Droits et contributions : quand la solidarité financière guide le Conseil Constitutionnel

Le 06/05/12

La Loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 précédemment évoquée a instauré :

– une contribution pour l’aide juridique de 35 euros due par le demandeur en matière civile, commerciale, prud’homale, sociale ou rurale devant les juridictions judiciaires et administratives applicables aux instances engagées entre le 1er octobre 2011 et le 31 décembre 2013,

– un droit d’un montant de 150 euros affecté au fonds d’indemnisation de la profession d’avoués près les cours d’appel dû par les parties applicables aux appels interjetés à compter du 1er janvier 2012.

On ne peut feindre que ces dispositions témoignent des besoins du financement du service public de la Justice.

Surtout, elles interrogent sur l’accessibilité au droit et la solidarité contributive demandé aux justiciables.

C’est ainsi qu’entre discussion et contestation, ces dispositions ont donné lieu à une question prioritaire de constitutionnalité soumise au Conseil Constitutionnel portant sur leur conformité aux droits et libertés de la Constitution.

Les sages ont donc pris position suite à une double saisine de la Cour de cassation (le 26 janvier 2012) et du Conseil d’État (le 3 février 2012).

Par décision du 13 avril 2012, le Conseil Constitutionnel s’est prononcé comme il suit :

« 4. Considérant que, selon les requérants et les parties intervenantes, l’instauration d’une contribution pour l’aide juridique de 35 euros due par instance introduite devant une juridiction non pénale et d’un droit de 150 euros dû par les parties à l’instance d’appel lorsque la représentation est obligatoire méconnaissent le droit à un recours juridictionnel effectif ainsi que les droits de la défense et portent atteinte au principe d’égalité devant l’impôt et les charges publiques ; qu’en renvoyant au décret le soin de définir les conséquences, sur la suite de la procédure, de l’absence de paiement de ces contributions, le législateur aurait en outre méconnu l’étendue de sa compétence ;

(…)

9. Considérant que, par les dispositions contestées, le législateur a poursuivi des buts d’intérêt général ; que, eu égard à leur montant et aux conditions dans lesquelles ils sont dus, la contribution pour l’aide juridique et le droit de 150 euros dû par les parties en instance d’appel n’ont pas porté une atteinte disproportionnée au droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction ou aux droits de la défense ; 

10. Considérant qu’en instituant la contribution pour l’aide juridique et le droit de 150 euros dû par les parties à l’instance d’appel, le législateur a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels ; qu’il a pris en compte les facultés contributives des contribuables assujettis au paiement de ces droits ; que, si le produit du droit de 150 euros est destiné à l’indemnisation des avoués, le principe d’égalité devant l’impôt et les charges publiques n’imposait pas que l’assujettissement au paiement de ce droit fût réservé aux instances devant les seules cours d’appel où le monopole de la représentation par les avoués a été supprimé par la loi du 25 janvier 2011 susvisée ; qu’aucune de ces contributions n’entraîne de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques » .

Conseil Constitutionnel 13 avril 2012 n° 2012-231/234 QPC 

Au terme de leur analyse, les sages ont déclaré les dispositions législatives soumises à leur contrôle conformes à la Constitution.

Ce sont les buts d’intérêt général poursuivis par le Législateur qui sont mis en avant dans cette décision très attendue et sollicitée par les deux hautes juridictions judiciaires et administratives.

La solidarité financière entre les justiciables est d’abord évoquée en application de l’article 13 de la Déclaration de 1789 pour justifier la contribution pour l’aide juridique.

Le coût de la mise en oeuvre de la réforme de la garde à vue 2011 et de l’intervention de l’avocat au cours de cette mesure résultant de la loi du 14 avril semble suffire à lui seul à expliquer le règlement des 35 euros.

Le nécessaire financement de l’indemnisation des avoués près les cours d’appel prévue par la Loi du 25 janvier 2011 est ensuite souligner pour légitimer le droit affecté à cette profession.

Le paiement de 150 euros ressort de la « simplification et de la modernisation » de la justice ayant entraîné la disparition d’une profession sans disposer du budget propre à son indemnisation.

A l’issue du débat, il ressort de cette décision que le financement du service public de la Justice doit relever de l’effort de chacun.

Les justiciables supporteront donc la charge des droits et contributions et que les professionnels du droit en assumeront la collecte.

Contentieux de la rétention : la double compétence du juge civil et du juge administratif

Le 30/04/12

Le placement en rétention administrative d’un étranger en séjour irrégulier est une décision relevant de la compétence du représentant de l’Etat dans le Département, le Préfet.

En application de l’article L 551-2 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile, cette décision « est prise par l’autorité administrative, après l’interpellation de l’étranger et, le cas échéant, à l’expiration de sa garde à vue, ou à l’issue de sa période d’incarcération en cas de détention ».

La privation de liberté et le transport au Centre de Rétention Administratif ressortent donc d’un arrêté préfectoral et non d’un acte judiciaire.

Dans un arrêt du 12 avril 2012, la Cour de Cassation a ainsi rappelé que le premier président d’une cour d’appel ne peut ordonner le placement en rétention administrative d’un étranger mais seulement prolonger une telle mesure.

Cass. Civ. 1ère 12 avril 2012 Pourvoi n° 11-11904 

Cette jurisprudence est l’occasion d’évoquer le contentieux de la rétention administrative au travers de la compétence du juge civil et du juge administratif.

Le Tribunal Administratif, juge de la légalité du placement en rétention : 

L’adoption de la Loi n°2011-672 du 16 juin 2011 a modifié l’ordre d’intervention des deux ordres juridictionnels pour donner la priorité au juge administratif.

Pour autant, la forme de sa saisine ainsi que sa compétence n’ont pas évoluées et demeurent déterminées par l’ article L 512-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile :

« En cas de décision de placement en rétention ou d’assignation à résidence en application de l’article L. 561-2, l’étranger peut demander au président du tribunal administratif l’annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification. Lorsque l’étranger a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, le même recours en annulation peut être également dirigé contre l’obligation de quitter le territoire français et contre la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention ou d’assignation ».

Il appartient donc à l’étranger qui conteste l’arrêté pris à son encontre ordonnant son transport au Centre de Rétention Administrative, de saisir le juge par requête.

Ce recours juridictionnel tend à l’obtenir l’annulation de l’acte administratif assortie d’une remise en liberté immédiate.

Cependant, le contrôle du juge ne porte que sur la légalité de l’arrêté de placement et la nécessité de la rétention administrative.

Les conditions d’interpellation de l’étranger ou de placement en garde à vue ne relèvent pas de la compétence du Tribunal Administratif.

Aussi seuls les moyens fondés sur l’illégalité externe, l’illégalité interne et/ou la violation d’une convention internationale opposable à la FRANCE pourront être soulevés par l’étranger ou son conseil.

Le recours introduit dans un délai de 48 heures à compter de la notification de la décision de placement en rétention, donne lieu à une audience publique sans rapporteur publique dans le cadre spécifique d’une procédure orale.

Le Tribunal Administratif statue dans les 72 heures à compter de sa saisine par jugement susceptible d’un appel non suspensif d’exécution.

Le Juge des Libertés et de la Détention, gardien des libertés individuelles : 

La compétence du juge civil varie par la nature de son contrôle qui porte sur la rétention administrative, sa mise en oeuvre de cette mesure et les conditions d’hébergement.

Son intervention se poursuit donc tout au long du séjour du retenu au Centre de Rétention Administrative jusqu’à sa sortie ou son retour.

Au contraire du juge administratif, le Juge des Libertés et de la Détention n’est, sauf exception, pas saisi d’un recours mais d’une simple requête à l’initiative du Préfet.

L’article L 552-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile dispose ainsi :

« Quand un délai de cinq jours s’est écoulé depuis la décision de placement en rétention, le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention ».

C’est à cette occasion que l’étranger pourra soumettre au gardien des libertés individuelles le contrôle de la légalité de la procédure pénale ayant précédé son transport au Centre de Rétention Administrative.

Tous les moyens d’irrecevabilité, de nullité ou d’ irrégularité pourront être soulevés pour s’opposer à la prolongation de la rétention pour un durée de vingt jours supplémentaires.

Si l’étranger bénéficie d’un passeport en cours de validité et de garanties de représentation effectives et suffisantes, il pourra solliciter son assignation à résidence dans l’attente de son retour.

A l’issue des débats tenus en audience publique, le Juge des Libertés et de la Détention statue dans les 24 heures à compter de sa saisine par ordonnance susceptible d’appel.

En cas de rejet de la requête en prolongation du Préfet, l’étranger est maintenu à la disposition durant 6 heures dans l’attente d’un éventuel appel du Procureur de la République.

Comme on l’aura compris, dans l’une ou l’autre des instances engagées, le litige oppose toujours le Préfet et au retenu.

Si le juge administratif peut annuler ou confirmer la décision de placement en rétention administrative, le juge civil ne peut qu’ordonner ou rejeter la prolongation de cette mesure.

Mais quel que soit le juge saisi, le Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile prévoit dans ses articles L 512-1 et L 552-1 que l’étranger peut demander au Président de la juridiction de lui désigner un conseil d’office.

Le critère d’extranéité dans les contrôles d’identité : précision de la Cour de Cassation

Le 04/04/12

Les dispositions de l’article 78-2 du Code de Procédure Pénale limitent les contrôles d’identité opérés par les services de police et de gendarmerie à quatre situations précises, à savoir :

– S’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’une personne a commis, tenté de commettre une infraction ou qu’elle se prépare à commettre un crime ou un délit ou encore qu’elle est susceptible de fournir des renseignements utiles en cas de crime ou de délit,

– Sur réquisitions écrites du Procureur de la République dans des lieux et pour une période de temps déterminé en vue de la recherche d’auteurs d’infractions limitativement énumérées,

– En prévention des atteintes à l’Ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens,

– Lors des contrôles réalisés dans la zone Schengen ou les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouvertes au trafic international.

Comme déjà précisé dans ces pages , la Loi n°2011-267 dite LOPPSI a savamment encadré ces derniers types de contrôles aux fins de se conformer aux principes dégagées par la Cour de Justice de l’Union Européenne.

Cependant quelque soit l’un des quatre cadres précités, il est une question récurrente qui subsiste.

L’article L611-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile rappelle en effet que :

« A la suite d’un contrôle d’identité effectué en application des articles 78-1, 78-2 et 78-2-1 du code de procédure pénale, les personnes de nationalité étrangère peuvent être également tenues de présenter les pièces et documents visés à l’alinéa précédent (pièces ou documents sous le couvert desquels elles sont autorisées à circuler ou à séjourner en France). »

Pour autant, le texte ne précise pas les éléments qui permettent de présumer de l’extranéité de l’individu soumis au contrôle et tenu de justifié de la légalité de son séjour sur le territoire.

Bien évidemment la déduction de nationalité ne peut se fonder sur des motifs discriminatoires ou des indices physiques lors de ces contrôles non systématiques.

Aussi les moyens de détermination de la qualité apparente de ressortissant étranger demeurent-t-ils obscurs.

Dans un arrêt du 28 mars dernier, les juges de la Haute Cour sont venus apportés quelques précisions sur les critères applicables à l’analyse, critères qui se révèlent aussi factuels que variables.

En l’espèce, le séjour irrégulier avait été révélé à la suite à un contrôle d’identité requis par le Procureur de la République.

L’extranéité ressortait selon les procès verbaux de police du fait que l’intéressé était né à l’étranger et ne répondait pas aux questions relatives à sa date de naissance.

La Cour de cassation censure cette appréciation :

« Attendu que l’ordonnance retient à bon droit que, si l’article L. 611-1, alinéa 2, du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile autorise les services de police, à la suite d’un contrôle opéré en application de l’article 78-2 du code de procédure pénale, à requérir la présentation des documents sous le couvert desquels une personne de nationalité étrangère est autorisée à circuler ou séjourner en France, cette faculté est cependant subordonnée à la constatation de la qualité d’étranger, laquelle doit se déduire d’éléments objectifs extérieurs à la personne même de l’intéressé ; que le fait d’être né à l’étranger et de ne pas répondre aux questions relatives à sa date de naissance ne constitue pas un élément objectif déduit des circonstances extérieures à la personne, susceptible de présumer la qualité d’étranger ; d’où il suit que le moyen n’est pas fondé« .

Cass. Civ 1ère 28 mars 2012 Pourvoi n°11-11099 

Si l’on sait désormais que la nationalité étrangère doit se déduire « d’éléments objectifs extérieurs », une définition de ces éléments serait fort opportune.

Petite évolution du « plaider-coupable », grande révolution de l’instance correctionnelle

Le 31/03/12

De tous les domaines juridiques, le Droit Pénal est sans doute celui qui a subi les plus grandes évolutions ces vingt dernières années.

La multiplication des articles du Code de Procédure Pénale est là pour en témoigner.

Aussi les formes du procès classiquement connues en la matière ont été modifiées par soucis d’adaptation sociale, de convenance politique ou en réponse à des événements dramatiques.

Aujourd’hui, il n’est donc plus question uniquement d’instances correctionnelles sur convocation , mais d’alternatives aux poursuites ou de procédures simplifiées.

Le langage du juriste s’est enrichi des termes ordonnance pénale, comparution immédiate, composition pénale et comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Cette dernière formule née de la Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité vise à écarter le débat sur le fond du dossier et à privilégier une sanction acceptée sur proposition du Procureur de la République.

Jusqu’à récemment, le « plaider-coupable » n’était accessible qu’aux prévenus poursuivis pour des délits punis à titre principal d’une peine d’amende ou d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans.

La Loi n°2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles a élargi ce cadre.

Désormais l’article 495-7 du Code de Procédure Pénale dispose :

« Pour tous les délits, à l’exception de ceux mentionnés à l’article 495-16 et des délits d’atteintes volontaires et involontaires à l’intégrité des personnes et d’agressions sexuelles prévus aux articles 222-9 à 222-31-2 du code pénal lorsqu’ils sont punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à cinq ans, le procureur de la République peut, d’office ou à la demande de l’intéressé ou de son avocat, recourir à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité conformément aux dispositions de la présente section à l’égard de toute personne convoquée à cette fin ou déférée devant lui en application de l’article 393 du présent code, lorsque cette personne reconnaît les faits qui lui sont reprochés ».

Cette réforme soulève de nombreuses interrogations qu’il convient de présenter en même temps que la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Du côté des magistrats, le constat parait simple à première vue.

Le législateur a souhaité faire primer la rapidité du traitement judiciaire afin de réduire les rôles (liste des affaires audiencées) des Tribunaux Correctionnels.

Le Procureur peut donc traiter tous les délits par le « plaider-coupable » à l’exception des délits de presse, des homicides involontaires, des délits politiques, des délits relevant de poursuites spéciales et des atteintes volontaires et involontaires à l’intégrité des personnes et agressions sexuelles les plus graves.

Si les faits sont reconnus et si les antécédents judiciaires sont limités, les dossiers délictuels peuvent donc être orientés vers cette procédure.

Mais la simplicité mise en avant pour valoriser la forme de cette instance créée nécessairement un déséquilibre.

Les pouvoirs des magistrats du parquet ont en effet été augmentés au détriment de ceux des magistrats du siège.

C’est ainsi que le Procureur la République va proposer une peine au prévenu qui, si elle est acceptée, devra être homologuée à l’audience publique se tenant dans le prolongement.

Le juge ne pourra alors que valider ou rejeter la proposition sans autre pouvoir d’appréciation ni sur le fond, ni sur la forme.

Ce système entraîne donc une nouvelle définition des rôles de chaque magistrat dans une procédure qui jusqu’alors ne s’appliquait qu’à certains délits.

On peut justement se demander si la rapidité rimera avec célérité à l’avenir.

Du côté des avocats, c’est la place du conseil qui s’inscrit dans une réflexion plus large de la fonction d’auxiliaire de justice.

Le prévenu ne peut renoncer à son droit d’être assisté par un avocat dont la présence est obligatoire lors de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Mais comme il l’a été précisé précédemment, l’aveux procédural et la culpabilité admise écartent toute discussion sur le fond du dossier.

Seul demeure donc le débat sur la peine et sa personnalisation.

Dans ce cadre, l’avocat conseille utilement son client sur l’opportunité d’accepter la procédure de « plaider-coupable » ainsi que sur la proposition du Procureur de la République au regard des éléments du dossier.

Il intervient aussi au travers de ses observations pour permettre une parfaite adaptation de la sanction à la situation du prévenu.

Mais le rôle de contrôle qui lui est dévolu par les articles 495-7 et suivants du Code de Procédure Pénale, ne s’exerce qu’au bénéfice de son client.

L’avocat reste le défenseur des libertés individuels et non le garant du respect de la procédure et sa légalité.

Ainsi son assistance ne saurait gommer les irrégularités du dossier, ni cautionner les choix du parquet comme c’est le cas pour sa présence en garde à vue.

D’autant que lorsqu’un débat sur les intérêts civils vient à s’ouvrir devant le juge de l’homologation, l’avocat retrouve toute sa latitude d’action, à condition toutefois que la juridiction soit enclin à accorder provision, expertise et renvoi sur intérêts civils.

Du côté des justiciables, d’autres problèmes se posent encore sur le plan pratique dans cette procédure qui peut ne pas apparaître aussi simplifiée.

Pour la partie civile, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ne modifie aucunement son droit à réparation qu’elle peut faire valoir devant le juge homologateur.

Si elle n’a pu exercer ce droit, elle pourra demander au Procureur de la République de faire citer le prévenu à une audience correctionnelle statuant sur les seuls intérêts civils.

Le prévenu quant à lui se trouve dans une situation différente de celle que l’on connaît devant le Tribunal Correctionnel.

Tout d’abord, il n’a pas le choix de se défendre seul dans cette instance, un avocat choisi ou commis lui étant obligatoirement dévolu.

L’article 495-8 du Code de Procédure Pénale impose ainsi la présence du conseil lors des déclarations et de la proposition de peine et précise que « l’intéressé étant informé que les frais seront à sa charge sauf s’il remplit les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle ».

L’économie de l’avocat est donc interdite dans le cadre des comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Ensuite, les aménagements de peine ab initio concernant les peines inférieures ou égales à un an d’emprisonnement sont difficilement compatibles avec le système du « plaider-coupable ».

Le Juge d’Application des Peines aura donc en charge de convoquer le condamné qui ne sera fixé sur une éventuelle semi-liberté ou un placement sous surveillance électronique qu’à cette occasion.

Dans cet intervalle, l’attente laissera place à quelques doutes.

Ce tableau des comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité et leur nouvelle organisation au regard de la Loi n°2011-1862 du 13 décembre 2011 ne pourra se dessiner plus précisément et dans toutes ses nuances qu’avec l’usage et la pratique.

En attendant, il appelle une grande vigilance dans l’exercice de la profession d’avocat et ouvre une discussion sur l’avenir du traitement des délits.

En effet, peut-on encore parler d’égalité des armes lorsque le Procureur de la République conserve entre ses mains l’opportunité des poursuites et l’opportunité des procédures ?

Le juge, l’avocat et le justiciable

Le 14/03/12

Depuis plusieurs mois, une forte tension règne lors des audiences correctionnelles de la Cour d’Appel de NIMES entraînant une lente dégradation des relations entre avocats et magistrats du ressort.

Les incidents qui se succèdent, perturbent ainsi le procès pénal.

Mais au-delà du rapport de force qui semble s’être installé, c’est le respect du aux fonctions de juges et d’auxiliaires de justice qui est en cause.

Devant l’ampleur du phénomène, le Conseil National des Barreaux a adopté une motion en assemblée générale des 10 et 11 février 2012 demandant au Ministre de la Justice et des Libertés d’ordonner une inspection.

En l’absence d’intervention, cet appel a été renouvelé le 13 mars dernier en échos au rassemblement organisé par les Avocats du ressort de la Cour d’Appel de NIMES le même jour.

Cette situation déplaisante ne peut que pousser à l’interrogation sur l’estime que se portent entre eux les acteurs de la Justice aujourd’hui…

A n’en pas douter, les échanges de mots et les gestes inappropriés au sein du prétoire traduisent une incompréhension du rôle réciproque des avocats et magistrats, ces maillons essentiels de la chaîne judiciaire.

Les uns ont pour mission de porter la parole des parties en toute égalité et en toute contradiction.

Les autres ont l’office de juger les faits selon le droit en toute équité et en toute impartialité.

Et tous participent à la bonne administration de la justice et concourent à la sérénité du déroulement de l’instance.

Or les uns et les autres doivent entretenir la confiance des justiciables, parties civiles ou prévenus, qui se retrouvent au coeur des débats.

La Justice est, en effet, rendue en leurs noms aux fins de garantir la paix sociale et l’effectivité des droits de chacun.

A défaut, ces mêmes justiciables seront les premiers à souffrir de la mutation des salles d’audience en arènes judiciaires.

Pour empêcher la tempérance de déserter le palais, il incombe à chacun, magistrats et avocats, de faire face à ses engagements respectifs.

L’article 21.4.3 du Code de Déontologie des Avocats Européens rappelle ainsi que :

« Tout en faisant preuve de respect et de loyauté envers l’office du juge, l’avocat défend son client avec conscience et sans crainte, sans tenir compte de ses propres intérêts ni de quelque conséquence que ce soit pour lui-même ou toute autre personne ».

De plus, l’article 6 de l’Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature dispose que :

« Tout magistrat, lors de sa nomination à son premier poste, et avant d’entrer en fonctions, prête serment en ces termes :

« Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder religieusement le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. »

Il ne peut, en aucun cas, être relevé de ce serment ».

Il en ressort que la considération est acquise à tous et entre tous à l’audience, seul le respect se gagne mais jamais au détriment d’une bonne justice.

Regard sur la nullité de garde à vue

Le 07/03/12

L’année 2011 aura été marquée par une vive évolution des textes fondant et encadrant le placement en garde à vue.

Avant même que ce contexte de réforme ne s’amorce, cette mesure privative de liberté souffrait de nombreuses critiques des justiciables et des juristes quant à son recours jugé parfois excessif et quant à l’insuffisance de ses garanties des droits de la défense mises en oeuvre.

Ainsi la Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 a-t-elle été adoptée, engageant un premier pas vers la conformité de la législation française aux principes dégagés par la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

L’Avocat est désormais invité à être présent lors des auditions et confrontations sans pour autant avoir une participation active dans l’enquête.

Le gardé à vue bénéficie maintenant du droit de se taire face aux questions insistantes et répétitives des enquêteurs.

Depuis lors la jurisprudence dessine lentement les contours de cette toute nouvelle organisation où chacun doit trouver sa place.

Avant cela, les décisions des juridictions civiles et pénales avaient déjà permis d’affirmer le principe et son exception applicables à la garde à vue :

Il est ainsi acquis que tout manquement aux droits du gardé à vue porte nécessairement atteinte aux droits de la défense au sens de l’article 802 du Code de Procédure Pénale et peut entraîner la nullité de la mesure.

Pour autant, s’il existe des circonstances insurmontables dûment mentionnées aux procès-verbaux justifiant cet écueil, la sanction sera écartée.

Il appartient au juge de contrôler le respect des garanties posées par les articles 62-2 du Code de Procédure Pénale comme autant de garde-fous à la légalité de la mesure.

Cependant, il ne faut pas ignorer que la portée de la nullité de la garde à vue reste limitée tant par ses effets que par ses conditions de mise en oeuvre.

Cette sanction revêt donc une importance et un intérêt bien différents selon les situations.

Ainsi seules doivent être annulées, en conséquence de la nullité de la garde à vue, les pièces de la procédure dont cette mesure est le support nécessaire.

Cass. Crim. 22 juin 2000 Pourvoi no 00-82632 

En outre, l’article 170 du Code de Procédure Pénale restreint au juge d’instruction, au procureur de la République et aux parties le droit de faire valoir la nullité d’un acte.

Dans un arrêt du 14 février 2012, la Cour de Cassation a d’ailleurs précisé que le coprévenu d’un gardé à vue était sans qualité pour se prévaloir de la méconnaissance d’un droit qui appartient en propre à ce dernier.

Cass. Crim. 14 février 2012 Pourvoi n°11-84694 

On l’aura compris les changements survenus ces derniers mois dans ce domaine du droit s’apparentent bien plus à un frissonnement qu’à un séisme.

Ce qu’il faut savoir sur l’empiètement sur le terrain d’autrui

Le 21/02/12

Le droit de propriété est une notion fondamentale reconnue, protégée et encadrée par les dispositions du Code Civil.

L’attachement à la terre, sa possession et sa transmission sont en effet des valeurs présentes depuis longtemps dans notre société.

En 1789, les rédacteurs de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ont ainsi proclamé que « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité » (Article 17).

Depuis 1804, l’article 545 du Code Civil protège ce droit en énonçant que :

« Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité».

Ce petit rappel des règles protectrices de la propriété est l’occasion d’évoquer le régime juridique de l’empiètement.

Qu’est-ce que l’empiètement et ses conséquences? 

L’empiètement est un abus de droit consistant en l’extension de la construction implantée sur une parcelle au fonds voisin appartenant à un propriétaire distinct.

En l’absence de titre ou d’accord écrit, la démolition de cette construction « débordante » et la remise en état des lieux peuvent être ordonnées.

Il importe peu que l’empiètement sur le terrain d’autrui soit minime ou qu’il ne déprécie pas la valeur du bien.

En effet, le droit de propriété étant absolu et inviolable, il ne saurait souffrir aucune restriction quand bien même le constructeur serait de bonne foi.

Bien que cette règle puisse paraître sévère, elle est appliquée strictement au fils d’une jurisprudence constante par la Cour de Cassation qui l’a récemment rappelé dans un arrêt du 10 novembre 2009.

Civ. 3ème 10 novembre 2009 Pourvoi n° 08-17526 

Selon les juges de la Haute Cour, la démolition peut donc être exigée par le propriétaire du sol sur lequel l’empiètement a été réalisé, quelle que soit la bonne ou mauvaise foi du constructeur, sauf s’il justifie d’un titre ou d’un accord amiable.

Civ. 1ere 8 mars 1988 Pourvoi n° 86-16589 

Quelle est la différence entre empiètement et construction sur le terrain d’autrui ? 

Le régime juridique de l’empiètement qui se déduit des dispositions de l’article 545 du Code Civil se distingue de celui de la construction sur le terrain d’autrui.

L’article 555 du Code Civil indique ainsi que :

« Lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l’alinéa 4, soit d’en conserver la propriété, soit d’obliger le tiers à les enlever ».

Ces dispositions ne sauraient s’appliquer à l’extension d’une construction sur un fonds voisin mais uniquement à l’implantation d’un immeuble nouveau sur le terrain d’autrui.

Leurs conséquences divergent alors selon la situation :

– si le constructeur est de bonne foi, le propriétaire du fonds sera tenu de conserver les constructions et d’en payer le prix,

– si le constructeur est de mauvaise foi, le propriétaire pourra à son choix soit solliciter la démolition, la remise en état des lieux et prétendre à des dommages et intérêts, soit conserver l’édifice contre indemnisation.

On l’aura compris dans l’un ou l’autre des cas, le propriétaire du fonds bénéficiera d’un droit d’accession qu’il soit forcé ou consenti.

De plus, contrairement aux règles applicables à l’empiètement, la bonne foi du constructeur aura une incidence directe sur les options légales qui s’offriront au propriétaire.

Quel est le droit à indemnisation du propriétaire du fonds ? 

En matière d’empiètement, il n’existe aucune disposition légale précise et adaptée aux circonstances toutes particulières de cette situation.

Les dispositions de l’article 1382 du Code Civil régissant la responsabilité civile délictuelle ont donc tout naturellement vocation à s’appliquer.

Le principe est alors que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ».

Pour autant, la jurisprudence n’a pas manqué de pallier l’imprécision des textes et a permis de définir les contours du droit à indemnisation du propriétaire évincé.

La Cour de Cassation a notamment relevé que l’empiétement sur la propriété d’autrui suffit à caractériser la faute visée à l’article 1382 du Code Civil.

Civ 3ème 10 novembre 1992 Pourvoi n° 90-19944 

Encore faut-il rapporter la preuve d’un préjudice personnel, direct et certain ainsi que d’un lien de causalité entre la réalisation du dommage et l’empiètement pour engager la responsabilité délictuelle.

En effet, la présomption de faute ne saurait suffire à elle seule à permettre au propriétaire d’être indemnisé lorsque la démolition et la remise en état interviennent.

Il n’en reste pas moins que le propriétaire bénéficie d’une protection certaine et effective de son droit à l’encontre d’autrui.

Récemment, tout en confirmant sa position, la Cour de Cassation a souligné que « la défense du droit de propriété contre un empiétement ne saurait dégénérer en abus ».

Civ. 3ème 15 juin 2011 Pourvoi n° 10-20337 

L’infraction de séjour irrégulier, le droit européen et la constitution

Le 12/02/12

En dehors du maintien en zone d’attente ou du placement en rétention administrative dans le temps strictement nécessaire à l’organisation du départ, l’entrée et le séjour irrégulier des étrangers sont susceptibles d’être réprimés pénalement .

Ces infractions sont visées par l’article L621-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile qui dispose que :

« L’étranger qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1 et L. 311-1 ou qui s’est maintenu en France au-delà de la durée autorisée par son visa sera puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 Euros.

La juridiction pourra, en outre, interdire à l’étranger condamné, pendant une durée qui ne peut excéder trois ans, de pénétrer ou de séjourner en France. L’interdiction du territoire emporte de plein droit reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant à l’expiration de la peine d’emprisonnement ».

Le droit européen s’est invité dans le droit pénal à la suite de l’adoption de la directive dite « retour » 2008/115/CE du 16 décembre 2008 entrée en vigueur le 13 janvier 2009.

Cette nouvelle législation a soulevé plusieurs interrogations au sein des pays de l’Union quant à l’entrée et au séjour irrégulier et à sa répression.

C’est ainsi que la Cour de Justice de l’Union Européenne a eu à se prononcer sur l’interprétation de ladite directive « retour ».

Dans un arrêt du 28 avril 2011, les juges européens ont indiqué que ce texte devait être interprété dans ce sens qu’il s’oppose à la règlementation d’un Etat membre qui prévoit l’infliction d’une peine d’emprisonnement d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier pour le seul motif que celui-ci demeure, en violation d’un ordre de quitter le territoire de cet Etat dans un délai déterminé sur ledit territoire sans motif justifié.

CJUE 28 avril 2011 C 61/11 PPU 

Quelque mois plus tard, la même Cour a été saisie sur question préjudicielle par la Cour d’Appel de PARIS.

Elle a précisé sa position en soulignant que la directive devait être interprétée en ce sens qu’elle :

– s’oppose à une réglementation d’un État membre réprimant le séjour irrégulier par des sanctions pénales, pour autant que celle-ci permet l’emprisonnement d’un ressortissant d’un pays tiers qui, tout en séjournant irrégulièrement sur le territoire dudit État membre et n’étant pas disposé à quitter ce territoire volontairement, n’a pas été soumis aux mesures coercitives visées à l’article 8 de cette directive et n’a pas, en cas de placement en rétention en vue de la préparation et de la réalisation de son éloignement, vu expirer la durée maximale de cette rétention;

– ne s’oppose pas à une telle réglementation pour autant que celle-ci permet l’emprisonnement d’un ressortissant d’un pays tiers auquel la procédure de retour établie par ladite directive a été appliquée et qui séjourne irrégulièrement sur ledit territoire sans motif justifié de non-retour.

CJUE 6 décembre 2011 C 329/11 

Il y a quelques jours le Conseil Constitutionnel est intervenu dans le débat entre la compatibilité entre la directive et le droit pénal français.

La Haute Juridiction a été ainsi saisie le 23 novembre 2011 par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’infraction de l’entrée et au séjour irrégulier et sa conformité à la constitution.

Conseil Constitutionnel n° 2011-217 QPC du 03 février 2012 

La directive « retour » et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne ont été invoquées pour fonder l’inconstitutionnalité de l’article L621-1 du CESEDA.

Cependant, l’incompatibilité d’une disposition législative aux engagements internationaux de la France et d’inconstitutionnalité du texte répressif français sont deux choses différentes.

Les sages ont donc rappelé que la première ne relevait pas de leur compétence et ont considéré que :

« eu égard à la nature de l’incrimination pour laquelle elles sont instituées, les peines ainsi fixées, qui ne sont pas manifestement disproportionnées, ne méconnaissent pas l’article 8 de la Déclaration de 1789 ; 

(…)

les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ».

A chacun son rôle.

Il appartiendra au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation de se prononcer sur cette question dans un futur proche.

La France condamnée pour le placement en rétention des mineurs accompagnant leurs parents

Le 05/02/12

Le contentieux du droit des étrangers est un contentieux éminemment politique mais incontestablement humain.

Il soulève des questions et des difficultés dans sa pratique qui peuvent parfois mettre chaque intervenant mal à l’aise.

Tel est le cas des enfants mineurs qui suivent leurs parents en rétention administrative et subissent de facto une mesure privative de liberté.

Il faut préciser que l’accueil de familles, s’il est rare, ne constitue pas une situation exceptionnelle méconnue des services des préfectures et de la Police aux Frontières.

La présence au Centre de Rétention Administrative d’un enfant accompagnant ses parents, objet d’une mesure d’éloignement, est prévue par le Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile.

L’article L553-1 dudit code prévoit notamment la tenue par les autorités de police du CRA d’un registre mentionnant l’état civil des enfants mineurs accompagnant les retenus et leurs conditions d’accueil.

Or, certaines alternatives permettent d’éviter aux familles de s’installer au centre dans l’attente de leur reconduite.

Selon l’article L562-1 du CESEDA , les Préfectures peuvent ab initio prendre une décision d’assignation à résidence avec surveillance électronique, après accord de l’étranger père ou mère d’un enfant mineur résidant en France dont il contribue effectivement à l’entretien et à l’éducation depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans et lorsque cet étranger ne peut pas être assigné à résidence en application de l’article L. 561-2 du présent code.

Pour autant et quels que soient les motifs de son séjour au centre, un enfant est et demeure un accompagnant, non un retenu .

En effet, conformément aux dispositions de l’article L511-4 du CESEDA , «l’étranger mineur de dix-huit ans ne peut faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français et ne peut, par extension, être placé en rétention pour l’exécution de cette mesure d’éloignement ».

Bien sûr, la « rétention par procuration » dans le but de ne pas séparer les familles a donné lieu a de nombreux débats devant les juridictions en charge du contentieux des étrangers.

Aussi la question de sa conformité avec les principes énoncés par la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989 n’est-elle pas nouvelle.

Dans son article 3, cet accord international ratifié par la France rappelle que :

« Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ».

Jusqu’à l’entrée en vigueur de la Loi n°2011-672 du 16 juin 2011, le juge administratif laissait au juge civil le soin de se pencher sur le respect des libertés individuelles et l’effectivité des droits.

Depuis lors, l’intervention du Tribunal Administratif préalablement à la saisine du Juge des Libertés et de la Détention a modifié l’ordre établi.

Très rapidement, le juge administratif a démontré son manque de frilosité et sa volonté de donner une nouvelle dimension à son rôle.

C’est ainsi que les 24 et 29 octobre 2011, le Tribunal Administratif de Melun a annulé le placement en rétention de parents accompagnés de leurs enfants au regard notamment de la présence de mineurs au Centre de Rétention Administrative.

Le 19 janvier dernier, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a à son tour eu statué sur la situation des enfants accompagnant dans l’attente du retour au pays de leurs parents en situation irrégulière.

CEDH 19 janvier 2012POPOV c/France 

Dans cette espèce, les époux POPOV, de nationalité kazakh et leurs enfants âgés de moins de six mois et de trois ans, avaient été interpellés et placés en garde à vue suite à une mesure d’éloignement prise à leur encontre.

D’abord placés en rétention administrative dans un hôtel, ils avaient ensuite été transférés au Centre de ROUEN-OISSEL pour y rester plus de quinze jours avant d’être libérés sans que la mesure à l’origine de leur privation de liberté, nesoit finalement exécutée.

La Cour a relevé que si l’enfant ne doit pas être séparé d’un parent, sauf circonstances exceptionnelles, l’éventuel placement en rétention doit être de la plus courte durée possible.

En effet, les mineurs étrangers bénéficient de protections particulières prévues par la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Hommes et la Convention internationale des droits de l’enfant.

Les juges européens ont donc estimé que les autorités :

– n’étaient pas exemptées de leur obligation de protéger les enfants accompagnant au CRA et d’adopter des mesures adéquates au regard de leur extrême vulnérabilité,

– étaient tenues de mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires afin de limiter autant que faire se peut la durée de la détention des mineurs.

Après en avoir délibéré, la Cour a condamné à FRANCE en relevant que :

« les conditions dans lesquelles les enfants ont été détenus, pendant quinze jours, dans un milieu d’adultes, confrontés à une forte présence policière, sans activités destinées à les occuper, ajoutées à la détresse des parents, étaient manifestement inadaptées à leur âge.

(…) 

Ces conditions de vie ne pouvaient qu’engendrer pour eux une situation de stress et d’angoisse et avoir des conséquences particulièrement traumatisantes sur leur psychisme.

(…)

Les autorités n’ont pas assuré aux enfants un traitement compatible avec les dispositions de la Convention et que celui-ci a dépassé le seuil de gravité exigé par l’article 3 de la Convention. 

(…) 

La loi ne prévoit pas que les mineurs puissent faire l’objet d’une mesure de placement en rétention ; ainsi, les enfants « accompagnant » leurs parents tombent dans un vide juridique ne leur permettant pas d’exercer le recours garanti à leur parents »

A préciser que pourtant le Centre de Rétention de ROUEN-OISSEL où la famille POPOV était maintenue compte parmi ceux habilités à recevoir des familles…

Droit de plaidoirie, revalorisation à 13,00 euros

Le 04/12/11

Le Décret n° 2011-1634 du 23 novembre 2011 relatif aux droits de plaidoirie des avocats a procédé à la revalorisation de cette taxe destinée à financer en partie la retraite de base des avocats.

Au terme de l’article 2 , « le montant du droit de plaidoirie est fixé à 13 euros » alors qu’il s’élevait jusqu’alors à 8,84 euros.

Pour rappel, cette contribution concerne tous les justiciables qu’ils soient bénéficiaires ou non de l’aide juridictionnelle depuis l’adoption de la Loi de finance de 2011 .

Cependant, certaines instances et « procédures comportant la tenue d’une audience à bref délai » resteront exclues de cet assujettissement « lorsque l’avocat prête son concours à une personne bénéficiant de l’aide juridictionnelle totale».

Lors de son assemblée générale du 18 juin 2011, le Conseil national des barreaux avait pris acte du relèvement du montant du droit de plaidoirie annoncé et de l’exclusion de son assiette de la défense pénale d’urgence ainsi que du contentieux du droit des étrangers.

Mais il avait manifesté son refus d’accepter que la défense des mineurs n’ait pas été traitée.

L’arrêté du 23 novembre 2011 semble avoir intégré ces doléances :

Le contentieux pénal bénéficiant de l’exonération concerne donc les comparutions immédiates mais aussi certaines procédures s’appliquant aux mineurs devant le Juge Des enfants et le Tribunal Pour Enfants.

En matière civile, le contentieux de la rétention administrative confiée au Juge des Libertés et de la Détention ainsi que celui de la prolongation du maintien en zone d’attente sont écartés du dispositif.

Il en va, de même, des recours contre certaines mesures d’éloignement des étrangers maintenus en rétention administrative ou assignés à résidence dont les juridictions administratives ont à connaître.

Bien sûr, on ne peut que regretter que cette revalorisation entrée en vigueur le 26 novembre dernier augmente encore la charge pécuniaire des justiciables, parties à une instance civile, pénale ou administrative.

Mais il faut signaler que dans un arrêt récent, le Conseil Constitutionnel a considéré que la contribution des droits de plaidoirie ne méconnaissait pas le droit au recours juridictionnel effectif et le principe d’égalité devant la justice.

Décision n° 2011-198 QPC du 25 novembre 2011 

Les Sages se sont ainsi fondés sur le « faible montant » pour relever la constitutionnalité des dispositions de Loi du 29 décembre 2010 qui supprime la prise en charge par l’État du droit de plaidoirie dû par le bénéficiaire de l’aide juridictionnelle à son avocat.

S’il est vrai que la somme de 13 euros ne semble pas très élevée, elle vient s’ajouter à la contribution pour l’aide juridique de 35 euros ainsi que tous les autres frais et taxes.

Alors comme le dit souvent ma maman « un petit peu + un petit peu + un petit peu = un gros peu »…