Le commandement de payer, préalable à la mise en oeuvre de la clause résolutoire dans les baux d’habitation

Le 04/09/11

A plusieurs reprises, la Loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs a été évoquée dans les pages de ce blog au titre du formalisme contractuel qu’elle impose ou des procédures de règlement des litiges qu’elle met en oeuvre.

Cette législation régit en effet le contrat de location des logements d’habitation, de sa conclusion à la fin de l’engagement des parties.

Si à l’échéance du terme le bail peut être renouvelé ou reconduit, il peut également être résilié pendant toute sa durée.

En dehors de la délivrance d’un congé, le contrat peut notamment stipuler une clause prévoyant la résiliation du bail en cas de manquement ou d’inexécution d’une obligation contractuelle par l’une ou l’autre des parties.

Cette clause dite résolutoire met fin au contrat de plein droit et limite les pouvoirs du juge dans sa mise en oeuvre et ses effets.

Aussi en cas de loyers et charges impayés, la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 a-t-elle encadrée l’application de cette clause à terme par la signification d’un commandement de payer.

Le commandement de payer, premier acte d’exécution : 

Le commandement de payer est un acte d’huissier par lequel une personne se voit ordonner d’exécuter une obligation sous peine d’exécution forcée.

Bien que la stipulation d’une clause résolutoire dans un contrat de bail relève exclusivement de la commune intention des parties, le législateur a soumis son usage à la délivrance d’un tel acte préalablement à la rupture contractuelle.

L’article 24 alinéa 1er de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 dispose ainsi :

« Toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux ».

Dans ses démarches de résiliation, le bailleur est donc accompagné par un huissier de Justice dont l’intervention garantit la régularité de la procédure.

Le commandement de payer est soumis à un certain formalisme permettant de concilier la parfaite information du preneur sur les éléments de la créance et le respect de ses droits.

Il est utile de préciser que si le commandement de payer est un acte d’exécution, il est aussi un acte de mise en oeuvre du droit au logement . 

En effet, dans son alinéa 2 l’article 24 de la Loi tendant à améliorer les rapports locatifs précise encore :

« A peine d’irrecevabilité de la demande, l’assignation aux fins de constat de la résiliation est notifiée à la diligence de l’huissier de justice au représentant de l’Etat dans le département, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, au moins deux mois avant l’audience, afin qu’il saisisse, en tant que de besoin, les organismes dont relèvent les aides au logement, le Fonds de solidarité pour le logement ou les services sociaux compétents. Le ou les services ou organismes saisis réalisent une enquête financière et sociale au cours de laquelle le locataire et le bailleur sont mis en mesure de présenter leurs observations ; le cas échéant, les observations écrites des intéressés sont jointes à l’enquête ».

Le délai de régularisation de 2 mois : 

Comme l’article le précise dans son titre, le commandement de payer est un préalable à la mise en oeuvre de la clause résolutoire du bail d’habitation.

C’est ainsi que le bénéfice de la clause stipulée au contrat ne produira d’effet que deux mois après la délivrance du commandement de payer à condition qu’il soit demeuré infructueux.

Le preneur dispose donc d’un délai afin de régulariser sa situation auprès de son bailleur et d’obtenir, le cas échéant, la mise en place d’un échéancier pour apurer sa dette locative.

Dans le cas contraire, la procédure de résiliation stipulée dans la clause pourra aboutir.

Cependant, la Cour d’Appel de PARIS a eu l’occasion de préciser que la clause résolutoire ne pouvait être mise en oeuvre pour un défaut de paiement des frais de recouvrement alors même que ceux-ci sont contractuellement à la charge du preneur.

De même, elle ne saurait être déclarée acquise pour non paiement des termes échus postérieurement au commandement:

Cour d’Appel de PARIS 1er juillet 1997 – 6ème chambre – RG : 96/82971 

La même juridiction a, de plus, affirmé dans un arrêt du 19 décembre 2001 que les frais de commandement de payer et la clause pénale ne constituaient pas des accessoires du loyer dont le défaut de paiement était susceptible d’entraîner le jeu de la clause résolutoire.

Cour d’Appel de PARIS 19 décembre 2001 – 14ème chambre – RG : 2001/11264 

En conséquence, si le preneur procède au règlement des sommes dues au titre des arriérés de loyers et charges arrêtés à la date de la délivrance avant l’expiration du délai imparti, le commandement de payer ne sera donc pas demeuré infructueux.

Si à l’inverse, le preneur n’a pas fait suite au commandement ou n’a pas été en mesure de régulariser sa situation, il conservera la possibilité de solliciter des délais de paiement devant le Juge saisi aux fins de constater de la résiliation.

Très récemment, la Cour de Cassation a rappelé qu’aucun délai, aux termes de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, n’était imposé au preneur pour saisir le juge d’une demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire.

Cass. Civ.3ème 16 février 2011 Pourvoi n°10-14945 

Ce qu’il faut savoir sur la servitude légale de passage

Une servitude est une charge supportée par un fonds dit servant, au bénéfice d’un autre fonds dit dominant.

Elle suppose l’existence de deux biens immobiliers appartenant à deux propriétaires différents : elle est ainsi attachée au fonds qu’elle grève et est l’accessoire du droit de propriété de celui auquel elle profite.

Selon les cas, ces charges revêtent divers caractères permettant de déterminer leur nature mais aussi leur mode d’acquisition.

Ainsi, la servitude de passage est apparente du fait du chemin qui la matérialise, au contraire de celle de canalisation sous-terraine ; la servitude d’écoulement des eaux pluviales est continue, à l’inverse de celle de puisage.

De toutes, la plus connue est sans doute la servitude légale en cas d’enclave qui est constituée par un droit de passage sur le terrain d’autrui.

Je vous propose de nous intéresser à cette dernière dans l’analyse qui suit.

 

  • Quand cette charge est-elle créée ?

Selon l’article 682 du Code Civil, « le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n’a sur la voie publique aucune issue, ou qu’une issue insuffisante, soit pour l’exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d’opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d’une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner».

La création d’une servitude quelle qu’elle soit, ne porte pas atteinte au droit de propriété : elle donne cependant naissance à des sujétions qui s’imposent au propriétaire du fonds grevé.

Comme on l’aura compris, la charge sera créée en l’espèce pour désenclaver une parcelle et aménager un droit de passage.

Lorsqu’un terrain est dépourvu d’accès à la voie publique ou doté d’un accès insuffisant, il est dit enclavé.

La Cour de Cassation a eu l’occasion de préciser que pour déterminer l’état d’enclave d’un fonds, le juge doit rechercher si les voies qui permettraient sa desserte, même privées, sont ouvertes au public.

Cass. Civ 3ème 13 mai 2009 Pourvoi 08-14640

 

Dans cette hypothèse, le propriétaire pourra alors réclamer sur le/ les fonds voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de son fond.

La servitude pourra cependant être créée de deux façons :

– soit les parties s’entendent amiablement sur le droit de passage, elles concluront un accord précisant l’assiette et l’indemnisation,

– soit il existe un désaccord total ou partiel, le propriétaire du fonds enclavé devra alors saisir le Tribunal de Grande Instance du lieu de l’immeuble aux fins de fixation judiciaire des modalités de la charge.

 

  • Quelles sont les obligations du bénéficiaire du droit de passage ?

Si l’état d’enclave entraîne l’existence de plein droit de la servitude, il ne permet pas au propriétaire du fonds dominant d’user du fonds servant selon son bon vouloir.

Le passage est encadré par certaines modalités d’exercice et accompagné d’une contrepartie financière.

Selon les dispositions de l’article 683 du Code Civil, le tracé du passage, c’est-à-dire l’assiette, doit concilier deux critères : celui du chemin le plus court entre le terrain enclavé et la voie publique, et celui du chemin le moins dommageable pour le/ les propriétaires du/des fonds servants.

Pour autant, l’accord des parties sur ce point doit prendre en considération les constructions et la topographie des lieux pour se déterminer ainsi que les nécessités de circulation.

 

De plus, le propriétaire du fonds servant peut solliciter la modification de l’assiette de la servitude pour des raisons de commodité, sous réserve de supporter les frais d’implantation afférents à la nouvelle assiette.

Cass. Civ 3ème 27 octobre 1993 Pourvoi 91-17024

 

Mais d’ordinaire, il appartient au propriétaire du fonds enclavé d’indemniser son voisin des dommages qu’il subit par le passage, à savoir le bruit ou la détérioration du chemin, doivent faire l’objet d’une indemnisation.

La servitude peut donc donner lieu au paiement d’une indemnité dont l’action est prescriptible.

Qu’elle soit versée sous forme de capital ou d’annualités, la somme convenue entre les parties ou fixée judiciairement doit être proportionnée aux dommages occasionnés.

 

  • La servitude passage légale peut-elle disparaître ?

La servitude n’est pas perpétuelle et peut s’éteindre de diverses façons.

– La première situation concerne évidemment la disparition de l’état d’enclave par la création d’une desserte suffisante sur la voie publique.

Cette évolution peut ressortir de l’implantation d’une route suite à la construction d’un ensemble immobilier ou à l’expansion de la commune ou des modifications du PLU.

La servitude perd alors l’utilité à l’origine de sa création et disparaît.

 

– Il en va de même dans la deuxième situation provenant de la réunion des deux propriétés concernées (article 705 du Code Civil).

Les deux fonds se confondent alors entre les mains d’un même propriétaire.

 

– La troisième situation s’applique à l’impossibilité d’usage de la servitude (article 703 du Code Civil ).

Elle résulte alors de modifications dans l’état matériel des lieux ou d’un phénomène naturel.

 

Pour autant, comme le souligne l’article 704 du Code Civil, les servitudes « revivent si les choses sont rétablies de manière qu’on puisse en user ».

L’empêchement qui rend l’usage du droit de passage impossible, ne sera alors que provisoire.

En dehors de ces cas, il es important de préciser que ni le non usage du passage pendant 30 ans, ni l’abandon par le bénéficiaire n’éteignent pas la servitude légale.

Cass. Civ 3ème 11 février 1975 Pourvoi 73-13974

Cass. Civ 3ème 27 mars 1991 Pourvoi 89-16443

 

Ce qu’il faut savoir sur le dépôt de garantie des logements privés non meublés

Le 20/12/10

Les Baux d’habitation des logements privés non meublés sont encadrés par la Loi n°89-462 du 6 juillet 1989 précisant les droits et obligations respectifs du preneur et du bailleur.

Au terme de son article 22, cette législation évoque la possibilité d’instaurer le versement d’un dépôt de garantie* à la charge du preneur* dans le contrat de location.

Cette consignation est un moyen pour le bailleur de se prémunir contre d’éventuels défauts de paiement ou toute autre inexécution de ses obligations par le locataire, au même titre que le cautionnement ou l’assurance garantissant les risques locatifs.

 Je vous propose d’évoquer de ce qu’il faut savoir sur le dépôt de garantie à travers cette synthèse.

Qu’est-ce que le dépôt de garantie ? 

Comme son nom l’indique, cette somme d’argent doit être déposée entre les mains du bailleur ou son mandataire aux fins de garantir le règlement des loyers, charges, frais éventuels de remise en état du logement et accessoires.

Ce dépôt n’est pas une avance sur loyer et ne doit pas se substituer au règlement de celui-ci car le preneur manquerait alors à ses obligations contractuelles.

Le bailleur peut donc imposer cette consignation à son locataire ou l’en dispenser, tout comme il choisit les modalités de règlement du loyer.

Mais si le bail stipule que le loyer est payable d’avance pour une période supérieure à deux mois, aucun dépôt de garantie ne sera exigible.

Quel est le montant du dépôt ?

Conformément à la législation en vigueur depuis le 25 mars 2009, le dépôt de garantie «ne peut être supérieur à un mois de loyer en principal ».

Ce montant est fixé de manière intangible pour toute la durée du bail et ses renouvellements.

Il ne peut donc souffrir aucune révision, à l’inverse des garanties prévues dans les baux commerciaux et professionnels prévoyant souvent une réévaluation annuelle ou triennale.

Quand le dépôt doit-il être versé et restitué ? 

Le dépôt de garantie est versé au bailleur ou son mandataire au moment de la signature du bail. A la fin du bail, il doit être restitué au preneur dans un délai de 2 mois à compter de la remise des clés.

Il est intéressant de noter que le dépôt de garantie ne porte pas intérêt au bénéfice du locataire durant le bail.

Cependant, il produit des intérêts au taux légal, soit 0,65 % pour l’année 2010, à défaut de restitution à l’expiration du délai de deux mois précité.

La Cour de Cassation a eu l’occasion de préciser dans un arrêt du 8 décembre 2009 qu’«aucune disposition légale ne fait obligation au bailleur de justifier dans ce délai de deux mois des sommes qu’il entend déduire du montant du dépôt de garantie ».

Cass Civ 3ème 8 décembre 2009 Pourvoi n° 08-20340 

 Quelles sommes peuvent être imputées sur le dépôt de garantie ?

C’est évidemment la question de la restitution du dépôt de garantie qui nous amène à évoquer l’arrêté de compte entre les parties au contrat.

En effet, le bailleur peut retenir sur le dépôt de garantie une certaine somme en compensation de l’inexécution par le preneur de ses obligations.

Outre le règlement des loyers et charges, l’article 7 de la Loi du 6 juillet 1989 rappelle que le preneur :

– répond des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d’un tiers qu’il n’a pas introduit dans le logement,

 – prend à sa charge l’entretien courant du logement, des équipements mentionnés au contrat et les menues réparations ainsi que l’ensemble des réparations locatives définies par décret en Conseil d’Etat, sauf si elles sont occasionnées par vétusté, malfaçon, vice de construction, cas fortuit ou force majeure.

L’état des lieux dressé contradictoirement le jour de la sortie permettra de déterminer les dégradations ayant pour origine soit l’usure normale du logement, soit le défaut de diligences du preneur.

Suite à la remise des clés, un arrêté de compte sera établi pour déterminer les sommes restant dues au propriétaire telles que la régularisation des loyers et des charges dus ou les frais de remise en état imputables au locataire.

Il faut cependant préciser qu’il appartient au bailleur de communiquer au preneur les justificatifs pour procéder aux déductions liés aux travaux de remise en état.

 Selon la Cour de Cassation, le bailleur n’a pas à présenter de factures car son indemnisation n’est pas subordonnée à l’exécution des réparations locatives.

Cass Civ 3ème 3 avril 2001 pourvoi n° 99-13668 

Cass Civ 3ème 2 octobre 2007 pourvoi n°06-18142 

Cependant, il doit justifier les sommes qu’il entend conserver, notamment par des devis professionnels ayant même force probatoire que les factures.

Que faire en cas de litige ? 

Il n’est pas rare que des difficultés surviennent entre bailleurs et preneurs lors de la restitution du dépôt de garantie ou de l’arrêté des comptes.

Afin de régler leurs litiges, l’une ou l’autre des parties peut alors saisir :

– soit la commission départementale de conciliation,

– soit la juridiction civile du lieu où est situé le logement.

En application de l’article R231-4 du Code de l’Organisation Judiciaire, c’est la juridiction de proximité qui sera compétente pour connaître, en dernier ressort, jusqu’à la valeur de 4 000 euros, des actions relatives à la restitution du dépôt de garantie.

* dépôt de garantie : il est souvent appelé caution. Mais la caution désigne la personne qui s’engage à garantir l’exécution d’un contrat par l’une des parties au profit de l’autre.

* preneur : synonyme de locataire.