Le 07/10/13
Depuis quelques années, les préfectures font une application stricte de l’article R 311-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile qui dispose :
« Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans ou qui sollicite un titre de séjour en application de l’article L. 311-3, est tenu de se présenter, à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de titre de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient ».
Les tolérances jadis admises dispensant les étrangers de solliciter en personne un titre de séjour ou son renouvellement auprès des autorités de l’Etat ont disparu.
Les premiers à subir des affres de cette obligation sont évidemment les personnes incarcérées qi ne peuvent se déplacer jusqu’aux guichets préfectoraux.
La Circulaire INT/V/13/06710/C du 25 mars 2013 relative aux procédures de première délivrance et de renouvellement de titres de séjour aux personnes de nationalité étrangères privées de liberté indique cependant que :
« La possibilité pour les personnes étrangères privées de liberté de solliciter pendant leur incarcération la première délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour constitue un élément essentiel à la préparation de leur sortie et à leur réinsertion sociale (accès notamment aux prestations sociales, aux soins, au logement, à la formation et à l’emploi) ».
C’est ainsi qu’au terme d’un jugement du 9 avril 2013, le Tribunal Administratif de LILLE a annulé la décision implicite de rejet du préfet consécutive à une demande de renouvellement de carte de séjour temporaire « vie privée et familiale »présentée par voie postale par un condamné à une peine de vingt ans de réclusion criminelle.
Les juges de première instance ont considéré que :
« si le préfet du Pas-de-Calais fait valoir que M. L. ayant adressé sa demande par voie postale en méconnaissance des dispositions précitées de l’article R. 311-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ce dernier ne saurait se prévaloir à l’encontre de la décision de rejet de sa demande de titre de séjour de moyens autres que ceux tirés d’un vice propre de cette décision implicite, il ressort toutefois des travaux préparatoires de la loi du 24 novembre 2009 précitée, et notamment des débats qui se sont tenus au Sénat au cours de la séance du 4 mars 2009 au cours de laquelle a été adopté l’amendement à l’origine de l’article 30 de la loi du 24 novembre 2009 ainsi que du rapport n° 1899 du député Garraud sur le projet de loi adopté par le Sénat et transmis à l’Assemblée nationale que le législateur a entendu faciliter les démarches administratives des détenus, en permettant notamment aux ressortissants d’un pays étranger d’élire domicile dans l’établissement pénitentiaire pour obtenir ou faire renouveler un titre de séjour ; que ces dispositions législatives ne sauraient être tenues en échec par les dispositions de valeur réglementaire de l’article R. 311-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ».
Tribunal Administratif de LILLE 9 avril 2013 n° 1204248
Cette jurisprudence revient sur l’appréciation du Conseil d’Etat dans un avis concernant le principe de la comparution personnelle de l’étranger, demandeur de titre.
Selon la Haute Juridiction Administrative, « une demande de titre de séjour présentée par un ressortissant étranger en méconnaissance de la règle de présentation personnelle du demandeur en préfecture fait naître, en cas de silence gardé par l’administration pendant plus de 4 mois, délai fixé par l’article 2 du même décret, une décision implicite de rejet susceptible d’un recours pour excès de pouvoir ».
Cependant, « lorsque le refus de titre de séjour est fondé à bon droit sur l’absence de comparution personnelle du demandeur, ce dernier ne peut se prévaloir, à l’encontre de la décision de rejet de sa demande de titre de séjour, de moyens autres que ceux tirés d’un vice propre de cette décision ».
Conseil d’État 11 octobre 2006 Requête N° 292969
Le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales semble désormais invocable à l’encontre d’une décision implicite de rejet prise à l’encontre d’un détenu.
Les impératifs de réinsertion prévalent donc sur la comparution personnelle.