Regard sur la nullité de garde à vue

Le 07/03/12

L’année 2011 aura été marquée par une vive évolution des textes fondant et encadrant le placement en garde à vue.

Avant même que ce contexte de réforme ne s’amorce, cette mesure privative de liberté souffrait de nombreuses critiques des justiciables et des juristes quant à son recours jugé parfois excessif et quant à l’insuffisance de ses garanties des droits de la défense mises en oeuvre.

Ainsi la Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 a-t-elle été adoptée, engageant un premier pas vers la conformité de la législation française aux principes dégagés par la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

L’Avocat est désormais invité à être présent lors des auditions et confrontations sans pour autant avoir une participation active dans l’enquête.

Le gardé à vue bénéficie maintenant du droit de se taire face aux questions insistantes et répétitives des enquêteurs.

Depuis lors la jurisprudence dessine lentement les contours de cette toute nouvelle organisation où chacun doit trouver sa place.

Avant cela, les décisions des juridictions civiles et pénales avaient déjà permis d’affirmer le principe et son exception applicables à la garde à vue :

Il est ainsi acquis que tout manquement aux droits du gardé à vue porte nécessairement atteinte aux droits de la défense au sens de l’article 802 du Code de Procédure Pénale et peut entraîner la nullité de la mesure.

Pour autant, s’il existe des circonstances insurmontables dûment mentionnées aux procès-verbaux justifiant cet écueil, la sanction sera écartée.

Il appartient au juge de contrôler le respect des garanties posées par les articles 62-2 du Code de Procédure Pénale comme autant de garde-fous à la légalité de la mesure.

Cependant, il ne faut pas ignorer que la portée de la nullité de la garde à vue reste limitée tant par ses effets que par ses conditions de mise en oeuvre.

Cette sanction revêt donc une importance et un intérêt bien différents selon les situations.

Ainsi seules doivent être annulées, en conséquence de la nullité de la garde à vue, les pièces de la procédure dont cette mesure est le support nécessaire.

Cass. Crim. 22 juin 2000 Pourvoi no 00-82632 

En outre, l’article 170 du Code de Procédure Pénale restreint au juge d’instruction, au procureur de la République et aux parties le droit de faire valoir la nullité d’un acte.

Dans un arrêt du 14 février 2012, la Cour de Cassation a d’ailleurs précisé que le coprévenu d’un gardé à vue était sans qualité pour se prévaloir de la méconnaissance d’un droit qui appartient en propre à ce dernier.

Cass. Crim. 14 février 2012 Pourvoi n°11-84694 

On l’aura compris les changements survenus ces derniers mois dans ce domaine du droit s’apparentent bien plus à un frissonnement qu’à un séisme.

Ce qu’il faut savoir sur l’empiètement sur le terrain d’autrui

Le 21/02/12

Le droit de propriété est une notion fondamentale reconnue, protégée et encadrée par les dispositions du Code Civil.

L’attachement à la terre, sa possession et sa transmission sont en effet des valeurs présentes depuis longtemps dans notre société.

En 1789, les rédacteurs de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ont ainsi proclamé que « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité » (Article 17).

Depuis 1804, l’article 545 du Code Civil protège ce droit en énonçant que :

« Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité».

Ce petit rappel des règles protectrices de la propriété est l’occasion d’évoquer le régime juridique de l’empiètement.

Qu’est-ce que l’empiètement et ses conséquences? 

L’empiètement est un abus de droit consistant en l’extension de la construction implantée sur une parcelle au fonds voisin appartenant à un propriétaire distinct.

En l’absence de titre ou d’accord écrit, la démolition de cette construction « débordante » et la remise en état des lieux peuvent être ordonnées.

Il importe peu que l’empiètement sur le terrain d’autrui soit minime ou qu’il ne déprécie pas la valeur du bien.

En effet, le droit de propriété étant absolu et inviolable, il ne saurait souffrir aucune restriction quand bien même le constructeur serait de bonne foi.

Bien que cette règle puisse paraître sévère, elle est appliquée strictement au fils d’une jurisprudence constante par la Cour de Cassation qui l’a récemment rappelé dans un arrêt du 10 novembre 2009.

Civ. 3ème 10 novembre 2009 Pourvoi n° 08-17526 

Selon les juges de la Haute Cour, la démolition peut donc être exigée par le propriétaire du sol sur lequel l’empiètement a été réalisé, quelle que soit la bonne ou mauvaise foi du constructeur, sauf s’il justifie d’un titre ou d’un accord amiable.

Civ. 1ere 8 mars 1988 Pourvoi n° 86-16589 

Quelle est la différence entre empiètement et construction sur le terrain d’autrui ? 

Le régime juridique de l’empiètement qui se déduit des dispositions de l’article 545 du Code Civil se distingue de celui de la construction sur le terrain d’autrui.

L’article 555 du Code Civil indique ainsi que :

« Lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l’alinéa 4, soit d’en conserver la propriété, soit d’obliger le tiers à les enlever ».

Ces dispositions ne sauraient s’appliquer à l’extension d’une construction sur un fonds voisin mais uniquement à l’implantation d’un immeuble nouveau sur le terrain d’autrui.

Leurs conséquences divergent alors selon la situation :

– si le constructeur est de bonne foi, le propriétaire du fonds sera tenu de conserver les constructions et d’en payer le prix,

– si le constructeur est de mauvaise foi, le propriétaire pourra à son choix soit solliciter la démolition, la remise en état des lieux et prétendre à des dommages et intérêts, soit conserver l’édifice contre indemnisation.

On l’aura compris dans l’un ou l’autre des cas, le propriétaire du fonds bénéficiera d’un droit d’accession qu’il soit forcé ou consenti.

De plus, contrairement aux règles applicables à l’empiètement, la bonne foi du constructeur aura une incidence directe sur les options légales qui s’offriront au propriétaire.

Quel est le droit à indemnisation du propriétaire du fonds ? 

En matière d’empiètement, il n’existe aucune disposition légale précise et adaptée aux circonstances toutes particulières de cette situation.

Les dispositions de l’article 1382 du Code Civil régissant la responsabilité civile délictuelle ont donc tout naturellement vocation à s’appliquer.

Le principe est alors que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ».

Pour autant, la jurisprudence n’a pas manqué de pallier l’imprécision des textes et a permis de définir les contours du droit à indemnisation du propriétaire évincé.

La Cour de Cassation a notamment relevé que l’empiétement sur la propriété d’autrui suffit à caractériser la faute visée à l’article 1382 du Code Civil.

Civ 3ème 10 novembre 1992 Pourvoi n° 90-19944 

Encore faut-il rapporter la preuve d’un préjudice personnel, direct et certain ainsi que d’un lien de causalité entre la réalisation du dommage et l’empiètement pour engager la responsabilité délictuelle.

En effet, la présomption de faute ne saurait suffire à elle seule à permettre au propriétaire d’être indemnisé lorsque la démolition et la remise en état interviennent.

Il n’en reste pas moins que le propriétaire bénéficie d’une protection certaine et effective de son droit à l’encontre d’autrui.

Récemment, tout en confirmant sa position, la Cour de Cassation a souligné que « la défense du droit de propriété contre un empiétement ne saurait dégénérer en abus ».

Civ. 3ème 15 juin 2011 Pourvoi n° 10-20337 

L’infraction de séjour irrégulier, le droit européen et la constitution

Le 12/02/12

En dehors du maintien en zone d’attente ou du placement en rétention administrative dans le temps strictement nécessaire à l’organisation du départ, l’entrée et le séjour irrégulier des étrangers sont susceptibles d’être réprimés pénalement .

Ces infractions sont visées par l’article L621-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile qui dispose que :

« L’étranger qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1 et L. 311-1 ou qui s’est maintenu en France au-delà de la durée autorisée par son visa sera puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 Euros.

La juridiction pourra, en outre, interdire à l’étranger condamné, pendant une durée qui ne peut excéder trois ans, de pénétrer ou de séjourner en France. L’interdiction du territoire emporte de plein droit reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant à l’expiration de la peine d’emprisonnement ».

Le droit européen s’est invité dans le droit pénal à la suite de l’adoption de la directive dite « retour » 2008/115/CE du 16 décembre 2008 entrée en vigueur le 13 janvier 2009.

Cette nouvelle législation a soulevé plusieurs interrogations au sein des pays de l’Union quant à l’entrée et au séjour irrégulier et à sa répression.

C’est ainsi que la Cour de Justice de l’Union Européenne a eu à se prononcer sur l’interprétation de ladite directive « retour ».

Dans un arrêt du 28 avril 2011, les juges européens ont indiqué que ce texte devait être interprété dans ce sens qu’il s’oppose à la règlementation d’un Etat membre qui prévoit l’infliction d’une peine d’emprisonnement d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier pour le seul motif que celui-ci demeure, en violation d’un ordre de quitter le territoire de cet Etat dans un délai déterminé sur ledit territoire sans motif justifié.

CJUE 28 avril 2011 C 61/11 PPU 

Quelque mois plus tard, la même Cour a été saisie sur question préjudicielle par la Cour d’Appel de PARIS.

Elle a précisé sa position en soulignant que la directive devait être interprétée en ce sens qu’elle :

– s’oppose à une réglementation d’un État membre réprimant le séjour irrégulier par des sanctions pénales, pour autant que celle-ci permet l’emprisonnement d’un ressortissant d’un pays tiers qui, tout en séjournant irrégulièrement sur le territoire dudit État membre et n’étant pas disposé à quitter ce territoire volontairement, n’a pas été soumis aux mesures coercitives visées à l’article 8 de cette directive et n’a pas, en cas de placement en rétention en vue de la préparation et de la réalisation de son éloignement, vu expirer la durée maximale de cette rétention;

– ne s’oppose pas à une telle réglementation pour autant que celle-ci permet l’emprisonnement d’un ressortissant d’un pays tiers auquel la procédure de retour établie par ladite directive a été appliquée et qui séjourne irrégulièrement sur ledit territoire sans motif justifié de non-retour.

CJUE 6 décembre 2011 C 329/11 

Il y a quelques jours le Conseil Constitutionnel est intervenu dans le débat entre la compatibilité entre la directive et le droit pénal français.

La Haute Juridiction a été ainsi saisie le 23 novembre 2011 par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’infraction de l’entrée et au séjour irrégulier et sa conformité à la constitution.

Conseil Constitutionnel n° 2011-217 QPC du 03 février 2012 

La directive « retour » et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne ont été invoquées pour fonder l’inconstitutionnalité de l’article L621-1 du CESEDA.

Cependant, l’incompatibilité d’une disposition législative aux engagements internationaux de la France et d’inconstitutionnalité du texte répressif français sont deux choses différentes.

Les sages ont donc rappelé que la première ne relevait pas de leur compétence et ont considéré que :

« eu égard à la nature de l’incrimination pour laquelle elles sont instituées, les peines ainsi fixées, qui ne sont pas manifestement disproportionnées, ne méconnaissent pas l’article 8 de la Déclaration de 1789 ; 

(…)

les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ».

A chacun son rôle.

Il appartiendra au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation de se prononcer sur cette question dans un futur proche.

La France condamnée pour le placement en rétention des mineurs accompagnant leurs parents

Le 05/02/12

Le contentieux du droit des étrangers est un contentieux éminemment politique mais incontestablement humain.

Il soulève des questions et des difficultés dans sa pratique qui peuvent parfois mettre chaque intervenant mal à l’aise.

Tel est le cas des enfants mineurs qui suivent leurs parents en rétention administrative et subissent de facto une mesure privative de liberté.

Il faut préciser que l’accueil de familles, s’il est rare, ne constitue pas une situation exceptionnelle méconnue des services des préfectures et de la Police aux Frontières.

La présence au Centre de Rétention Administrative d’un enfant accompagnant ses parents, objet d’une mesure d’éloignement, est prévue par le Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile.

L’article L553-1 dudit code prévoit notamment la tenue par les autorités de police du CRA d’un registre mentionnant l’état civil des enfants mineurs accompagnant les retenus et leurs conditions d’accueil.

Or, certaines alternatives permettent d’éviter aux familles de s’installer au centre dans l’attente de leur reconduite.

Selon l’article L562-1 du CESEDA , les Préfectures peuvent ab initio prendre une décision d’assignation à résidence avec surveillance électronique, après accord de l’étranger père ou mère d’un enfant mineur résidant en France dont il contribue effectivement à l’entretien et à l’éducation depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans et lorsque cet étranger ne peut pas être assigné à résidence en application de l’article L. 561-2 du présent code.

Pour autant et quels que soient les motifs de son séjour au centre, un enfant est et demeure un accompagnant, non un retenu .

En effet, conformément aux dispositions de l’article L511-4 du CESEDA , «l’étranger mineur de dix-huit ans ne peut faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français et ne peut, par extension, être placé en rétention pour l’exécution de cette mesure d’éloignement ».

Bien sûr, la « rétention par procuration » dans le but de ne pas séparer les familles a donné lieu a de nombreux débats devant les juridictions en charge du contentieux des étrangers.

Aussi la question de sa conformité avec les principes énoncés par la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989 n’est-elle pas nouvelle.

Dans son article 3, cet accord international ratifié par la France rappelle que :

« Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ».

Jusqu’à l’entrée en vigueur de la Loi n°2011-672 du 16 juin 2011, le juge administratif laissait au juge civil le soin de se pencher sur le respect des libertés individuelles et l’effectivité des droits.

Depuis lors, l’intervention du Tribunal Administratif préalablement à la saisine du Juge des Libertés et de la Détention a modifié l’ordre établi.

Très rapidement, le juge administratif a démontré son manque de frilosité et sa volonté de donner une nouvelle dimension à son rôle.

C’est ainsi que les 24 et 29 octobre 2011, le Tribunal Administratif de Melun a annulé le placement en rétention de parents accompagnés de leurs enfants au regard notamment de la présence de mineurs au Centre de Rétention Administrative.

Le 19 janvier dernier, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a à son tour eu statué sur la situation des enfants accompagnant dans l’attente du retour au pays de leurs parents en situation irrégulière.

CEDH 19 janvier 2012POPOV c/France 

Dans cette espèce, les époux POPOV, de nationalité kazakh et leurs enfants âgés de moins de six mois et de trois ans, avaient été interpellés et placés en garde à vue suite à une mesure d’éloignement prise à leur encontre.

D’abord placés en rétention administrative dans un hôtel, ils avaient ensuite été transférés au Centre de ROUEN-OISSEL pour y rester plus de quinze jours avant d’être libérés sans que la mesure à l’origine de leur privation de liberté, nesoit finalement exécutée.

La Cour a relevé que si l’enfant ne doit pas être séparé d’un parent, sauf circonstances exceptionnelles, l’éventuel placement en rétention doit être de la plus courte durée possible.

En effet, les mineurs étrangers bénéficient de protections particulières prévues par la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Hommes et la Convention internationale des droits de l’enfant.

Les juges européens ont donc estimé que les autorités :

– n’étaient pas exemptées de leur obligation de protéger les enfants accompagnant au CRA et d’adopter des mesures adéquates au regard de leur extrême vulnérabilité,

– étaient tenues de mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires afin de limiter autant que faire se peut la durée de la détention des mineurs.

Après en avoir délibéré, la Cour a condamné à FRANCE en relevant que :

« les conditions dans lesquelles les enfants ont été détenus, pendant quinze jours, dans un milieu d’adultes, confrontés à une forte présence policière, sans activités destinées à les occuper, ajoutées à la détresse des parents, étaient manifestement inadaptées à leur âge.

(…) 

Ces conditions de vie ne pouvaient qu’engendrer pour eux une situation de stress et d’angoisse et avoir des conséquences particulièrement traumatisantes sur leur psychisme.

(…)

Les autorités n’ont pas assuré aux enfants un traitement compatible avec les dispositions de la Convention et que celui-ci a dépassé le seuil de gravité exigé par l’article 3 de la Convention. 

(…) 

La loi ne prévoit pas que les mineurs puissent faire l’objet d’une mesure de placement en rétention ; ainsi, les enfants « accompagnant » leurs parents tombent dans un vide juridique ne leur permettant pas d’exercer le recours garanti à leur parents »

A préciser que pourtant le Centre de Rétention de ROUEN-OISSEL où la famille POPOV était maintenue compte parmi ceux habilités à recevoir des familles…

Droit de plaidoirie, revalorisation à 13,00 euros

Le 04/12/11

Le Décret n° 2011-1634 du 23 novembre 2011 relatif aux droits de plaidoirie des avocats a procédé à la revalorisation de cette taxe destinée à financer en partie la retraite de base des avocats.

Au terme de l’article 2 , « le montant du droit de plaidoirie est fixé à 13 euros » alors qu’il s’élevait jusqu’alors à 8,84 euros.

Pour rappel, cette contribution concerne tous les justiciables qu’ils soient bénéficiaires ou non de l’aide juridictionnelle depuis l’adoption de la Loi de finance de 2011 .

Cependant, certaines instances et « procédures comportant la tenue d’une audience à bref délai » resteront exclues de cet assujettissement « lorsque l’avocat prête son concours à une personne bénéficiant de l’aide juridictionnelle totale».

Lors de son assemblée générale du 18 juin 2011, le Conseil national des barreaux avait pris acte du relèvement du montant du droit de plaidoirie annoncé et de l’exclusion de son assiette de la défense pénale d’urgence ainsi que du contentieux du droit des étrangers.

Mais il avait manifesté son refus d’accepter que la défense des mineurs n’ait pas été traitée.

L’arrêté du 23 novembre 2011 semble avoir intégré ces doléances :

Le contentieux pénal bénéficiant de l’exonération concerne donc les comparutions immédiates mais aussi certaines procédures s’appliquant aux mineurs devant le Juge Des enfants et le Tribunal Pour Enfants.

En matière civile, le contentieux de la rétention administrative confiée au Juge des Libertés et de la Détention ainsi que celui de la prolongation du maintien en zone d’attente sont écartés du dispositif.

Il en va, de même, des recours contre certaines mesures d’éloignement des étrangers maintenus en rétention administrative ou assignés à résidence dont les juridictions administratives ont à connaître.

Bien sûr, on ne peut que regretter que cette revalorisation entrée en vigueur le 26 novembre dernier augmente encore la charge pécuniaire des justiciables, parties à une instance civile, pénale ou administrative.

Mais il faut signaler que dans un arrêt récent, le Conseil Constitutionnel a considéré que la contribution des droits de plaidoirie ne méconnaissait pas le droit au recours juridictionnel effectif et le principe d’égalité devant la justice.

Décision n° 2011-198 QPC du 25 novembre 2011 

Les Sages se sont ainsi fondés sur le « faible montant » pour relever la constitutionnalité des dispositions de Loi du 29 décembre 2010 qui supprime la prise en charge par l’État du droit de plaidoirie dû par le bénéficiaire de l’aide juridictionnelle à son avocat.

S’il est vrai que la somme de 13 euros ne semble pas très élevée, elle vient s’ajouter à la contribution pour l’aide juridique de 35 euros ainsi que tous les autres frais et taxes.

Alors comme le dit souvent ma maman « un petit peu + un petit peu + un petit peu = un gros peu »…

Un an et toutes mes dents … sauf celles de sagesse

Le 28/11/11

Il y a un an, encouragée et soutenue, j’ai crée ce blog juridique à mon image et à celle de mon exercice professionnel.

Comme beaucoup d’entre nous, je me suis laissé prendre au jeu des publications et j’ai testé avec amusement l’outil de dialogue proposé par la blogosphère (avocats.fr).

Comme beaucoup d’entre nous, je vous ai présenté, à mon échelle, la profession d’avocat au travers de ses pratiques et de son quotidien.

Comme beaucoup d’entre nous, j’ai esquissé quelques sourires et quelques rictus grimaçants à la lecture des commentaires qui apparaissaient sur ces pages.

Au fils des mois, j’ai nourris ce blog d’articles portant sur le contentieux civil, pénal et administratif constituant l’activité dominante de mon cabinet ainsi que sur les législations et jurisprudences engageant une évolution du droit.

Et durant cette petite année, j’ai pris goût à tout cela car l’échange vaut par ce que l’on en retire et par la réflexion qu’il fait naître.

Cependant, lorsque l’on se côtoie, on attend souvent des rencontres de faire plus ample connaissance.

Voici donc le portrait de la maîtresse des lieux brossé avec l’humeur du moment, non sans un soupçon d’autosatisfaction et une pincée d’autodérision :

Date et lieu de naissance : Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine

Signe astrologique : Corbeau ascendant lapin

Qualité principale : Modestie (appelez moi, Maître tout simplement)

Défaut indéniable: Peu loquace (malgré quelques bavardages, on note une participation discrète en classe de l’élève)

Couleur préférée : Toutes sauf le violet

Film favoris : Le client

Vrai films favoris : Daredevil 

Livre de chevet : Martine au palais de Justice

Plat préféré : Salade d’avocats, sauce baveux

Chanson de prédilection : La mauvaise réputation de G. BRASSENS

Loisirs : les activités physiques avec port de la robe obligatoire

SAMSUNG

La force exécutoire de la convention en matière de divorce par consentement mutuel :piqûre de rappel

Le 27/11/11

La dissolution du mariage revêt plusieurs formes répondant aux besoins et aux désirs des couples en rupture dont l’une dite amiable en forte progression concernait plus de 72 000 des jugements prononcés en 2007. 

Mais on oublie parfois que ce divorce par consentement mutuel suppose que les époux soient d’accord non seulement sur la rupture du lien matrimonial mais encore sur les conséquences de leur séparation.

Ils doivent, il est vrai, s’accorder sur :

– le partage des biens mobiliers et immobiliers,

– l’attribution du domicile conjugal,

– la conservation de l’usage du nom du mari par l’épouse,

– la résidence habituelle des enfants,

– le droit de visite et d’hébergement et la fixation de la pension alimentaire à titre de contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants,

– l’allocation d’une prestation compensatoire.

Or, il n’est pas toujours évident de faire le deuil de son union et de discuter des effets de la séparation dans le même temps…

Une nécessaire bonne entente est donc sous-jacente en matière de divorce par consentement mutuel où le dialogue prédomine.

Elle s’explique et s’impose par la procédure simplifiée prévue aux articles 230 et suivants du Code Civil qui est marquée par d’un certain particularisme :

En effet, on l’aura compris les intérêts pécuniaires sont réglés en amont de l’intervention du juge : le régime matrimonial est ainsi liquidé par le notaire au préalable si le patrimoine se compose d’immeubles.

De plus, à la différence des autres formes de divorce, l’instance s’achève à l’issue d’une seule et unique audience, sans conciliation, au cours de laquelle la convention réglant toutes les conséquences est soumise à l’approbation du juge.

Par ailleurs, s’il y a intervention du juge, celle-ci reste limitée car son pouvoir décisionnel ne se traduit que par le refus ou le prononcé du divorce, et plus rarement, l’ajournement de la décision.

Le Juge aux Affaires Familiales vérifie cependant l’existence du consentement libre et éclairé des époux et s’assure avant d’homologuer la convention qu’elle garantie les intérêts des enfants ainsi que l’équilibre entre les parties.

Enfin et surtout, lorsque le jugement prononce le divorce, ni les époux, ni les tiers ne peuvent interjeter appel.

Seul le pourvoi en cassation est alors possible à l’encontre de cette décision et dans les cas limitativement prévus de violation de la loi.

Au terme d’un arrêt du 23 novembre 2011, la Cour de Cassation a rappelé cette singularité de la procédure du divorce par consentement mutuel qui n’ouvre droit qu’à une voie de recours extraordinaire dans un délai réduit de 2 mois à 15 jours à compter du prononcé.

Cass. Civ 1ère. 23 novembre 2011 Pourvoi n°10-26802 

Après 15 ans de mariage, des époux avaient divorcé par consentement mutuel en 1995 sous le régime antérieur à la loi n°2004-439 du 26 mai 2004.

La convention homologuée prévoyait que l’épouse se verrait attribuer à titre d’une prestation compensatoire un premier appartement et instituait l’indivision post-communautaire en nue-propriété d’un second appartement, les deux biens étant tous deux issus d’une donation des parents de l’époux.

En 1997, les divorcés s’étaient remariés, animés d’une nouvelle flamme moins confiante leur faisant opter pour le régime de la séparation de biens mais avec une légation universelle au conjoint survivant.

Au décès du mari, ses enfants se trouvant lésés ont formé un pourvoi en cassation à l’encontre du jugement de divorce arguant la fraude pour se prévaloir de l’inopposabilité de la convention homologuée.

La Cour de Cassation a cassé sans renvoi l’arrêt d’appel ayant déclaré le pourvoi recevable « hors des cas limitativement prévus par la loi dans lesquels n’entre pas l’action en inopposabilité fondée sur la fraude ».

Elle confirme ainsi le principe existant depuis la loi n° 75-617 du 11 juillet 1975 et fait primer la volonté des époux sur toutes autres considérations.

Petit guide des bonnes pratiques de l’avocat en expertise médicale

Le 18/11/11

Depuis plusieurs années, le corps médical intervient, de plus en plus, dans les procédures judiciaires.

Détermination de la faute médicale engageant la responsabilité, évaluation du préjudice corporel, avis pour demande de titre de séjour d’étrangers malades, vérification de la compatibilité de l’état de santé avec une mesure privative de liberté, recherche des causes du décès par autopsie, détermination de l’abolition ou de l’altération du discernement, nécessité d’une mesure de protection de majeur incapable, évaluation de l’incapacité de travail déterminant la qualification d’une infraction, recherches de paternité, décision d’hospitalisation d’office… etc

La parole des médecins s’impose désormais du contentieux pénal au droit de la famille faisant ainsi des professionnels de santé des interlocuteurs incontournables.

Invitée à une formation dédiée aux experts de justice de Lyon, j’ai suivi avec attention les discussions de celles et ceux que les juridictions désignent en qualité d’expert judiciaire.

Si je me suis sentie un peu seule au début – je l’avoue-, les réflexions de ces médecins sur leur rôle et leur mission m’ont pourtant semblé proches des nôtres.

Les quelques remarques qui vont suivre, sont donc le fruit des échanges intervenus sur l’expertise médicale :

– Il arrive régulièrement que l’avocat soit destinataire de la décision de justice désignant l’expert et précisant sa mission avant même qu’elle n’ai été portée à la connaissance de ce dernier.

Entre l’acceptation du travail confié et la convocation à la réunion d’expertise, il n’est ainsi pas utile de prendre immédiatement attache avec l’expert.

De la vitesse à la précipitation, il n’y a qu’un pas à ne pas franchir sous peine que le courrier reste sans suite.

La seule diligence qui revêt l’urgence, est le dépôt de la consignation à la Régie des Avances et Recettes ou l’envoi de la décision d’aide juridictionnelle au Juge en charge de l’expertise permettant de se prévaloir des articles 40 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et 119 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991.

– Dans l’attente des opérations expertales, l’avocat peut demander la communication du dossier médical aux établissements de santé ou laisser le soin à son client de cette charge.

Mais il faut rappeler que les obstacles à l’application de l’article 1111-7 du Code de la Santé Publique ne sont pas rares :

– soit que la transmission des documents au conseil dûment mandaté soit refusée (déjà vu),

– soit que la réponse attendue arrive tardivement (aussi),

– soit que le centre hospitalier dans lequel les soins ont été accomplis, soit celui dans lequel l’expert exerce habituellement, ce qui justifierait que ce dernier en face la demande directement (idem) .

A réception de la convocation et une fois en main, les documents médicaux seront transmis à l’expert préalablement à la réunion ainsi qu’aux confrères.

Cette organisation permet alors aux médecins de recours et aux médecins conseil des assureurs d’intervenir utilement.

Une telle démarche assure l’effectivité du principe du contradictoire lors des opérations d’expertise.

– Il ne faut pas oublier que la réunion qui réunit les parties à l’instance, est le siège d’un véritable débat.

Aussi les médecins regrettent parfois l’absence des avocats dont le rôle vaut tant par la présence apaisante pour le client que pour l’exercice de leur mission d’assistance.

C’est la raison pour laquelle certains experts insistent pour que les dates de réunion soient fixées d’un commun accord et non imposées.

Deplus, il n’est pas rare que, lors de l’examen médical, les doléances présentées soient à l’origine de l’intervention d’un sapiteur d’une autre spécialité.

L’utilité d’un tel avis engendrant des frais supplémentaires est alors discutée.

– A l’issue de ses investigations, l’expert peut déposer un pré-rapport en imposant un délai aux parties pour présenter des observations.

Si chacun a déjà pu débattre au cours de la réunion d’expertise, les dires sur des points déjà évoqués pourront être évités.

Si tel n’est pas les cas, il s’agit d’une bonne occasion d’apporter des précisions qui seront prises en compte et/ ou figureront dans le rapport définitif.

Dans certaines circonstances, celui-là même et son contenu détermineront l’issue contentieuse ou amiable du litige.

Aussi le médecins missionnés apprécient d’être tenu informés de la conclusion d’un dossier et en sont reconnaissants.

Tout ceci n’est qu’un rapide résumé d’une rencontre où chacun a parlé, échangé et écouté pour disséquer sa pratique afin de l’améliorer.

Cet article personnel vise à porter un regard différent sur ces médecins qui se définissent eux-mêmes comme « un mal nécessaire« .

Aujourd’hui, les experts médicaux à Lyon sont surtout une race en voie d’extinction car peu d’appelés répondent à l’appel de la Justice.

Les frais irrépétibles, charge et équilibre entre les parties

Le 13/11/11

Les frais de justice sont une préoccupation récurrente à laquelle les justiciables font face lorsqu’ils sont demandeurs ou défendeurs à l’instance, prévenus ou parties civiles.

En effet, les procédures devant les juridictions civiles, pénales et administratives occasionnent de nombreuses dépenses que doivent supporter les parties.

Non seulement ces charges sont divisées en deux groupes différents mais elles se distinguent par leur régime et par leur nature :

– La première catégorie répond au nom de dépens et s’appliquent aux frais directement engendrés par l’instance tels les frais et honoraires d’ huissier , les frais d’expertise, les frais d’enregistrement et la contribution de 35 € pour l’aide juridique .

– La seconde catégorie regroupent l’ensemble des dépenses connexes dont le procès est à l’origine à l’image des honoraires d’avocat ou des frais de déplacement.

Dans un récent arrêt du 21 octobre 2011, le Conseil Constitutionnel s’est intéressé à ces derniers frais à travers l’étude de la constitutionnalité des dispositions du Code de Procédure Pénale en la matière.

Et comme souvent, la présentation de cette jurisprudence est à la base cet article qui concerne la charge des frais dits irrépétibles.

Les frais exposés sont à la charge de celui qui succombe : 

Chaque code qui s’applique à chaque procédure quelle qu’en soit la nature, contient nécessairement une disposition s’appliquant aux frais irrépétibles.

Mais au fond, le texte est sans importance car la règle est identique en matière civile, pénale et administrative.

Dans chaque cas, les frais irrépétibles peuvent être laisser à la charge de la partie perdante si le juge estime que l’équité ou la situation économique de la personne condamnée le commande.

Les articles 700 du Code de Procédure Civile et L 761- 1 du Code de Justice Administrative disposent ainsi que « le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ».

L’article 475-1 du Code de Procédure Pénale précise quant à lui que « le tribunal condamne l’auteur de l’infraction à payer à la partie civile la somme qu’il détermine, au titre des frais non payés par l’Etat et exposés par celle-ci ».

Il appartient donc à la juridiction d’apprécier souverainement l’allocation d’une indemnité à ce titre et d’en fixer le montant dans l’ordonnance ou le jugement à intervenir.

De plus, la qualité de bénéficiaire de l’aide juridictionnelle ne s’oppose ni à cette demande, ni à cette condamnation.

Les articles 37 et 75 de la Loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 permettent même à l’avocat qui a assisté la partie gagnante de renoncer au bénéfice de l’aide juridictionnelle si, dans les douze mois du jour où la décision à intervenir est passée en force de chose jugée, il parvient à recouvrer l’indemnité.

Le droit à l’indemnité doit respecter l’équilibre entre les parties : 

A la lecture des dispositions procédurales précitées, une distinction entre le procès pénal et les instances civiles et administratives s’imposent.

L’article 475-1 du Code de Procédure Pénale permet exclusivement à la partie civile d’obtenir l’allocation de l’indemnité au titre des frais irrépétibles.

Qu’en est-il alors du prévenu qui a bénéficié d’un non-lieu, d’une relaxe ou d’un acquittement et n’a été ni déclaré coupable, ni condamné ?

L’article 800-2 du Code de Procédure Pénale lui accorde le droit de prétendre au versement d’une indemnité déterminée par le juge « au titre des frais non payés par l’Etat et exposés» par lui.

Si la partie civile est à l’origine du procès pénale et de la mise en mouvement de l’action publique, elle peut être condamnée à supporter le paiement de cette indemnité.

Mais la constitutionnalité de ces dispositions a été mise en cause dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité en application de l’article 61-1 de la Constitution posée le 26 juillet 2011 par les juges de la Cour de Cassation.

Avant toute chose, le Conseil constitutionnel n’a pas manqué de rappeler dans son analyse qu’aucune exigence constitutionnelle n’imposait qu’une partie au procès puisse obtenir du perdant le remboursement des frais qu’elle a exposés en vue de l’instance.

La règle posée par les articles 700 du Code de Procédure Civile, L 761- 1 du Code de Justice Administrative et 475-1 du Code de Procédure Pénale ne constitue donc pas un principe à valeur constitutionnelle.

Mais si les sages ont reconnu la constitutionnalité des dispositions permettant à la partie civile d’obtenir de l’auteur de l’infraction une indemnité au titre des frais de procédure exposés, ils ont condamné l’article 800-2 du Code de Procédure Pénale a un autre sort.

En effet, ces dernières dispositions « portent atteinte à l’équilibre du droit des parties dans le procès pénal ».

La censure est fondée sur la circonstance que « le ministère public n’est pas dans une situation identique à celle de la personne poursuivie ou de la partie civile ».

C’est donc au bénéfice de la partie la plus privilégiée du procès pénale, celle qui a l’opportunité des poursuites que le Conseil a déclaré inconstitutionnelle l’article 800-2 et reporté au 1er janvier 2013 la date de l’abrogation de cet article.

Décision n° 2011-190 QPC du 21 octobre 2011 

Rappelons que le 1er avril 2011, le Conseil constitutionnel avait censuré l’article 618-1 du Code de Procédure Pénale (équivalent de l’article 475-1 du même code mais applicable au pourvoi en cassation) eu égard à l’inapplicabilité de l’article 800-2 du Code de Procédure Pénale au pourvoi en cassation.

Il avait rétabli l’équilibre entre la partie civile et le prévenu sans s’intéresser au ministère public…qui s’est finalement rappelé à son bon souvenir.

Décision n° 2011-112 QPC du 01 avril 2011 

Dettes de jeu : quand le juge oppose la cause illicite au recouvrement

Le 06/11/11

Tout au long de sa vie, le contrat né d’une rencontre de consentements est régi par le droit des obligations et bercé par l’ordre public.

A l’heure où les établissements bancaires et les assureurs imposent leurs clauses et garanties, le respect des bonnes moeurs préside encore aux conventions quel qu’elles soient.

Depuis 1804, les quatre conditions essentielles à la validité des contrats prévues à l’article 1108 du Code Civil sont demeurées inchangé en la matière, à savoir :

– Le consentement éclairé de la partie/les parties,

– La capacité de contracter,

– L’objet certain déterminé/ déterminable des engagements,

– La cause licite dans l’obligation.

C’est sur ce dernier élément que s’est porté l’analyse des juges de la Cour de Cassation dans un arrêt du 4 novembre dernier :

« Mais attendu qu’aux termes de l’article 1965 du code civil, la loi n’accorde aucune action pour une dette de jeu ou pour le paiement d’un pari ; que la cour d’appel a constaté que du mois d’octobre 1995 à celui de mai 1997, M. Y… avait signé chaque mois un acte dans lequel il reconnaissait avoir reçu une somme en espèces de M. X… pour ses besoins personnels et s’engageait à la rembourser au plus vite et que ces actes avaient été récapitulés dans une reconnaissance de dette générale signée des deux parties le 20 juillet 1997, par laquelle M. Y… s’était reconnu débiteur de la somme de 11 500 000 francs majorée des intérêts capitalisés jusqu’au 31 juillet 1997 au taux de 10 % l’an ; que l’arrêt retient exactement que la cause de l’obligation de M. Y… énoncée dans cet acte est présumée exacte et qu’il lui incombe de démontrer que le prêteur ne lui a pas versé la somme litigieuse ou que ce prêt lui a été consenti pour jouer ; qu’au titre des circonstances permettant de caractériser l’existence d’une dette de jeu, les juges ne se sont pas bornés à se référer à l’énormité de la somme globale prêtée, constituée exclusivement par la remise de sommes en espèces, mais ont en outre fait état, par motifs propres et adoptés, de l’établissement de reconnaissances de dette mensuelles sur une longue période, de ce que M. Y… était un joueur ainsi que du fait que, si M. X… contestait l’être également, l’une des attestations produites indiquait pourtant qu’il s’était adonné aux jeux d’argent et ont ajouté que celui-ci n’avait pu d’ailleurs justifier de l’origine des fonds qui lui auraient permis de prêter des sommes considérables, sa déconfiture au moment des faits étant avérée par l’existence d’une procédure collective, tout en constatant enfin qu’il ne pouvait prétendre avoir ignoré la destination des sommes litigieuses ; que la cour d’appel, ayant dans ces conditions jugé qu’il était établi qu’il s’agissait de fonds destinés au jeu, ayant permis à l’emprunteur aussi bien de payer ses dettes que de continuer à jouer en dehors d’un établissement dans lequel le jeu est régulièrement autorisé, en a à juste titre déduit que M. Y… était en droit à se prévaloir de l’article 1965 du code civil interdisant toute action pour une dette de jeu ; que le moyen, qui manque en fait en ses deuxième et cinquième branches, n’est fondé en aucun de ses griefs ».

Cass. Civ 1ère . 4 novembre 2011 Pourvoi 10-24007 

Cette récente jurisprudence vient titiller les juristes car elle rappellera à bon nombre d’entre nous des souvenirs de faculté sur cette obscure notion qu’est la cause du contrat.

Elle nous plonge également dans le monde de l’addiction et du jeu où s’immisce le droit sous le manteau de la moralité.

Toute chose a une cause : 

Longtemps objet de nombreuses discussions et de grands débats doctrinaux, la cause du contrat trouve sa définition moderne dans le mobile déterminant.

L’article 1131 du Code Civil indique en effet que « l’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ».

Aussi, si cet élément vient à faire défaut, la sanction appliquée sera la nullité de la convention ramenant chaque cocontractant à l’état antérieur à son engagement.

Pour autant, l’existence d’une cause est insuffisante à garantir la validité d’un contrat dont les stipulations doivent respecter l’ordre public.

L’article 1133 du Code Civil précise donc les caractéristiques que doit revêtir le mobile déterminant et l’habille de licéité et de moralité :

« La cause est illicite, quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes moeurs ou à l’ordre public ».

Bien que le contrat est force de loi entre les parties, il n’empêche pas les considérations d’intérêt général de primer sur les desiderata dictés par les intérêts particuliers.

Les justiciables ne pourront donc conclure un bail pour installer une nouvelle Madame Claude et ses protégées.

Ils ne pourront guère plus acquérir des tables de black-jack destinées à un tripot clandestin ou des planches d’impression pour la fabrication de fausse monnaie.

La moralité, c’est bien là la frontière entre le droit civil et le droit pénal ou entre l’activité honnête et l’enrichissement frauduleux.

Bien mal acquis ne profite jamais : 

Un contrat peut être annulé pour cause illicite ou immorale même lorsque l’une des parties n’a pas eu connaissance du caractère illicite ou immoral du motif déterminant de la conclusion du contrat.

Cass. Civ 1ère. 7 octobre 1998 Pourvoi 96-14359 

Les lourdes conséquences de l’atteinte portée à l’ordre public appellent à la méfiance des naïfs et des confiants.

D’autant que si l’un et l’autre des cocontratants avaient de mauvais desseins dont la preuve est rapportée, la nullité ne donnera pas lieu aux restitutions normalement consécutives à cette sanction.

Cass. Civ 1ère. 22 juin 2004 Pourvoi 01-17258 

L’article 1965 du Code Civil ajoute encore à cette sanction puisqu’il précise que « La loi n’accorde aucune action pour une dette du jeu ou pour le paiement d’un pari ».

Cependant lorsque l’activité est autorisée par la loi et réglementée par les pouvoirs publics, les clients notamment du Pari Mutuel Urbain ou de la Française Des Jeux ne peuvent se prévaloir de l’exception de l’article 1965 pour s’opposer à l’action en recouvrement.

Mais si le créancier se prévaut d’une dette d’origine douteuse ou ayant une cause illicite, le principe reprend toute sa force : le débiteur ne sera alors pas tenu au paiement.

Tel est le cas lorsque un casino a consenti un prêt à son client pour lui permettre de jouer ou quand un directeur de cercle de jeu a remis à un joueur non membre du cercle, contre un chèque sans provision, des jetons pour alimenter le jeu.

Cass. Civ 1ère. 16 mai 2006 Pourvoi 04-13225 

Cass. Crim. 15 novembre 1993 Pourvoi 93-80205 

Dans son arrêt du 4 novembre 2011, la Cour de Cassation a fait une juste application du principe de l’article 1965 du Code Civil en relevant que les fonds, objet du prêt, étaient destinés au jeu.

Nul doute que certains individus trouveront des moyens d’exécution forcée qui pallieront les condamnations du juge et les interventions de l’huissier.