Un an et toutes mes dents … sauf celles de sagesse

Le 28/11/11

Il y a un an, encouragée et soutenue, j’ai crée ce blog juridique à mon image et à celle de mon exercice professionnel.

Comme beaucoup d’entre nous, je me suis laissé prendre au jeu des publications et j’ai testé avec amusement l’outil de dialogue proposé par la blogosphère (avocats.fr).

Comme beaucoup d’entre nous, je vous ai présenté, à mon échelle, la profession d’avocat au travers de ses pratiques et de son quotidien.

Comme beaucoup d’entre nous, j’ai esquissé quelques sourires et quelques rictus grimaçants à la lecture des commentaires qui apparaissaient sur ces pages.

Au fils des mois, j’ai nourris ce blog d’articles portant sur le contentieux civil, pénal et administratif constituant l’activité dominante de mon cabinet ainsi que sur les législations et jurisprudences engageant une évolution du droit.

Et durant cette petite année, j’ai pris goût à tout cela car l’échange vaut par ce que l’on en retire et par la réflexion qu’il fait naître.

Cependant, lorsque l’on se côtoie, on attend souvent des rencontres de faire plus ample connaissance.

Voici donc le portrait de la maîtresse des lieux brossé avec l’humeur du moment, non sans un soupçon d’autosatisfaction et une pincée d’autodérision :

Date et lieu de naissance : Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine

Signe astrologique : Corbeau ascendant lapin

Qualité principale : Modestie (appelez moi, Maître tout simplement)

Défaut indéniable: Peu loquace (malgré quelques bavardages, on note une participation discrète en classe de l’élève)

Couleur préférée : Toutes sauf le violet

Film favoris : Le client

Vrai films favoris : Daredevil 

Livre de chevet : Martine au palais de Justice

Plat préféré : Salade d’avocats, sauce baveux

Chanson de prédilection : La mauvaise réputation de G. BRASSENS

Loisirs : les activités physiques avec port de la robe obligatoire

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La force exécutoire de la convention en matière de divorce par consentement mutuel :piqûre de rappel

Le 27/11/11

La dissolution du mariage revêt plusieurs formes répondant aux besoins et aux désirs des couples en rupture dont l’une dite amiable en forte progression concernait plus de 72 000 des jugements prononcés en 2007. 

Mais on oublie parfois que ce divorce par consentement mutuel suppose que les époux soient d’accord non seulement sur la rupture du lien matrimonial mais encore sur les conséquences de leur séparation.

Ils doivent, il est vrai, s’accorder sur :

– le partage des biens mobiliers et immobiliers,

– l’attribution du domicile conjugal,

– la conservation de l’usage du nom du mari par l’épouse,

– la résidence habituelle des enfants,

– le droit de visite et d’hébergement et la fixation de la pension alimentaire à titre de contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants,

– l’allocation d’une prestation compensatoire.

Or, il n’est pas toujours évident de faire le deuil de son union et de discuter des effets de la séparation dans le même temps…

Une nécessaire bonne entente est donc sous-jacente en matière de divorce par consentement mutuel où le dialogue prédomine.

Elle s’explique et s’impose par la procédure simplifiée prévue aux articles 230 et suivants du Code Civil qui est marquée par d’un certain particularisme :

En effet, on l’aura compris les intérêts pécuniaires sont réglés en amont de l’intervention du juge : le régime matrimonial est ainsi liquidé par le notaire au préalable si le patrimoine se compose d’immeubles.

De plus, à la différence des autres formes de divorce, l’instance s’achève à l’issue d’une seule et unique audience, sans conciliation, au cours de laquelle la convention réglant toutes les conséquences est soumise à l’approbation du juge.

Par ailleurs, s’il y a intervention du juge, celle-ci reste limitée car son pouvoir décisionnel ne se traduit que par le refus ou le prononcé du divorce, et plus rarement, l’ajournement de la décision.

Le Juge aux Affaires Familiales vérifie cependant l’existence du consentement libre et éclairé des époux et s’assure avant d’homologuer la convention qu’elle garantie les intérêts des enfants ainsi que l’équilibre entre les parties.

Enfin et surtout, lorsque le jugement prononce le divorce, ni les époux, ni les tiers ne peuvent interjeter appel.

Seul le pourvoi en cassation est alors possible à l’encontre de cette décision et dans les cas limitativement prévus de violation de la loi.

Au terme d’un arrêt du 23 novembre 2011, la Cour de Cassation a rappelé cette singularité de la procédure du divorce par consentement mutuel qui n’ouvre droit qu’à une voie de recours extraordinaire dans un délai réduit de 2 mois à 15 jours à compter du prononcé.

Cass. Civ 1ère. 23 novembre 2011 Pourvoi n°10-26802 

Après 15 ans de mariage, des époux avaient divorcé par consentement mutuel en 1995 sous le régime antérieur à la loi n°2004-439 du 26 mai 2004.

La convention homologuée prévoyait que l’épouse se verrait attribuer à titre d’une prestation compensatoire un premier appartement et instituait l’indivision post-communautaire en nue-propriété d’un second appartement, les deux biens étant tous deux issus d’une donation des parents de l’époux.

En 1997, les divorcés s’étaient remariés, animés d’une nouvelle flamme moins confiante leur faisant opter pour le régime de la séparation de biens mais avec une légation universelle au conjoint survivant.

Au décès du mari, ses enfants se trouvant lésés ont formé un pourvoi en cassation à l’encontre du jugement de divorce arguant la fraude pour se prévaloir de l’inopposabilité de la convention homologuée.

La Cour de Cassation a cassé sans renvoi l’arrêt d’appel ayant déclaré le pourvoi recevable « hors des cas limitativement prévus par la loi dans lesquels n’entre pas l’action en inopposabilité fondée sur la fraude ».

Elle confirme ainsi le principe existant depuis la loi n° 75-617 du 11 juillet 1975 et fait primer la volonté des époux sur toutes autres considérations.

Petit guide des bonnes pratiques de l’avocat en expertise médicale

Le 18/11/11

Depuis plusieurs années, le corps médical intervient, de plus en plus, dans les procédures judiciaires.

Détermination de la faute médicale engageant la responsabilité, évaluation du préjudice corporel, avis pour demande de titre de séjour d’étrangers malades, vérification de la compatibilité de l’état de santé avec une mesure privative de liberté, recherche des causes du décès par autopsie, détermination de l’abolition ou de l’altération du discernement, nécessité d’une mesure de protection de majeur incapable, évaluation de l’incapacité de travail déterminant la qualification d’une infraction, recherches de paternité, décision d’hospitalisation d’office… etc

La parole des médecins s’impose désormais du contentieux pénal au droit de la famille faisant ainsi des professionnels de santé des interlocuteurs incontournables.

Invitée à une formation dédiée aux experts de justice de Lyon, j’ai suivi avec attention les discussions de celles et ceux que les juridictions désignent en qualité d’expert judiciaire.

Si je me suis sentie un peu seule au début – je l’avoue-, les réflexions de ces médecins sur leur rôle et leur mission m’ont pourtant semblé proches des nôtres.

Les quelques remarques qui vont suivre, sont donc le fruit des échanges intervenus sur l’expertise médicale :

– Il arrive régulièrement que l’avocat soit destinataire de la décision de justice désignant l’expert et précisant sa mission avant même qu’elle n’ai été portée à la connaissance de ce dernier.

Entre l’acceptation du travail confié et la convocation à la réunion d’expertise, il n’est ainsi pas utile de prendre immédiatement attache avec l’expert.

De la vitesse à la précipitation, il n’y a qu’un pas à ne pas franchir sous peine que le courrier reste sans suite.

La seule diligence qui revêt l’urgence, est le dépôt de la consignation à la Régie des Avances et Recettes ou l’envoi de la décision d’aide juridictionnelle au Juge en charge de l’expertise permettant de se prévaloir des articles 40 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et 119 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991.

– Dans l’attente des opérations expertales, l’avocat peut demander la communication du dossier médical aux établissements de santé ou laisser le soin à son client de cette charge.

Mais il faut rappeler que les obstacles à l’application de l’article 1111-7 du Code de la Santé Publique ne sont pas rares :

– soit que la transmission des documents au conseil dûment mandaté soit refusée (déjà vu),

– soit que la réponse attendue arrive tardivement (aussi),

– soit que le centre hospitalier dans lequel les soins ont été accomplis, soit celui dans lequel l’expert exerce habituellement, ce qui justifierait que ce dernier en face la demande directement (idem) .

A réception de la convocation et une fois en main, les documents médicaux seront transmis à l’expert préalablement à la réunion ainsi qu’aux confrères.

Cette organisation permet alors aux médecins de recours et aux médecins conseil des assureurs d’intervenir utilement.

Une telle démarche assure l’effectivité du principe du contradictoire lors des opérations d’expertise.

– Il ne faut pas oublier que la réunion qui réunit les parties à l’instance, est le siège d’un véritable débat.

Aussi les médecins regrettent parfois l’absence des avocats dont le rôle vaut tant par la présence apaisante pour le client que pour l’exercice de leur mission d’assistance.

C’est la raison pour laquelle certains experts insistent pour que les dates de réunion soient fixées d’un commun accord et non imposées.

Deplus, il n’est pas rare que, lors de l’examen médical, les doléances présentées soient à l’origine de l’intervention d’un sapiteur d’une autre spécialité.

L’utilité d’un tel avis engendrant des frais supplémentaires est alors discutée.

– A l’issue de ses investigations, l’expert peut déposer un pré-rapport en imposant un délai aux parties pour présenter des observations.

Si chacun a déjà pu débattre au cours de la réunion d’expertise, les dires sur des points déjà évoqués pourront être évités.

Si tel n’est pas les cas, il s’agit d’une bonne occasion d’apporter des précisions qui seront prises en compte et/ ou figureront dans le rapport définitif.

Dans certaines circonstances, celui-là même et son contenu détermineront l’issue contentieuse ou amiable du litige.

Aussi le médecins missionnés apprécient d’être tenu informés de la conclusion d’un dossier et en sont reconnaissants.

Tout ceci n’est qu’un rapide résumé d’une rencontre où chacun a parlé, échangé et écouté pour disséquer sa pratique afin de l’améliorer.

Cet article personnel vise à porter un regard différent sur ces médecins qui se définissent eux-mêmes comme « un mal nécessaire« .

Aujourd’hui, les experts médicaux à Lyon sont surtout une race en voie d’extinction car peu d’appelés répondent à l’appel de la Justice.

Les frais irrépétibles, charge et équilibre entre les parties

Le 13/11/11

Les frais de justice sont une préoccupation récurrente à laquelle les justiciables font face lorsqu’ils sont demandeurs ou défendeurs à l’instance, prévenus ou parties civiles.

En effet, les procédures devant les juridictions civiles, pénales et administratives occasionnent de nombreuses dépenses que doivent supporter les parties.

Non seulement ces charges sont divisées en deux groupes différents mais elles se distinguent par leur régime et par leur nature :

– La première catégorie répond au nom de dépens et s’appliquent aux frais directement engendrés par l’instance tels les frais et honoraires d’ huissier , les frais d’expertise, les frais d’enregistrement et la contribution de 35 € pour l’aide juridique .

– La seconde catégorie regroupent l’ensemble des dépenses connexes dont le procès est à l’origine à l’image des honoraires d’avocat ou des frais de déplacement.

Dans un récent arrêt du 21 octobre 2011, le Conseil Constitutionnel s’est intéressé à ces derniers frais à travers l’étude de la constitutionnalité des dispositions du Code de Procédure Pénale en la matière.

Et comme souvent, la présentation de cette jurisprudence est à la base cet article qui concerne la charge des frais dits irrépétibles.

Les frais exposés sont à la charge de celui qui succombe : 

Chaque code qui s’applique à chaque procédure quelle qu’en soit la nature, contient nécessairement une disposition s’appliquant aux frais irrépétibles.

Mais au fond, le texte est sans importance car la règle est identique en matière civile, pénale et administrative.

Dans chaque cas, les frais irrépétibles peuvent être laisser à la charge de la partie perdante si le juge estime que l’équité ou la situation économique de la personne condamnée le commande.

Les articles 700 du Code de Procédure Civile et L 761- 1 du Code de Justice Administrative disposent ainsi que « le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ».

L’article 475-1 du Code de Procédure Pénale précise quant à lui que « le tribunal condamne l’auteur de l’infraction à payer à la partie civile la somme qu’il détermine, au titre des frais non payés par l’Etat et exposés par celle-ci ».

Il appartient donc à la juridiction d’apprécier souverainement l’allocation d’une indemnité à ce titre et d’en fixer le montant dans l’ordonnance ou le jugement à intervenir.

De plus, la qualité de bénéficiaire de l’aide juridictionnelle ne s’oppose ni à cette demande, ni à cette condamnation.

Les articles 37 et 75 de la Loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 permettent même à l’avocat qui a assisté la partie gagnante de renoncer au bénéfice de l’aide juridictionnelle si, dans les douze mois du jour où la décision à intervenir est passée en force de chose jugée, il parvient à recouvrer l’indemnité.

Le droit à l’indemnité doit respecter l’équilibre entre les parties : 

A la lecture des dispositions procédurales précitées, une distinction entre le procès pénal et les instances civiles et administratives s’imposent.

L’article 475-1 du Code de Procédure Pénale permet exclusivement à la partie civile d’obtenir l’allocation de l’indemnité au titre des frais irrépétibles.

Qu’en est-il alors du prévenu qui a bénéficié d’un non-lieu, d’une relaxe ou d’un acquittement et n’a été ni déclaré coupable, ni condamné ?

L’article 800-2 du Code de Procédure Pénale lui accorde le droit de prétendre au versement d’une indemnité déterminée par le juge « au titre des frais non payés par l’Etat et exposés» par lui.

Si la partie civile est à l’origine du procès pénale et de la mise en mouvement de l’action publique, elle peut être condamnée à supporter le paiement de cette indemnité.

Mais la constitutionnalité de ces dispositions a été mise en cause dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité en application de l’article 61-1 de la Constitution posée le 26 juillet 2011 par les juges de la Cour de Cassation.

Avant toute chose, le Conseil constitutionnel n’a pas manqué de rappeler dans son analyse qu’aucune exigence constitutionnelle n’imposait qu’une partie au procès puisse obtenir du perdant le remboursement des frais qu’elle a exposés en vue de l’instance.

La règle posée par les articles 700 du Code de Procédure Civile, L 761- 1 du Code de Justice Administrative et 475-1 du Code de Procédure Pénale ne constitue donc pas un principe à valeur constitutionnelle.

Mais si les sages ont reconnu la constitutionnalité des dispositions permettant à la partie civile d’obtenir de l’auteur de l’infraction une indemnité au titre des frais de procédure exposés, ils ont condamné l’article 800-2 du Code de Procédure Pénale a un autre sort.

En effet, ces dernières dispositions « portent atteinte à l’équilibre du droit des parties dans le procès pénal ».

La censure est fondée sur la circonstance que « le ministère public n’est pas dans une situation identique à celle de la personne poursuivie ou de la partie civile ».

C’est donc au bénéfice de la partie la plus privilégiée du procès pénale, celle qui a l’opportunité des poursuites que le Conseil a déclaré inconstitutionnelle l’article 800-2 et reporté au 1er janvier 2013 la date de l’abrogation de cet article.

Décision n° 2011-190 QPC du 21 octobre 2011 

Rappelons que le 1er avril 2011, le Conseil constitutionnel avait censuré l’article 618-1 du Code de Procédure Pénale (équivalent de l’article 475-1 du même code mais applicable au pourvoi en cassation) eu égard à l’inapplicabilité de l’article 800-2 du Code de Procédure Pénale au pourvoi en cassation.

Il avait rétabli l’équilibre entre la partie civile et le prévenu sans s’intéresser au ministère public…qui s’est finalement rappelé à son bon souvenir.

Décision n° 2011-112 QPC du 01 avril 2011 

Dettes de jeu : quand le juge oppose la cause illicite au recouvrement

Le 06/11/11

Tout au long de sa vie, le contrat né d’une rencontre de consentements est régi par le droit des obligations et bercé par l’ordre public.

A l’heure où les établissements bancaires et les assureurs imposent leurs clauses et garanties, le respect des bonnes moeurs préside encore aux conventions quel qu’elles soient.

Depuis 1804, les quatre conditions essentielles à la validité des contrats prévues à l’article 1108 du Code Civil sont demeurées inchangé en la matière, à savoir :

– Le consentement éclairé de la partie/les parties,

– La capacité de contracter,

– L’objet certain déterminé/ déterminable des engagements,

– La cause licite dans l’obligation.

C’est sur ce dernier élément que s’est porté l’analyse des juges de la Cour de Cassation dans un arrêt du 4 novembre dernier :

« Mais attendu qu’aux termes de l’article 1965 du code civil, la loi n’accorde aucune action pour une dette de jeu ou pour le paiement d’un pari ; que la cour d’appel a constaté que du mois d’octobre 1995 à celui de mai 1997, M. Y… avait signé chaque mois un acte dans lequel il reconnaissait avoir reçu une somme en espèces de M. X… pour ses besoins personnels et s’engageait à la rembourser au plus vite et que ces actes avaient été récapitulés dans une reconnaissance de dette générale signée des deux parties le 20 juillet 1997, par laquelle M. Y… s’était reconnu débiteur de la somme de 11 500 000 francs majorée des intérêts capitalisés jusqu’au 31 juillet 1997 au taux de 10 % l’an ; que l’arrêt retient exactement que la cause de l’obligation de M. Y… énoncée dans cet acte est présumée exacte et qu’il lui incombe de démontrer que le prêteur ne lui a pas versé la somme litigieuse ou que ce prêt lui a été consenti pour jouer ; qu’au titre des circonstances permettant de caractériser l’existence d’une dette de jeu, les juges ne se sont pas bornés à se référer à l’énormité de la somme globale prêtée, constituée exclusivement par la remise de sommes en espèces, mais ont en outre fait état, par motifs propres et adoptés, de l’établissement de reconnaissances de dette mensuelles sur une longue période, de ce que M. Y… était un joueur ainsi que du fait que, si M. X… contestait l’être également, l’une des attestations produites indiquait pourtant qu’il s’était adonné aux jeux d’argent et ont ajouté que celui-ci n’avait pu d’ailleurs justifier de l’origine des fonds qui lui auraient permis de prêter des sommes considérables, sa déconfiture au moment des faits étant avérée par l’existence d’une procédure collective, tout en constatant enfin qu’il ne pouvait prétendre avoir ignoré la destination des sommes litigieuses ; que la cour d’appel, ayant dans ces conditions jugé qu’il était établi qu’il s’agissait de fonds destinés au jeu, ayant permis à l’emprunteur aussi bien de payer ses dettes que de continuer à jouer en dehors d’un établissement dans lequel le jeu est régulièrement autorisé, en a à juste titre déduit que M. Y… était en droit à se prévaloir de l’article 1965 du code civil interdisant toute action pour une dette de jeu ; que le moyen, qui manque en fait en ses deuxième et cinquième branches, n’est fondé en aucun de ses griefs ».

Cass. Civ 1ère . 4 novembre 2011 Pourvoi 10-24007 

Cette récente jurisprudence vient titiller les juristes car elle rappellera à bon nombre d’entre nous des souvenirs de faculté sur cette obscure notion qu’est la cause du contrat.

Elle nous plonge également dans le monde de l’addiction et du jeu où s’immisce le droit sous le manteau de la moralité.

Toute chose a une cause : 

Longtemps objet de nombreuses discussions et de grands débats doctrinaux, la cause du contrat trouve sa définition moderne dans le mobile déterminant.

L’article 1131 du Code Civil indique en effet que « l’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ».

Aussi, si cet élément vient à faire défaut, la sanction appliquée sera la nullité de la convention ramenant chaque cocontractant à l’état antérieur à son engagement.

Pour autant, l’existence d’une cause est insuffisante à garantir la validité d’un contrat dont les stipulations doivent respecter l’ordre public.

L’article 1133 du Code Civil précise donc les caractéristiques que doit revêtir le mobile déterminant et l’habille de licéité et de moralité :

« La cause est illicite, quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes moeurs ou à l’ordre public ».

Bien que le contrat est force de loi entre les parties, il n’empêche pas les considérations d’intérêt général de primer sur les desiderata dictés par les intérêts particuliers.

Les justiciables ne pourront donc conclure un bail pour installer une nouvelle Madame Claude et ses protégées.

Ils ne pourront guère plus acquérir des tables de black-jack destinées à un tripot clandestin ou des planches d’impression pour la fabrication de fausse monnaie.

La moralité, c’est bien là la frontière entre le droit civil et le droit pénal ou entre l’activité honnête et l’enrichissement frauduleux.

Bien mal acquis ne profite jamais : 

Un contrat peut être annulé pour cause illicite ou immorale même lorsque l’une des parties n’a pas eu connaissance du caractère illicite ou immoral du motif déterminant de la conclusion du contrat.

Cass. Civ 1ère. 7 octobre 1998 Pourvoi 96-14359 

Les lourdes conséquences de l’atteinte portée à l’ordre public appellent à la méfiance des naïfs et des confiants.

D’autant que si l’un et l’autre des cocontratants avaient de mauvais desseins dont la preuve est rapportée, la nullité ne donnera pas lieu aux restitutions normalement consécutives à cette sanction.

Cass. Civ 1ère. 22 juin 2004 Pourvoi 01-17258 

L’article 1965 du Code Civil ajoute encore à cette sanction puisqu’il précise que « La loi n’accorde aucune action pour une dette du jeu ou pour le paiement d’un pari ».

Cependant lorsque l’activité est autorisée par la loi et réglementée par les pouvoirs publics, les clients notamment du Pari Mutuel Urbain ou de la Française Des Jeux ne peuvent se prévaloir de l’exception de l’article 1965 pour s’opposer à l’action en recouvrement.

Mais si le créancier se prévaut d’une dette d’origine douteuse ou ayant une cause illicite, le principe reprend toute sa force : le débiteur ne sera alors pas tenu au paiement.

Tel est le cas lorsque un casino a consenti un prêt à son client pour lui permettre de jouer ou quand un directeur de cercle de jeu a remis à un joueur non membre du cercle, contre un chèque sans provision, des jetons pour alimenter le jeu.

Cass. Civ 1ère. 16 mai 2006 Pourvoi 04-13225 

Cass. Crim. 15 novembre 1993 Pourvoi 93-80205 

Dans son arrêt du 4 novembre 2011, la Cour de Cassation a fait une juste application du principe de l’article 1965 du Code Civil en relevant que les fonds, objet du prêt, étaient destinés au jeu.

Nul doute que certains individus trouveront des moyens d’exécution forcée qui pallieront les condamnations du juge et les interventions de l’huissier.

La France fichée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme

Le 05/11/11

Au fils des articles publiés sur ce blog, la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme est régulièrement évoquée, qu’il soit question de droit pénal ou de responsabilité .

Depuis 1959, la juridiction strasbourgeoise veille à la parfaite application de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales ainsi qu’au respect des engagements de ses signataires.

Entre l’Albanie et l’Ukraine, la France qui a ratifié la convention en 1974, compte parmi les 47 pays engagés.

De ce fait, elle est soumise à la censure et aux condamnations de la Cour Européenne des Droits de l’Homme sur saisine d’un justiciable en cas de manquement à l’un des principes de la convention.

Très récemment, la France a été condamnée par un arrêt du 6 octobre 2011 pour violation de l’article 6 s’appliquant au droit au juge de manière effective et efficace.

La défaillance et le manque de diligence des autorités françaises ont conduit le requérant, bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, à être privé de la désignation d’un avocat par le Bâtonnier de Fort-de-France et à ne pourvoir, en conséquence, saisir la juridiction de renvoi après cassation dans le délai imparti.

Désormais, les arrêts rendus contre la France ainsi que les affaires pendantes devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme la concernant n’auront plus aucun secret pour vous.

Le service de presse de la Cour de Strasbourg a mis en ligne une fiche correspondant à chaque état signataire de la convention regroupant les informations essentielles, à savoir la participation budgétaire, les juges nationaux et les grands arrêts.

BONNE LECTURE

http://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/5A5D701F-E5AF-47EC-8D58-EB12E2F4C6F1/0/PCP_France_FR.pdf 

Un lieu incertain

Le 30/10/11

Au terme d’un arrêt rendu le 12 octobre dernier, la Cour de Cassation s’est prononcé sur le lieu où le Juge des Libertés et de la Détention statuant en matière de rétention administrative doit siéger.

Elle s’est ainsi penché sur les dispositions de l’article L 552-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile et sur la salle d’audience accueillant les débats publiques.

Ce texte prévoit dans ses versions anciennes et nouvelles que le Juge des Libertés et de la Détention « statue par ordonnance au siège du tribunal de grande instance dans le ressort duquel se situe le lieu de placement en rétention de l’étranger ».

Cependant, ce principe est assorti d’une exception « si une salle d’audience attribuée au ministère de la justice (…) permettant de statuer publiquement a été spécialement aménagée à proximité immédiate » du centre de rétention .

Les juges suprêmes ont été saisis sur pourvoi d’un retenu de nationalité iranienne fondé sur la violation de l’article L 552-1 du CESEDA et l’article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme.

Le Syndicat des Avocats de France est intervenu volontairement dans cette instance où le Juge des Libertés et de la Détention avait siégé dans une salle d’audience située en dehors du tribunal de grande instance lorsqu’il avait prolongé la rétention.

Bien qu’elle ait rejeté le pourvoi et confirmé l’arrêt de la Cour d’Appel d’AMIENS, la Cour de Cassation est revenue sur les caractéristiques que le siège d’exception attribué au ministère de la justice devait revêtir:

« Attendu qu’ayant constaté que la salle d’audience était autonome et hors de l’enceinte du centre de rétention administrative, qu’elle était accessible au public par une porte donnant sur la voie publique et qu’une clôture la séparait du centre de rétention de sorte que l’étranger devait sortir de ce centre pour accéder à la salle d’audience, le premier président en a exactement déduit que cette salle, implantée à proximité du centre et non à l’intérieur de celui ci, répondait aux exigences posées par l’article L. 552 1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et par l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme ; que le grief ne peut être accueilli ».

Cass. Civ 1ère. 12 octobre 2011 Pourvoi 10-24205 

Le dernier qui a parlé

Le 27/10/11

A l’image du respect du contradictoire, de nombreux principes président la procédure pénale afin de garantir les droits de chacune des parties à l’instance.

C’est ainsi que pour assurer le bon déroulement des audiences l’ordre de paroles des acteurs du procès est défini comme il suit :

– Demandes indemnitaires de la partie civile ou de conseil,

– Réquisitions du ministère public,

– Défense au fond du prévenu ou de son conseil.

L’une des conséquences de la présomption d’innocence est que celui qui est poursuivi a toujours la parole en dernier.

Cette règle fondamentale s’impose à peine de nullité.

La Cour de Cassation a admis depuis longtemps que la sanction encourue en cas de manquement à l’ordre de paroles au cours des débats est la nullité du jugement.

Est donc cassé l’arrêt portant mention que le ministère public a été entendu le dernier.

Cass. Crim. 14 décembre 1989 Pourvoi 89-82912 

Le principe est indifféremment appliqué en premier instance comme en appel, devant les juridictions correctionnelles ou la Cour d’Assises.

Il domine tout débat pénal et concerne toutes les procédures intéressant la défense et se terminant par un arrêt ou jugement.

Cass. Crim. 8 juin 1983 Pourvoi 82-94323 

L’article 460 du Code de Procédure Pénale l’impose devant Tribunal Correctionnel, l’article 513 du même code l’applique à la Cour d’Appel et la procédure devant la Cour d’assises est à son tour encadrée par les dispositions de l’article 346.

La portée de la règle ne se limite en outre pas aux débats sur le fond : elle s’étend à tout incident dès lors qu’il n’est pas joint au fond.

La Cour de Cassation a précisé récemment que le principe vaut aussi pour une demande de renvoi si la juridiction saisie statue au cours des débats.

Sans joindre l’incident au fond, la Cour d’Appel de Paris avait rejeté le report d’audience immédiatement après avoir entendu le ministère public, sans donner sur ce point la parole en dernier au conseil des prévenus.

Elle a donc été censurée au visa de l’article 513 du Code de Procédure Pénale.

Cass. Crim. 1 février 2011 Pourvoi 10-85378 

Pour autant, le débat pénal reste ouvert et n’interdit pas la réplique de la partie civile et du ministère public.

Mais l’accusé ou le prévenu sera toujours celui qui parle en dernier…

Coup de blues des avocats ?

Le 22/10/11

Il y a quelques mois la polémique sur les conditions de travail et les politiques de coatching actuelles des salariés a enflé à la suite d’une vague de suicides dans plusieurs entreprises privées ou publiques.

La Profession d’Avocat est-elle épargnée par le stress qui semble inexorablement gagné les différents secteurs de l’emploi ? A y regarder de plus prêt, la réponse est négative.

Le Conseil National des Barreaux a mis en ligne sur son site internet un questionnaire destiné à dresser un état des lieux de la Profession et à sensibiliser ses membres sur les pratiques à risque.

L’article est intitulé : « Les avocats font eux aussi face à un risque accru de stress : et vous, où en êtes-vous ?».

Quelques lignes plus loin, on peut lire que « 47 % des jours indemnisés trouvent leur source dans des pathologies consécutives au stress qui explique également certaines sorties prématurées de la profession d’avocat ».

La robe ne nous immunise donc pas… bien au contraire.

Dans la même lignée, les informations contenues dans les deux derniers Télébatons de l’Ordre des Avocats du Barreau de Lyon sont éloquentes.

Il y a d’abord une mise en garde : « Des problèmes ? Du stress ? N’attendez pas qu’il soit trop tard ! ».

Puis, des alternatives pour pallier la solitude du chef d’entreprise et apaiser la lourdeur des responsabilités de l’auxiliaire de justice sont formulées :

« Pour faire face à toutes ces situations, pour aider chacun d’entre vous à surmonter les difficultés et à mieux gérer son stress au quotidien, le Barreau de Lyon vous propose des dispositifs variés.

(…)

L’Ordre envisage de proposer des modules de groupe (8/10 pers.) consacrés au stress. Animés par un professionnel, ils vous permettront d’analyser votre pratique professionnelle afin de mieux gérer le stress au quotidien».

Par ailleurs, les éditeurs juridiques ne sont pas en reste et soulèvent d’autres interrogations sur les conditions d’exercice devenues difficiles.

Dans son numéro du 15 septembre 2011, la revue Actuel-Avocat posait la question suivante :

« Le métier d’avocat est-il dangereux ?La plupart des avocats ont un jour été menacés par un client ou une partie adverse, estime le bâtonnier Christian Charrière-Bournazel. Bien que rarement suivies de faits graves, ces tentatives d’intimidation n’en restent pas moins difficiles à apprécier ».

Sans regarder plus loin que le bout de mon nez, le blog est aussi un indicateur de cette crise de conscience et de vocation.

Celle-ci ressort également des twits de confrères sur leur quotidien et les difficultés du métier.

Alors la Profession d’Avocat est-elle au bord de la crise de nerfs ? En tout état de cause, le malaise semble réel.

C’est exactement à ce stade que j’en étais de ma réflexion lorsque j’ai décidé de m’enfoncer dans le fauteuil d’une salle obscure pour découvrir le prix du jury du dernier Festival de Cannes .

Urgence, traumatisme, violence, incivilité, peur et douleur sont les situations auxquelles sont confrontées les policiers de la Brigade de Protection des Mineurs dans ce film.

Et j’en arrive au constat que tout cela ressemble à s’y méprendre parfois à certains jours de notre quotidien…

Chaque dossier nous parle d’une histoire mordante de vérité et rarement sortie d’un conte de fées.

Sa gestion nous impose de nous plonger dans l’intimité de nos clients, dans ce qu’elle a de plus cru, de plus terrible et de plus humain à nous offrir.

Cela nous change, nous bouscule ou nous agrippe naturellement.

Alors la froideur et le cynisme que nous affichons sont de minces boucliers pour éviter les claques et les tensions qui nous arrivent en audience ou dans nos cabinets.

Parfois, notre humour un peu brut et sans filet nous sert aussi de rempart pour adoucir cette vision du monde dans lequel nous évoluons.

Et la délicatesse ainsi que la courtoisie qui s’imposent à nos pratiques, est un soutien précieux afin de conserver un calme intérieur en toutes circonstances.

Pourtant l’humanité de notre serment nous touche et nous porte à chaque pas.

Ce qu’il faut savoir sur le Centre de Rétention Administrative

Le 16/10/11

Le jeudi 28 juillet 2011 , le Centre de Rétention Administrative de LYON SAINT EXUPERY a été ravagé par un incendie volontaire dans une certaine indifférence.

Méconnu, ce lieu privatif de liberté est un espace de vie pour les étrangers en situation irrégulière qui y sont retenus et un cadre de travail pour les policiers et personnels associatifs qui les encadrent.

Aujourd’hui, on compte 27 centres de rétention administrative en France métropolitaine et d’outre-mer énuméré à l’arrêté du 30 mars 2011.

Ces locaux « reçoivent, dans la limite de leur capacité d’accueil et sans considération de la compétence géographique du préfet ayant pris l’arrêté de placement en rétention, les étranger » en application de l’article du R. 551-2 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile (CESEDA).

Je vous propose de découvrir ces centres au travers de leurs missions, de leurs conditions d’accueil et des garanties judiciaires qui protègent leurs résidents.

Quelles sont les conditions de placement au CRA ? 

Les Centres de Rétention Administrative regroupent des étrangers, hommes, femmes et enfants, qui se trouvent tous en situation irrégulière et sont destinés à être éloignés de la France.

Interpellés, contrôlés ou sortis de détention, ils font l’objet d’un arrêté de placement en rétention administrative pris à son encontre par le Préfet, représentant de l’Etat dans le Département.

Cette décision administrative est fondée sur une mesure d’éloignement de l’étranger qui ne peut être exécutée immédiatement et qui prend, selon l’article L 551-1 du CESEDA , les formes suivantes :

– procédure de remise à un État membre de l’Union Européenne,

– reconduite à la frontière en exécution d’une interdiction du territoire,

– signalement au SIS (Système d’Information Schengen) aux fins de non admission et «reconduite d’office Schengen»,

– mesure de reconduite à la frontière pour menace à l’ordre public,

– obligation de quitter le territoire français intervenue moins d’un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter volontairement le territoire est expiré,

– reconduite à la frontière d’office consécutive à une interdiction de retour.

La rétention administrative est donc motivée par l’impossibilité de quitter immédiatement le territoire français en exécution d’une mesure d’éloignement.

Selon les circonstances et l’origine du retenu, les raisons retardant le départ retardé sont variables.

Il peut s’agir de la délivrance tardive des documents de voyage par le consulat, de l’absence de moyens de transport, du temps nécessaire à la détermination de la nationalité de l’étranger ou de l’absence de garanties de représentation suffisantes

Durant l’attente, l’étranger est donc conduit au Centre de Rétention Administrative pour y demeurer durant le temps strictement nécessaire à l’organisation de son départ.

Il reste ainsi à la disposition du Préfet écartant sans risque de fuite jusqu’à son éloignement de la France.

Pour autant, il n’est privé que de sa liberté d’aller et de venir et peut communiquer avec l’extérieur dans le respect du règlement intérieur.

De plus, à son arrivée, le retenu reçoit notification des droits qu’il pourra exercer de manière effective, à savoir :

– exercice du droit d’asile formulée dans les cinq jours (Article L 551-3 du CESEDA)

– communication avec les autorités consulaires de son pays, son avocat ou toute autre personne de son choix (Article R 551-4 du CESEDA )

– consultation d’un médecin (Article R 553-8 du CESEDA ),

– assistance d’un interprète ou formulaires de traduction dans une langue qu’il comprend (Article R 553-11 du CESEDA ).

On l’aura compris les tolérances et les usages notamment en matière de détentions de téléphones mobiles varieront selon les Centres de Rétention Administrative.

Qu’est-ce qu’un CRA ? 

Comme il a été précisé, ces Centres sont destinés à accueillir les étrangers soumis à une procédure d’éloignement.

Les locaux placés sous la responsabilité du préfet territorialement compétent ne relèvent cependant pas de l’administration pénitentiaire et sont en principe, gérés, par la Police Aux Frontières.

En application de l’article R. 553-3 du CESDA, « Les centres de rétention administrative, dont la capacité d’accueil ne pourra pas dépasser 140 places, offrent aux étrangers retenus des équipements de type hôtelier et des prestations de restauration collective.

Ils répondent aux normes suivantes: 

1o Une surface utile minimum de 10 mètres carrés par retenu comprenant les chambres et les espaces librement accessibles aux heures ouvrables; 

2o Des chambres collectives non mixtes, contenant au maximum six personnes; 

3o Des équipements sanitaires, comprenant des lavabos, douches et w.-c., en libre accès et en nombre suffisant, soit un bloc sanitaire pour 10 retenus; 

4o Un téléphone en libre accès pour cinquante retenus; 

5o Des locaux et matériels nécessaires à la restauration conformes aux normes prévues par un arrêté conjoint du ministre de l’agriculture, du ministre de la défense, du ministre chargé de la santé et du ministre chargé des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l’artisanat; 

6o Au-delà de quarante personnes retenues, une salle de loisirs et de détente distincte du réfectoire, dont la superficie est d’au moins 50 mètres carrés, majorée de 10 mètres carrés pour quinze retenus supplémentaires; 

7o Une ou plusieurs salles dotées d’équipement médical, réservées au service médical; 

8o Un local permettant de recevoir les visites des familles et des autorités consulaires; 

9o Le local mentionné à l’article R. 553-7, réservé aux avocats; 

10o Un local affecté à l’organisme mentionné à l’article R. 553-13; 

11o Un local, meublé et équipé d’un téléphone, affecté à l’association mentionnée au premier alinéa de l’article R. 553-14; 

12o Un espace de promenade à l’air libre; 

13o Un local à bagages. 

Les centres de rétention administrative susceptibles d’accueillir des familles disposent en outre de chambres spécialement équipées, et notamment de matériels de puériculture adaptés ».

Tout comme dans un établissement carcéral, le quotidien des retenus est réglé par un règlement intérieur organisant la circulation dans le centre et l’accès aux espaces à l’air libre.

Il appartient au chef de Centre, responsable de l’ordre et de la sécurité , d’en assurer le respect.

Ce dernier est également en charge de la tenue du registre mentionnant l’état civil des retenus et de leurs enfants mineurs ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien visé à l’article L 553-1 du CESEDA.

Le maintien en rétention administrative qui constitue une mesure privative de liberté, a une durée limitée à quarante-cinq jours.

Durant ce séjour, « les étrangers sont hébergés et nourris à titre gratuit. Ils sont soignés gratuitement » comme le rappelle l’article R 553-12 du CESEDA.

Ils disposent alors de :

– un espace confidentiel permettant de s’entretenir avec leur avocat accessible en toutes circonstances sauf en cas de force majeure,

– une chambres collective non mixtes, accueillant au maximum six personnes,

– des équipements sanitaires en libre accès comprenant des lavabos, douches et wc,

– Un téléphone en libre accès,

– un local permettant de recevoir les visites: autorités consulaires, familles, médecins, membres d’associations,

– une pharmacie de secours.

Quel est le contrôle du juge sur la rétention ? 

Comme il a été précédemment rappelé, la rétention administrative porte une atteinte manifeste à la liberté individuelle.

Sa nature justifie donc l’intervention du Juge des Libertés et de la Détention tout au long du séjour du retenu.

Ainsi bien que le Préfet soit à l’origine du placement, il appartient au magistrat de l’ordre judiciaire de prolonger ou non cette mesure.

En effet, l’arrêté de rétention administrative limite le maintien au CRA à une durée initiale de 5 jours.

– C’est le Juge des Libertés et de la Détention saisi par le Préfet qui ordonne, le cas échéant, la prolongation de la mesure pour une durée de 20 jours supplémentaires en application de l’article L 552-1 du CESEDA.

Il procédera alors au contrôle :

– des conditions d’interpellation, de placement en garde à vue ou de rétention douanière,

– de l’effectivité des droits du retenu,

– et de la régularité de sa saisine par le Préfet.

– Si à l’expiration du délai de 20 jours l’étranger n’a pu être éloigné, le Juge des Libertés et de la Détention peut être amené à être saisi de nouveau pour se prononcer sur une éventuelle seconde prolongation.

Mais son pouvoir d’appréciation est limité au contrôle des conditions prévues à l’article L 552-7 du CESEDA.

Il existe alors deux situations différentes justifiant une prolongation de 20 jours supplémentaires:

– En cas d’urgence absolue ou de menace d’une particulière gravité pour l’ordre public, ou lorsque l’impossibilité d’exécuter la mesure d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement.

– Lorsque, malgré les diligences de l’administration, la mesure d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat ou de l’absence de moyens de transport et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que l’une ou l’autre de ces circonstances doit intervenir à bref délai ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement.

– En dehors des cas précités, le Juge des Libertés et de la Détention peut également être amené à être saisi par un retenu si des circonstances nouvelles de fait ou de droit justifient qu’il soit mis fin à la rétention.

Il peut également se saisir d’office ou à la demande du procureur de la République pour décider la mise en liberté de l’étranger lorsque les mêmes circonstances le justifient.

En tout état de cause, l’autorité administrative devra être mise en mesure de présenter ses observations.

– Enfin et surtout, l’article L 553-3 du CESEDA rappelle que le Juge des Libertés et de la Détention au même titre que le procureur de la République peut se transporter sur au CRA pour vérifier les conditions du maintien pendant toute la durée de la rétention.

Malgré son rôle de gardien des libertés individuelles, on aura compris que l’intervention du Juge des Libertés et de la Détention est limitée et bien tardive depuis l’entrée en vigueur de la Loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.

C’est désormais le Tribunal Administratif saisi du recours à l’encontre de l’arrêté de placement en rétention initiale qui statue en premier.

Sa compétence reste déterminée par le Centre de Rétention Administratif dans lequel l’étranger est retenu.