déontologie règle les difficultés et sanctionne les manquements : il traite ainsi « toute question intéressant l’exercice de la profession, la défense des droits des avocats et la stricte observation de leurs devoirs ».

Ce rôle de contrôle du principe de Confraternité appartient également aux juridictions civiles et leur permet de livrer leur appréciation de celui-ci.

La Cour de Cassation a ainsi considéré que manquait à ses obligations de délicatesse, de modération, de courtoisie et de confraternité, l’avocat qui se rendait coupable du délit d’injure publique à l’encontre d’une association à vocation syndicale de jeunes avocats

Cass. Civ 1ère . 17 février 2011 Pourvoi n° 09-72249 

Très récemment la Haute Juridiction a eu l’occasion de préciser que le fait de porter atteinte aux principes essentiels de la profession faisait interdiction de bénéficier du titre d’avocat honoraire.

Cass. Civ 1ère . 23 juin 2011 Pourvoi n° 10-19470 

Pour ma part, je pense que la Confraternité n’est qu’une illustration de la considération et de la tolérance que l’on doit porter aux autres même si ce n’est pas toujours aisé, pour moi comme pour tous.

L’humilité et la modestie me semblent deux bons points de départ car on trouve toujours meilleur ou pire que soi.

Exhumation : le plus proche parent, héritier du sésame de la sépulture

Le 17/07/11

Dans un arrêt du 16 juin 2011, la Cour de Cassation interrogée sur la nature de la réunion de corps a eu l’occasion de préciser que cette opération s’analysait en une exhumation.

Cass. Civ. 1ère 16 juin 2011 Pourvoi, n° 10-13580 

Cette jurisprudence permet de s’intéresser dans la publication de ce jour au monde des défunts et à la protection de leur repos éternel.

Le tenant de la personnalité juridique est l’exercice des droits que la Loi garantit tel que la sauvegarde de son intégrité physique.

Mais comme le souligne les dispositions de l’article 16-1-1 du Code Civil , « le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort ».

Aussi la loi impose que les restes des personnes décédées quelque puisse être leur forme soient « traités avec respect, dignité et décence ».

A sa mort, chaque sujet de droits bénéficie donc de la protection de sa sépulture, de l’inviolabilité et l’immutabilité de ce dernier refuge destiné à l’accueillir.

C’est la raison pour laquelle l’exhumation qui consiste à déplacer un défunt pour le réinhumer dans une autre sépulture, est strictement encadrée par les articles R2213-40 et suivants du Code Général des Collectivités Territoriales .

Cette opération qui s’acheve par la réception du corps exhumé par une nouvelle sépulture à bref délai ne peut intervenir que dans les trois cas suivants :

– l’exhumation par autorité de justice ayant pour objet l’identification des causes de la mort et/ou de ses conditions, la réalisation de prélèvements post mortem sur le cadavre…

– l’exhumation de nature administrative nécessaire au transport et à la réinhumation du corps dans un nouveau cimetière ou à la reprise de concession à l’initiative des communes.

– l’exhumation d’intérêt privé demandée par la famille du défunt pour le transfert du corps en un autre lieu de sépulture.

Dans ce dernier cas, toute demande d’exhumation est présentée par le plus proche parent de la personne défunte au maire de la commune sur le territoire de laquelle repose le corps concerné.

C’est ce dernier qui sera compétent pour délivrer l’autorisation nécessaire, sauf à Paris où cette prérogative revient au Préfet de police.

Seuls des motifs graves peuvent justifier l’exhumation : le maire peut donc la refuser pour des raisons motivées notamment fondées sur le respect de l’ordre public.

Si l’autorité administrative y consent, l’opération sera réalisée sous la surveillance et le contrôle d’un fonctionnaire désigné.

Malgré les restrictions de la Loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit du 17 mai 2011, cette intervention ouvre droit au règlement de vacations.

Un parent ou mandataire d’un parent doit impérativement être présent lors de l’exhumation ; à défaut l’opération ne peut avoir lieu.

Il convient de préciser que l’exhumation à la demande de la famille intervient parfois pour libérer des places dans une concession funéraire ou une sépulture privée aux fins de nouvelles inhumations.

Elle correspond alors à ce qu’on nomme, selon les circonstances, la « réunion de corps » ou la « réduction de corps ».

C’est cette opération non définie par le Code Général des Collectivités Territoriales qui intéresse la jurisprudence récente de la Cour de Cassation du 16 juin 2011.

Les faits de l’espèce concernaient en effet la réunion de corps d’un couple réalisée à la demande d’un parent n’étant pas le plus proche des défunts, à savoir la belle-fille, et le droit à réparation du préjudice des plus proches membres de la famille.

Se fondant sur l’article R 2213-40 du Code Général des Collectivités Territoriales, la Cour a cassé l’arrêt d’appel en considérant que la réunion de corps devait être analysée en une exhumation.

Elle en déduit que cette opération ne pouvait intervenir qu’avec l’accord des plus proches parents des personnes défuntes, en l’espèce les enfants.

De ce fait, la Cour de Cassation sanctionne l’irrespect du caractère inviolable et immutable du droit à sépulture.

A noter que les juges civils prennent le contre-pied du Conseil d’Etat qui considère au contraire que le rassemblement, à l’occasion d’une inhumation, de restes épars dans un caveau ne nécessite pas de recueillir l’avis du parent le plus proche.

Conseil d’Etat du 11 décembre 1987 Commune de Contes Requête n° 72998