Rétention Administrative et mineur accompagnant : La condamnation en cascade de la France par la Cour Européenne des Droits de l’Homme

A l’aube de l’entrée en vigueur de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016, l’état français fait face à la déferlante d’une vague estivale de jurisprudences de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

A cinq reprises, la Haute juridiction est venue pointer du doigt les pratiques de la FRANCE en matière de placement en rétention administrative et condamné ses décisions de maintien.

Chacun se souvient de l’arrêt POPOV du 19 janvier 2012 affirmant  que  les autorités devaient  assuré aux enfants accompagnants un traitement compatible avec les dispositions de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et la Convention internationale des droits de l’enfant.

La Cour Européenne des Droits de l’Homme rappelle sa position de principe tout en peaufinant son analyse au travers de cinq histoires, cinq parcours comme autant d’illustrations de l’incompatibilité entre la vulnérabilité de l’enfant et l’enfermement avec ses parents.

Cette affaire concerne un couple de  ressortissants  arméniens arrivé en FRANCE  2009 avec leur fils mineur.

A la suite d’un rejet de leur demande d’asile par  l’Office  français  de  protection  des  réfugiés  et  apatrides  (OFPRA)  puis  par  la  Cour nationale du droit d’asile (CNDA), les parents se sont vus notifiés des  arrêtés  rejetant  leurs  demandes  de  titres  de  séjour  et  leur  faisant obligation  de  quitter  le  territoire.

Après le rejet de leurs recours respectifs en annulation, le père est placé en garde à vue à la suite de la commission d’une infraction, la mère et l’enfant seront interpelés  le  lendemain au  centre  d’accueil  des demandeurs d’asile (CADA).

L’ensemble de la famille est placé au Centre de Rétention Administrative le 17 février 2012 avant d’être libéré après avoir accepté de repartir volontairement le 5 mars 2012

L’histoire aurait pu s’arrêter là si les graves problèmes de santé que connaissait l’enfant âgé de quatre ans obligèrent ses parents à se maintenir irrégulièrement sur le territoire français pour accéder aux soins adaptés.

Par  deux  arrêts  rendus  le 15  novembre  2012,  la  Cour  Administrative  d’Appel  de  BORDEAUX  annule cependant les  arrêtés  de  placement  en rétention administrative après que la mesure ai pris fin.

La  Cour Européenne des Droits de l’Homme  saisie quant à elle le  24  février  2012 considère  que  « compte  tenu  de  l’âge  de  l’enfant,  de  la  durée  et  des  conditions  de  son enfermement  dans  le  Centre  de  Rétention Administrative,  les  autorités  ont  soumis le mineur  à un  traitement  qui  a dépassé  le  seuil  de gravité  exigé  par l’article 3 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme ».

Elle s’est interrogée sans ambigüité sur l’examen opéré par Monsieur le Préfet et l’alternative possible  pouvant se substituer à la mesure coercitive.

De même, elle a appréciée les  diligences  accomplies par le représentant de l’état et ses services  aux fins de maintenir la famille au CRA le temps strictement  nécessaires  à son éloignement.

En  l’absence  de risque  particulier  de  fuite,  la haute Juridiction retient que  la  rétention  d’une  durée  de  dix-huit  jours  apparaît  disproportionnée  par rapport  au  but  poursuivi : les parents et leur enfant ont donc  subi  une ingérence disproportionnée dans le droit au respect de leur vie familiale garanti par l’article 8.

Dans la seconde espèce, la Cour s’est penchée sur le cas d’une ressortissante russe d’origine  tchétchène et de ses deux filles. Suite au décès de son conjoint, la mère de famille déposa  une  demande  d’asile en POLOGNE avant  de  se  réfugier  en France alors qu’elle était pourchassée

Devant cette situation, Monsieur le Préfet prit  à  son  encontre  un  arrêté  de  réadmission  vers  la POLOGNE, Etat membre légalement compétent pour connaitre de la demande d’asile en  application  du  Règlement  de  Dublin  II.

Là encore, à l’issue du rejet de son recours, la mère de famille sera interpellée et placée au Centre  de  Rétention Administrative avec  ses enfants le 18 avril 2016. Ni son refus d’embarquer ni le recours administratif ne permettront de mettre fin au placement.

C’est ainsi que la  Cour sera saisie d’une demande de mesure provisoire à laquelle elle fera droit. La requérant est alors assignée à résidence  le 25 avril 2016 et quittera le CRA avec ses enfants le lendemain.

Mais la mère sera très vite interpellée par  la  police et poursuivie par Monsieur le  Procureur  de  la  République  pour  séjour  irrégulier  et  non respect  de  la  mesure  d’assignation  à  résidence.

Ainsi le  Tribunal Correctionnel  de  STRASBOURG a reconnait coupable et la condamne  le  12  septembre  2012  à  une  peine  d’un  mois  d’emprisonnement  avec sursis .

Une nouvelle fois, la Cour Européenne des Droits de l’Homme décide de condamner l’Etat français en soulignant  « que même si, comme le fait valoir le Gouvernement, les autorités internes ont, dans un premier temps, mis en œuvre toutes les diligences nécessaires pour exécuter au plus vite la mesure d’expulsion et limiter le temps d’enfermement, le droit absolu protégé par l’article 3 interdit qu’un mineur accompagné soit maintenu en rétention dans les conditions précitées pendant une période dont la durée excessive a contribué au dépassement du seuil de gravité prohibé ».

Elle conclut que la période d’enfermement a de  sept jours « est en elle‑même trop longue pour des enfants de deux ans et demi et quatre mois ».

C’est ensuite l’affaire d’une mère de nationalité roumaine arrivée en  FRANCE  en  2012 qui sera jugée.  Arrêtée, elle est  condamnée par  le  Tribunal  Correctionnel  de  NIMES  à une peine de 3  ans  d’emprisonnement  dont  6 mois  avec  sursis  ainsi  qu’à  une  peine  d’interdiction  du  territoire  français  de  10  ans à titre de peine complémentaire.

A sa sortie de prison, elle est placée en  rétention  administrative  avec  son  enfant le 2 décembre 2014. Ayant épuisé toutes les voies de recours contre cette décision, elle  saisit  la  Cour  d’une  demande  de  mesure  provisoire le 10 décembre 2014.

Sur invitation de la Cour, Monsieur le Préfet décide d’assigner la requérante à  résidence  dans  un  hôtel. Puis il procède à l’éloignement  de la mère et de l’enfant vers la ROUMANIE.

Encore une fois, le Cour relève la violation de l’article 3 de la Convention, «  convaincue, en revanche, qu’au-delà d’une brève période, la répétition et l’accumulation de ces agressions psychiques et émotionnelles ont nécessairement des conséquences néfastes sur un enfant en bas âge, dépassant le seuil de gravité précité ».

  • CEDH  du 12 juillet 2016 – requête n° 68264/14R.K. et autres c. France :

La quatrième espèce concerne deux  ressortissants  russes  d’origine  tchétchène  et  leur  enfant arrivés  en  FRANCE  en  octobre  2010. Suite à une demande  d’asile présentée en  POLOGNE,  la famille est  placée  en rétention  administrative et  faisait l’objet d’une  procédure  de  réadmission.

Le  30  novembre  2011, l’Office  français  de  protection  des  réfugiés  et  apatrides  (OFPRA)  rejette leur  demande  d’asile suivi par la  Cour nationale du droit d’asile (CNDA).

Ces décisions sont suivies  le 5 novembre 2012 d’arrêtés  de  refus  de  séjour  assortis  d’une  obligation  de  quitter  le territoire  français.  Après le rejet de leur recours en annulation et  leur  demande  de  réexamen, la famille fit finalement l’objet d’une mesure d’assignation à résidence.

Refusant d’embarquer le 15 octobre 2014, le placement en rétention administrative vient remplacer  la précédente mesure.

A l’épuisement de tous recours juridictionnels français, la famille saisit le  17  octobre  2014  la  Cour Européenne des droits de l’Homme.

Le  24  octobre  2014, Monsieur  le  Préfet  abroge  l’arrêté  de  rétention  et  assigna une nouvelle fois  la famille à résidence dans un hôtel pour une durée de 6 mois.

La  Cour  retient  que  les  autorités françaises ont  soumis l’enfant  âgé de quatre ans à  un traitement qui a dépassé le seuil de gravité exigé par l’article 3 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme.

Elle « observe que les enfants, pour lesquels des périodes de détente en plein air sont nécessaires, sont ainsi particulièrement soumis à ces bruits d’une intensité excessive » et que « les conditions d’organisation du centre ont pu avoir un effet anxiogène sur l’enfant des requérants ».

Mais encore une fois, seul l’écoulement du temps revêt une importance primordiale dans l’appréciation du dépassement du seuil de gravité exigé par l’article 3 de la Convention

La dernière affaire intéresse des  ressortissants  russes  d’origine  tchétchène, arrivés  en  France  en  juin  2008 et parents d’un enfant de sept mois.

L’Office  français  de  protection  des  réfugiés  et  apatrides  et la  Cour  nationale  du  droit  d’asile rejetèrent successivement leur demande présentée au titre de l’asile.

C’est sur cette base que le  18  février  2011,  Monsieur le Préfet prit à leur encontre  deux  décisions  de  refus  de  séjour  assorties  d’une  obligation  de  quitter  le  territoire.

Suite au rejet de leur demande de réexamen par l’OFRA ils sont placés interpelés le  23  mai  2011 et placés au  Centre  de  Rétention  Administratives.

La saisine de la Cour entraina la levée de la rétention administrative, la juridiction ayant préconisé de  ne  pas  renvoyer  les  requérants  la  RUSSIE  pour la durée de la procédure  devant  elle.

En  2015,  l’OFPRA rejeta la nouvelle demande de réexamen des requérants ce que  la CNDA confirma.

La  Cour  estime  que  les  autorités  ont  soumis  l’enfant  à  un traitement qui a dépassé le seuil de gravité exigé par l’article 3 de la Convention.

Au travers de cette dernière jurisprudence dont les motifs rejoignent les quatre arrêts précédents, elle fixe de manière précise la brève période ne devant être dépassée à la durée de sept jours.

La  Cour  relève  ensuite  qu’il  ne  ressort  pas  que  le  Gouvernement  ait  recherché  des  mesures alternatives  au  placement  en  rétention  de  la  famille ni  le  Juge  des  Libertés  et  de  la  Détention  et  le Tribunal Administratif aient tenu compte de la présence de l’enfant lors de leur intervention.

Au travers de ces cinq arrêts, la Cour Européenne des Droits de l’Homme signifie à l’état français qu’il n’a pas tiré les conséquences qui s’imposent de l’arrêt POPOV du 19 janvier 2012.

Quatre ans après, la haute Juridiction pousse la FRANCE en la sanctionnant à s’interroger fermement sur le contrôle de la mesure de placement en rétention administrative ab initio par le Préfet mais également et a posteriori par les juges civils et administratifs.

Ce qu’il faut savoir sur le dépôt de garantie des logements privés non meublés

Le 20/12/10

Les Baux d’habitation des logements privés non meublés sont encadrés par la Loi n°89-462 du 6 juillet 1989 précisant les droits et obligations respectifs du preneur et du bailleur.

Au terme de son article 22, cette législation évoque la possibilité d’instaurer le versement d’un dépôt de garantie* à la charge du preneur* dans le contrat de location.

Cette consignation est un moyen pour le bailleur de se prémunir contre d’éventuels défauts de paiement ou toute autre inexécution de ses obligations par le locataire, au même titre que le cautionnement ou l’assurance garantissant les risques locatifs.

 Je vous propose d’évoquer de ce qu’il faut savoir sur le dépôt de garantie à travers cette synthèse.

Qu’est-ce que le dépôt de garantie ? 

Comme son nom l’indique, cette somme d’argent doit être déposée entre les mains du bailleur ou son mandataire aux fins de garantir le règlement des loyers, charges, frais éventuels de remise en état du logement et accessoires.

Ce dépôt n’est pas une avance sur loyer et ne doit pas se substituer au règlement de celui-ci car le preneur manquerait alors à ses obligations contractuelles.

Le bailleur peut donc imposer cette consignation à son locataire ou l’en dispenser, tout comme il choisit les modalités de règlement du loyer.

Mais si le bail stipule que le loyer est payable d’avance pour une période supérieure à deux mois, aucun dépôt de garantie ne sera exigible.

Quel est le montant du dépôt ?

Conformément à la législation en vigueur depuis le 25 mars 2009, le dépôt de garantie «ne peut être supérieur à un mois de loyer en principal ».

Ce montant est fixé de manière intangible pour toute la durée du bail et ses renouvellements.

Il ne peut donc souffrir aucune révision, à l’inverse des garanties prévues dans les baux commerciaux et professionnels prévoyant souvent une réévaluation annuelle ou triennale.

Quand le dépôt doit-il être versé et restitué ? 

Le dépôt de garantie est versé au bailleur ou son mandataire au moment de la signature du bail. A la fin du bail, il doit être restitué au preneur dans un délai de 2 mois à compter de la remise des clés.

Il est intéressant de noter que le dépôt de garantie ne porte pas intérêt au bénéfice du locataire durant le bail.

Cependant, il produit des intérêts au taux légal, soit 0,65 % pour l’année 2010, à défaut de restitution à l’expiration du délai de deux mois précité.

La Cour de Cassation a eu l’occasion de préciser dans un arrêt du 8 décembre 2009 qu’«aucune disposition légale ne fait obligation au bailleur de justifier dans ce délai de deux mois des sommes qu’il entend déduire du montant du dépôt de garantie ».

Cass Civ 3ème 8 décembre 2009 Pourvoi n° 08-20340 

 Quelles sommes peuvent être imputées sur le dépôt de garantie ?

C’est évidemment la question de la restitution du dépôt de garantie qui nous amène à évoquer l’arrêté de compte entre les parties au contrat.

En effet, le bailleur peut retenir sur le dépôt de garantie une certaine somme en compensation de l’inexécution par le preneur de ses obligations.

Outre le règlement des loyers et charges, l’article 7 de la Loi du 6 juillet 1989 rappelle que le preneur :

– répond des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d’un tiers qu’il n’a pas introduit dans le logement,

 – prend à sa charge l’entretien courant du logement, des équipements mentionnés au contrat et les menues réparations ainsi que l’ensemble des réparations locatives définies par décret en Conseil d’Etat, sauf si elles sont occasionnées par vétusté, malfaçon, vice de construction, cas fortuit ou force majeure.

L’état des lieux dressé contradictoirement le jour de la sortie permettra de déterminer les dégradations ayant pour origine soit l’usure normale du logement, soit le défaut de diligences du preneur.

Suite à la remise des clés, un arrêté de compte sera établi pour déterminer les sommes restant dues au propriétaire telles que la régularisation des loyers et des charges dus ou les frais de remise en état imputables au locataire.

Il faut cependant préciser qu’il appartient au bailleur de communiquer au preneur les justificatifs pour procéder aux déductions liés aux travaux de remise en état.

 Selon la Cour de Cassation, le bailleur n’a pas à présenter de factures car son indemnisation n’est pas subordonnée à l’exécution des réparations locatives.

Cass Civ 3ème 3 avril 2001 pourvoi n° 99-13668 

Cass Civ 3ème 2 octobre 2007 pourvoi n°06-18142 

Cependant, il doit justifier les sommes qu’il entend conserver, notamment par des devis professionnels ayant même force probatoire que les factures.

Que faire en cas de litige ? 

Il n’est pas rare que des difficultés surviennent entre bailleurs et preneurs lors de la restitution du dépôt de garantie ou de l’arrêté des comptes.

Afin de régler leurs litiges, l’une ou l’autre des parties peut alors saisir :

– soit la commission départementale de conciliation,

– soit la juridiction civile du lieu où est situé le logement.

En application de l’article R231-4 du Code de l’Organisation Judiciaire, c’est la juridiction de proximité qui sera compétente pour connaître, en dernier ressort, jusqu’à la valeur de 4 000 euros, des actions relatives à la restitution du dépôt de garantie.

* dépôt de garantie : il est souvent appelé caution. Mais la caution désigne la personne qui s’engage à garantir l’exécution d’un contrat par l’une des parties au profit de l’autre.

* preneur : synonyme de locataire.