Une servitude est une charge supportée par un fonds dit servant, au bénéfice d’un autre fonds dit dominant.
Elle suppose l’existence de deux biens immobiliers appartenant à deux propriétaires différents : elle est ainsi attachée au fonds qu’elle grève et est l’accessoire du droit de propriété de celui auquel elle profite.
Selon les cas, ces charges revêtent divers caractères permettant de déterminer leur nature mais aussi leur mode d’acquisition.
Ainsi, la servitude de passage est apparente du fait du chemin qui la matérialise, au contraire de celle de canalisation sous-terraine ; la servitude d’écoulement des eaux pluviales est continue, à l’inverse de celle de puisage.
De toutes, la plus connue est sans doute la servitude légale en cas d’enclave qui est constituée par un droit de passage sur le terrain d’autrui.
Je vous propose de nous intéresser à cette dernière dans l’analyse qui suit.
- Quand cette charge est-elle créée ?
Selon l’article 682 du Code Civil, « le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n’a sur la voie publique aucune issue, ou qu’une issue insuffisante, soit pour l’exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d’opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d’une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner».
La création d’une servitude quelle qu’elle soit, ne porte pas atteinte au droit de propriété : elle donne cependant naissance à des sujétions qui s’imposent au propriétaire du fonds grevé.
Comme on l’aura compris, la charge sera créée en l’espèce pour désenclaver une parcelle et aménager un droit de passage.
Lorsqu’un terrain est dépourvu d’accès à la voie publique ou doté d’un accès insuffisant, il est dit enclavé.
La Cour de Cassation a eu l’occasion de préciser que pour déterminer l’état d’enclave d’un fonds, le juge doit rechercher si les voies qui permettraient sa desserte, même privées, sont ouvertes au public.
Cass. Civ 3ème 13 mai 2009 Pourvoi 08-14640
Dans cette hypothèse, le propriétaire pourra alors réclamer sur le/ les fonds voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de son fond.
La servitude pourra cependant être créée de deux façons :
– soit les parties s’entendent amiablement sur le droit de passage, elles concluront un accord précisant l’assiette et l’indemnisation,
– soit il existe un désaccord total ou partiel, le propriétaire du fonds enclavé devra alors saisir le Tribunal de Grande Instance du lieu de l’immeuble aux fins de fixation judiciaire des modalités de la charge.
- Quelles sont les obligations du bénéficiaire du droit de passage ?
Si l’état d’enclave entraîne l’existence de plein droit de la servitude, il ne permet pas au propriétaire du fonds dominant d’user du fonds servant selon son bon vouloir.
Le passage est encadré par certaines modalités d’exercice et accompagné d’une contrepartie financière.
Selon les dispositions de l’article 683 du Code Civil, le tracé du passage, c’est-à-dire l’assiette, doit concilier deux critères : celui du chemin le plus court entre le terrain enclavé et la voie publique, et celui du chemin le moins dommageable pour le/ les propriétaires du/des fonds servants.
Pour autant, l’accord des parties sur ce point doit prendre en considération les constructions et la topographie des lieux pour se déterminer ainsi que les nécessités de circulation.
De plus, le propriétaire du fonds servant peut solliciter la modification de l’assiette de la servitude pour des raisons de commodité, sous réserve de supporter les frais d’implantation afférents à la nouvelle assiette.
Cass. Civ 3ème 27 octobre 1993 Pourvoi 91-17024
Mais d’ordinaire, il appartient au propriétaire du fonds enclavé d’indemniser son voisin des dommages qu’il subit par le passage, à savoir le bruit ou la détérioration du chemin, doivent faire l’objet d’une indemnisation.
La servitude peut donc donner lieu au paiement d’une indemnité dont l’action est prescriptible.
Qu’elle soit versée sous forme de capital ou d’annualités, la somme convenue entre les parties ou fixée judiciairement doit être proportionnée aux dommages occasionnés.
- La servitude passage légale peut-elle disparaître ?
La servitude n’est pas perpétuelle et peut s’éteindre de diverses façons.
– La première situation concerne évidemment la disparition de l’état d’enclave par la création d’une desserte suffisante sur la voie publique.
Cette évolution peut ressortir de l’implantation d’une route suite à la construction d’un ensemble immobilier ou à l’expansion de la commune ou des modifications du PLU.
La servitude perd alors l’utilité à l’origine de sa création et disparaît.
– Il en va de même dans la deuxième situation provenant de la réunion des deux propriétés concernées (article 705 du Code Civil).
Les deux fonds se confondent alors entre les mains d’un même propriétaire.
– La troisième situation s’applique à l’impossibilité d’usage de la servitude (article 703 du Code Civil ).
Elle résulte alors de modifications dans l’état matériel des lieux ou d’un phénomène naturel.
Pour autant, comme le souligne l’article 704 du Code Civil, les servitudes « revivent si les choses sont rétablies de manière qu’on puisse en user ».
L’empêchement qui rend l’usage du droit de passage impossible, ne sera alors que provisoire.
En dehors de ces cas, il es important de préciser que ni le non usage du passage pendant 30 ans, ni l’abandon par le bénéficiaire n’éteignent pas la servitude légale.
Cass. Civ 3ème 11 février 1975 Pourvoi 73-13974
Cass. Civ 3ème 27 mars 1991 Pourvoi 89-16443