Le coût de la Justice

Le 02/10/11 (modifié le 18/03/2014)

Du 1er octobre 2011 au 31 décembre 2013, tout demandeur introduisant une instance en matière civile, commerciale, prud’homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire ou administrative était tenu au règlement d’une contribution de 35 euros.

Cette tarification fixe traduisait – s’il en était besoin- le manque indiscutable de moyens de la Justice en général et de l’aide juridique en particulier.

Depuis plusieurs années, le gouvernement cherche désespérément de nouvelles sources de financement autres que la solidarité nationale.

J’avais déjà évoqué dans ces pages la Loi n°2010-1657 du 29 décembre 2010 au travers du Décret n°2011-272 du 15 mars 2011 portant diverses dispositions en matière d’aide juridictionnelle et d’aide à l’intervention de l’avocat qui avait susciter le débat.

Le 29 juillet 2011, l’article 54 de la Loi de finances rectificative pour 2011 avait crée cette contribution : le décret n° 2011-1202 du 28 septembre 2011 relatif au droit affecté au fonds d’indemnisation de la profession d’avoué près les cours d’appel et à la contribution pour l’aide juridique en avait précisé les conditions d’exigibilité et d’application.

Cette réforme malmenait une fois encore l’effectivité du principe d’accès au droit pris en étau entre équité et pérennité.

La seule question qui se pose désormais pour les justiciables, est celle du coût de la Justice et de « l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction d’origine, de race ou de religion ».

Une contribution pour l’aide juridique : 

Il y a quatre ans, le rapport d’information établi au nom de la commission des finances par Monsieur Roland du LUART, sénateur de la Sarthe, mettait en évidence l’essoufflement du système de l’aide juridictionnelle.

Il soulignait le nombre croissant de ses bénéficiaires depuis sa création par la Loi n°91-647 du 10 juillet 1991 portant les admissions prononcées entre 1991 et 2006, de 348 587 à 904 532.

Malheureusement, les crises économiques contemporaines n’ont pas enraillés cette progression…

L’article 1635 bis Q du Code Général des Impôts instaure donc une contribution pour l’aide juridique de 35,00 euros aux fins de financement d’un système dont l’implosion était annoncée.

Mais cette taxe exigible à compter du 1er octobre 2011 ne s’adressait pas à tous les justiciables : seuls les demandeurs qui ont engagé une instance doivent s’en acquitter.

De plus, il existait trois types d’exception à son règlement, l’une tenant à la qualité des personnes demanderesses, l’autre à la juridiction saisie, la dernière à la nature des procédures initiées :

– La première catégorie dispensait de tout règlement l’État et les personnes bénéficiaires de l’aide juridictionnelle (au contraire des droits de plaidoirie ).

– La deuxième catégorie écartait l’exigibilité de la redevance eu égard à la juridiction saisie en excluant les instances engagées devant :

– la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infraction,

– le Juge des Enfants,

– le Juge des Libertés et de la Détention,

– le Juge des Tutelles.

– La troisième catégorie exonèrait le versement de cette taxe pour certains contentieux limitativement énumérés, à savoir :

– le traitement des situations de surendettement des particuliers et les procédures de redressement et de liquidation judiciaires,

– les recours introduits devant une juridiction administrative à l’encontre de toute décision individuelle relative à l’entrée, au séjour et à l’éloignement d’un étranger sur le territoire français ainsi qu’au droit d’asile ,

– le référé liberté devant une juridiction administrative,

– les procédures d’ordonnance de protection devant le Juge aux Affaires Familiales,

– les procédures d’omission et de radiation des listes électorales.

En dehors de ces cas, la contribution de 35 euros désormais disparue était due pour toutes les instances civiles, commerciales, prud’homales, sociales, rurales et administratives, en première instance comme en appel ou en cassation.

Toutefois lorsqu’une même instance donnait lieu à plusieurs procédures successives devant la même juridiction, elle n’était versée qu’au titre de la première des procédures intentées.

Pour s’assurer de l’acquittement de cette contribution, le Législateur avait même prévu une sanction impitoyable à l’origine d’une importante polémique.

L’article 62 du Code de Procédure Civile disposait ainsi :

« A peine d’irrecevabilité, les demandes initiales sont assujetties au paiement de la contribution pour l’aide juridique prévue par l’article 1635 bis Q du code général des impôts ».

L’article R 411-2 du Code de Justice Administrative précisait encore :

« Lorsque la contribution pour l’aide juridique prévue à l’article 1635 bis Q du code général des impôts est due et n’a pas été acquittée, la requête est irrecevable ».

Cependant, seul le juge pouvait relever cette irrecevabilité qui ne donnait pas nécessairement lieu à débat.

Le cas échéant, il invitait le demandeur à présenter ses observations écrites avant de statuer mais pouvait également rapporter sa décision en cas d’erreur et à la condition d’être saisie d’une requête dans un délai de 15 jours à compter de la notification.

On notera qu’en tout état de cause, les défendeurs ou intervenants à l’instance étaient purement et simplement écartés du processus décisionnel.

Peu importe les circonstances de l’espèce, le règlement de la contribution pour l’aide juridique prévalait sur le principe du contradictoire.

Cette fin de non-recevoir se distinguait donc parfaitement de l’absence de qualité et du défaut d’intérêt à agir dans un intérêt pécuniaire d’une bonne Justice.

 Sous l’égide du garde des sceaux, Christiane Taubira, la contribution a disparu : elle n’est plus due pour les instances engagées après le 1er janvier 2014.

L’existence des autres frais : 

Si la contribution pour l’aide juridique entrée en vigueur n’est plus d’actualité, elle ne constitue pas pour autant la seule participation due par les justiciables.

Il existe, encore, bien d’autres taxes, droits de procédure et frais d’enrôlement s’appliquant devant certaines juridictions.

Il convient de distinguer selon la nature du contentieux pour déterminer le coût de ces différentes contributions qui participent au financement de la Justice et de ses auxiliaires.

– En ce qui concerne les juridictions civiles et administratives, le principe qui s’applique aux actes de justice est celui de l’absence de droits.

L’article 1089 B du Code Général des Impôts dispose ainsi que « les actes des secrétariats des juridictions judiciaires et administratives ne sont pas soumis au droit d’enregistrement, ni à toute autre taxe».

Mais si la saisine est libre de taxes, les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire peuvent donner lieu à des droits proportionnels ou progressifs, notamment devant le Tribunal de Grande Instance.

Il s’agit cependant d’une exception au sens de l’article 1089 A du Code Général des Impôts.

– Devant les juridictions pénales, l’opportunité des poursuites dévolue au Procureur de la République s’oppose aux droits d’enregistrement.

Seules les décisions répressives peuvent donc être créatrices de taxes prenant la forme d’un droit de procédure dû par chaque condamné, sauf pour les jugements sur intérêts civils.

Selon l’article 1018 A du Code Général des Impôt, ce droit fixe varie selon la décision rendue, à savoir :

– 22 euros pour les ordonnances pénales en matière contraventionnelle ou correctionnelle et les décisions des tribunaux de police et des juridictions de proximité,

– 90 euros pour les décisions des tribunaux correctionnels,

– 120 euros pour les décisions des Cours d’Appel statuant en matière correctionnelle et de police,

– 375 euros pour les décisions des Cours d’Assises.

Ainsi la qualification pénales des faits poursuivis qui détermine la juridiction compétente, aura nécessairement une incidence sur le montent du droit à régler en cas de condamnation.

– A l’inverse, les juridictions commerciales ne taxent pas les jugements qu’elles prononcent, ni les ordonnances qu’elles rendent.

Mais le fonctionnement spécifique des Tribunaux de Commerce donne lieu au règlement de droits d’enregistrement quelque soit le mode de saisine des juridictions.

L’équité impose cependant que les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle soient dispensés de ces frais.

Pour les autres justiciables, les procédures déterminent les coût de l’enrôlement des actes introductifs d’instance oscillant de 83,48 euros pour une assignation au fond, à 49,89 euros pour assignation référé et 38,86 euros pour une injonction de payer.

Il sera précisé que le redressement et de la liquidation Judiciaire répondent à un tarif spécifique de 91,26 euros.

Ce système dérive de la délégation du service public de la justice confiés aux greffiers des tribunaux.

Ces officiers publics et ministériels sont des professionnels libéraux nommés par le garde des sceaux et encadrés par un statut défini au Code de Commerce.

A l’issue de ce balayage, les différentes taxes, droits de procédure et frais d’enrôlement évoqués semblent ne pas faciliter l’accès à la Justice et au contrôle du juge. 

L’impartialité du Juge des enfants, magistrat instructeur et président de la juridiction de jugement

Le 28/08/11

Depuis plusieurs années, la délinquance des mineurs fait l’objet d’un débat récurrent sur son traitement judiciaire prévu par l’ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.

Terrain médiatique, elle est souvent évoquée pour mettre en lumière des faits divers marquants caractérisés par la violence, l’action en réunion ou en récidive.

Face à son visage actuel, juvénile et menaçant, les justiciables estiment – à tort ou à raison – que la réponse pénale aux infractions commises est insuffisante.

En avril dernier, le Gouvernement a engagé dans ce contexte une procédure accélérée destinée à l’adoption d’un projet de loi portant notamment sur le jugement des mineurs.

La réforme tend à l’instauration d’un Tribunal Correctionnel pour mineurs afin de juger les auteurs de plus de 16 ans poursuivis pour des délits commis en récidive.

Comme le Tribunal Pour Enfants, un juge des enfants siégera nécessairement au sein de cette nouvelle formation collégiale de jugement.

Pourtant, la place de ce dernier dans l’une et l’autre de ces juridictions au travers de son impartialité a été récemment remise en cause par le Conseil Constitutionnel.

Le juge des enfants dispose de plusieurs prérogatives lorsqu’il est saisi à l’initiative du Procureur de la République des faits commis par un mineur réprimés pénalement: il peut mettre en examen, instruire et juger l’affaire.

Sa double casquette de magistrat instructeur et de juge du fond est à l’origine de la censure du Conseil Constitutionnel dans deux décisions successives du 8 juillet et du 4 août 2011 :

– La première décision fait suite à la saisine de la Haute Juridiction le 4 mai 2011 par la Cour de Cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité (encore elle ) sur la conformité des articles L 251-3 et L 251-4 du Code de l’Organisation Judiciaire à la Constitution.

En effet, l’article L 251-3 dudit code prévoyait que « le tribunal pour enfants est composé d’un juge des enfants, président, et de plusieurs assesseurs » sans exclure le juge des enfants qui avait instruit l’affaire de présider à l’audience de jugement.

Le Conseil Constitutionnel a relevé que ces dispositions portaient atteinte au principe d’impartialité des juridictions :

« 11. Considérant que le principe d’impartialité des juridictions ne s’oppose pas à ce que le juge des enfants qui a instruit la procédure puisse, à l’issue de cette instruction, prononcer des mesures d’assistance, de surveillance ou d’éducation ; que, toutefois, en permettant au juge des enfants qui a été chargé d’accomplir les diligences utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et qui a renvoyé le mineur devant le tribunal pour enfants de présider cette juridiction de jugement habilitée à prononcer des peines, les dispositions contestées portent au principe d’impartialité des juridictions une atteinte contraire à la Constitution ; que, par suite, l’article L. 251-3 du code de l’organisation judiciaire est contraire à la Constitution ».

Décision n° 2011-147 QPC du 08 juillet 2011 

Afin de permettre au législateur de se mettre en conformité sans nuire au bon fonctionnement de la Justice, il a reporté au 1er janvier 2013 la date de l’abrogation du texte jugé inconstitutionnel.

La question prioritaire de constitutionnalité sera donc à l’origine d’une nouvelle modification législative à la suite des Lois du 14 avril 2011 relative à la garde à vue et du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.

– La seconde décision s’inscrit dans un contrôle de constitutionnalité par voie d’action, soit antérieur à la promulgation d’une loi nouvellement votée, sur saisine de plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs.

Elle concerne la loi évoquée ci-dessus sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs qui crée le Tribunal Correctionnel pour mineurs.

Le Projet de loi adopté le 6 juillet 2011 par l’Assemblée Nationale prévoyait dans son article 24-1 :

« Les mineurs âgés de plus de seize ans sont jugés par le tribunal correctionnel pour mineurs lorsqu’ils sont poursuivis pour un ou plusieurs délits punis d’une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à trois ans et commis en état de récidive légale.

Le tribunal correctionnel pour mineurs est composé selon les modalités prévues à l’article 398 du code de procédure pénale, à l’exception des troisième à cinquième alinéas. Il est présidé par un juge des enfants ».

Le Conseil a rappelé sa précédente décision du 8 juillet 2011 pour censurer aux mêmes motifs la possibilité du juge des enfants qui a instruit l’affaire de présider le Tribunal Correctionnel pour Mineurs :

« 53. Considérant, en second lieu, qu’au considérant 11 de sa décision n° 2011-147 QPC du 8 juillet 2011 susvisée, le Conseil constitutionnel a jugé que « le principe d’impartialité des juridictions ne s’oppose pas à ce que le juge des enfants qui a instruit la procédure puisse, à l’issue de cette instruction, prononcer des mesures d’assistance, de surveillance ou d’éducation ; que, toutefois, en permettant au juge des enfants qui a été chargé d’accomplir les diligences utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et qui a renvoyé le mineur devant le tribunal pour enfants de présider cette juridiction de jugement habilitée à prononcer des peines, les dispositions contestées portent au principe d’impartialité des juridictions une atteinte contraire à la Constitution ; que, par suite, l’article L. 251-3 du code de l’organisation judiciaire est contraire à la Constitution » ; que, pour les mêmes motifs, il y a lieu de déclarer contraire à la Constitution le deuxième alinéa de l’article 24-1 de l’ordonnance du 2 février 1945 qui dispose que le tribunal correctionnel des mineurs est présidé par un juge des enfants ».

Décision n° 2011-635 DC du 4 août 2011 

Rappelons que la Convention Européennes de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales a consacré ce principe d’impartialité des juridictions dans son article 6 :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial , établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».

Exhumation : le plus proche parent, héritier du sésame de la sépulture

Le 17/07/11

Dans un arrêt du 16 juin 2011, la Cour de Cassation interrogée sur la nature de la réunion de corps a eu l’occasion de préciser que cette opération s’analysait en une exhumation.

Cass. Civ. 1ère 16 juin 2011 Pourvoi, n° 10-13580 

Cette jurisprudence permet de s’intéresser dans la publication de ce jour au monde des défunts et à la protection de leur repos éternel.

Le tenant de la personnalité juridique est l’exercice des droits que la Loi garantit tel que la sauvegarde de son intégrité physique.

Mais comme le souligne les dispositions de l’article 16-1-1 du Code Civil , « le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort ».

Aussi la loi impose que les restes des personnes décédées quelque puisse être leur forme soient « traités avec respect, dignité et décence ».

A sa mort, chaque sujet de droits bénéficie donc de la protection de sa sépulture, de l’inviolabilité et l’immutabilité de ce dernier refuge destiné à l’accueillir.

C’est la raison pour laquelle l’exhumation qui consiste à déplacer un défunt pour le réinhumer dans une autre sépulture, est strictement encadrée par les articles R2213-40 et suivants du Code Général des Collectivités Territoriales .

Cette opération qui s’acheve par la réception du corps exhumé par une nouvelle sépulture à bref délai ne peut intervenir que dans les trois cas suivants :

– l’exhumation par autorité de justice ayant pour objet l’identification des causes de la mort et/ou de ses conditions, la réalisation de prélèvements post mortem sur le cadavre…

– l’exhumation de nature administrative nécessaire au transport et à la réinhumation du corps dans un nouveau cimetière ou à la reprise de concession à l’initiative des communes.

– l’exhumation d’intérêt privé demandée par la famille du défunt pour le transfert du corps en un autre lieu de sépulture.

Dans ce dernier cas, toute demande d’exhumation est présentée par le plus proche parent de la personne défunte au maire de la commune sur le territoire de laquelle repose le corps concerné.

C’est ce dernier qui sera compétent pour délivrer l’autorisation nécessaire, sauf à Paris où cette prérogative revient au Préfet de police.

Seuls des motifs graves peuvent justifier l’exhumation : le maire peut donc la refuser pour des raisons motivées notamment fondées sur le respect de l’ordre public.

Si l’autorité administrative y consent, l’opération sera réalisée sous la surveillance et le contrôle d’un fonctionnaire désigné.

Malgré les restrictions de la Loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit du 17 mai 2011, cette intervention ouvre droit au règlement de vacations.

Un parent ou mandataire d’un parent doit impérativement être présent lors de l’exhumation ; à défaut l’opération ne peut avoir lieu.

Il convient de préciser que l’exhumation à la demande de la famille intervient parfois pour libérer des places dans une concession funéraire ou une sépulture privée aux fins de nouvelles inhumations.

Elle correspond alors à ce qu’on nomme, selon les circonstances, la « réunion de corps » ou la « réduction de corps ».

C’est cette opération non définie par le Code Général des Collectivités Territoriales qui intéresse la jurisprudence récente de la Cour de Cassation du 16 juin 2011.

Les faits de l’espèce concernaient en effet la réunion de corps d’un couple réalisée à la demande d’un parent n’étant pas le plus proche des défunts, à savoir la belle-fille, et le droit à réparation du préjudice des plus proches membres de la famille.

Se fondant sur l’article R 2213-40 du Code Général des Collectivités Territoriales, la Cour a cassé l’arrêt d’appel en considérant que la réunion de corps devait être analysée en une exhumation.

Elle en déduit que cette opération ne pouvait intervenir qu’avec l’accord des plus proches parents des personnes défuntes, en l’espèce les enfants.

De ce fait, la Cour de Cassation sanctionne l’irrespect du caractère inviolable et immutable du droit à sépulture.

A noter que les juges civils prennent le contre-pied du Conseil d’Etat qui considère au contraire que le rassemblement, à l’occasion d’une inhumation, de restes épars dans un caveau ne nécessite pas de recueillir l’avis du parent le plus proche.

Conseil d’Etat du 11 décembre 1987 Commune de Contes Requête n° 72998 

Question prioritaire de constitutionnalité, initiatrice de réformes législatives

Le 11/07/11

Depuis la réforme du 23 juillet 2008, les modifications de la Constitution ont introduit la notion de question prioritaire de constitutionnalité.

L’article 61-1 dispose en effet :

« Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur le renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ».

Le deuxième alinéa de l’article 62 prévoit par ailleurs qu’« une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause ».

Cette procédure permet de soulever l’exception de la constitutionnalité des dispositions d’une législation dans le cadre d’une instance civile, pénale ou administrative.

Son but est de purger l’ordre juridique des dispositions inconstitutionnelles lorsque les dispositions législatives en vigueur n’ont pas été soumises au contrôle du Conseil Constitutionnel préalablement à leur promulgation.

Initiatrice de la réforme du Code de Procédure Pénale et de l’adoption de la Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue , la question prioritaire de constitutionnalité a redonné au Conseil Constitutionnel un nouveau souffle dans sa fonction de gardien de la Constitution.

Depuis lors, elle a également donné naissance à la Loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge .

Modification des conditions de forme d’hospitalisation à la demande d’un tiers et d’office, intervention renforcée du Juge des Libertés et de la Détention et intégration des soins ambulatoires viendront ainsi enrichir et compléter le Code de la Santé Publique.

A l’origine de cette évolution, il y a deux décisions du Conseil Constitutionnel :

Dans la première en date du 26 novembre 2010, les Sages ont eu à se prononcer sur l’hospitalisation à la demande d’un tiers et le maintien de cette mesure.

Ils ont alors précisé qu’en prévoyant que l’hospitalisation sans consentement peut être maintenue au-delà de quinze jours sans intervention d’une juridiction de l’ordre judiciaire, les dispositions du Code de la Santé Publique méconnaissaient les exigences de l’article 66 de la Constitution.

La liberté individuelle ne saurait être sauvegardée que si son garant, le juge judiciaire, intervient dans le plus court délai possible.

Décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010 

Dans la seconde décision en date du 9 juin 2011, les Sages ont récidivé et ont repris leur jurisprudence antérieure mais dans le cadre cette fois de l’hospitalisation d’office.

Si une mesure privative de liberté n’a pas à être nécessairement prise par l’autorité judiciaire, pour autant un réexamen de la situation de la personne hospitalisée dans les vingt-quatre heures suivant son admission doit permettre de s’assurer que l’hospitalisation d’office est nécessaire.

En l’absence d’une telle garantie, le Conseil Constitutionnel a censuré les dispositions jugées contraires à la Constitution.

Décision n° 2011-135/140-QPC du 9 juin 2011 

La hiérarchie des normes s’imposent donc dans les domaines du droit où la liberté des justiciables est en jeu.

La question prioritaire de constitutionnalité permet désormais aux sages du Conseil de rappeler avec force l’équilibre essentiel qui doit exister entre l’exercice d’une liberté et ses restrictions.

Article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 

La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société, la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi. 

Le temps judiciaire

Le 15/05/11

La culture populaire aime à attribuer au temps de grandes vertus imaginaires afin d’enseigner à chacun l’endurance de la vie à défaut de maîtrise des événements.

On lui donne ainsi bien naïvement les qualités de faire passer la jeunesse turbulente, de guérir toutes les blessures ou de venir à bout de tout, s’il est accompagné de patience.


En droit, le temps est inscrit dans les principes qui dirigent l’instance à tous ses stades et en marquer le début, le cours et la fin.

 

Il n’est pas question dans ce bref article de venir à bout des différentes notions procédurales présidant au procès civil ou pénal.

Ce qui importe est de préciser simplement la prise en compte de ce temps qui s’écoule par les institutions judiciaires dans la vie de l’instance.

 

« Rien ne sert de courir, il faut partir à point » Jean de Lafontaine :

Il y a un temps pour tout, en droit comme dans les autres domaines : il y a donc un temps pour l’instance et pour la saisine du juge.

 

Cette règle s’applique en matière civile comme pénale à tous les acteurs de la procédure, justiciables et avocats, magistrats du siège et du parquet.


C’est ainsi qu’à l’aube du procès civil, le droit encadre le temps de l’action par la prescription dite extinctive.

Celle-ci sanctionne le non-exercice dans le délai fixé du droit d’ester en justice par sa perte, sauf suspension ou interruption (à voir sur le nouvel article 2241 du Code Civil ).

Mais ce délai n’est pas uniforme.

 

Depuis la Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, on distingue notamment le délai de droit commun pour les actions personnelles ou mobilières qui se prescrivent par cinq ans et le délai particulier de trente ans pour les actions réelles immobilières.

 

De plus, à côté de la prescription, on trouve également les délais dits préfixes insusceptibles d’interruption ou de suspension dans un soucis de sécurité juridique.

Ces délais accordés pour l’accomplissement d’un acte sont illustrés en droit du travail par le délai de préavis et en droit des personnes par l’action en contestation par la mère de la paternité du mari (art. 318-1 du Code Civil).

 

Le procès pénal est également soumis à ce temps de l’action organisé autour de la prescription de l’action publique qui s’applique à toutes les infractions sauf les crimes contre l’humanité.

Elle concerne le délai durant lequel le parquet peut poursuivre une infraction et varie suivant la qualification légale de celle-ci : dix ans pour les crimes, trois ans pour les délits et un an pour les contraventions .

 

« La joie du juste est que justice soit faite » Charles V de France :

La Justice a un coût : elle a également un délai pour être rendue.

A l’heure où les justiciables viennent à souffrir du manque de moyens et de l’engorgement des juridictions, le temps de l’instance connaît de plus en plus de limites.

 

En procédure civile, l’idée n’est pas nouvelle car il est admis que l’instance, comme bien des choses, peut se périmer.

Tel le cas lorsque, selon l’article 386 du Code de Procédure Civile , aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.

 

C’est dire si l’instance mérite de la vigilance et doit être surveillée comme le lait sur le feu : A défaut, elle ne brûle pas mais s’éteint.

S’il n’a disparu à son tour, le droit d’agir demeure cependant.

 

On doit à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales du 4 novembre 1950 la consécration du principe de règlement des litiges dans un délai raisonnable comme le rappelle son article 6:

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».

 

A l’occasion de deux arrêts récents, la Cour de Cassation a rappelé qu’elle veille au respect de cette notion en précisant le point de départ à prendre en compte (le jour de l’audition de l’intéressé sur commission rogatoire en l’espèce) et en faisant application des critères européens de complexité de l’affaire pour apprécier le caractère raisonnable de la durée d’une procédure.

Cass. Civ 1ère. 4 novembre 2010 Pourvois n°09-69955 et n°09-69776

 

Cet impératif doit être concilié avec l’évolution de l’instance et ses éventuelles suspensions telles que le sursis à statuer .

 

Celui-ci peut alors faire interagir la procédure pénale et civile lorsque le pénal tient le civil en l’état .

L’une et l’autre des procédures sont soumises au même objectif de célérité que l’on retrouve dans la Loi Perben I n°2002-1138 du 9 septembre 2002 instituant la comparution immédiate.

 

 

« Un jugement trop prompt est souvent sans justice » Voltaire :

Le jugement naît du débat contradictoire et met fin à l’instance.

S’il dessaisit le juge, il ouvre aussi la voie de l’appel encadrée par le temps, enfermée dans des délais de forclusion de dix jours au pénal , d’un mois au civil .

 

Ce recours ainsi que la cassation ou l’opposition donnent naissance à une nouvelle instance soumises aux mêmes règles temporelles de procédure civiles et pénales ou à d’autres…

 

L’exécution du jugement est aussi placé sous la contrainte du respect de nombreux délais.

Ainsi, au terme de l’article 478 du Code de Procédure Civile , le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif qu’il est susceptible d’appel doit être notifié dans les six mois de sa date, sous peine d’être non avenu.

 

 

En droit pénal, le temps qui s’écoule, mérite l’attention de l’ensemble des acteurs du procès :

Le Procureur de la République et le Juge d’Application des Peines d’abord doivent veiller à la bonne exécution des condamnations pénales.

Leur carence peut entraîner la prescription de la peine qui varie en fonction de la nature de l’infraction.

 

Celle-ci est de vingt ans pour un crime , de cinq ans pour un délit et de trois ans pour une contravention .


Le condamné doit ensuite se soumettre à certains délais de probation qu’il soit détenu ou libre.

Dans le premier cas, s’il entend bénéficier d’une mesure de libération conditionnelle au titre d’un aménagement de sa peine, sa demande ne pourra être présentée qu’à l’expiration d’un délai d’épreuve.

Dans le second cas, il devra se dispenser de commettre un crime ou un délit pour lequel il serait condamné soit à une peine criminelle, soit à une peine d’emprisonnement dans un délai de 5 ans, s’il est soumis au sursis simple.

 

Le cas échéant, il devra respecter les différentes obligations et/ou interdictions prescrites afin de respecter les conditions du sursis avec mise à l’épreuve.

 

Dans tous les cas, la récidive légale le survolera pendant sa réinsertion.

 

 

Enfin, la partie civile doit s’inquiéter d’obtenir l’indemnisation de son préjudice en exécution du jugement de condamnation sans tarder.

Le manque de réactivité peut l’empêcher de saisir le Service d’Aide au Recouvrement des Victimes d’Infractions dans le délai d’un an courant à compter du jour où la décision est devenue définitive.

 

 

En conclusion, le temps judiciaire rappelle en somme qu’il y a un temps pour tout.


« Le temps, c’est un peu comme le vent. Le vent, on ne le voit pas : on voit les branches qu’il remue, la poussière qu’il soulève. Mais le vent lui-même, personne ne l’a vu » Jean-Claude Carrière.

Réflexion sur le délit d’outrage

Le 27/04/11

En application de l’article 433-5 du Code Pénal : « constituent un outrage puni de 7500 euros d’amende les paroles, gestes ou menaces, les écrits ou images de toute nature non rendus publics ou l’envoi d’objets quelconques adressés à une personne chargée d’une mission de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa mission, et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont elle est investie.

 

Lorsqu’il est adressé à une personne dépositaire de l’autorité publique, l’outrage est puni de six mois d’emprisonnement et de 7500 euros d’amende ».

Dans son rapport rendu le 8 mars 2007, la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS) remarquait « une inflation des procédures pour outrages engagées de manière trop systématique par les personnels des forces de l’ordre ».

 

Ce constat pose la question à la fois du comportement des justiciables à l’égard des personnes dépositaires de l’autorité publique ainsi que de la défiance envers les procédures de gendarmes et policiers outragés.

Aussi la réflexion sur le délit d’outrage s’impose-t-elle.

 

Mécanisme de l’infraction :

Sont protégés par l’outrage :

– les experts nommés par décision judiciaire, les administrateurs judiciaires et mandataires liquidateurs, les greffiers, les interprètes assermentés, les parlementaires (personnes chargées d’une mission de service public) …

– les représentants de l’État et des collectivités territoriales, les représentants de la force publique, les agents publics exerçant une fonction de police, les agents assermentés de la SNCF (personnes dépositaires de l’autorité publique)…

 

Les faits réprimés peuvent prendre la forme de paroles, de gestes, de menaces, d’écrits ou d’images non rendus publics ou encore d’envoi d’objet quelconque.

Mais quelques soient le support ou le type d’action, les agissements délictueux doivent être de nature à porter atteinte à la dignité ou au respect dû à la fonction de la personne outragée.

 

En effet, ils visent l’autorité que représente la victime dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa fonction, et non sa personnalité.

Afin de qualifier l’infraction, il faut donc démontrer la connaissance par l’auteur de la qualité de la personne outragée mais également sa conscience du caractère outrageant.

 

 

Il arrive, par ailleurs, que l’outrage soit adressé de manière indirecte, notamment par l’intermédiaire d’un tiers.

L’auteur de l’outrage doit alors avoir la volonté d’atteindre la victime qui doit nécessairement avoir une connaissance effective de l’atteinte qui lui est porté.

 

Ainsi, la Cour de Cassation a jugé que ne pouvait être qualifié de rapporteur nécessaire que celui dont le prévenu savait que par ses liens avec la personne outragée il lui rapporterait l’outrage.

En l’espèce, un avocat qui venait de terminer un entretien avec une personne gardée à vue, s’était retourné vers sa cliente et avait prononcé des propos outrageant envers le président de la chambre de l’instruction, en présence des gendarmes chargés de l’enquête.

Cass. Crim. 26 octobre 2010 Pourvoi n° 09-88460

 

 

La réflexion devient délicate lorsque l’on rappelle que les éléments constitutifs de l’infraction sont mis en évidence par l’enquête de police ou de gendarmerie.

Or, celle-ci est parfois menée par des collègues ou subalternes de la personne outragée.

 

Tel était le cas dans un arrêt rendu par la Cour de Cassation en 2008 où l’enquête diligentée avait été menée par des gendarmes dont le commandant victime était le supérieur hiérarchique.

Les juges avaient alors indiqué que le défaut d’impartialité d’un enquêteur pouvait constituer une cause de nullité de la procédure, à la condition que ce grief ait eu pour effet de porter atteinte au caractère équitable et contradictoire de la procédure ou de compromettre l’équilibre des droits des parties.

Cass. Crim. 14 mai 2008 Pourvoi n ° 08-80483


Appréciation des juges du fond :

Cette dernière jurisprudence illustre parfaitement les difficultés d’appréciation de la notion d’outrage dont la problématique est complexe et l’approche varie selon les espèces.

Les juges du fonds évaluent, en conséquence, le caractère intentionnel de l’atteinte subie selon les circonstances, la teneur des écrits, la grossièreté des propos ou la violence des gestes.

 

Or, l’outrage et son appréciation qui se heurtent à la liberté d’expression, sont source depuis plusieurs années de nombreux débats.

 

Ainsi, dans une question du 11 novembre 2008, Michel LIEBGOTT, député de la Moselle, attirait l’attention de Madame la Garde des sceaux sur l’intrigante inflation de ce délit.

 

En réponse, Madame la Ministre de la Justice précisait que : « Si cette infraction vise à protéger la qualité des agents de la fonction publique ou des personnes dépositaires de l’autorité publique, il appartient à chacune d’elles de signaler les faits dont elle s’estime victime. Une fois relevé, l’outrage donne lieu à enquête au cours de laquelle, a minima, l’auteur et la victime sont entendus. Ces éléments sont ensuite soumis au ministère public, qui apprécie la caractérisation des faits et décide des suites qu’il entend y donner, en application des dispositions des articles 40 et 40-1 du code de procédure pénale ».

Réponse ministérielle n° 34893 JOAN Q 3 février 2009

 

 

Quelques mois plus tard, la diffusion d’un reportage dans l’émission Envoyé spécial du 10 septembre 2009 sur France 2 soulevait de vives interrogations non seulement sur la sincérité des procédures mais encore sur l’indemnisation des victimes.

 

C’est dans ce contexte que Monsieur Jean-Claude FRUTEAU, député de la Réunion, a relancé le débat sur l’augmentation des procédures pénales relatives aux outrages en envisageant la dépénalisation de ce délit lors d’une question du 13 octobre 2009.

 

Dans sa réponse, Madame la Ministre de la Justice indiquait que : « Il ressort des statistiques de la direction des affaires criminelles et des grâces que les condamnations pour outrage sont passées de 14 046 à 23 942, entre 1996 et 2008. Ces décisions sont prononcées par des juridictions qui, après avoir établi que les faits sont constitués, les répriment, au vu des circonstances de l’infraction et de la personnalité de l’auteur, conformément à la loi ».

Réponse ministérielle n° 60442 JOAN Q 27 avril 2010


Depuis lors, l’outrage a évolué pour gagner en emprise et en territoire.

 

Au terme du Décret n°2010-1634 du 23 décembre 2010, le droit pénitentiaire a emprunté au droit pénal pour faire de cette infraction une faute disciplinaire.

 

Selon l’article R 57-7-2 du Code de Procédure Pénale , les outrages formulés par une personne détenue à l’encontre d’un membre du personnel de l’établissement pénitentiaire, d’une personne en mission ou en visite au sein de cet établissement ou des autorités administratives ou judiciaires sont désormais susceptibles d’être sanctionnés par la Commission de discipline.

 

Les pouvoirs d’appréciation du juge pénal et les peines plancher

Le 04/04/11

Depuis longtemps, l’article L 132-24 du Code Pénal pose le principe de la personnalisation des sanctions pénales appliquées au condamné « en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ».

La loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire qui a complété ces dispositions, a limité le recours à l’emprisonnement ferme aux cas dans lesquels « la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ».

Elle a, par ailleurs, permis au juge pénal d’aménager la peine de prison ab initio avant l’intervention du Juge d’Application des Peines.

Pour autant, ces dispositions favorables aux condamnés ne sauraient faire oublier la loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs qui institue des peines minimales applicable aux récidives.

La loi n°2011-267 du 14 mars 2011 dite LOPPSI 2 est venue alourdir encore ces peines plancher désormais applicables aux primo-délinquants ayant commis des violences aggravées punies d’au moins sept ans d’emprisonnement.

Ce cadre punitif soulève la question des pouvoirs d’appréciation du juge pénal.

Le cadre des peines plancher : la récidive :

Avant toute chose, il convient de préciser que les peines minimales d’emprisonnement ou peines plancher ne s’appliquent qu’aux crimes et délits à l’exclusion des contraventions de cinquième classe.

L’infraction doit avoir été sanctionnée par une condamnation prononcée par une juridiction pénale française mais aussi d’un Etat membre de l’Union européenne depuis l’entrée en vigueur le 1er juillet 2010 de l’article 132-23-1 du Code Pénal .

Encore faut-il que la condamnation intervenue soit définitive, c’est-à-dire insusceptible de recours.

En effet, c’est cette irrévocabilité qui fixe ce que l’on appelle le premier terme, la condamnation de référence, qui permettra si un second terme intervient de retenir l’état de récidive légale.

Il est à noter cependant que dans un avis n° 0090005P du 18 janvier 2010 , la Cour de cassation a précisé que la composition pénale ne pouvait constituer le premier terme de la récidive.

Selon que l’importance des condamnations successives prononcées, la portée de la récidive variera : les conséquences seront donc différentes.

Selon l’article 132-8 du Code Pénal , la récidive d’un crime est perpétuelle quel que soit le temps écoulé entre les infractions.

 Ainsi si la première condamnation concerne un crime ou un délit puni de dix années d’emprisonnement, le récidiviste encourra :

– la réclusion à perpétuité, si le second terme est un crime puni de vingt ou trente ans de réclusion,

– une peine de trente ans si le second terme est un crime puni de quinze années de réclusion.

La récidive d’un délit est quant à elle temporaire.

Au terme de l’alinéa 1 du l’article 132-9 du Code Pénal , si le premier terme est constitué par un crime ou pour un délit puni de dix ans et que le second terme ressort d’un délit puni de la même peine, l’intervalle entre les deux condamnations sera de dix ans.

Au terme de l’alinéa 2 du même article, si pour un crime ou un délit puni de dix ans d’emprisonnement déjà condamné, l’auteur commet un délit puni d’un à dix ans, le délai sera alors de cinq ans.

Dans les deux cas, les peines encourues seront doublées.

Il reste que le cas auquel le juge pénal est le plus souvent confronté, celui de la commission dans les cinq ans suivant une condamnation d’un délit identique ou assimilé prévu par l’article 132-10 du Code Pénal .

Là-encore, les peines encourues sont doublées.

A la lecture de ce qui précède, on aura compris que tout l’enjeu de l’état de récidive légal tient au quantum de la peine.

Non seulement la loi no 2007-1198 du 10 août 2007 augmente les peines encourues par les récidivistes mais elle fixe un seuil de peines en dessous duquel ils ne peuvent être condamnés.

La possibilité d’exclure la sanction : la motivation spéciale :

Pour les crimes, les peines plancher sont de:

-Cinq ans pour un crime punissable de quinze ans de réclusion,

-Sept ans pour un crime punissable de vingt ans de réclusion,

-Dix ans pour un crime punissable de trente ans de réclusion,

-Quinze ans pour un crime punissable de réclusion à perpétuité.

Pour les délits, les peines plancher sont de :

– Un an pour un délit punissable de trois ans d’emprisonnement,

– Deux ans pour un délit punissable de cinq ans d’emprisonnement,

– Trois ans pour un délit punissable de sept ans d’emprisonnement,

– Quatre ans pour un délit punissable de dix ans d’emprisonnement.

Quant aux auteurs de violences volontaires, délit commis avec la circonstance aggravante de violences, agression ou atteinte sexuelle et délit puni de dix ans d’emprisonnement, ils ne pourront échapper à la prison en cas de récidive.

Le pouvoir d’individualisation des juridictions répressives se trouve donc limité.

Et ce n’est qu’en considération de certains critères limitativement énumérés que le juge pénal pourra se départir de ces seuils par décision spécialement motivée.

En cas de récidive simple, le prévenu devra faire état des circonstances de l’infraction, de sa personnalité ou de ses garanties d’insertion ou de réinsertion.

En cas de récidive aggravée, il devra justifier de garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion permettant d’écarter la peine plancher.

Autant dire que les motifs du jugement doivent être savamment structurés.

En matière de récidive aggravée, la Cour de cassation a, d’ailleurs, censuré un arrêt d’appel condamnant l’auteur à une peine d’une durée inférieure au seuil de deux ans pour un délit puni de cinq ans d’emprisonnement.

La circonstance aggravante de violence était retenue contre le prévenu qui avait déjà fait l’objet de sept condamnations.

Cass. Crim. 20 janvier 2009 Pourvoi 08-85669

De même, la juridiction suprême a rappelé la nécessité de motiver spécialement en considération des éléments définis par l’article 132-19-1 du Code Pénal une décision écartant le principe des peines plancher.

Après avoir été condamné pour vol avec violences, le prévenu était poursuivi pour violence sur sa concubine. La cour d’appel l’avait condamné à six mois d’emprisonnement et révoqué pour partie un sursis avec mise à l’épreuve.

Cass. Crim. 16 déc. 2008 Pourvoi 08-85671

Pour que le juge pénal entende les arguments du prévenu, il n’est donc pas bon que ce dernier soit seul, sans attache, sans emploi et sans projet.

L’aide juridictionnelle, peau de chagrin de la Justice

Le 21/03/11

L’aide juridictionnelle permet aux personnes physiques de nationalité française et aux ressortissants des États membres de l’Union Européenne, dont les ressources sont insuffisantes, de faire face aux frais d’instances, de procédures ou d’actes devant les juridictions judiciaires et administratives.

Les justiciables qui remplissent les conditions d’obtention de cette aide, peuvent ainsi bénéficier d’une prise en charge par l’État.

L’aide juridictionnelle garantit donc un accès au droit effectif fondé sur la solidarité.

Cependant, ce principe est malmené et remis en cause depuis plusieurs mois comme en témoigne l’état des lieux qui suit.

Modification du taux de TVA applicable :

Si l’État prend en charge les frais de justice, quelle est l’importance du taux de TVA applicable dans ce domaine?

La réponse ne peut être comprise sans rappeler que l’aide juridictionnelle peut prendre deux formes :

– La première est l’aide totale qui dispensent les justiciables de supporter les frais qui leur incombent.

Les avances ou consignations de toutes natures sont exclus qu’il s’agisse des honoraires d’avocat ou des frais de justice tels que l’intervention d’un huissier ou d’un expert judiciaire.

– L’attribution de l’aide partielle correspond à la seconde situation dans laquelle une partie seulement des frais exposés sera à la charge de l’État.

La participation de l’État varie en fonction du pourcentage retenu après analyse des conditions de ressources du demandeur de l’aide, soit de 15 à 85 %.

Les justiciables doivent notamment régler les honoraires de leur avocat venant compléter l’indemnité publique perçue par l’auxiliaire de justice.

Cette rémunération fait l’objet d’un accord entre le client et son conseil selon la nature, la complexité du dossier, le temps passé mais également les ressources du bénéficiaire.

Or, jusqu’au 31 décembre 2010, les honoraires ainsi déterminés et soumis au contrôle de l’Ordre des Avocats bénéficiaient d’un taux de TVA réduit à 5,5 %.

Depuis le 1er janvier 2011, les prestations des avocats sont désormais assujetties au taux de TVA normal de 19,6 % (20,00% depuis le 1er janvier 2014) quelques soient les circonstances.

Ce changement qui résulte de l’abrogation du f l’article 279 du Code Général des Impôts, fait échos à un arrêt rendu par la Cour de Justice de l’Union européenne le 17 juin 2010 (Affaire C-492/08, Commission c/ France).

La différence entre l’ancien et le nouveau taux de TVA applicable est évidemment supportée par le bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle.

Droit de plaidoirie à la charge du contribuable :

Cette question a précédemment été abordée dans un billet « un ticket modérateur pour la justice » auquel je vous renvoie.

Réduction du délai de recours :

A la suite de la Loi n°2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, le dernier coup dur vient du Décret n°2011-272 du 15 mars 2011 portant diverses dispositions en matière d’aide juridictionnelle et d’aide à l’intervention de l’avocat.

Depuis sa création, le bénéfice de l’aide juridictionnelle n’a jamais été marqué par l’intangibilité.

Cette aide pouvait et peut encore être refusée si l’action semble irrecevable, sans fondement ou si les conditions de ressources ne sont pas remplies.

L’article 23 de la Loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique prévoit ainsi que « les recours contre les décisions du bureau d’aide juridictionnelle peuvent être exercés par l’intéressé lui-même lorsque le bénéfice de l’aide juridictionnelle lui a été refusé, ne lui a été accordé que partiellement ou lorsque ce bénéfice lui a été retiré ».

Au terme de l’article 56 du Décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 , le délai du recours contre cette décision était alors d’un mois à compter du jour de sa notification à l’intéressé.

Mais le Décret n°2011-272 du 15 mars 2011 a réduit ce délai de recours à quinze jours depuis le 18 mars 2011.

La question qui reste en suspend est de savoir s’il s’agit d’un ultime écueil à ce système dont 900 000 personnes bénéficient chaque année.

Un ticket modérateur pour la Justice

Le 30/11/10 (mis à jour le 06/12/10)

Au terme de son article 41, le projet de Loi de Finances de 2011 supprime la prise en charge par l’État du droit de plaidoirie dû par le bénéficiaire de l’aide juridictionnelle à son avocat.

La première partie de ce projet a été adoptée par le Sénat ensuite de l’Assemblée Nationale le 24 novembre 2010 en première lecture par 179 voix contre 152.

Pour mieux comprendre cet important changement dans l’accès au droit, une analyse concrète et claire s’impose :

Qu’est-ce que l’aide juridictionnelle ?

L’aide juridictionnelle permet aux personnes physiques de nationalité française et aux ressortissants des Etats membres de l’Union Européenne, dont les ressources sont insuffisantes, de faire face aux frais d’instances, de procédures ou d’actes devant les juridictions judiciaires et administratives.

Loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique

Qu’est-ce que le droit de plaidoirie ?

Le droit de plaidoirie qui s’élève à 8,84 euros, participe au financement du régime de retraite de base des avocats.

Jusqu’alors ce droit afférent à chaque plaidoirie ou représentation de partie était assumé par l’Etat pour les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle.

Que va changer la loi ?

Désormais, c’est le justiciable, demandeur ou défendeur, bénéficiaire de l’aide juridictionnelle ou non, qui devra supporter le droit de plaidoirie.

Il devra participer financièrement aux frais de justice auprès de son avocat, qui reversera ce droit à la Caisse nationale des barreaux français (CNBF).

La loi de Finances 2011 instaure donc un ticket modérateur pour l’accès à la justice et à la défense à la charge des justiciables.

Et si l’avocat n’arrive pas à recouvrer ce droit auprès de son client, il semble qu’il devra lui-même en assumer la charge…et financer son propre régime de retraite alors qu’il y contribue déjà par ses cotisations.