Censure des juges de Strasbourg de la rétroactivité d’un revirement de jurisprudence défavorable

Le 01/08/12

Avant de faire un petit tour en vacances, je vous propose aujourd’hui un petit retour sur une récente décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme du 10 juillet dernier.

Déjà évoqués dans ces pages, les juges de Strasbourg se sont prononcé sur l’application rétroactive d’un revirement jurisprudentiel modifiant le calcul des remises de peines et donc la durée de la détention.

CEDH, 3esect., 10 juill. 2012, Del Rio Prada, req. n° 42750/09 

En l’espèce, la requérante avait été condamnée entre 1988 et 2000 à plusieurs peines privatives de liberté successives dont le total s’élevait à … 3 000 ans.

Cependant, le code pénal espagnol, la jurisprudence et la pratique des autorités pénitentiaires permettaient de limiter à 30 ans la durée de sa détention et d’imputer les remises de peine pour travail sur ce total.

Le nombre d’année d’incarcération pouvait dès lors être réduit grâce à ce système favorable à la condamnée et valorisant ses efforts de réinsertion.

Au début de l’année 2008, la requérante était donc avisée que la date de sa remise en liberté était fixée au 2 juillet 2008 selon l’état du droit espagnol.

Mais contre toute attente, un revirement de jurisprudence du Tribunal suprême du 28 février 2006 devait modifier l’heure de sa libération.

Suite à cette décision, l’Audiencia Nacional demanda aux autorités pénitentiaires d’annuler la date prévue de mise en liberté et d’effectuer un nouveau calcul par une ordonnance du 19 mai 2008.

Or le nouveau calcul entraînait une aggravation de sa peine de 9 ans environs, particulièrement défavorable à la condamnée.

Face à cette situation, elle saisissait donc la Cour Européenne des Droits de l’Homme par requête du 3 août 2009.

Au soutien de ses prétentions, la requérante invoquait l’article 7 de la Convention qui dispose :

« 1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise.

2. Le présent article ne portera pas atteinte au jugement et à la punition d’une personne coupable d’une action ou d’une omission qui, au moment où elle a été commise, était criminelle d’après les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées».

La Cour a donc eu à se prononcer sur les effets du revirement de jurisprudence espagnol et ses conséquences au regard de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales.

Après étude des arguments réciproques, elle relève :

« si elle admet l’argument du Gouvernement selon lequel le calcul des bénéfices pénitentiaires en tant que tel sort du champ d’application de l’article 7, la manière dont les dispositions du code pénal de 1973 ont été appliquées allait au-delà. Dans la mesure où le changement de la méthode de calcul de la peine à purger a eu des conséquences importantes sur la durée effective de la peine au détriment de la requérante, la Cour estime que la distinction entre la portée de la peine infligée à la requérante et les modalités de son exécution n’apparaissait donc pas d’emblée (voir, mutatis mutandis, Kafkaris, précité, § 148).

(…)

A la lumière de tout ce qui précède, la Cour estime qu’il était difficile, voire impossible, pour la requérante de prévoir le revirement de jurisprudence du Tribunal suprême et donc de savoir, à l’époque des faits, ainsi qu’au moment où toutes ses peines ont été cumulées, que l’Audiencia Nacional ferait un calcul des remises de peines sur la base de chacune des peines individuellement imposées et non sur celle de la peine totale à purger, allongeant ainsi substantiellement la durée de son emprisonnement.

Dès lors, il convient de rejeter l’exception préliminaire du Gouvernement et de conclure qu’il y a eu violation de l’article 7 de la Convention ».

Les conséquences de cette analyse ont donc conduit les juges de Strasbourg a déclarer que :

– depuis le 3 juillet 2008, la requérante était détenue irrégulièrement,

– l’État espagnol devait assurer sa remise en liberté dans les plus brefs délais.

Retour sur l’obligation de détention d’un éthylotest pour tout conducteur de véhicule terrestre à moteur

Le 25/07/12

 « Parfois je m’imagine sur la route des vacances

En bon chef de famille, au volant d’un monospace

Avec un cercle en plastique, on appuie dessus ça sort, ça fait porte gobelet

Et un truc très pratique pour ranger les pièces de monnaie ».

Ces quelques lignes tirées d’une chanson de Benabar évoqueront aux juilletistes et aux aoûtiens les départs en vacances.

Pour ma part, elles sont l’accroche idéale pour évoquer les questions très actuelles de prudence et de vigilance sur les routes.

Afin de partir serein, il faut voyager léger mais bien équipé : triangle de pré-signalisation, gilet de sécurité….et depuis peu éthylotest.

Ce n’est pas un hasard mais une profonde réflexion qui a conduit à l’adoption du Décret n° 2012-284 du 28 février 2012 relatif à la possession obligatoire d’un éthylotest par le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur .

Si « en 2011, l’alcool a causé la mort de 1150 personnes », il était indispensable de tirer les conséquences de ce douloureux constat.

Un premier pas à destination des professionnels : 

Les professionnels de la nuit, tenanciers de discothèques, bars à ambiance musicale et autres cabarets, ont été les premiers à passer de la sensibilisation à l’action.

L’arrêté du 24 août 2011 relatif aux conditions de mise à disposition de dispositifs certifiés permettant le dépistage de l’imprégnation alcoolique dans les débits de boissons a marqué les esprits.

Il a fixé les modalités d’application (délai de mise à disposition, nombre des dispositifs et caractéristiques techniques) de l’article L 3341-4 du Code de la Santé Publique qui dispose :

« Dans les débits de boissons à consommer sur place dont la fermeture intervient entre 2 heures et 7 heures, un ou plusieurs dispositifs permettant le dépistage de l’imprégnation alcoolique doivent être mis à la disposition du public».

Ainsi, depuis le 1er décembre 2011, cet arrêté impose aux responsables de l’exploitation des établissements concernés de s’assurer que la demande de dépistage peut être satisfaite dans un délai inférieur à quinze minutes.

Un second pas concernant les particuliers : 

Les automobilistes sont désormais directement impliqués par la détention d’un éthylotest depuis le Décret n° 2012-284 du 28 février 2012 entré en vigueur le 1er juillet 2012.

L’obligation prévue par ce texte marque un renforcement de la responsabilisation individuelle bien que la répression ne sera mise en oeuvre qu’à partir du 1er novembre 2012.

Pour l’heure, les policiers et/ou gendarmes doivent se cantonner à rappeler cette obligation lors des contrôles routiers.

Mais le décret astreint tout conducteur d’un véhicule de posséder un éthylotest :

– non usagé,

– disponible immédiatement

– et satisfaisant aux conditions de validité.

Cependant, le texte précise que le conducteur d’un véhicule équipé d’un dispositif d’antidémarrage par éthylotest électronique ainsi que le conducteur d’un autocar équipé d’un tel dispositif est réputé en règle.

Par ailleurs, les conducteurs de 2 ou 3 roues, dont la cylindrée ne dépasse pas 50 cm3, ne sont pas concernés par cette obligation.

Malgré ces avancés, il faudra attendre quelques mois avant de percevoir les effets de ces réglementations.

L’obligation est une chose, son application en est une autre .

Cette dernière est l’affaire de chacun car comme ne cesse de le rappeler la Sécurité Routière, au volant nous sommes « tous responsables »

Voies d’exécution : la recherche d’emploi est une activité professionnelle comme les autres

Le 23/07/12

L’année 2012 s’habille d’austérité et de rigueur comme chacun se le rappelle à grand renfort de médias et d’analyses économiques.

Le soleil n’y fait rien, les mots sur la crise s’imposent dans chaque discussion au même titre que les prévisions météorologiques.

Je m’inscris donc dans cet air du temps pour glisser quelques mots sur une jurisprudence récente de la Cour Cassation illustrant – s’il en était besoin – que les juges adaptent le droit aux évolutions de la société et aux maux qui la touchent.

Lorsque le ciel s’assombrit et que les dettes s’accumulent, celui que les justiciables craignent de voir frapper à leur porte est sans conteste l’huissier de justice.

Cet officier ministériel « mal-aimé » est le professionnel de l’exécution des décisions de justice et des voies forcées de recouvrement qu’elles autorisent.

Il peut notamment procéder aux actes de saisie vente consistant à immobiliser les biens d’un débiteur pour procéder à leur vente afin de rembourser son créancier.

La Loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution et son Décret d’application n°92-755 du 31 juillet 1992 encadrent cependant strictement cette voie d’exécution.

Ainsi ces textes ne permettent pas de recourir à cette mesure lorsque la créance est inférieure à 535,00 euros et est de nature alimentaire, sauf à ce que les saisies sur compte bancaire ou sur rémunération précédentes se soient révélées infructueuses.

A cela s’ajoute une limitation tenant aux biens, objets de la mesure : le débiteur ne peut de ce fait être privé de certains meubles auxquels l’utilité quotidienne donne un caractère indispensable.

Pour cette raison, l’article 14 de la Loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 exclut des biens saisissables « Les biens mobiliers nécessaires à la vie et au travail du saisi et de sa famille, si ce n’est pour paiement de leur prix ».

L’article 39 du Décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 précisent encore que sont «nécessaires à la vie et au travail du débiteur saisi et de sa famille:

Les vêtements;

La literie;

Le linge de maison;

Les objets et produits nécessaires aux soins corporels et à l’entretien des lieux;

Les denrées alimentaires;

Les objets de ménage nécessaires à la conservation, à la préparation et à la consommation des aliments;

Les appareils nécessaires au chauffage;

La table et les chaises permettant de prendre les repas en commun;

Un meuble pour abriter le linge et les vêtements et un meuble pour ranger les objets ménagers;

Une machine à laver le linge;

Les livres et autres objets nécessaires à la poursuite des études ou à la formation professionnelle;

Les objets d’enfants;

Les souvenirs à caractère personnel ou familial;

Les animaux d’appartement ou de garde;

Les animaux destinés à la subsistance du saisi, ainsi que les denrées nécessaires à leur élevage;

Les instruments de travail nécessaires à l’exercice personnel de l’activité professionnelle».

Ces dispositions ouvrent droit à une voie de contestation contre la saisie des biens concernés qui suspend la procédure dont ces biens sont l’objet.

En application de l’article 130 du Décret du 31 juillet 1992, il appartient au Juge de l’Exécution près du Tribunal de Grande Instance de connaître de ces litiges.

En effet, selon l’article L 213-6 du Code de l’Organisation Judiciaire, il « connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire ».

Il peut être saisi par le débiteur ou par l’huissier de justice dans le mois suivant la signification de l’acte de saisie.

Dans le cadre de cette procédure orale, l’inventaire des biens dressé par l’huissier est ainsi débattu en audience publique.

C’est à l’occasion d’une telle contestation que les juges de la Cour de Cassation se sont récemment prononcés sur la notion d’« instruments de travail nécessaires à l’exercice personnel de l’activité professionnelle ».

Etait en cause le matériel informatique du débiteur qui ne bénéficie pas d’une « présomption » d’insaisissabilité pour ne pas être expressément visé dans la liste de l’article 39 du Décret du 31 juillet 1992.

Ce bien n’est pas inconnu de la jurisprudence car sa nature et son utilité font parfois obstacle à sa vente forcée.

Aussi, il est à l’origine d’une réponse ministérielle du 18 août 2003 dans laquelle le Ministre de la Justice a souligné que « s’il ne sert pas à l’exercice de l’activité professionnelle, l’ordinateur personnel ne peut être considéré comme insaisissable ».

Dans l’espèce du 28 juin 2012, le matériel informatique du débiteur avait été immobilisé lors des opérations de saisie vente.

La question du caractère d’instrument de travail de l’ordinateur semblait alors ne pas s’être posée puisque son propriétaire était sans emploi.

Pourtant, la saisissabilité du bien a été contestée jusqu’en cassation.

Au terme de leur analyse, les juges de la Cour suprême considèrent « qu’un ordinateur utilisé pour la recherche d’un emploi doit être assimilé à un instrument nécessaire à l’exercice personnel d’une activité professionnelle».

Cass. Civ 2ème 28 juin 2012 Pourvoi n°11-15055 

Eu égard à la conjoncture actuelle, il apparaît que la définition d’outil de retour à l’emploi prime sur celle d’instrument de travail effectif.

Placement en garde à vue pour infraction à la législation des étrangers : un avis qui change tout

Le 11/06/12

Depuis plusieurs mois, l’entrée et le séjour irrégulier réprimée par l’article L621-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile sont au coeur de nombreuses discussions.

La directive dite « retour » 2008/115/CE du 16 décembre 2008 entrée en vigueur le 13 janvier 2009 en est la cause.

Sa transposition dans le droit interne et son application ont mis à jour deux problématiques concernant cette infraction, l’une tenant à sa répression, l’autre au placement en garde à vue consécutif à la procédure d’enquête.

Les premières interrogations ont bénéficié de l’éclaircissement de la Cour de Justice de l’Union Européenne au travers de sa jurisprudence.

Ainsi l’interprétation de la Directive retour dégagée par les arrêts des 28 avril et 6 décembre 2011 a permis de fixer le principe selon lequel l’entrée ou le séjour irrégulier ne peuvent être à l’origine d’une peine d’emprisonnement.

Par exception, la privation de liberté peut être mise en oeuvre si la procédure de retour établie par la Directive a été appliquée et que l’étranger séjourne irrégulièrement sur le territoire sans motif justifié de non-retour.

Les seconds questionnements ont été plus longs à trouver une issue juridique et ont entraîné une cacophonie bruyante entre les Cour d’Appel des quatre coins de la France.

Il aura fallu attendre un avis du 5 juin 2012 rendu par la Chambre criminelle de la Cour de Cassation pour que les considérations de légalité priment sur celles d’organisation des services de police, de gendarmerie et des préfectures.

En effet, il est parfois difficile de concevoir que la garde à vue sert exclusivement les besoins de l’enquête au sens de l’article 62-2 du Code de Procédure Pénale.

Dans le temps de cette mesure, il peut bien sûr être procédé aux recherches et investigations sur l’identité et les conditions d’entrée ou de séjour de l’étranger.

Mais il peut également n’y avoir que des diligences éparses qui ne justifient pas une privation de liberté, si ce n’est dans l’attente d’une décision d’éloignement et d’un placement en rétention administrative.

Désormais, la donne change puisque les Juges de la Cour Suprême relèvent :

« Il résulte de l’article 62-2 du code de procédure pénale issu de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 qu’une mesure de garde à vue ne peut être décidée par un officier de police judiciaire que s’il existe des raisons plausibles de soupçonner que la personne concernée a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’emprisonnement ; qu’en outre, la mesure doit obéir à l’un des objectifs nécessaires à la conduite de la procédure pénale engagée ; qu’à la suite de l’entrée en application de la directive du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants d’Etats tiers en séjour irrégulier, telle qu’interprétée par la Cour de justice de l’Union européenne, le ressortissant d’un Etat tiers mis en cause, pour le seul délit prévu par l’article L. 621-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers, n’encourt pas l’emprisonnement lorsqu’il n’a pas été soumis préalablement aux mesures coercitives visées à l’article 8 de ladite directive ; qu’il ne peut donc être placé en garde à vue à l’occasion d’une procédure diligentée de ce seul chef ».

Cass. Crim. Avis n° 9002 du 5 juin 2012 

Au terme de cette analyse, il apparaît que les deux problématiques précédemment évoquées demeurent indiscutablement liées :

– par principe, l’infraction d’entrée ou de séjour irrégulier ne peut donner lieu à une peine d’emprisonnement.

– Or, le placement en garde à vue ordonné que pour les nécessités de l’enquête ne peut s’appliquer qu’en cas de flagrance lorsqu’un crime ou un délit est puni de prison.

CQFD : Tout placement en garde à vue de ce chef est donc illégal.

Un mois après l’avis de la chambre criminelle, la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation a fait sienne cette analyse au terme de trois arrêts du même jour.

Les juges confirment ainsi :

« Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (arrêts du 28 avril 2011, C-61/PPU, et du 6 décembre 2011, C-329/11) que la directive 2008/115/CE s’oppose à une réglementation nationale réprimant le séjour irrégulier d’une peine d’emprisonnement, en ce que cette réglementation est susceptible de conduire, pour ce seul motif, à l’emprisonnement d’un ressortissant d’un pays tiers, lorsque ce dernier, non disposé à quitter le territoire national volontairement, soit n’a pas été préalablement soumis à l’une des mesures coercitives prévues à l’article 8 de cette directive, soit, a déjà fait l’objet d’un placement en rétention, mais n’a pas vu expirer la durée maximale de cette mesure ; qu’en outre, en cas de flagrant délit, le placement en garde à vue n’est possible, en vertu des articles 63 et 67 du code de procédure pénale, applicables à la date des faits, qu’à l’occasion d’enquêtes sur les délits punis d’emprisonnement ; qu’il s’ensuit que le ressortissant d’un pays tiers, en séjour irrégulier en France, qui n’encourt pas l’emprisonnement prévu par l’article L. 621-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile lorsqu’il se trouve dans l’une ou l’autre situation exposée par la jurisprudence européenne précitée, ne peut être placé en garde à vue à l’occasion d’une procédure de flagrant délit diligentée de ce seul chef » .

Cass. Civ 1ère. 5 juillet 2012 Pourvoi n°11-30371 

Cass. Civ 1ère. 5 juillet 2012 Pourvoi n°11-19250 

Cass. Civ 1ère. 5 juillet 2012 Pourvoi n°11-30530 

Pour l’heure, le débat semble clos. Cependant, nul doute que la définition des mesures dites « coercitives » sera sujet à de nouvelles discussions.

Le droit ne connaît pas l’ennui…

Profession d’Avocat : porte ouverte à l’accès

Le 21/05/12

A toutes destinations, il n’est pas un seul chemin qui conduit. 

 

Chacun est libre de choisir à son gré entre autoroutes et départementales, entre transports routiers et voyages ferroviaires. 

 

 

C’est ainsi qu’il n’existe pas une voie pour entrer dans la Profession d’Avocat : bien sûr il y a un itinéraire conseillé destinés aux plus grand nombre mais aussi quelques raccourcis connus des aguerris. 

 

Les étudiants en droit passent l’examen d’entrée au CRFPA pour y suivre un enseignement d’un an et demi avant de présenter le Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat. 

 

Les notaires, huissiers de justice, maîtres de conférences et autres juristes justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle sont dispensés de la formation théorique et pratique et de l’examen final. 

 

 

Promulgué le 3 avril 2012, le décret n° 2012-441 relatif aux conditions particulières d’accès à la profession d’avocat a mis en place une nouvelle passerelle et modifié l’article 97 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la Profession d’Avocat. 

 

L’article 5 dudit décret prévoit ainsi que : 

 

« Les personnes justifiant de huit ans au moins d’exercice de responsabilités publiques les faisant directement participer à l’élaboration de la loi sont dispensées de la formation théorique et pratique et du certificat d’aptitude à la profession d’avocat ». 

 

Les portes de l’avocature s’ouvrent donc à la classe politique. 

 

 

Pour autant, un examen de contrôle des connaissances en déontologie et en réglementation professionnelle est prévu afin que les valeurs et principes qui s’attachent à la fonction d’auxiliaire de Justice, soient parfaitement intégrés par les nouveaux venus. 

 

Les obligations du serment d’Avocat ne sauraient, en effet, être supplantées par la connaissance du droit et l’expérience professionnelle. 

 

L’arrêté du 30 avril 2012 fixe donc le programme et les modalités de cet examen de contrôle organisé une fois par an. 

 

 

Déontologiques, organisation professionnelle, modalités de l’exercice professionnel et responsabilité civile professionnelle sont autant éléments dont la connaissance doit être parfaitement acquise. 

 

Aussi un examen consiste-t-il à contrôler le candidat en le soumettant à l’évaluation d’un jury durant trente minutes. 

Le prétendant à l’avocature devra obtenir une note au moins égale à 12 sur 20 pour être admis à cet oral. 

 

 

Si la porte de la Profession n’est pas fermée aux professionnels du droit, encore faut-il avoir le sésame qui permet de l’ouvrir. 

 

Droits et contributions : quand la solidarité financière guide le Conseil Constitutionnel

Le 06/05/12

La Loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 précédemment évoquée a instauré :

– une contribution pour l’aide juridique de 35 euros due par le demandeur en matière civile, commerciale, prud’homale, sociale ou rurale devant les juridictions judiciaires et administratives applicables aux instances engagées entre le 1er octobre 2011 et le 31 décembre 2013,

– un droit d’un montant de 150 euros affecté au fonds d’indemnisation de la profession d’avoués près les cours d’appel dû par les parties applicables aux appels interjetés à compter du 1er janvier 2012.

On ne peut feindre que ces dispositions témoignent des besoins du financement du service public de la Justice.

Surtout, elles interrogent sur l’accessibilité au droit et la solidarité contributive demandé aux justiciables.

C’est ainsi qu’entre discussion et contestation, ces dispositions ont donné lieu à une question prioritaire de constitutionnalité soumise au Conseil Constitutionnel portant sur leur conformité aux droits et libertés de la Constitution.

Les sages ont donc pris position suite à une double saisine de la Cour de cassation (le 26 janvier 2012) et du Conseil d’État (le 3 février 2012).

Par décision du 13 avril 2012, le Conseil Constitutionnel s’est prononcé comme il suit :

« 4. Considérant que, selon les requérants et les parties intervenantes, l’instauration d’une contribution pour l’aide juridique de 35 euros due par instance introduite devant une juridiction non pénale et d’un droit de 150 euros dû par les parties à l’instance d’appel lorsque la représentation est obligatoire méconnaissent le droit à un recours juridictionnel effectif ainsi que les droits de la défense et portent atteinte au principe d’égalité devant l’impôt et les charges publiques ; qu’en renvoyant au décret le soin de définir les conséquences, sur la suite de la procédure, de l’absence de paiement de ces contributions, le législateur aurait en outre méconnu l’étendue de sa compétence ;

(…)

9. Considérant que, par les dispositions contestées, le législateur a poursuivi des buts d’intérêt général ; que, eu égard à leur montant et aux conditions dans lesquelles ils sont dus, la contribution pour l’aide juridique et le droit de 150 euros dû par les parties en instance d’appel n’ont pas porté une atteinte disproportionnée au droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction ou aux droits de la défense ; 

10. Considérant qu’en instituant la contribution pour l’aide juridique et le droit de 150 euros dû par les parties à l’instance d’appel, le législateur a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels ; qu’il a pris en compte les facultés contributives des contribuables assujettis au paiement de ces droits ; que, si le produit du droit de 150 euros est destiné à l’indemnisation des avoués, le principe d’égalité devant l’impôt et les charges publiques n’imposait pas que l’assujettissement au paiement de ce droit fût réservé aux instances devant les seules cours d’appel où le monopole de la représentation par les avoués a été supprimé par la loi du 25 janvier 2011 susvisée ; qu’aucune de ces contributions n’entraîne de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques » .

Conseil Constitutionnel 13 avril 2012 n° 2012-231/234 QPC 

Au terme de leur analyse, les sages ont déclaré les dispositions législatives soumises à leur contrôle conformes à la Constitution.

Ce sont les buts d’intérêt général poursuivis par le Législateur qui sont mis en avant dans cette décision très attendue et sollicitée par les deux hautes juridictions judiciaires et administratives.

La solidarité financière entre les justiciables est d’abord évoquée en application de l’article 13 de la Déclaration de 1789 pour justifier la contribution pour l’aide juridique.

Le coût de la mise en oeuvre de la réforme de la garde à vue 2011 et de l’intervention de l’avocat au cours de cette mesure résultant de la loi du 14 avril semble suffire à lui seul à expliquer le règlement des 35 euros.

Le nécessaire financement de l’indemnisation des avoués près les cours d’appel prévue par la Loi du 25 janvier 2011 est ensuite souligner pour légitimer le droit affecté à cette profession.

Le paiement de 150 euros ressort de la « simplification et de la modernisation » de la justice ayant entraîné la disparition d’une profession sans disposer du budget propre à son indemnisation.

A l’issue du débat, il ressort de cette décision que le financement du service public de la Justice doit relever de l’effort de chacun.

Les justiciables supporteront donc la charge des droits et contributions et que les professionnels du droit en assumeront la collecte.

Contentieux de la rétention : la double compétence du juge civil et du juge administratif

Le 30/04/12

Le placement en rétention administrative d’un étranger en séjour irrégulier est une décision relevant de la compétence du représentant de l’Etat dans le Département, le Préfet.

En application de l’article L 551-2 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile, cette décision « est prise par l’autorité administrative, après l’interpellation de l’étranger et, le cas échéant, à l’expiration de sa garde à vue, ou à l’issue de sa période d’incarcération en cas de détention ».

La privation de liberté et le transport au Centre de Rétention Administratif ressortent donc d’un arrêté préfectoral et non d’un acte judiciaire.

Dans un arrêt du 12 avril 2012, la Cour de Cassation a ainsi rappelé que le premier président d’une cour d’appel ne peut ordonner le placement en rétention administrative d’un étranger mais seulement prolonger une telle mesure.

Cass. Civ. 1ère 12 avril 2012 Pourvoi n° 11-11904 

Cette jurisprudence est l’occasion d’évoquer le contentieux de la rétention administrative au travers de la compétence du juge civil et du juge administratif.

Le Tribunal Administratif, juge de la légalité du placement en rétention : 

L’adoption de la Loi n°2011-672 du 16 juin 2011 a modifié l’ordre d’intervention des deux ordres juridictionnels pour donner la priorité au juge administratif.

Pour autant, la forme de sa saisine ainsi que sa compétence n’ont pas évoluées et demeurent déterminées par l’ article L 512-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile :

« En cas de décision de placement en rétention ou d’assignation à résidence en application de l’article L. 561-2, l’étranger peut demander au président du tribunal administratif l’annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification. Lorsque l’étranger a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, le même recours en annulation peut être également dirigé contre l’obligation de quitter le territoire français et contre la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention ou d’assignation ».

Il appartient donc à l’étranger qui conteste l’arrêté pris à son encontre ordonnant son transport au Centre de Rétention Administrative, de saisir le juge par requête.

Ce recours juridictionnel tend à l’obtenir l’annulation de l’acte administratif assortie d’une remise en liberté immédiate.

Cependant, le contrôle du juge ne porte que sur la légalité de l’arrêté de placement et la nécessité de la rétention administrative.

Les conditions d’interpellation de l’étranger ou de placement en garde à vue ne relèvent pas de la compétence du Tribunal Administratif.

Aussi seuls les moyens fondés sur l’illégalité externe, l’illégalité interne et/ou la violation d’une convention internationale opposable à la FRANCE pourront être soulevés par l’étranger ou son conseil.

Le recours introduit dans un délai de 48 heures à compter de la notification de la décision de placement en rétention, donne lieu à une audience publique sans rapporteur publique dans le cadre spécifique d’une procédure orale.

Le Tribunal Administratif statue dans les 72 heures à compter de sa saisine par jugement susceptible d’un appel non suspensif d’exécution.

Le Juge des Libertés et de la Détention, gardien des libertés individuelles : 

La compétence du juge civil varie par la nature de son contrôle qui porte sur la rétention administrative, sa mise en oeuvre de cette mesure et les conditions d’hébergement.

Son intervention se poursuit donc tout au long du séjour du retenu au Centre de Rétention Administrative jusqu’à sa sortie ou son retour.

Au contraire du juge administratif, le Juge des Libertés et de la Détention n’est, sauf exception, pas saisi d’un recours mais d’une simple requête à l’initiative du Préfet.

L’article L 552-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile dispose ainsi :

« Quand un délai de cinq jours s’est écoulé depuis la décision de placement en rétention, le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention ».

C’est à cette occasion que l’étranger pourra soumettre au gardien des libertés individuelles le contrôle de la légalité de la procédure pénale ayant précédé son transport au Centre de Rétention Administrative.

Tous les moyens d’irrecevabilité, de nullité ou d’ irrégularité pourront être soulevés pour s’opposer à la prolongation de la rétention pour un durée de vingt jours supplémentaires.

Si l’étranger bénéficie d’un passeport en cours de validité et de garanties de représentation effectives et suffisantes, il pourra solliciter son assignation à résidence dans l’attente de son retour.

A l’issue des débats tenus en audience publique, le Juge des Libertés et de la Détention statue dans les 24 heures à compter de sa saisine par ordonnance susceptible d’appel.

En cas de rejet de la requête en prolongation du Préfet, l’étranger est maintenu à la disposition durant 6 heures dans l’attente d’un éventuel appel du Procureur de la République.

Comme on l’aura compris, dans l’une ou l’autre des instances engagées, le litige oppose toujours le Préfet et au retenu.

Si le juge administratif peut annuler ou confirmer la décision de placement en rétention administrative, le juge civil ne peut qu’ordonner ou rejeter la prolongation de cette mesure.

Mais quel que soit le juge saisi, le Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile prévoit dans ses articles L 512-1 et L 552-1 que l’étranger peut demander au Président de la juridiction de lui désigner un conseil d’office.

Le critère d’extranéité dans les contrôles d’identité : précision de la Cour de Cassation

Le 04/04/12

Les dispositions de l’article 78-2 du Code de Procédure Pénale limitent les contrôles d’identité opérés par les services de police et de gendarmerie à quatre situations précises, à savoir :

– S’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’une personne a commis, tenté de commettre une infraction ou qu’elle se prépare à commettre un crime ou un délit ou encore qu’elle est susceptible de fournir des renseignements utiles en cas de crime ou de délit,

– Sur réquisitions écrites du Procureur de la République dans des lieux et pour une période de temps déterminé en vue de la recherche d’auteurs d’infractions limitativement énumérées,

– En prévention des atteintes à l’Ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens,

– Lors des contrôles réalisés dans la zone Schengen ou les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouvertes au trafic international.

Comme déjà précisé dans ces pages , la Loi n°2011-267 dite LOPPSI a savamment encadré ces derniers types de contrôles aux fins de se conformer aux principes dégagées par la Cour de Justice de l’Union Européenne.

Cependant quelque soit l’un des quatre cadres précités, il est une question récurrente qui subsiste.

L’article L611-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile rappelle en effet que :

« A la suite d’un contrôle d’identité effectué en application des articles 78-1, 78-2 et 78-2-1 du code de procédure pénale, les personnes de nationalité étrangère peuvent être également tenues de présenter les pièces et documents visés à l’alinéa précédent (pièces ou documents sous le couvert desquels elles sont autorisées à circuler ou à séjourner en France). »

Pour autant, le texte ne précise pas les éléments qui permettent de présumer de l’extranéité de l’individu soumis au contrôle et tenu de justifié de la légalité de son séjour sur le territoire.

Bien évidemment la déduction de nationalité ne peut se fonder sur des motifs discriminatoires ou des indices physiques lors de ces contrôles non systématiques.

Aussi les moyens de détermination de la qualité apparente de ressortissant étranger demeurent-t-ils obscurs.

Dans un arrêt du 28 mars dernier, les juges de la Haute Cour sont venus apportés quelques précisions sur les critères applicables à l’analyse, critères qui se révèlent aussi factuels que variables.

En l’espèce, le séjour irrégulier avait été révélé à la suite à un contrôle d’identité requis par le Procureur de la République.

L’extranéité ressortait selon les procès verbaux de police du fait que l’intéressé était né à l’étranger et ne répondait pas aux questions relatives à sa date de naissance.

La Cour de cassation censure cette appréciation :

« Attendu que l’ordonnance retient à bon droit que, si l’article L. 611-1, alinéa 2, du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile autorise les services de police, à la suite d’un contrôle opéré en application de l’article 78-2 du code de procédure pénale, à requérir la présentation des documents sous le couvert desquels une personne de nationalité étrangère est autorisée à circuler ou séjourner en France, cette faculté est cependant subordonnée à la constatation de la qualité d’étranger, laquelle doit se déduire d’éléments objectifs extérieurs à la personne même de l’intéressé ; que le fait d’être né à l’étranger et de ne pas répondre aux questions relatives à sa date de naissance ne constitue pas un élément objectif déduit des circonstances extérieures à la personne, susceptible de présumer la qualité d’étranger ; d’où il suit que le moyen n’est pas fondé« .

Cass. Civ 1ère 28 mars 2012 Pourvoi n°11-11099 

Si l’on sait désormais que la nationalité étrangère doit se déduire « d’éléments objectifs extérieurs », une définition de ces éléments serait fort opportune.

Petite évolution du « plaider-coupable », grande révolution de l’instance correctionnelle

Le 31/03/12

De tous les domaines juridiques, le Droit Pénal est sans doute celui qui a subi les plus grandes évolutions ces vingt dernières années.

La multiplication des articles du Code de Procédure Pénale est là pour en témoigner.

Aussi les formes du procès classiquement connues en la matière ont été modifiées par soucis d’adaptation sociale, de convenance politique ou en réponse à des événements dramatiques.

Aujourd’hui, il n’est donc plus question uniquement d’instances correctionnelles sur convocation , mais d’alternatives aux poursuites ou de procédures simplifiées.

Le langage du juriste s’est enrichi des termes ordonnance pénale, comparution immédiate, composition pénale et comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Cette dernière formule née de la Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité vise à écarter le débat sur le fond du dossier et à privilégier une sanction acceptée sur proposition du Procureur de la République.

Jusqu’à récemment, le « plaider-coupable » n’était accessible qu’aux prévenus poursuivis pour des délits punis à titre principal d’une peine d’amende ou d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans.

La Loi n°2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles a élargi ce cadre.

Désormais l’article 495-7 du Code de Procédure Pénale dispose :

« Pour tous les délits, à l’exception de ceux mentionnés à l’article 495-16 et des délits d’atteintes volontaires et involontaires à l’intégrité des personnes et d’agressions sexuelles prévus aux articles 222-9 à 222-31-2 du code pénal lorsqu’ils sont punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à cinq ans, le procureur de la République peut, d’office ou à la demande de l’intéressé ou de son avocat, recourir à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité conformément aux dispositions de la présente section à l’égard de toute personne convoquée à cette fin ou déférée devant lui en application de l’article 393 du présent code, lorsque cette personne reconnaît les faits qui lui sont reprochés ».

Cette réforme soulève de nombreuses interrogations qu’il convient de présenter en même temps que la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Du côté des magistrats, le constat parait simple à première vue.

Le législateur a souhaité faire primer la rapidité du traitement judiciaire afin de réduire les rôles (liste des affaires audiencées) des Tribunaux Correctionnels.

Le Procureur peut donc traiter tous les délits par le « plaider-coupable » à l’exception des délits de presse, des homicides involontaires, des délits politiques, des délits relevant de poursuites spéciales et des atteintes volontaires et involontaires à l’intégrité des personnes et agressions sexuelles les plus graves.

Si les faits sont reconnus et si les antécédents judiciaires sont limités, les dossiers délictuels peuvent donc être orientés vers cette procédure.

Mais la simplicité mise en avant pour valoriser la forme de cette instance créée nécessairement un déséquilibre.

Les pouvoirs des magistrats du parquet ont en effet été augmentés au détriment de ceux des magistrats du siège.

C’est ainsi que le Procureur la République va proposer une peine au prévenu qui, si elle est acceptée, devra être homologuée à l’audience publique se tenant dans le prolongement.

Le juge ne pourra alors que valider ou rejeter la proposition sans autre pouvoir d’appréciation ni sur le fond, ni sur la forme.

Ce système entraîne donc une nouvelle définition des rôles de chaque magistrat dans une procédure qui jusqu’alors ne s’appliquait qu’à certains délits.

On peut justement se demander si la rapidité rimera avec célérité à l’avenir.

Du côté des avocats, c’est la place du conseil qui s’inscrit dans une réflexion plus large de la fonction d’auxiliaire de justice.

Le prévenu ne peut renoncer à son droit d’être assisté par un avocat dont la présence est obligatoire lors de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Mais comme il l’a été précisé précédemment, l’aveux procédural et la culpabilité admise écartent toute discussion sur le fond du dossier.

Seul demeure donc le débat sur la peine et sa personnalisation.

Dans ce cadre, l’avocat conseille utilement son client sur l’opportunité d’accepter la procédure de « plaider-coupable » ainsi que sur la proposition du Procureur de la République au regard des éléments du dossier.

Il intervient aussi au travers de ses observations pour permettre une parfaite adaptation de la sanction à la situation du prévenu.

Mais le rôle de contrôle qui lui est dévolu par les articles 495-7 et suivants du Code de Procédure Pénale, ne s’exerce qu’au bénéfice de son client.

L’avocat reste le défenseur des libertés individuels et non le garant du respect de la procédure et sa légalité.

Ainsi son assistance ne saurait gommer les irrégularités du dossier, ni cautionner les choix du parquet comme c’est le cas pour sa présence en garde à vue.

D’autant que lorsqu’un débat sur les intérêts civils vient à s’ouvrir devant le juge de l’homologation, l’avocat retrouve toute sa latitude d’action, à condition toutefois que la juridiction soit enclin à accorder provision, expertise et renvoi sur intérêts civils.

Du côté des justiciables, d’autres problèmes se posent encore sur le plan pratique dans cette procédure qui peut ne pas apparaître aussi simplifiée.

Pour la partie civile, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ne modifie aucunement son droit à réparation qu’elle peut faire valoir devant le juge homologateur.

Si elle n’a pu exercer ce droit, elle pourra demander au Procureur de la République de faire citer le prévenu à une audience correctionnelle statuant sur les seuls intérêts civils.

Le prévenu quant à lui se trouve dans une situation différente de celle que l’on connaît devant le Tribunal Correctionnel.

Tout d’abord, il n’a pas le choix de se défendre seul dans cette instance, un avocat choisi ou commis lui étant obligatoirement dévolu.

L’article 495-8 du Code de Procédure Pénale impose ainsi la présence du conseil lors des déclarations et de la proposition de peine et précise que « l’intéressé étant informé que les frais seront à sa charge sauf s’il remplit les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle ».

L’économie de l’avocat est donc interdite dans le cadre des comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Ensuite, les aménagements de peine ab initio concernant les peines inférieures ou égales à un an d’emprisonnement sont difficilement compatibles avec le système du « plaider-coupable ».

Le Juge d’Application des Peines aura donc en charge de convoquer le condamné qui ne sera fixé sur une éventuelle semi-liberté ou un placement sous surveillance électronique qu’à cette occasion.

Dans cet intervalle, l’attente laissera place à quelques doutes.

Ce tableau des comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité et leur nouvelle organisation au regard de la Loi n°2011-1862 du 13 décembre 2011 ne pourra se dessiner plus précisément et dans toutes ses nuances qu’avec l’usage et la pratique.

En attendant, il appelle une grande vigilance dans l’exercice de la profession d’avocat et ouvre une discussion sur l’avenir du traitement des délits.

En effet, peut-on encore parler d’égalité des armes lorsque le Procureur de la République conserve entre ses mains l’opportunité des poursuites et l’opportunité des procédures ?

Le juge, l’avocat et le justiciable

Le 14/03/12

Depuis plusieurs mois, une forte tension règne lors des audiences correctionnelles de la Cour d’Appel de NIMES entraînant une lente dégradation des relations entre avocats et magistrats du ressort.

Les incidents qui se succèdent, perturbent ainsi le procès pénal.

Mais au-delà du rapport de force qui semble s’être installé, c’est le respect du aux fonctions de juges et d’auxiliaires de justice qui est en cause.

Devant l’ampleur du phénomène, le Conseil National des Barreaux a adopté une motion en assemblée générale des 10 et 11 février 2012 demandant au Ministre de la Justice et des Libertés d’ordonner une inspection.

En l’absence d’intervention, cet appel a été renouvelé le 13 mars dernier en échos au rassemblement organisé par les Avocats du ressort de la Cour d’Appel de NIMES le même jour.

Cette situation déplaisante ne peut que pousser à l’interrogation sur l’estime que se portent entre eux les acteurs de la Justice aujourd’hui…

A n’en pas douter, les échanges de mots et les gestes inappropriés au sein du prétoire traduisent une incompréhension du rôle réciproque des avocats et magistrats, ces maillons essentiels de la chaîne judiciaire.

Les uns ont pour mission de porter la parole des parties en toute égalité et en toute contradiction.

Les autres ont l’office de juger les faits selon le droit en toute équité et en toute impartialité.

Et tous participent à la bonne administration de la justice et concourent à la sérénité du déroulement de l’instance.

Or les uns et les autres doivent entretenir la confiance des justiciables, parties civiles ou prévenus, qui se retrouvent au coeur des débats.

La Justice est, en effet, rendue en leurs noms aux fins de garantir la paix sociale et l’effectivité des droits de chacun.

A défaut, ces mêmes justiciables seront les premiers à souffrir de la mutation des salles d’audience en arènes judiciaires.

Pour empêcher la tempérance de déserter le palais, il incombe à chacun, magistrats et avocats, de faire face à ses engagements respectifs.

L’article 21.4.3 du Code de Déontologie des Avocats Européens rappelle ainsi que :

« Tout en faisant preuve de respect et de loyauté envers l’office du juge, l’avocat défend son client avec conscience et sans crainte, sans tenir compte de ses propres intérêts ni de quelque conséquence que ce soit pour lui-même ou toute autre personne ».

De plus, l’article 6 de l’Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature dispose que :

« Tout magistrat, lors de sa nomination à son premier poste, et avant d’entrer en fonctions, prête serment en ces termes :

« Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder religieusement le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. »

Il ne peut, en aucun cas, être relevé de ce serment ».

Il en ressort que la considération est acquise à tous et entre tous à l’audience, seul le respect se gagne mais jamais au détriment d’une bonne justice.