L’accès au dossier pénal du détenu

Le 22/10/13

Depuis sa création en 2007, le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté n’a cessé de faire parler de lui.

 

Chaque année, son rapport d’activité est attendu pour ses recommandations mais également pour ses constats sur ces lieux de l’ombre où les libertés peuvent être malmenées.

 

Des locaux de garde à vue aux établissements de santé, des zones d’attente aéroportuaires aux établissements pénitentiaires, il livre sa vision et ses solutions.

 

 

C’est ainsi qu’au travers d’un avis du 13 juin 2013, le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté s’est notamment penché sur l’accès par de détenus aux documents communicables.

 

Il s’agit d’une préoccupation importante des personnes incarcérées qui souhaitent connaître avec précision le contenu de leur dossier pénal..

 

A ce sujet, l’article 42 de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 dispose :

 

« Toute personne détenue a droit à la confidentialité de ses documents personnels. Ces documents peuvent être confiés au greffe de l’établissement qui les met à la disposition de la personne concernée. Les documents mentionnant le motif d’écrou de la personne détenue sont, dès son arrivée, obligatoirement confiés au greffe« .

 

 

Dans son récent avis, le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté pointe cependant les dysfonctionnements du dispositif mis en place pour la consultation afin qu’une amélioration s’en suive.

 

Il note ainsi la difficile compatibilité entre les droits de la défense et l’organisation du service pénitentiaire :

 

« Enfin de manière plus générale, l’accès au dossier pénal peut poser difficulté : soit que ce dossier, faute de personnels, n’ait pas été convenablement rassemblé ; soit que l’administration, avant consultation par la personne incarcérée, souhaite faire le tri entre le communicable et l’incommunicable sans disposer du temps nécessaire (les pièces d’origine judiciaire – article D. 77 du code de procédure pénale- ne pouvant être communiquées que par la juridiction) ; soit que la dématérialisation du dossier (sur CD numérique) pose des questions de réalisation ou de consultation ; soit enfin que la copie des pièces communicables du dossier pénal nécessaires à la personne détenue ne puisse être réalisée dans les délais de procédure. Il résulte de ces aléas que, dans bien des cas, la personne peut estimer, à bon droit, qu’elle ne dispose pas des moyens de préparer sa défense en cas d’appel ou de pourvoi en cassation« .

 

Avis du 13 juin 2013 relatif à la possession de documents personnels par les personnes détenues et à l’accès de celles-ci aux documents communicables NOR : CPLX1317489V

 

 

Etrangers incarcérés : la demande de titre de séjour est un élément de réinsertion

Le 07/10/13

Depuis quelques années, les préfectures font une application stricte de l’article R 311-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile qui dispose :

 

« Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans ou qui sollicite un titre de séjour en application de l’article L. 311-3, est tenu de se présenter, à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de titre de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient ».

 

Les tolérances jadis admises dispensant les étrangers de solliciter en personne un titre de séjour ou son renouvellement auprès des autorités de l’Etat ont disparu.

 

 

Les premiers à subir des affres de cette obligation sont évidemment les personnes incarcérées qi ne peuvent se déplacer jusqu’aux guichets préfectoraux.

 

La Circulaire INT/V/13/06710/C du 25 mars 2013 relative aux procédures de première délivrance et de renouvellement de titres de séjour aux personnes de nationalité étrangères privées de liberté indique cependant que :

 

« La possibilité pour les personnes étrangères privées de liberté de solliciter pendant leur incarcération la première délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour constitue un élément essentiel à la préparation de leur sortie et à leur réinsertion sociale (accès notamment aux prestations sociales, aux soins, au logement, à la formation et à l’emploi) ».

 

C’est ainsi qu’au terme d’un jugement du 9 avril 2013, le Tribunal Administratif de LILLE a annulé la décision implicite de rejet du préfet consécutive à une demande de renouvellement de carte de séjour temporaire « vie privée et familiale »présentée par voie postale par un condamné à une peine de vingt ans de réclusion criminelle.

 

Les juges de première instance ont considéré que :

 

« si le préfet du Pas-de-Calais fait valoir que M. L. ayant adressé sa demande par voie postale en méconnaissance des dispositions précitées de l’article R. 311-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ce dernier ne saurait se prévaloir à l’encontre de la décision de rejet de sa demande de titre de séjour de moyens autres que ceux tirés d’un vice propre de cette décision implicite, il ressort toutefois des travaux préparatoires de la loi du 24 novembre 2009 précitée, et notamment des débats qui se sont tenus au Sénat au cours de la séance du 4 mars 2009 au cours de laquelle a été adopté l’amendement à l’origine de l’article 30 de la loi du 24 novembre 2009 ainsi que du rapport n° 1899 du député Garraud sur le projet de loi adopté par le Sénat et transmis à l’Assemblée nationale que le législateur a entendu faciliter les démarches administratives des détenus, en permettant notamment aux ressortissants d’un pays étranger d’élire domicile dans l’établissement pénitentiaire pour obtenir ou faire renouveler un titre de séjour ; que ces dispositions législatives ne sauraient être tenues en échec par les dispositions de valeur réglementaire de l’article R. 311-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ».

Tribunal Administratif de LILLE 9 avril 2013 n° 1204248

 

Cette jurisprudence revient sur l’appréciation du Conseil d’Etat dans un avis concernant le principe de la comparution personnelle de l’étranger, demandeur de titre.

 

Selon la Haute Juridiction Administrative, « une demande de titre de séjour présentée par un ressortissant étranger en méconnaissance de la règle de présentation personnelle du demandeur en préfecture fait naître, en cas de silence gardé par l’administration pendant plus de 4 mois, délai fixé par l’article 2 du même décret, une décision implicite de rejet susceptible d’un recours pour excès de pouvoir ».

 

Cependant, « lorsque le refus de titre de séjour est fondé à bon droit sur l’absence de comparution personnelle du demandeur, ce dernier ne peut se prévaloir, à l’encontre de la décision de rejet de sa demande de titre de séjour, de moyens autres que ceux tirés d’un vice propre de cette décision ».

Conseil d’État 11 octobre 2006 Requête N° 292969

 

 

Le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales semble désormais invocable à l’encontre d’une décision implicite de rejet prise à l’encontre d’un détenu.

 

 

Les impératifs de réinsertion prévalent donc sur la comparution personnelle.

 

Avis de tempête

Le 01/10/13

Le 28 septembre dernier, l’association des Avocats Conseils d’Entreprise (ACE), la Confédération Nationale des Avocats (CNA), la Fédération Nationale des Unions de Jeunes Avocats (FNUJA) et le Syndicat des Avocats de France (SAF) ont appelé à la mobilisation nationale de la Profession.

 

Au coeur des tensions, se trouve le projet de loi de finances pour 2014.

 

 

Sous couvert de « renforcer l’accès à la justice et l’équité de l’aide juridictionnelle », le texte tend à réduire l’indemnisation perçue au titre de l’aide juridictionnelle déjà peau de chagrin.

 

Pourtant, l’exposé des motifs de l’article 69 du projet de loi de finances 2014 était prometteur :

 

« Le Gouvernement propose de supprimer le droit de timbre de 35 euros; qui doit aujourd’hui être acquitté pour introduire un recours en justice. Cela facilitera l’accès de tous les justiciables à la justice. En effet, les justiciables dont les revenus sont relativement modestes mais qui se situent juste au dessus du plafond d’éligibilité à l’aide juridictionnelle peuvent être dissuadés de porter une affaire devant les tribunaux du fait de cette charge financière. Ce plafond, maintenu en 2013 à 929 € par mois pour l’obtention de l’aide juridictionnelle totale pour une personne seule, est en effet inférieur au seuil de pauvreté (964 € pour une personne seule, selon la définition de l’Insee correspondant à 60 % du revenu disponible de 2010 – derniers chiffres disponibles) ».

 

 

Mais pour contrebalancer la disparition de cette source de financement, il faut trouver d’autres moyens afin de sauver l’aide à l’accès au droit, d’autant que 30 millions d’euros sont déjà amputés de son budget.

 

Alors si les justiciables ne sont plus taxés, ce seront les avocats qui les assistent qui seront moins rétribués.

 

Il suffit donc d’« une démarche de simplification administrative » pour que le barème d’indemnisation de l’aide juridictionnelle se trouve modifié.

 

Le Conseil National des Barreaux s’inquiète de cette mesure qui reviendrait à mettre « l’accès au droit en danger ».

 

Il s’offusque de l’absurdité d’un tel système dans lequel « les avocats devraient payer pour contribuer à indemniser ceux de leurs confrères en charge de l’accès à la justice ».

 

 

 

Dans l’attente de la rencontre entre la Garde des sceaux et les représentants de la Profession, les doléances devraient prendre la forme d’une grève des audiences le 4 octobre prochain.

 

Les Barreaux de PAU et de NANTES ont déjà répondu à l’appel.

 

 

Pour ma part, je ne suis ni politicienne, ni politisée : je suis juriste. Je ne suis ni militante, ni détachée : je suis auxiliaire de justice.

 

Surtout, je prête mon concours à la justice et je suis chef d’entreprise : bref, je suis avocat.

 

QPC sur la Liberté de conscience des maires : le débat se poursuit…

 

Le 26/09/13

 

Le 22 septembre dernier, l’équinoxe d’automne a marqué la fin de l’été amenant dans son sillage l’annonce de la valse des feuilles.

 

Avant l’ocre et le rouge, le soleil des vacances résiste et s’accroche pour notre plus grand plaisir.

 

Sa douceur et sa chaleur durant les congés estivaux n’ont, cependant, pas suffi à balayer certains débats juridiques.

Loin du chemin des écoliers, ils resurgissent et bruissent dans les cours des mairies françaises en cette rentrée 2013

 

La Loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, c’est d’elle dont il s’agit, encore d’elle, toujours d’elle.

 

 

On savait qu’elle avait été menacée d’inapplication avant même son entrée en vigueur par certains maires refusant la célébration de mariages d’époux de même sexe .

 

On savait qu’elle s’était affichée dans les pages des journaux dans un feuilleton provençal de politique locale .

 

 

Le 18 septembre dernier, elle s’est invitée, de nouveau, au Conseil Constitutionnel à la requête du Conseil d’État.

 

 

Elle réapparait dans un litige concernant la circulaire NOR : INTK1300195C du ministre de l’intérieur en date du 13 juin 2013 portant sur les conséquences du refus illégal de célébrer un mariage de la part d’un officier d’état civil.

 

Ce texte rappelle les règles essentielles de fonctionnement du service public de l’état civil, à savoir :

 

« Le refus de célébrer le mariage par le maire peut constituer une voie de fait, c’est-à-dire une atteinte grave portée à une liberté fondamentale et une décision administrative manifestement insusceptible de se rattacher à l’exécution d’un texte législatif ou réglementaire.

(…)

Seul le Procueur de la République peut en effet s’opposer au mariage s’il estime qu’il pourrait être atteint par une cause de nullité.

(…)

Le refus illégal de célébrer un mariage expose son auteur à des poursuites sur le fondement des articles 432-1 et 432-7 du code pénal ».

 

 

Face à la fermeté de ces instructions, l’absence de garanties législatives de la liberté de conscience des maires a donné naissance à une question prioritaire de constitutionnalité nouvelle.

 

Aussi la Haute Juridiction Administrative a-t-elle décidé de s’en remettre aux Sages de la République.

 

Si aucune audience publique n’est, pour l’heure, fixée pour évoquer cette question, le débat se poursuit.

 

 

 

Actualisation

 

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux (Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 10ème sous-section de la section du contentieux

Séance du 6 septembre 2013 – Lecture du 18 septembre 2013

 

 

 

Vu le mémoire, enregistré le 2 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté par M. Franck M. et autres, en application de l’article 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; M. Franck M. et autres demandent au Conseil d’Etat, à l’appui de leur requête tendant à l’annulation de la circulaire du ministre de l’intérieur du 13 juin 2013 relative aux « conséquences du refus illégal de célébrer un mariage de la part d’un officier d’état civil », de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles 34-1, 74 et 165 du code civil ainsi que des dispositions de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 34 et 61-1 ;

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Anne Iljic, Auditeur,

– les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;

1. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (…) à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’Etat (…) » ; qu’il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant que les articles 34-1, 74 et 165 du code civil, ainsi que l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, sont applicables au présent litige au sens et pour l’application de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 ; que ces dispositions n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce que ces dispositions ne comporteraient pas les garanties qu’exige le respect de la liberté de conscience, soulève une question qui, sans qu’il soit besoin pour le Conseil d’Etat d’examiner son caractère sérieux, doit être regardée comme nouvelle ; qu’ainsi il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

 

 

D E C I D E :

————–

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des articles 34-1, 74 et 165 du code civil ainsi que de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. M. et autres jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Franck M. et autres, à la garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre de l’intérieur. Copie en sera adressée au Premier ministre.

 

 

 

 

 

 

Au terme de sa décision du 18 octobre 2013, le Conseil Constitutionnel a jugé les dispositions contestées conformes à la Constitution et a ainsi statué sur la question prioritaire de constitutionnalité précédemment évoquée :

 

« 10. Considérant qu’en ne permettant pas aux officiers de l’état civil de se prévaloir de leur désaccord avec les dispositions de la loi du 17 mai 2013 pour se soustraire à l’accomplissement des attributions qui leur sont confiées par la loi pour la célébration du mariage, le législateur a entendu assurer l’application de la loi relative au mariage et garantir ainsi le bon fonctionnement et la neutralité du service public de l’état civil ; qu’eu égard aux fonctions de l’officier de l’état civil dans la célébration du mariage, il n’a pas porté atteinte à la liberté de conscience ;

 

11. Considérant que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent ni le principe de pluralisme des courants d’idées et d’opinions, ni le principe de la libre administration des collectivités territoriales, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution« .

Conseil Constitutionnel 18 octobre 2013 Décision n° 2013-353 QPC

 

Le mécanisme de la crise

Le 15/07/13

J’accueille aujourd’hui une publication bien moins juridique qu’économique permettant d’apporter un regard avisé et un éclairage spécifique sur l’économie et ses mécanismes. 

 

Le siège de rédacteur appartient à Samuel MANSEAU, titulaire d’un Master en Géopolitique Européenne, que je remercie vivement pour sa participation et son travail. 

Nous vivons dans une économie globalisée.

Cette économie de type libérale est fondée sur la liberté d’entreprendre, de se déplacer, de travailler.

Depuis l’effondrement de l’URSS et du modèle communiste, les alliés menés par les Etats-Unis ont suivi une orientation capitaliste au lendemain de la seconde guerre mondiale.

Le plan Marshall a été le fer de lance de cette politique où le dollar s’est donc rapidement imposé comme monnaie de référence international.

En quelques décennies, le monde s’est rétréci : l’apparition d’Internet a facilité les échanges et permis d’interconnecter tous les acteurs économiques internationaux (banques, grands groupes industriels, médias, entreprise de BTP,…).

Bien sûr les banques ont joué un rôle majeur dans ce nouvel ordre mondial en organisant les modalités de règlement à l’échelle internationale entre monnaies différentes.

Présentes dans plusieurs pays, elles ont pu évoluer librement en s’affranchissant de la législation nationale et ainsi acquérir une fonction économique incontournable.

Elles ont ainsi transformé la richesse et la valeur en des concepts abstraits dans notre monde moderne, une pièce de monnaie ou un billet de banque ne contenant aucun matériau, même précieux pouvant garantir sa valeur faciale.

Le système s’est alors construit autour d’un seul maitre-mot : la confiance.

Mais en 2008, la faillite de Lehman Brothers a brisé cette pierre angulaire de la finance moderne.

Les prêts structurés issus de la bulle immobilière ont conduit les banques à prêter plus facilement à des taux plus bas mais variables.

Lorsque le marché immobilier s’est effondré, beaucoup d’acteurs économiques (promoteur, particuliers, artisans,…) ayant emprunté auprès de leur banque n’ont plus eu les moyens de la rembourser.

La première à avoir fait faillite a vu sa valeur s’effondrer et tous ceux qui possédaient des actions de cet établissement financier ont été touchés.

Par contamination, tout le secteur bancaire a été touché, toutes les banques étant soupçonnées d’être porteuses du même virus que Lehman Brothers.

Dans ce contexte, les Etats n’ont eu d’autres choix que de sauver leurs établissements bancaires et se sont porté garants pour eux.

L’argent public est ainsi venu au secours d’acteurs privés de l’économie devenus aussi incontournables que stratégiques

Cependant, malgré cette action de prêteur en dernier ressort, les entreprises se sont retrouvées face à une contraction de l’économie : la récession.

Le coeur du système capitaliste a donc été atteint par le mal avec des conséquences directes sur tous ses acteurs.

La crise, une maladie imaginaire : 

La base de l’économie capitaliste est la croissance.

C’est elle qui marque l’augmentation de la production, elle encore qui traduit une évolution de la consommation, elle surtout qui rétribue le capital.

Aussi lorsque la croissance disparait, tout le corps économique est atteint par un virus appelé récession, contagieux et transmissible par l’argent.

Cela commence par les entreprises frappées par une crise de ralentissement dont le premier symptôme est la baisse de leurs ventes et le second, l’allongement de leur durée de paiement.

Et lorsqu’elles se tournent vers leurs partenaires bancaires pour solliciter une ligne de crédit ou une facilité de caisse permettant de faire baisser leur fièvre, elles trouvent souvent un refus ou une proposition minorée.

Puis le mal des entreprises se transmet à leurs fournisseurs par la diminution du pouvoir d’achat.

Baisse des prix, contrepartie en nature ou paiement échelonné sont autant de gestes commerciaux auxquels les fournisseurs doivent consentir pour garantir leur sauvegarde.

Mais par ce mécanisme en cascade, ils voient cependant leurs rentrées d’argent diminuer et doivent eux aussi « réduire la voilure » en faisant à leur tour des économies.

Au bout de la chaine de restriction, se trouvent les services externes : intermédiaire, conseil, expert, professions libérales.

Les uns partent, frappés par la disparition de leurs clients, les autres restent, condamnés à négocier chaque prix, à retarder chaque paiement.

C’est ainsi que la circulation de l’argent dans l’économie se ralentit inlassablement, au fur et à mesure que le virus se répand.

Le problème structurel d’une économie interconnectée est donc que tous ses acteurs finissent par être contaminés.

Si la croissance disparaît alors qu’elle est le moteur de notre modèle économique, personne ne peut empêcher ce système globalisé de caler.

La décroissance et l’Etat : 

Face à la croissance qui s’évanouit, l’action des états pour soutenir l’économie nationale est alors cruciale.

Cependant, chaque état à aussi capacité d’endettement limité : l’aversion du risque s’applique à tous, sans exception.

En outre, la hausse du chômage diminue les rentrées fiscales en même temps qu’elle augmente les dépenses sociales.

L’état français est un ménage comme les autres qui doit faire face à la baisse de son budget et à l’augmentation de ses dépenses.

Aussi plus les déficits se creusent, plus l’état ne peut que diminuer ses dépenses sociales, réduisant encore le pouvoir d’achat de sa population.

En France un peu moins de 7 millions de personnes sont rémunérés par les prestations versées par l‘Etat.

Ce dernier soutient donc l’économie française.

Mais lorsque l’Etat diminue ses dépenses, cela a une conséquence directe sur tous les acteurs économiques nationaux qui voient leurs revenus diminuer par ricochet : toute l’économie intérieure s’en trouve impactée.

C’est alors que le pays entre en récession… et la crise s’accentue.

Pour maintenir ses dépenses, l’Etat va augmenter ses prélèvements fiscaux sur l’économie et faire pression sur les acteurs économiques.

Pour les entreprises comme les particuliers, la conséquence est la même : les rentrées d’argent (salaires, ventes,…) diminuent tandis que les dépenses augmentent (impôts, taxes,…).

La crise est donc avant tout un cercle vicieux qui atteint son paroxysme lorsque tout le monde est touché à son niveau. 

Le séisme social : 

Devant la propagation en cascade du mal, le risque est bien sûr que l’Etat se désengage de l’économie pour et par la privatisation.

Pour de nombreuses personnes, une telle situation revient à donner les clés de la banque à ceux qui l’ont cambriolé.

Le capitalisme apparait alors responsable de tous les maux, de la crise et de la perte de confiance sur fond d’affairisme et de corruption.

C’est ainsi que un souffle de révolte se propage pour faire rempart à l’infection.

Dans ce contexte tendu, le mouvement des indignés et l’ensemble des manifestations contre les politiques d’austérité ont montré l’opposition ferme de la population aux différentes politiques menées pour lutter contre la crise.

Ce mouvement de contestation est accompagné par une perte de souveraineté de la part de l’Etat qui se voit obligé de recourir à l’aide de prêteurs internationaux tels que le FMI ou la Banque Mondiale.

Ces derniers lui dictent la politique à suivre en contrepartie de leurs soutiens dans une négociation à sens unique.

L’austérité s’impose contre vents et citoyens dans des domaines aussi sensibles les uns que les autres : santé, éducation, justice, logement… etc

Elle force la population à la scission, entre ceux qui peuvent payer et ceux qui ne peuvent pas.

De ce séisme social, chacun tire des conséquences qui alimentent la crise : Au coeur des ménages, la préférence va à l’économie plutôt qu’à la dépense alors que dans la sphère des affaires, c’est l’aversion au risque qui fait loi.

Les effets directs de cette frilosité globale sont la rétention de l’argent entre les mains des banques encore malades.

Or ce sont les établissements financiers qui font normalement circuler l’argent dans l’économie comme le coeur assure l’écoulement du sang dans les veines et artères de tout le corps.

Elles se sont donc imposées comme des partenaires majeurs pour les acteurs économiques et politiques en distribuant la ressource monétaire et en organisant son utilisation (investissement, épargne,…).

Mais les banques ne soutiennent plus l’activité industrielle ou commerciale et n’injectent plus aucun fonds de l’épargne dans l’économie.

L’entreprise PSA en est l’exemple le plus récent :

En préférant directement s’adresser au grand public qu’à ses partenaires bancaires pour financer son redressement, elle cherche avant tout à faire face à des difficultés économiques en s’affranchissant des circuits de financement bancaire classique, toujours malade.

Cela préfigure peut-être des remèdes à trouver pour sortir de la crise et réintroduire la confiance dans notre économie.

Samuel MANSEAU 

Les données informatiques personnelles, un objet hors du commerce

Le 26/06/13

Chaque jour, nous évoluons dans une société où le commerce semble faire loi au détriment parfois de valeurs dévalorisées.

Il est un domaine cependant où l’ordre public et les bonnes moeurs ont su se préserver une place reconnue et stable, celui du droit.

Comme précédemment évoqué dans ces pages, la validité des contrats prévues à l’article 1108 du Code Civil s’analysent au regard des quatre conditions essentielles lors de la conclusion de la convention :

– Le consentement libre et éclairé de la partie/les parties,

– La capacité de contracter,

– L’objet certain déterminé/ déterminable des engagements,

– La cause licite dans l’obligation.

Dans un arrêt du 25 juin dernier, les juges de la Cour de Cassation ont récemment souligné l’importance de l’objet d’un contrat et sa qualité au regard de la moralité:

« Attendu que pour rejeter cette demande, l’arrêt, après avoir constaté que le fichier de clientèle tenu par la société Bout-Chard qui aurait dû être déclaré à la Commission nationale informatique et libertés (la CNIL) ne l’avait pas été, retient que la loi n’a pas prévu que l’absence d’une telle déclaration soit sanctionnée par la nullité ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que tout fichier informatisé contenant des données à caractère personnel doit faire l’objet d’une déclaration auprès de la CNIL et que la vente par la société Bout-Chard d’un tel fichier qui, n’ayant pas été déclaré, n’était pas dans le commerce, avait un objet illicite, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

Cass. Com. 25 juin 2013 Pourvoi n°12-17037 

Ces quelques phrases d’analyse qui se portent sur la cession de fichiers de clientèle, permet de revenir sur une notion fondamentale du droit des obligations.

Un objet vicieux non vicié :

Depuis l’empire napoléonien, les dispositions du Code Civil imposent que l’objet de l’obligation ou du contrat soit licite et conforme à l’ordre public et aux bonnes moeurs.

C’est ainsi que l’article 1128 dudit code souligne avec fermeté qu’« il n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet des conventions ».

Cette condition de conformité et de moralité de l’objet trouve à s’illustrer dans les domaines relevant des éléments de la personnalité, de l’intégrité physique et de la dignité humaine.

Tel est le cas de la gestation pour autrui par l’intermédiaire de mères porteuses.

En 1991, les juges de la Cour Suprême ont ainsi fermement affirmé qu’une convention, par laquelle une femme s’engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l’abandonner à sa naissance, contrevenait aux principes d’ordre public de l’indisponibilité du corps humain et de l’état des personnes.

Cass. Ass. Plén. 31 mai 1991 Pourvoi n° 90-20105 

A la suite, la Loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain s’est enrichi et a intégré dans le Code Civil l’article 16-5 selon lequel « les conventions ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits sont nulles ».

Il en va de même du respect du aux défunts et à leur dernière demeure.

Se trouvent donc hors du commerce le droit réel immobilier dont bénéficie le concessionnaire d’une sépulture qui s’étend au monument funéraire et à son droit d’usage.

Cass. Civ. 1ère 13 mai 1980 Pourvoi n° 78-15405 

De la commercialité de l’objet à la validité du contrat :

Le caractère illicite ou immoral de l’objet de l’obligation ou du contrat rend celui-ci impropre à tout commerce.

Le droit ne saurait, en effet, reconnaitre une valeur juridique aux conventions portant sur la commission d’un vol ou la vente d’une bombe atomique.

La protection de l’ordre de public est un impératif qui dépasse les enjeux du commerce et les intérêts mercantiles.

Aussi la seule sanction applicable est la nullité du contrat censé ne jamais avoir existé par l’effet de la rétroactivité.

C’est ainsi que les juges de la Cour de Cassation ont invalidé le contrat de vente d’un fichier de clientèle non déclaré auprès de la CNIL et méconnu de cet organisme.

Le contenu de ce fichier avait échappé au contrôle du gendarme informatique sur le respect de la protection des données personnelles.

Son élaboration contrevenait à l’article 22 de la Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés disposant:

« les traitements automatisés de données à caractère personnel font l’objet d’une déclaration auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ».

De ce fait, le fichier ne pouvait être commercialisé par la société créatrice à une autre société utilisatrice.

C’est donc par une censure ferme que l’objet de la cession a été déclaré illicite.

Ordre de priorité dans l’hébergement des demandeurs d’asile

Le 11/06/13

Le droit d’asile permet aux personnes qui sont persécutées dans leur pays d’origine par les autorités étatiques de solliciter la protection de la FRANCE.

Durant la durée de l’instruction de leur dossier par l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA), les demandeurs d’asile bénéficient d’un accueil et d’une prise en charge sociale.

Le Dispositif National d’Accueil (DNA) leur donne ainsi accès:

– à un hébergement dans les Centres d’Accueil pour Demandeurs d’Asile (CADA) à titre principal

– et au versement d’une allocation temporaire d’attente ou à une prise en charge par le dispositif d’accueil d’urgence à titre subsidiaire.

Selon l’article L 348-2 du Code de l’Action Sociale et des Familles, « les centres d’accueil pour demandeurs d’asile ont pour mission d’assurer l’accueil, l’hébergement ainsi que l’accompagnement social et administratif des demandeurs d’asile en possession de l’un des documents de séjour mentionnés à l’article L. 742-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, pendant la durée d’instruction de leur demande d’asile».

Ce n’est qu’à l’expiration du délai de recours contre la décision de l’Office Français de Protection des Réfugiés et apatrides ou à la date de la notification de la décision de la Cour Nationale du Droit d’Asile en appel que cette mission s’achève.

Depuis la Directive 2003/9 du 27 janvier 2003, les États membres de l’Union Européenne se doivent de remplir ces obligations vis-à-vis des demandeurs d’asile et de garantir leurs conditions d’accueil matérielles, notamment le logement, la nourriture et l’habillement au demandeur d’asile.

En effet, l’article 13 de la directive indique que :

« 1. Les États membres font en sorte que les demandeurs d’asile aient accès aux conditions matérielles d’accueil lorsqu’ils introduisent leur demande d’asile.

2. Les États membres prennent des mesures relatives aux conditions matérielles d’accueil qui permettent de garantir un niveau de vie adéquat pour la santé et d’assurer la subsistance des demandeurs ».

La législation européenne impose donc aux Etats membres des efforts pour éviter les situations d’indigence et de précarité des demandeurs d’asile dans l’attente de l’examen de leurs droits au séjour.

Chaque état est tenu de mettre à en oeuvre les objectifs de la directive relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile.

Pour ce faire, il doit considérer avec une attention particulière la situation des personnes particulièrement vulnérables telles que les adultes affaiblis par l’âge, la maladie, le handicap ou les mineurs accompagnant.

L’intérêt supérieur de ces derniers ne saurait être ignoré au regard de l’article 3-1 de la Convention relative aux droits de l’enfant du 26 janvier 1990.

C’est une considération primordiale demeurant au centre de toute décision ou mesure prise concernant un mineur.

Mais il arrive régulièrement que les services préfectoraux se trouvent dans l’incapacité de mettre à disposition des demandeurs d’asile une solution d’hébergement.

Au vu des dispositions précitées, il appartient alors au Juge Administratif d’apprécier souverainement si l’absence d’accueil d’urgence porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile.

Il est cependant amené à vérifier que les impératifs légaux peuvent être conciliés avec les moyens d’hébergement à la disposition de l’autorité publique.

Or il s’avère que tous les demandeurs d’asile ne sont pas logés à la même enseigne tant les départements manquent cruellement de places d’accueil.

Dans une décision du 16 mai 2013, le Conseil d’Etat a rappelé ainsi qu’il existait un ordre de priorité dont l’administration tient nécessairement compte pour réserver un hébergement d’urgence :

« Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. C…, ressortissant du Bouthan, est entré en France le 8 octobre 2011 afin d’y solliciter l’asile ; qu’une autorisation provisoire de séjour lui a été délivrée par le préfet de police afin de lui permettre de déposer une demande auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu’après le rejet de cette demande, cette autorisation a été renouvelée dans l’attente de la décision de la Cour nationale du droit d’asile, que M. C… a saisie d’un recours contre cette décision de rejet ; que si des droits à l’allocation temporaire d’attente lui ont été ouverts, il n’a pu bénéficier d’aucun hébergement d’urgence, depuis que sa demande d’asile est en cours d’examen et a été orienté vers le dispositif de veille sociale mentionné au 4 ; que, toutefois, l’administration fait valoir qu’elle ne dispose ni en région Ile-de-France ni dans d’autres régions d’hébergements en nombre suffisant pour répondre aux demandes d’hébergement des demandeurs d’asile, en forte augmentation et qu’elle se voit, dès lors, contrainte de définir un ordre de priorité tenant compte de la situation particulière de ceux-ci ; que M. C… est célibataire et sans charge de famille ; que si le certificat médical qu’il a transmis atteste que son état de santé rendrait préférable qu’il obtînt rapidement un hébergement d’urgence, il n’est pas soutenu que l’intéressé serait atteint d’une pathologie grave ou dans une situation de grande détresse ; que, dans ces conditions, la situation de M. Marahrjan ne peut, malgré la durée pendant laquelle il a été privé d’un hébergement, être regardée comme prioritaire au regard de l’ensemble des demandes d’hébergement adressées à l’administration ; qu’ainsi, il ne résulte pas de l’instruction que le comportement de l’administration à l’égard de M. Marahrjan ferait apparaître une méconnaissance manifeste des exigences mentionnées au 5 et aurait des conséquences graves pour lui, compte tenu de sa situation personnelle ».

Conseil d’État 16 mai 2013 N° 368337 

Le constat est bien peu rassurant concernant l’accueil d’urgence des demandeurs d’asile qui diffère selon leurs situations familiales et médicales.

C’est ainsi que la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme a mis en lumière ce problème et alerté les pouvoirs publics dans un avis en date du 15 décembre 2011 en soulignant la différence de traitement des demandes selon un ordre de priorité :

« A des occasions répétées, la CNCDH a interpellé le Parlement et le gouvernement pour que le droit d’asile, reconnu tant par la Constitution que par différents engagements internationaux de la France, et l’accueil des demandeurs d’asile soient effectivement garantis. Pourtant, le dispositif national d’accueil connaît une crise majeure dans une indifférence quasi-totale ».

Homophobie, travail et sport : La lutte contre les discriminations continue…

Le 02/06/13

J‘accueille de nouveau dans ses pages une publication de Myriam DELONCA, Avocat au Barreau de Lyon, pour une nouvelle intervention au cœur de l’actualité. 

A tout dire, je crois qu’elle a pris goût aux publications et la remercie d’ouvrir le blog à une autre vision du droit que la mienne. 

Les débats houleux et les manifestations retentissantes qui ont accompagné l’adoption de la Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe du 23 avril 2013, ont démontré récemment que la lutte contre les discriminations reste d’actualité.

A ceux qui pensaient encore que l’homophobie était d’un autre temps, la démonstration est faite la tolérance n’est pas un acquis.

Cette question ne touche pas que la conception de la famille, mais également d’autres domaines où l’esprit de cohésion et les valeurs humaines prévalent.

C’est ainsi que la Cour de Justice de l’Union Européenne a rendu le 25 avril dernier un arrêt intéressant à plus d’un titre.

Les juges communautaires se sont, en effet, prononcés sur les pratiques discriminantes d’un club de football professionnel.

– La saisine de la CJUE : 

La saisine ressortait d’une question préjudicielle posée par une juridiction roumaine suite à un litige entre l’association ACCEPT et le Conseil National (Roumain) de lutte contre les discrimination.

Le contexte était le suivant :

Une personne se présentant comme le dirigeant d’un club de football professionnel avait indiqué publiquement qu’un footballeur professionnel était exclu du processus de recrutement car il était présenté comme homosexuel.

Le 3 mars 2010, ACCEPT, organisation non gouvernementale roumaine dont l’objet est de promouvoir et de protéger les droits des personnes lesbiennes, gay, bisexuelles et transsexuelles, a déposé plainte contre le club de football devant le Conseil National de lutte contre les discriminations.

Contre toutes attentes, le Conseil avait rejeté la plainte, décision à laquelle l’association ACCEPT avait répondu en saisissant la juridiction judiciaire roumaine.

La Cour d’Appel de BUCAREST s’est alors interrogé sur l’application du droit européen et notamment de la directive 200/78 dont l’objectif est « d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, [le] handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en oeuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement ».

Mais le recrutement sportif et les conditions d’accès à l’emploi rentrent-ils également dans le cadre de la Directive ?

– La décision de la CJUE : 

C’est cette question que La CJUE a tranché en rappelant préalablement dans son arrêt qu’il ne lui appartenait pas d’examiner les faits, ni de dire si les circonstances à l’origine du litige au principal étaient révélatrices d’une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.

Seule l’instance juridictionnelle nationale conformément au droit national ou aux pratiques nationales détient ce pouvoir d’appréciation.

CJUE arrêt du 19 avril 2012, Meister, C 415/10 

En revanche, le fait que le Club de Football n’est pas contredit ou « pris ses distances» avec les déclarations en cause constitue un élément dont la Cour tient compte dans le cadre d’une appréciation globale des faits.

C’est ainsi que les juges de l’Union ont souligné qu’un « employeur défendeur ne saurait réfuter l’existence de faits permettant de présumer qu’il mène une politique d’embauche discriminatoire en se limitant à soutenir que les déclarations suggestives de l’existence d’une politique d’embauche homophone émanent d’une personne qui, bien qu’elle affirme et semble jouer un rôle important dans la gestion de cet employeur, n’est pas juridiquement capable de le lier en matière d’embauche« .

CJUE 25 avril 2013, aff. C-81/12, Asociatia ACCEPT c/ Consiliul National pentru Combaterea Discriminarii 

Cette position contribuera à la régression des stigmatisations pour des discriminations d’origine sexuelle au sein du sport et permettra plus de diversité.

Mais seule la juridiction Roumaine devra se prononcer sur le fond du dossier et vérifier si la sanction infligée (avertissement) au Club est appropriée à cette discrimination.

– La résonance avec la Cour de Cassation : 

On ne peut que se réjouir de cette décision qui trouve échos à celle de la Cour de Cassation en date du 24 avril 2013.

Cass. Soc. 24 avril 2013 Pourvoi n°11-15204 

Les juges français ont eu à s’interroger sur un litige concernant un salarié ayant réussi les épreuves d’aptitude aux fonctions de sous-directeur.

Ayant postulé quatorze fois à un poste de sous-directeur ou d’un niveau équivalent sans succès, il a fini par être licencié pour faute grave.

Malgré la transaction conclue avec son employeur, le salarié a saisi la juridiction prud’homale aux fins de solliciter la reconnaissance de son préjudice résultant d’une discrimination compte tenu de son orientation sexuelle

La discrimination et son indemnisation n’étant pas l’objet de la transaction, celle-ci ne faisait pas échec à la reconnaissance de la discrimination par les juges.

L’employeur opposait au salarié son licenciement et l’absence d’affectation à un poste de sous-directeur suite au refus de mobilité du salarié, raisons objectives et pertinentes selon lui.

La Cour de cassation a retenu, cependant, l’ambiance homophobe présente au sein de l’entreprise pour faire droit aux prétentions du salarié.

En dépit du climat national, le printemps 2013 apparaît enfin propice à plus de tolérance et à moins de discrimination.

Le sport le revendique, à l’image du club de footbaal Stonevall Londonien crée en 1991 affichant son statut de « gay friendly ».

Récemment, le monde du basket a également été éclairé d’une lumière nouvelle par la déclaration de Jasons COLLINS, joueur NBA qui a annoncé publiquement le 29 avril 2013 :

 » I’m a 34-year-old NBA center. I’m black. And I’m gay » 

Il était une fois un 17 mai 2013…

Le 17/05/13

Aujourd’hui, 17 mai 2013, se tient la journée internationale contre l’homophobie instaurée par le Comité IDAHO (International Day Against Homophobia and Transphobia) en 2005.

A l’origine, cette date a une valeur symbolique toute particulière puisque c’est le 17 mai 1990 que l’Organisation Mondiale de la Santé a retiré l’homosexualité de la liste des maladies.

En 2013, c’est également la date à laquelle le Conseil Constitutionnel s’est prononcé sur la constitutionnalité de la Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe récemment adoptée.

 

Saisis par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, les Sages ont clairement indiqué au terme de leur décision :

« que, si la législation républicaine antérieure à 1946 et les lois postérieures ont, jusqu’à la loi déférée, regardé le mariage comme l’union d’un homme et d’une femme, cette règle qui n’intéresse ni les droits et libertés fondamentaux, ni la souveraineté nationale, ni l’organisation des pouvoirs publics, ne peut constituer un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens du premier alinéa du Préambule de 1946 ; qu’en outre, doit en tout état de cause être écarté le grief tiré de ce que le mariage serait « naturellement » l’union d’un homme et d’une femme ».

Conseil Constitutionnel17 mai 2013 Décision n° 2013-669 

Les modifications du Code Civil concernant le mariage ont donc été déclarées conformes à la Constitution. 

Regard sur la petite muraille du Syndicat de la magistrature

Le 12/05/13

Le 24 avril dernier, le monde judiciaire a été quelque peu remué par les révélations d’un journaliste sur l’existence d’un gigantesque panneau découvert au siège du Syndicat de la Magistrature à PARIS intitulé le « Mur des cons ».

Sur fond de défense de la liberté syndicale ou de réquisitoire contre la république des juges, des voix se sont aussitôt élevées entre protection de la sphère privée et vertu magistrate.

C’est ainsi que Madame le garde des sceaux, Christiane Taubira, a condamné cette mauvaise blague avant d’annoncer la saisine du Conseil Supérieur de la Magistrature devant les députés car « le devoir de réserve des magistrats suppose de la retenue même dans le cadre de l’expression syndicale ».

La présidente du Syndicat de la Magistrature, Françoise Martres, s’est expliqué à son tour et a affirmé haut et fort que la pomme de discorde qui – l’on ne s’y méprenne pas – «s’attaquait aux idées, pas aux personnes » avait été détruite.

Dans son éditorial du 3 mai 2013, le Bâtonnier Charrière-Bournazel, Président du Conseil National des Barreaux a, de son côté, rendu hommage aux juges et à leur travail, tout en compatissant « à la douleur ressentie par ceux qui se sont ainsi découverts stigmatisés ».

Aujourd’hui, le séisme est passé … mais l’onde de choc se fait encore sentir me laissant perplexe face à cette saisissante blague.

Que faut-il bien penser de ce fameux « mur des cons » pendu dans la salle principale d’un local syndical qui a suscité tant de communiqués et de réactions ?

Ce panneau installé dans un lieu privé et destiné au simple jeu des syndiqués est présenté par le Syndicat de la Magistrature comme une plaisanterie de mauvais goût.

Chacun aura sa façon de percevoir le contenu de ce défouloir comme militant, outrageant, déplacé ou puéril.

Pourtant, ce que l’existence de ce « mur des cons » révèle est bien plus important qu’un banal sentiment d’approbation ou de désaccord, qu’une vive et vibrante émotion.

Elle traduit, d’abord, le malaise d’une partie de nos juges pris en étaux entre l’indépendance intrinsèque à leur fonction et la pression sociale et médiatique extrinsèque à laquelle ils sont confrontés.

Au gré de deux courants contraires, il n’est pas toujours aisé de nager, et encore moins de rester stoïque face à ce que l’office du juge impose de faire et ce que la Société attend de vous.

Aussi qu’il s’agisse d’idées ou de personnes, les unes et les autres peuvent sûrement pousser à l’intempérance en pleine tempête.

Ensuite, ce défouloir marque un détachement inquiétant de ceux qui se confrontent au quotidien à une réalité de la Société aussi peu glorieuse qu’effroyablement humaine.

Dire le droit sans se désunir de sa conscience et sans se départir d’équité est un exercice difficile qui appelle vigilance et justesse.

S’il faut se placer au-dessus des parties pour bien juger, il faut donc s’imposer à l’aplomb des autres acteurs de l’instance.

De là à dériver vers le mépris, il n’y a cependant qu’un pas que certains ne se voient même pas franchir.

Mais l’empreinte sur ce chemin ne change pas le panorama en fin de course au final.

N’oublions pas pourtant que l’Avocat limite les vues désagréables : il est un rempart entre les justiciables et les juges ce qui permet de lui conférer sa combativité et d’offrir aux magistrats la distance.

La conclusion reviendra à Michel Audiard au travers des dialogues des Tontons flingueurs : « Les cons ça ose tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît ».