Le 13/11/11
Les frais de justice sont une préoccupation récurrente à laquelle les justiciables font face lorsqu’ils sont demandeurs ou défendeurs à l’instance, prévenus ou parties civiles.
En effet, les procédures devant les juridictions civiles, pénales et administratives occasionnent de nombreuses dépenses que doivent supporter les parties.
Non seulement ces charges sont divisées en deux groupes différents mais elles se distinguent par leur régime et par leur nature :
– La première catégorie répond au nom de dépens et s’appliquent aux frais directement engendrés par l’instance tels les frais et honoraires d’ huissier , les frais d’expertise, les frais d’enregistrement et la contribution de 35 € pour l’aide juridique .
– La seconde catégorie regroupent l’ensemble des dépenses connexes dont le procès est à l’origine à l’image des honoraires d’avocat ou des frais de déplacement.
Dans un récent arrêt du 21 octobre 2011, le Conseil Constitutionnel s’est intéressé à ces derniers frais à travers l’étude de la constitutionnalité des dispositions du Code de Procédure Pénale en la matière.
Et comme souvent, la présentation de cette jurisprudence est à la base cet article qui concerne la charge des frais dits irrépétibles.
Les frais exposés sont à la charge de celui qui succombe :
Chaque code qui s’applique à chaque procédure quelle qu’en soit la nature, contient nécessairement une disposition s’appliquant aux frais irrépétibles.
Mais au fond, le texte est sans importance car la règle est identique en matière civile, pénale et administrative.
Dans chaque cas, les frais irrépétibles peuvent être laisser à la charge de la partie perdante si le juge estime que l’équité ou la situation économique de la personne condamnée le commande.
Les articles 700 du Code de Procédure Civile et L 761- 1 du Code de Justice Administrative disposent ainsi que « le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ».
L’article 475-1 du Code de Procédure Pénale précise quant à lui que « le tribunal condamne l’auteur de l’infraction à payer à la partie civile la somme qu’il détermine, au titre des frais non payés par l’Etat et exposés par celle-ci ».
Il appartient donc à la juridiction d’apprécier souverainement l’allocation d’une indemnité à ce titre et d’en fixer le montant dans l’ordonnance ou le jugement à intervenir.
De plus, la qualité de bénéficiaire de l’aide juridictionnelle ne s’oppose ni à cette demande, ni à cette condamnation.
Les articles 37 et 75 de la Loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 permettent même à l’avocat qui a assisté la partie gagnante de renoncer au bénéfice de l’aide juridictionnelle si, dans les douze mois du jour où la décision à intervenir est passée en force de chose jugée, il parvient à recouvrer l’indemnité.
Le droit à l’indemnité doit respecter l’équilibre entre les parties :
A la lecture des dispositions procédurales précitées, une distinction entre le procès pénal et les instances civiles et administratives s’imposent.
L’article 475-1 du Code de Procédure Pénale permet exclusivement à la partie civile d’obtenir l’allocation de l’indemnité au titre des frais irrépétibles.
Qu’en est-il alors du prévenu qui a bénéficié d’un non-lieu, d’une relaxe ou d’un acquittement et n’a été ni déclaré coupable, ni condamné ?
L’article 800-2 du Code de Procédure Pénale lui accorde le droit de prétendre au versement d’une indemnité déterminée par le juge « au titre des frais non payés par l’Etat et exposés» par lui.
Si la partie civile est à l’origine du procès pénale et de la mise en mouvement de l’action publique, elle peut être condamnée à supporter le paiement de cette indemnité.
Mais la constitutionnalité de ces dispositions a été mise en cause dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité en application de l’article 61-1 de la Constitution posée le 26 juillet 2011 par les juges de la Cour de Cassation.
Avant toute chose, le Conseil constitutionnel n’a pas manqué de rappeler dans son analyse qu’aucune exigence constitutionnelle n’imposait qu’une partie au procès puisse obtenir du perdant le remboursement des frais qu’elle a exposés en vue de l’instance.
La règle posée par les articles 700 du Code de Procédure Civile, L 761- 1 du Code de Justice Administrative et 475-1 du Code de Procédure Pénale ne constitue donc pas un principe à valeur constitutionnelle.
Mais si les sages ont reconnu la constitutionnalité des dispositions permettant à la partie civile d’obtenir de l’auteur de l’infraction une indemnité au titre des frais de procédure exposés, ils ont condamné l’article 800-2 du Code de Procédure Pénale a un autre sort.
En effet, ces dernières dispositions « portent atteinte à l’équilibre du droit des parties dans le procès pénal ».
La censure est fondée sur la circonstance que « le ministère public n’est pas dans une situation identique à celle de la personne poursuivie ou de la partie civile ».
C’est donc au bénéfice de la partie la plus privilégiée du procès pénale, celle qui a l’opportunité des poursuites que le Conseil a déclaré inconstitutionnelle l’article 800-2 et reporté au 1er janvier 2013 la date de l’abrogation de cet article.
Décision n° 2011-190 QPC du 21 octobre 2011
Rappelons que le 1er avril 2011, le Conseil constitutionnel avait censuré l’article 618-1 du Code de Procédure Pénale (équivalent de l’article 475-1 du même code mais applicable au pourvoi en cassation) eu égard à l’inapplicabilité de l’article 800-2 du Code de Procédure Pénale au pourvoi en cassation.
Il avait rétabli l’équilibre entre la partie civile et le prévenu sans s’intéresser au ministère public…qui s’est finalement rappelé à son bon souvenir.
Décision n° 2011-112 QPC du 01 avril 2011