Question prioritaire de constitutionnalité, initiatrice de réformes législatives

Le 11/07/11

Depuis la réforme du 23 juillet 2008, les modifications de la Constitution ont introduit la notion de question prioritaire de constitutionnalité.

L’article 61-1 dispose en effet :

« Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur le renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ».

Le deuxième alinéa de l’article 62 prévoit par ailleurs qu’« une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause ».

Cette procédure permet de soulever l’exception de la constitutionnalité des dispositions d’une législation dans le cadre d’une instance civile, pénale ou administrative.

Son but est de purger l’ordre juridique des dispositions inconstitutionnelles lorsque les dispositions législatives en vigueur n’ont pas été soumises au contrôle du Conseil Constitutionnel préalablement à leur promulgation.

Initiatrice de la réforme du Code de Procédure Pénale et de l’adoption de la Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue , la question prioritaire de constitutionnalité a redonné au Conseil Constitutionnel un nouveau souffle dans sa fonction de gardien de la Constitution.

Depuis lors, elle a également donné naissance à la Loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge .

Modification des conditions de forme d’hospitalisation à la demande d’un tiers et d’office, intervention renforcée du Juge des Libertés et de la Détention et intégration des soins ambulatoires viendront ainsi enrichir et compléter le Code de la Santé Publique.

A l’origine de cette évolution, il y a deux décisions du Conseil Constitutionnel :

Dans la première en date du 26 novembre 2010, les Sages ont eu à se prononcer sur l’hospitalisation à la demande d’un tiers et le maintien de cette mesure.

Ils ont alors précisé qu’en prévoyant que l’hospitalisation sans consentement peut être maintenue au-delà de quinze jours sans intervention d’une juridiction de l’ordre judiciaire, les dispositions du Code de la Santé Publique méconnaissaient les exigences de l’article 66 de la Constitution.

La liberté individuelle ne saurait être sauvegardée que si son garant, le juge judiciaire, intervient dans le plus court délai possible.

Décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010 

Dans la seconde décision en date du 9 juin 2011, les Sages ont récidivé et ont repris leur jurisprudence antérieure mais dans le cadre cette fois de l’hospitalisation d’office.

Si une mesure privative de liberté n’a pas à être nécessairement prise par l’autorité judiciaire, pour autant un réexamen de la situation de la personne hospitalisée dans les vingt-quatre heures suivant son admission doit permettre de s’assurer que l’hospitalisation d’office est nécessaire.

En l’absence d’une telle garantie, le Conseil Constitutionnel a censuré les dispositions jugées contraires à la Constitution.

Décision n° 2011-135/140-QPC du 9 juin 2011 

La hiérarchie des normes s’imposent donc dans les domaines du droit où la liberté des justiciables est en jeu.

La question prioritaire de constitutionnalité permet désormais aux sages du Conseil de rappeler avec force l’équilibre essentiel qui doit exister entre l’exercice d’une liberté et ses restrictions.

Article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 

La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société, la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi. 

La Profession d’Avocat : histoire personnelle d’une orientation professionnelle

Le 09/07/11

L’arrivée de cette période estivale et des vacances judiciaires sont l’occasion de se lancer dans l’archivage et d’améliorer le classement au sein du Cabinet. C’est ainsi que j’ai retrouvé au cours de mes fouilles archéologiques le rapport de stage que j’ai rédigé lorsque j’étais élève-avocat. 

Dans son introduction, j’expliquais alors les raisons de mon orientation professionnelle. Comme la plume est un peu maladroite, le propos un peu gauche, le contenu un peu naïf, je requière l’indulgence des internautes et confrères. 

Mais c’est avec attendrissement et nostalgie que je vous livre cette petite histoire plus personnelle qu’à l’ordinaire. 

« La justice est la base de la société : le jugement constitue l’ordre de la société : or le jugement est l’application de la justice ». (1)

ARISTOTE

Les choix de carrière représentent dans une vie des décisions importantes : ils sont bien souvent dictés par des éléments extérieurs comme les capacités scolaires, la volonté familiale ou les possibilités financière. Rien n’est jamais vraiment dû au hasard…

Cependant, ces choix répondent aussi aux aspirations personnelles, cela permet d’expliquer l’influence qu’ils peuvent avoir sur le chemin d’une vie.

(…)

Le droit est partout, dans chaque geste du quotidien, dans chaque habitude, dans chaque événement de la vie qu’il soit heureux ou malheureux. En effet, lorsque je circule en voiture, le simple fait de m’arrêter à un feu tricolore avant de traverser la chaussé fait entrer le droit dans mon univers : je respecte le code de la Route.

Mariage, succession, achat d’un bien immobilier, accident de la circulation, funérailles, de la naissance au trépas, les lois s’appliquent et se succèdent. Alors, elles encadrent sans brimer, elles domptent les instincts sans les réprimer.

Il existe un cause à cette omniprésence. Selon Platon (2) « ce qui donne naissance à la société c’est l’impuissance où chaque homme se trouve de se suffire à lui-même, et le besoin qu’il éprouve de beaucoup de choses ». Il n’est donc pas bon que l’Homme soit seul. Par conséquent hommes et femmes se regroupent en communauté et s’organisent en ordre social commun.

L’Homme a ainsi besoin du droit, le but de ce dernier étant d’instaurer les règles qui lui permettront de vivre en société, de créer les bases d’une communauté d’individus. Se forment alors une infinité de groupes sociaux avec des règles de vie différentes propres au groupe auquel elles s’appliquent.

Chacun a sa langue, son histoire, ses coutumes et éventuellement sa religion : les historiens s’accordent à dire que ces éléments communs d’appartenance et d’identification collective réalisent une sorte d’inconscient collectif qui se transmet de génération en génération, au fils des siècles et des événements au sein d’un même groupe.

Comme une photographie, les législations et les jurisprudences donnent donc la représentation éphémère d’une société à un instant T. Elles naissent du métissage de l’histoire, de la culture, des valeurs, des croyances, des espoirs, des peurs, des certitudes et des incertitudes d’une même population. Aussi le lien qui unit un peuple à ses lois même s’il n’est parfois pas revendiqué, est toujours réel.

Le monde n’est ni immobile, ni statique. De ce fait lorsqu’un élément forgeant une société se modifie, ses lois évoluent nécessairement. Ces changements dans l’espace et le temps ne sont pas sans effet : inévitablement, ils engendrent un mouvement perpétuel qui influence le droit. Rien n’est donc jamais acquis.

Aussi pour comprendre une société, en saisir sa substance, comprendre les aspirations communes des membres qui la composent, est-il nécessaire de connaître ses lois. Logiquement, l’essence même de la société se retrouve incontestablement dans son droit.

Le droit est une science humaine, une science de l’homme et par voie de conséquence, la science d’une population ciblée, la science de l’Autre.

C’est pourquoi, le désir de mieux comprendre le monde qui m’entoure, de mieux appréhender la société dans laquelle j’évolue, m’a attirée vers le droit.

Puis par la suite, je me suis orientée vers la profession d’Avocat.

(…)

L’avocat est l’« auxiliaire de justice dont la mission est de renseigner et de conseiller son client en matière juridique, en l’assistant en justice et en le représentant » : ce sont ces derniers aspects de cette activité qui m’ont attiré.

En premier lieu, l’Avocat a une mission d’assistance : il accompagne ses clients dans leur action, les guide et les conseille utilement. Chaque nouveau dossier est une nouvelle occasion de mettre en pratique ses connaissances.

J’ai toujours considéré et considère encore qu’apprendre et avoir la possibilité de faire des études est une chance. Pourvoir enrichir son esprit, avoir accès à de nombreux ouvrages rédigés par une multitude d’auteurs permet de mieux se connaître, de mieux connaître les autres, de mieux connaître le monde.

Mais le savoir n’est rien si on ne le partage avec personne.

L’Avocat met ses connaissances à la disposition des autres et exploite son potentiel pour les autres. A partir de ses acquis, il recherche la meilleure argumentation pour son client, l’oriente et le renseigne.

Comme chaque affaire est toujours et jamais la même, la recherche est sans cesse renouvelée et les outils de travail évoluent. L’Avocat s’investit donc pour ses clients qui viennent quérir une aide juridique.

En second lieu, l’Avocat assure une mission de représentation. Ce rôle est très intéressant car il permet à la fois d’être proche et lointain de son client.

Lorsque l’Avocat représente son client, cela implique une certaine « intimité  » : il connaît son affaire, éventuellement son caractère et partage un instant de sa vie.

Il y a incontestablement une dimension humaine dans sa fonction qui transparaît à ce moment-là : le client vient à l’Avocat avec son histoire, ses espoirs, ses doutes, parfois ses craintes face à l’appareil judiciaire.

Plus encore, il place en l’Avocat sa confiance et s’en remet à lui.

Cependant, l’Avocat ne se confond jamais avec son client car l’affaire qu’il traite, le dossier qu’il gère ne doit pas l’impliquer personnellement. Par conséquent, il demeure toujours une distance entre l’Avocat et son client.

Sans juger et avec mesure, l’Avocat va écouter, informer, accompagner son client. Il parle pour son client et de son client, il est à côté de lui et non avec lui. Comme un interprète, il traduit en langage juridique la volonté de son client et son argumentaire.

Ainsi la profession d’Avocat est une profession où il ne faut jamais rien tenir pour acquis, où il faut toujours à évoluer, où il faut sans cesse continuer à apprendre et à avancer.

Mais l’humain reste toujours au coeur de la fonction.

« La loi est comme un couteau : elle n’offense pas qui la manie ».

Emmanuel KANT 

L’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 et le formalisme du cautionnement locatif

Le 19/06/11

Le cautionnement est un contrat par lequel «celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même ».

La mise en mouvement de la caution est conditionnée à la défaillance de débiteur qu’elle garantit.

Au terme de la Loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs , le bailleur d’un logement d’habitation peut recourir à cette sûreté pour s’assurer du règlement des loyers, charges et accessoires due par son locataire.

Dans ce cadre, l’engagement de la caution peut avoir des conséquences financières sont non négligeables et demande au garant d’être attentif aux obligations qu’il souscrit.

Aussi, le législateur a entendu encadré l’acte de cautionnement par un formalisme strict.

Conditions de forme du cautionnement locatif : 

La forme et le contenu qui doivent être ceux de l’engagement de caution, sont expressément précisés au dernier alinéa de l’article 22-1 de la Loi de 1989 selon lequel :

«La personne qui se porte caution fait précéder sa signature de la reproduction manuscrite du montant du loyer et des conditions de sa révision tels qu’ils figurent au contrat de location, de la mention manuscrite exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu’elle a de la nature et de l’étendue de l’obligation qu’elle contracte et de la reproduction manuscrite de l’alinéa précédent».

Ainsi le cautionnement doit obligatoirement comporter les mentions suivantes :

– Le montant du loyer et ses conditions de sa révision,

– La reproduction de l’alinéa précédent de l’article 22-1 de la Loi concernant la résiliation de l’engagement à durée indéterminée.

Il appartient bien évidemment à celui qui s’engage d’apposer personnellement de sa main ces mentions suivies de sa signature.

La loi ne manque pas de préciser que ce formalisme utile permet d’établir de façon non équivoque la connaissance que la caution a de la nature et de l’étendue de son obligation.

De ce fait, les mentions manuscrites prescrites constituent une condition de validité du cautionnement.

Aucun élément ne permet donc d’écarter le formalisme ad validitatem imposé par le législateur.

Cependant, il convient de souligner que les dispositions de l’article 22-1 de la Loi ne concernent que les cautionnements conclus sous seings privés.

La Cour de Cassation a, en effet, relevé que les cautionnements donnés en la forme authentique, avec le concours d’un notaire, ne sont pas soumis à ces dispositions.

Cass Civ 3ème 9 juillet 2008 Pourvoi n°07-10926 

Sanction du non respect des dispositions de l’article 22-1 : 

En cas de manquement au formalisme précité, il n’existe aucune ambiguïté sur la sanction encourue car «ces formalités sont prescrites à peine de nullité du cautionnement».

Ainsi l’inobservation de l’une de ces exigences emporte la disparition rétroactive de l’engagement sans condition supplémentaire.

Dans un arrêt du 8 mars 2006, la Cour de Cassation a eu l’occasion de rappeler que les formalités édictées par l’article 22-1 de la Loi sont prescrites à peine de nullité sans qu’il soit nécessaire d’établir l’existence d’un grief.

Cass Civ 3ème 8 mars 2006 Pourvoi n° 05-11042 

Les juges de la Cour Suprême ont, par ailleurs, relevé que l’article 22-1 de la Loi n’opérait pas de distinction selon le caractère déterminé ou indéterminé de la durée du cautionnement.

Cass Civ 3ème 27 septembre 2006 Pourvoi n° 05-17804 

Or, la simple omission de reproduction des conditions de la révision du loyer emporte l’annulation de l’acte litigieux.

CA ANGERS 30 novembre 2010 n° 08/02990 

La caution qui s’engage pour une durée déterminée est de même tenue de recopier les dispositions de l’article 22-1 de La loi s’appliquant à la résiliation des cautionnements à durée indéterminée.

La Cour de Cassation confirme là encore qu’en son dernier alinéa, l’article 22-1 de la Loi n’introduit aucune distinction selon le caractère déterminé ou indéterminé de la durée du cautionnement.

Cass Civ 3ème 14 septembre 2010 Pourvoi n° 09-14001 

La vigilance du bailleur est donc de mise, sous peine que l’engagement de caution disparaisse et soit réputé ne jamais avoir existé.

Le défaut de respect des obligations légales précitées risque alors de lui faire perdre sa garantie de règlement si son locataire s’avère défaillant…

Report de l’intervention du Juge des Libertés et de la Détention en matière de rétention administrative

Le 15/06/11

Au terme de son article 44, le projet de Loi relatif à l’immigration adopté par le Sénat le 11 mai 2011 précise que «  l’étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l’autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours « .

Ainsi, non seulement la durée du placement en rétention passe de 2 à 5 jours mais l’intervention du Juge Judiciaire, garant des libertés individuelles et compétent pour autoriser la prolongation de cette mesure, est d’autant retardée.

Cependant, le Conseil Constitutionnel a jugé conforme à la Constitution ce nouveau délai d’intervention du Juge des Libertés et de la Détention dans une décision du 9 juin 2011.

Le Juge Administratif statuera donc préalablement à la saisine du Juge Judiciaire : le contrôle de la légalité est désormais prioritaire sur la protection de la liberté individuelle.

Procédure de contestation des honoraires d’avocat

Le 12/06/11

 Au terme d’un arrêt du 1er juin 2011, la Cour de Cassation a souligné que les lettres simples adressées au Bâtonnier aux fins de contestation des honoraires d’un avocat ne saisissaient pas celui-ci d’une réclamation formée selon les modalités prescrites aux articles 174 et suivants du Décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 .

Cass. Civ. 2e 1er juin 2011 Pourvoi 10-16381 

Cette décision se rapporte à la procédure permettant le règlement des litiges pouvant survenir entre le client et son conseil en matière d’honoraires.

En effet, l’article 174 du Décret précité dispose que « les contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires des avocats ne peuvent être réglées qu’en recourant à la procédure prévue aux articles suivants ».

Ainsi, l’évocation de la jurisprudence récente est l’occasion de préciser la procédure s’appliquant aux réclamations en matière d’honoraires et les formalités de ces recours.

Le cadre de la procédure : 

La rétribution des prestations de l’avocat est encadré par l’article 10 de la Loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, récemment modifié par la Loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées.

Selon ces dispositions, « Les honoraires de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.

A défaut de convention entre l’avocat et son client, l’honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci. 

Toute fixation d’honoraires, qui ne le serait qu’en fonction du résultat judiciaire, est interdite. Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d’un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu ».

Le principe est donc que les honoraires de l’ avocat sont libres et fixés en accord avec son client.

Le Conseil National des Barreaux rappelle sur son site internet que « le coût de l’intervention de votre avocat n’est pas un sujet tabou ».

Pour autant, il existe bel et bien un contentieux en matière d’honoraires qu’il fasse suite au rejet d’une demande d’aide juridictionnelle ou qu’il intervienne dans tous autres contextes.

Conformément à la jurisprudence des juges de la Cour Suprême, la définition de « client » s’applique à toute personne demandant à un avocat des conseils qu’il reçoit : en sa qualité, le client est redevable des honoraires réclamés.

Cass. Civ. 2e 26 juin 2008 Pourvoi 06-11227 

En application de l’article 2224 du Code Civil, l’action en contestation ou fixation des honoraires se prescrit par cinq ans à compter de la date à laquelle le mandat de l’avocat a pris fin.

La saisine et la décision du Bâtonnier : 

Les contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires sont soumises successivement au Bâtonnier de l’Ordre des Avocats, puis au Premier Président de la Cour d’Appel.

La première étape passe donc par la saisine du Bâtonnier du Barreau auquel l’avocat dont la rétribution est discutée, appartient.

Le formalisme de la demande retenu par l’article 175 du Décret est celui de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou remise contre récépissé.

L’arrêt précité du 1er juin 2011 précise les conditions de saisine initiant la procédure du Décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, à savoir :

– seule la demande présentée selon les modalités prescrites saisit le bâtonnier,

– seule la réponse adressée par le Bâtonnier dans ce cadre est susceptible de recours devant le Premier Président de la Cour d’Appel.

Ainsi donc le formalisme s’impose aussi bien au client qu’à l’avocat pouvant saisir son Bâtonnier de toute difficulté de règlement.

Dès lors qu’il est valablement saisi, le Bâtonnier « informe l’intéressé que, faute de décision dans le délai de quatre mois, il lui appartiendra de saisir le premier président de la cour d’appel dans le délai d’un mois ».

Le manquement à cette obligation empêche le délai de recours devant le Premier Président de courir.

Cass. Civ. 2e 9 octobre 2008 Pourvoi 06-16847 

Lorsqu’elles reçoivent une parfaite information, les parties sont convoquées et entendues dans leurs observations par le Bâtonnier lui-même ou par le rapporteur qu’il aura désigné pour le substituer.

Et à l’expiration du délai de quatre mois pouvant être prorogé par décision motivée et notifiée aux parties, le Bâtonnier statue sur le litige.

S’il s’abstient de respecter cette échéance et ne répond pas, il est admis que le demandeur puisse réitérer sa requête auprès du Bâtonnier à défaut de recours.

S’il se prononce, la décision sera notifiée sous quinze jours aux parties par courrier recommandé avec demande d’avis de réception faisant mention, à peine de nullité, du délai et des modalités du recours.

En l’absence de contestation, cette décision pourra être rendue exécutoire par ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance sur requête.

Le recours devant le Premier Président de la Cour d’Appel : 

Le Premier Président de la Cour d’Appel est amené à intervenir dans le contentieux des honoraires dans les deux cas énumérés par l’article 176 du Décret :

– soit si l’une ou l’autre partie entende contester la décision du Bâtonnier,

– soit s’il est saisi à défaut de décision rendue par le Bâtonnier à l’expiration du délai de quatre mois sauf prorogation.

Dans l’un ou l’autre des cas, le recours se fera par lettre recommandée avec demande d’avis de réception dans un délai d’un mois.

Mais contrairement à la saisine du Bâtonnier, la formalité prescrite est prévue non à titre de recevabilité mais uniquement probatoire.

Comme l’a retenu la Cour de Cassation dans un arrêt du 19 mars 2009, la lettre recommandée n’est destinée qu’à régler toute contestation éventuelle sur la date du recours.

Cass. Civ. 2e 19 mars 2009 Pourvoi 08-15838 

Il sera cependant précisé que cette jurisprudence s’appliquait au recours formé par lettre déposée au greffe de la cour d’appel et non par lettre simple.

A la suite, les parties seront une nouvelle fois convoquées huit jours à l’avance en application de l’article 177 du Décret.

Comme devant le Bâtonnier, l’oralité et le principe du contradictoire président à cette procédure spéciale. 

Cass. Civ. 2e 10 juillet 2008 Pourvoi 07-13027 

Mais, l’intervention du juge est limitée au règlement de la fixation des honoraires…

Conformément à l’article 174 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991, le Premier Président d’une Cour d’Appel n’a ainsi pas le pouvoir de se prononcer sur une éventuelle responsabilité de l’avocat à l’égard de son client résultant d’un manquement à son devoir de conseil et d’information.

Cass. Civ. 2e 6 mai 2010 Pourvoi 09-65389 

S’il l’estime nécessaire, le Premier Président peut, à tout moment, renvoyer l’affaire à la Cour aux fins qu’il soit statué collégialement sur le litige opposant les parties.

A l’issue des débats et du délibéré, l’ordonnance ou l’arrêt rendu sera notifié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Cette procédure spécifique définies par des articles 174 et suivants du Décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 s’applique à tous les litiges entre avocat et client concernant les honoraires.

Mais en toute logique, ce principe souffre une exception.

Si l’avocat en cause est le Bâtonnier de l’Ordre, il va de soi qu’il ne pourra se prononcer sur la fixation de ses propres honoraires.

Les contestations le concernant seront alors portées devant le Président du Tribunal de Grande Instance compétent selon les mêmes modalités.

Nullité des gardes à vue antérieures au 1er juin 2011

Le 06/06/11

Dans le prolongement de l’arrêt rendu le 15 avril 2011 en assemblée plénière, la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation a réaffirmé le 31 mai dernier le droit à un procès équitable au visa de l’article 6 § 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

Elle a ainsi précisé « qu’il se déduit de ce texte que toute personne, placée en garde à vue, doit, dès le début de cette mesure, être informée de son droit de se taire et, sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’espèce, pouvoir bénéficier, en l’absence de renonciation non équivoque, de l’assistance d’un avocat ».

C’est ainsi que la Chambre Criminelle a cassé les arrêts écartant l’exception de nullité des procès-verbaux établis dans le cadre de la retenue douanière puis de la garde à vue ainsi que des actes subséquents.

 Cass. Crim. 31 mai 2011 Pourvoi 11-81412 

Cass. Crim. 31 mai 2011 Pourvoi 10-88293 

Cass. Crim. 31 mai 2011 Pourvoi 10-80034 

Cass. Crim. 31 mai 2011 Pourvoi 10-88809 

 

 

Ce qu’il faut savoir sur la servitude légale de passage

Une servitude est une charge supportée par un fonds dit servant, au bénéfice d’un autre fonds dit dominant.

Elle suppose l’existence de deux biens immobiliers appartenant à deux propriétaires différents : elle est ainsi attachée au fonds qu’elle grève et est l’accessoire du droit de propriété de celui auquel elle profite.

Selon les cas, ces charges revêtent divers caractères permettant de déterminer leur nature mais aussi leur mode d’acquisition.

Ainsi, la servitude de passage est apparente du fait du chemin qui la matérialise, au contraire de celle de canalisation sous-terraine ; la servitude d’écoulement des eaux pluviales est continue, à l’inverse de celle de puisage.

De toutes, la plus connue est sans doute la servitude légale en cas d’enclave qui est constituée par un droit de passage sur le terrain d’autrui.

Je vous propose de nous intéresser à cette dernière dans l’analyse qui suit.

 

  • Quand cette charge est-elle créée ?

Selon l’article 682 du Code Civil, « le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n’a sur la voie publique aucune issue, ou qu’une issue insuffisante, soit pour l’exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d’opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d’une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner».

La création d’une servitude quelle qu’elle soit, ne porte pas atteinte au droit de propriété : elle donne cependant naissance à des sujétions qui s’imposent au propriétaire du fonds grevé.

Comme on l’aura compris, la charge sera créée en l’espèce pour désenclaver une parcelle et aménager un droit de passage.

Lorsqu’un terrain est dépourvu d’accès à la voie publique ou doté d’un accès insuffisant, il est dit enclavé.

La Cour de Cassation a eu l’occasion de préciser que pour déterminer l’état d’enclave d’un fonds, le juge doit rechercher si les voies qui permettraient sa desserte, même privées, sont ouvertes au public.

Cass. Civ 3ème 13 mai 2009 Pourvoi 08-14640

 

Dans cette hypothèse, le propriétaire pourra alors réclamer sur le/ les fonds voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de son fond.

La servitude pourra cependant être créée de deux façons :

– soit les parties s’entendent amiablement sur le droit de passage, elles concluront un accord précisant l’assiette et l’indemnisation,

– soit il existe un désaccord total ou partiel, le propriétaire du fonds enclavé devra alors saisir le Tribunal de Grande Instance du lieu de l’immeuble aux fins de fixation judiciaire des modalités de la charge.

 

  • Quelles sont les obligations du bénéficiaire du droit de passage ?

Si l’état d’enclave entraîne l’existence de plein droit de la servitude, il ne permet pas au propriétaire du fonds dominant d’user du fonds servant selon son bon vouloir.

Le passage est encadré par certaines modalités d’exercice et accompagné d’une contrepartie financière.

Selon les dispositions de l’article 683 du Code Civil, le tracé du passage, c’est-à-dire l’assiette, doit concilier deux critères : celui du chemin le plus court entre le terrain enclavé et la voie publique, et celui du chemin le moins dommageable pour le/ les propriétaires du/des fonds servants.

Pour autant, l’accord des parties sur ce point doit prendre en considération les constructions et la topographie des lieux pour se déterminer ainsi que les nécessités de circulation.

 

De plus, le propriétaire du fonds servant peut solliciter la modification de l’assiette de la servitude pour des raisons de commodité, sous réserve de supporter les frais d’implantation afférents à la nouvelle assiette.

Cass. Civ 3ème 27 octobre 1993 Pourvoi 91-17024

 

Mais d’ordinaire, il appartient au propriétaire du fonds enclavé d’indemniser son voisin des dommages qu’il subit par le passage, à savoir le bruit ou la détérioration du chemin, doivent faire l’objet d’une indemnisation.

La servitude peut donc donner lieu au paiement d’une indemnité dont l’action est prescriptible.

Qu’elle soit versée sous forme de capital ou d’annualités, la somme convenue entre les parties ou fixée judiciairement doit être proportionnée aux dommages occasionnés.

 

  • La servitude passage légale peut-elle disparaître ?

La servitude n’est pas perpétuelle et peut s’éteindre de diverses façons.

– La première situation concerne évidemment la disparition de l’état d’enclave par la création d’une desserte suffisante sur la voie publique.

Cette évolution peut ressortir de l’implantation d’une route suite à la construction d’un ensemble immobilier ou à l’expansion de la commune ou des modifications du PLU.

La servitude perd alors l’utilité à l’origine de sa création et disparaît.

 

– Il en va de même dans la deuxième situation provenant de la réunion des deux propriétés concernées (article 705 du Code Civil).

Les deux fonds se confondent alors entre les mains d’un même propriétaire.

 

– La troisième situation s’applique à l’impossibilité d’usage de la servitude (article 703 du Code Civil ).

Elle résulte alors de modifications dans l’état matériel des lieux ou d’un phénomène naturel.

 

Pour autant, comme le souligne l’article 704 du Code Civil, les servitudes « revivent si les choses sont rétablies de manière qu’on puisse en user ».

L’empêchement qui rend l’usage du droit de passage impossible, ne sera alors que provisoire.

En dehors de ces cas, il es important de préciser que ni le non usage du passage pendant 30 ans, ni l’abandon par le bénéficiaire n’éteignent pas la servitude légale.

Cass. Civ 3ème 11 février 1975 Pourvoi 73-13974

Cass. Civ 3ème 27 mars 1991 Pourvoi 89-16443

 

L’infraction de traite des êtres humains

Le 29/05/11

Richard BACH écrivait qu’« Au sein de chacun de nous se trouve le pouvoir de consentir à la santé et à la maladie, à la richesse et à la pauvreté, à la liberté et à l’esclavage. C’est nous qui maîtrisons cela et nul autre ».

Depuis deux siècles, la reconnaissance des droits des hommes dans de nombreux pays a permis de réduire l’asservissement de l’homme par l’homme à travers le monde.

Cependant s’il a parfois été aboli en quelques lieux, l’esclavage a pris des formes modernes qui n’ont pas échappé aux institutions internationales.

Aussi, les Nations unies ont-elles adopté à New York le 15 novembre 2000 le Protocole de Palerme, additionnel à la convention contre la criminalité transnationale organisée, pour prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.

Ce protocole ratifié par la France le 6 août 2002 avait pour vocation de placer les États face leur devoir de protection à l’égard des victimes de la traite.

Dans le même élan, le Conseil de l’Europe a adopté le 16 mai 2005 la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains dite Convention de Varsovie .

Le 9 janvier 2008, la France a ratifié la convention entrée en vigueur depuis le 1er février 2008.

Afin d’intensifier la lutte, l’Union Européenne a ensuite adoptée la directive UE 2011/36du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil en date du 19 juillet 2002.

L’ensemble de ces normes internationales et européennes reprennent une définition unique de la traite des êtres humains, à savoir :

« Le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes ».

Protocole de Palerme 15 novembre 2000 Article 3

Convention de Varsovie 16 mai 2005 Article 4

Directive UE 2011/36 5 avril 2011 Article 2

Fort de cette évolution, la Loi n°2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a crée dans notre droit pénal national une infraction réprimant la traite des êtres humains.

 La répression du Code Pénal : 

La France connaît l’abolition de l’esclavage selon décret du 7 avril 1848 et, depuis lors, a fait sienne le principe du respect de la dignité de la personne humaine.

C’est la raison pour laquelle, l‘article 225-4-1 du Code Pénal reconnaît la traite des êtres humains et la punit de sept ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.

Cette infraction implique l’existence des éléments constitutifs suivants:

– le fait de recruter une personne, de la transporter, de la transférer, de l’héberger ou de l’accueillir,

– pour la mettre à sa disposition ou à la disposition d’un tiers, même non identifié,

– afin soit de permettre la commission contre cette personne des infractions de proxénétisme, d’agression ou d’atteintes sexuelles, d’exploitation de la mendicité, de conditions de travail ou d’hébergement contraires à sa dignité, soit de contraindre cette personne à commettre tout crime ou délit,

– en échange d’une rémunération ou de tout autre avantage ou d’une promesse de rémunération ou d’avantage.

Contrairement la définition internationale, la contrainte quelle qu’elle soit n’est pas une composante de ce délit.

Mais elle constitue l’une des circonstances aggravantes prévues à l’article 225-4-2 du Code Pénal qui sont de trois ordres :

 Les premières tiennent à la qualité des victimes, à savoir leur minorité, leur vulnérabilité, leur nombre et leur nationalité.

Les deuxièmes se rapportent au processus délictuel, c’est-à-dire au lieu de l’infraction, aux moyens de communication utilisés pour assurer le contact avec la victime, aux risques auxquels la victime a été exposés et aux contraintes physiques ou morales qu’elle a subies.

Les troisièmes concernent la qualité de l’auteur de par son lien de parenté ou d’ascendance sur la victime ou de par ses fonctions.

Bien sûr si des actes de torture ou à de barbarie sont intervenus dans la constitution de l’infraction, l’aggravation franchira un nouveau pallier : ces sévices feront encourir à l’auteur la réclusion criminelle à perpétuité.

Le législateur a cependant compris que la première entrave à l’enquête et de ce fait à la répression est le silence.

Il arrive, en effet, que la traite des êtres humains relèvent de réseaux, parfois enracinés à l’étranger et souvent organisés et hiérarchisés.

La dénonciation et la collaboration avec les autorités administratives ou judiciaires sont donc encouragées pour éviter ou faire cesser l’infraction, en limiter les conséquences ou en identifier les coauteurs ou complices.

La Coopération est ainsi récompensée par l’exemption ou la réduction de la peine encourue ab initio.

 Les droits des victimes : 

Dans son préambule (18), la Directive UE 2011/36 du 5 avril 2011 précise qu’« il est nécessaire que les victimes de la traite des êtres humains soient en mesure d’exercer leurs droits d’une manière effective. C’est pourquoi il conviendrait de leur apporter assistance et aide, avant et pendant la procédure pénale, ainsi qu’après celle-ci pour une période suffisante ».

Comme on l’aura compris, les victimes de la traite sont des pantins entre les mains de marionnettistes qui ont su habilement profiter de leurs faiblesses.

Profondément marquées par les souffrances qu’elles ont endurées, elles ont perdu l’estime d’elles-mêmes.

Ces victimes d’un autre âge sont souvent habitées par la peur des représailles et isolées de leurs proches.

L’article R 316-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile prend en compte ces circonstances depuis le Décret n°2007-1352 du 13 septembre 2007.

Aussi lorsque les services de police ou de gendarmerie identifient une victime de la traite, ils sont tenus de l’informer de ses droits.

– La victime a la possibilité d’être admis au séjour et à l’exercice d’une activité professionnelle provisoirement.

En effet, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » puis une carte de résident peut être délivrée à l’étranger victime de la traite ayant déposé plainte ou témoigné dans une procédure pénale contre l’auteur des faits.

Mais il ne s’agit que d’une faculté pour la Préfecture en charge de la demande, non d’un droit acquis.

– La victime bénéficie ainsi d’un délai de réflexion de trente jours pour décider de faire ou non une demande de titre sur ce fondement : durant ce délai, un récépissé lui est remis.

– La victime est, par ailleurs, avisée des mesures d’accueil, d’hébergement et de protection mise en place pendant ce délai de réflexion, à savoir la protection sociale, le versement d’une allocation d’attente, un accompagnement social et une protection policière en cas de danger.

Plusieurs associations seront présentes pour l’assister et l’aider dans ses démarches.

– Les services de police ou de gendarmerie lui précisent enfin les droits notifiées à toutes victimes s’appliquant à la constitution de partie civile, l’aide juridictionnelle et le droit à indemnisation.

En application des dispositions de l’article 706-3 du Code de Procédure Pénale , la victime bénéficie au surplus d’une réparation intégrale de son préjudice et est accessible à la saisine de la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions.

L’ensemble de ces informations concernant ses droits lui sont données en toute confidentialité dans une langue qu’elle comprend.

Les dispositions législatives assurent ainsi la parfaite connaissance et la complète effectivité des droits de la victime de traite.

Cependant, le lecteur averti relèvera l’absence de références jurisprudentielles illustrant la présentation ci-dessus. 

L’explication ressort du faible nombre de condamnations prononcées sur le fondement de l’article 225-4-1 du Code Pénal par les juridictions répressives.

On se plairait presque à croire que l’esclavage moderne est anecdotique dans notre société actuelle… Dans les faits, il n’en est rien pourtant.

Seulement les magistrats du parquet démontrent de grandes réticences et frilosités à poursuivre les auteurs sur le fondement de la traite des êtres humains.

Ils préfèrent souvent se tourner vers d’autres infractions moins complexes à déterminer tels que le travail dissimulé, le proxénétisme ou l’aide à l’entrée et au séjour d’étrangers.

Mais cette facilité d’approche et cette simplicité d’analyse privent malheureusement les victimes de la traite des droits afférents à sa qualification .

Et surtout, comme l’a dit Abraham LINCOLN « Lorsque l’homme s’habitue à voir les autres porter les chaînes de l’esclavage, c’est qu’il accepte lui-même un jour de les porter».

Placement en garde à vue d’un étranger en séjour irrégulier : le juge français et la directive retour

Le 22/05/11

La directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dite « directive retour » a été adopté le 16 décembre 2008.

 Cette mesure fixe les normes et procédures communes au retour dans leur pays d’origine ou tout Etat tiers des citoyens non ressortissants d’un Etat de l’Union en situation irrégulière sur le territoire de l’Union.

Entrée en vigueur le 13 janvier 2009, la directive laissait aux Etats membres un délai expirant le 24 décembre 2010 afin de procéder à sa transposition en droit interne.

Mais la FRANCE n’a pas respecté cette échéance : la directive est donc depuis le 25 décembre 2010 directement invocable par les justiciables.

Depuis lors, les juridictions de l’hexagone sont saisies des moyens fondés sur cette législation européenne dans le contentieux de droit des étrangers.

Si le respect du délai de départ volontaire est l’objet du débat devant les Tribunaux Administratifs, c’est l’illégalité du placement en garde à vue qui occupe les juges civils.

Le droit européen et la garde à vue pour séjour irrégulier : 

Le placement en garde à vue suit le plus souvent l’interpellation pour séjour irrégulier et précède le placement en rétention administrative. 

Elle intervient donc entre le contrôle d’identité et l’exécution de la mesure d’éloignement, sous le contrôle du Procureur de la République.

Sa nature de mesure privative de liberté la met au centre des discussions.

Au terme d’un arrêt du 28 avril 2011 , la Cour de Justice de l’Union Européenne a indiqué qu’en application de la directive retour, les Etats membres ne pouvaient sanctionner d’une peine d’emprisonnement des étrangers en séjour irrégulier et enjoints de quitter le territoire de ce fait.

Dans cette espèce concernant l’Etat italien, un ordre d’éloignement du territoire national avait été émis le 21 mai 2010 et notifié le même jour à Monsieur El Dridi.

A la suite d’un contrôle effectué six mois plus tard, Monsieur El Dridi qui ne s’était pas conformé à cet ordre, avait été condamné par le Tribunale di Trento à une peine de un an d’emprisonnement de ce fait.

En appel, la Corte d’appello di Trento avait sursis à statuer et renvoyé à la Cour de Justice de l’Union Européenne le litige sur question préjudicielle.

La Cour a indiqué que « la directive 2008/115/CE du parlement européen et du conseil en date du 16 décembre 2008, entrée en vigueur le 13 janvier 2009, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres concernant le retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, particulièrement en ses articles 15 et 16, doit être interprétée dans ce sens qu’elle s’oppose à la règlementation d’un Etat membre qui prévoit l’infliction d’une peine d’emprisonnement à un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier pour le seul motif que celui-ci demeure, en violation d’un ordre de quitter le territoire de cet Etat dans un délai déterminé sur ledit territoire sans motif justifié ». 

Et voici, une brèche qui s’ouvre pour contester la garde à vue des étrangers en situation irrégulière.

L’article L 621-1 du CESEDA dispose que « l’étranger qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L 211-1 et L 311-1 ou qui s’est maintenu en France au-delà de la durée autorisée par son visa sera puni d’une peine d’amende de 3 750 euros ». 

Cette contravention ne permet donc pas d’être gardé à vue pour ce motif puisque la garde à vue ordonnée pour les nécessités de l’enquête ne s’applique qu’en cas de flagrance lorsqu’une peine d’emprisonnement est encourue. 

Il n’en reste pas moins que cette mesure privative de liberté apparaît dans nombres de procédures d’étrangers irréguliers.

Elle se rapproche ainsi de l’emprisonnement portant également atteinte à la liberté d’aller et de venir.

De ce fait, les services de police ou de gendarmerie ne sauraient retenir que pendant quatre heures un étranger en séjour irrégulier pour contrôler son identité et prendre toute décision utile à son éloignement.

La jurisprudence des juridictions françaises : 

Plusieurs Cour d’Appel ont ainsi retenu que l’étranger en séjour irrégulier ne pouvait être placé en garde à vue pour l’infraction de séjour irrégulier.

Par un arrêt du 6 mai 2011, la Cour d’Appel de NÎMES a notamment précisé qu’« en l’état de l’arrêt du 28 avril 2011 susvisé, les juridictions doivent laisser inappliquée toute disposition contraire au résultat de la directive ».

Cour d’Appel de NÎMES 6 mai 2011 RG 11/00186 

La Cour d’Appel de TOULOUSE a considéré que « un étranger ayant commis le délit prévu à l’article L 621-1 du CESEDA n’encourt, par la suite, au regard des prescriptions européennes qu’une peine d’amende de 3 750 euros maximum à l’exclusion d’un peine d’emprisonnement et ne peut en conséquence faire l’objet d’un placement en garde à vue en application de l’article 67 du code de procédure pénale, que seule une rétention de quatre heures est possible ».

Cour d’Appel de TOULOUSE 9 mai 2011 N°AMP 11/253 

Dans ce sens, on peut également citer la décision de la Cour d’Appel de RENNES du 6 mai 2011 (n°2011/126).

A LYON, les positions sont divergentes au sein même de la Cour d’Appel :

Le 16 mai 2011, une première formation de la Cour a relevé que les articles 15 et 16 de la Directive pouvaient être invoqués directement et que toutes dispositions contraires devaient être laissées inappliquées.

Cour d’Appel de LYON 16 mai 2011 n°246/2011 – 247/2011 

En se fondant sur la jurisprudence européenne, elle a reconnu l’irrégularité de la garde à vue pour séjour irrégulier et confirmé l’ordonnance du juge des Libertés et de la Détention rejetant la requête du Préfet de la SAVOIE en prolongation de la rétention administrative.

Le même jour, une deuxième formation a dit que le placement en garde à vue était une mesure liée aux nécessités de l’enquête et ne pouvait être assimilée à la privation de liberté résultant d’une incarcération.

Cour d’Appel de LYON 16 mai 2011 n°232/2011 

Celle-ci a rejeté le moyen d’annulation comme les Cours d’AIX-EN-PROVENCE et de PARIS avant elle.

Le 17 mai 2011, une troisième formation a distingué cette fois entre les différentes situations selon la nature de mesure d’éloignement, les éventuelles procédures antérieures… pour juger dans le même sens.

Dans le cas d’un arrêté de reconduite à la frontière sans antécédent, elle retient ainsi que l’application des règles posées par la directive est subordonnée à la délivrance d’une décision de retour à l’encontre de l’étranger, à savoir un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour et imposant ou énonçant une obligation de retour.

Cour d’Appel de LYON 17 mai 2011 n°264/2011-265/2011

et 262/2011-263-2011 

Dans le cas d’une obligation de quitter le territoire, elle précise que les services de police n’étaient pas informés lors du contrôle d’identité entraînant le placement en garde à vue de la décision de retour, cette information n’apparaissant qu’en cours de procédure et en raison des investigations menées durant la garde à vue.

Cour d’Appel de LYON 17 mai 2011 n°260/2011-261/2011 

Mais dans les deux cas, le résultat est identique puisque le moyen est rejeté.

Il flotte donc à LYON un petit vent de distension dont l’effet « gône » a déjà conduit au pourvoi à l’origine de l’arrêt du 15 avril 2011 rendu par la Cour de Cassation .

Le temps judiciaire

Le 15/05/11

La culture populaire aime à attribuer au temps de grandes vertus imaginaires afin d’enseigner à chacun l’endurance de la vie à défaut de maîtrise des événements.

On lui donne ainsi bien naïvement les qualités de faire passer la jeunesse turbulente, de guérir toutes les blessures ou de venir à bout de tout, s’il est accompagné de patience.


En droit, le temps est inscrit dans les principes qui dirigent l’instance à tous ses stades et en marquer le début, le cours et la fin.

 

Il n’est pas question dans ce bref article de venir à bout des différentes notions procédurales présidant au procès civil ou pénal.

Ce qui importe est de préciser simplement la prise en compte de ce temps qui s’écoule par les institutions judiciaires dans la vie de l’instance.

 

« Rien ne sert de courir, il faut partir à point » Jean de Lafontaine :

Il y a un temps pour tout, en droit comme dans les autres domaines : il y a donc un temps pour l’instance et pour la saisine du juge.

 

Cette règle s’applique en matière civile comme pénale à tous les acteurs de la procédure, justiciables et avocats, magistrats du siège et du parquet.


C’est ainsi qu’à l’aube du procès civil, le droit encadre le temps de l’action par la prescription dite extinctive.

Celle-ci sanctionne le non-exercice dans le délai fixé du droit d’ester en justice par sa perte, sauf suspension ou interruption (à voir sur le nouvel article 2241 du Code Civil ).

Mais ce délai n’est pas uniforme.

 

Depuis la Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, on distingue notamment le délai de droit commun pour les actions personnelles ou mobilières qui se prescrivent par cinq ans et le délai particulier de trente ans pour les actions réelles immobilières.

 

De plus, à côté de la prescription, on trouve également les délais dits préfixes insusceptibles d’interruption ou de suspension dans un soucis de sécurité juridique.

Ces délais accordés pour l’accomplissement d’un acte sont illustrés en droit du travail par le délai de préavis et en droit des personnes par l’action en contestation par la mère de la paternité du mari (art. 318-1 du Code Civil).

 

Le procès pénal est également soumis à ce temps de l’action organisé autour de la prescription de l’action publique qui s’applique à toutes les infractions sauf les crimes contre l’humanité.

Elle concerne le délai durant lequel le parquet peut poursuivre une infraction et varie suivant la qualification légale de celle-ci : dix ans pour les crimes, trois ans pour les délits et un an pour les contraventions .

 

« La joie du juste est que justice soit faite » Charles V de France :

La Justice a un coût : elle a également un délai pour être rendue.

A l’heure où les justiciables viennent à souffrir du manque de moyens et de l’engorgement des juridictions, le temps de l’instance connaît de plus en plus de limites.

 

En procédure civile, l’idée n’est pas nouvelle car il est admis que l’instance, comme bien des choses, peut se périmer.

Tel le cas lorsque, selon l’article 386 du Code de Procédure Civile , aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.

 

C’est dire si l’instance mérite de la vigilance et doit être surveillée comme le lait sur le feu : A défaut, elle ne brûle pas mais s’éteint.

S’il n’a disparu à son tour, le droit d’agir demeure cependant.

 

On doit à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales du 4 novembre 1950 la consécration du principe de règlement des litiges dans un délai raisonnable comme le rappelle son article 6:

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».

 

A l’occasion de deux arrêts récents, la Cour de Cassation a rappelé qu’elle veille au respect de cette notion en précisant le point de départ à prendre en compte (le jour de l’audition de l’intéressé sur commission rogatoire en l’espèce) et en faisant application des critères européens de complexité de l’affaire pour apprécier le caractère raisonnable de la durée d’une procédure.

Cass. Civ 1ère. 4 novembre 2010 Pourvois n°09-69955 et n°09-69776

 

Cet impératif doit être concilié avec l’évolution de l’instance et ses éventuelles suspensions telles que le sursis à statuer .

 

Celui-ci peut alors faire interagir la procédure pénale et civile lorsque le pénal tient le civil en l’état .

L’une et l’autre des procédures sont soumises au même objectif de célérité que l’on retrouve dans la Loi Perben I n°2002-1138 du 9 septembre 2002 instituant la comparution immédiate.

 

 

« Un jugement trop prompt est souvent sans justice » Voltaire :

Le jugement naît du débat contradictoire et met fin à l’instance.

S’il dessaisit le juge, il ouvre aussi la voie de l’appel encadrée par le temps, enfermée dans des délais de forclusion de dix jours au pénal , d’un mois au civil .

 

Ce recours ainsi que la cassation ou l’opposition donnent naissance à une nouvelle instance soumises aux mêmes règles temporelles de procédure civiles et pénales ou à d’autres…

 

L’exécution du jugement est aussi placé sous la contrainte du respect de nombreux délais.

Ainsi, au terme de l’article 478 du Code de Procédure Civile , le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif qu’il est susceptible d’appel doit être notifié dans les six mois de sa date, sous peine d’être non avenu.

 

 

En droit pénal, le temps qui s’écoule, mérite l’attention de l’ensemble des acteurs du procès :

Le Procureur de la République et le Juge d’Application des Peines d’abord doivent veiller à la bonne exécution des condamnations pénales.

Leur carence peut entraîner la prescription de la peine qui varie en fonction de la nature de l’infraction.

 

Celle-ci est de vingt ans pour un crime , de cinq ans pour un délit et de trois ans pour une contravention .


Le condamné doit ensuite se soumettre à certains délais de probation qu’il soit détenu ou libre.

Dans le premier cas, s’il entend bénéficier d’une mesure de libération conditionnelle au titre d’un aménagement de sa peine, sa demande ne pourra être présentée qu’à l’expiration d’un délai d’épreuve.

Dans le second cas, il devra se dispenser de commettre un crime ou un délit pour lequel il serait condamné soit à une peine criminelle, soit à une peine d’emprisonnement dans un délai de 5 ans, s’il est soumis au sursis simple.

 

Le cas échéant, il devra respecter les différentes obligations et/ou interdictions prescrites afin de respecter les conditions du sursis avec mise à l’épreuve.

 

Dans tous les cas, la récidive légale le survolera pendant sa réinsertion.

 

 

Enfin, la partie civile doit s’inquiéter d’obtenir l’indemnisation de son préjudice en exécution du jugement de condamnation sans tarder.

Le manque de réactivité peut l’empêcher de saisir le Service d’Aide au Recouvrement des Victimes d’Infractions dans le délai d’un an courant à compter du jour où la décision est devenue définitive.

 

 

En conclusion, le temps judiciaire rappelle en somme qu’il y a un temps pour tout.


« Le temps, c’est un peu comme le vent. Le vent, on ne le voit pas : on voit les branches qu’il remue, la poussière qu’il soulève. Mais le vent lui-même, personne ne l’a vu » Jean-Claude Carrière.