Sire ! On en a gros…

Le 25/02/13

Qui n’a pas respiré ces derniers mois un certain parfum indélicat d’inquiétude dans l’atmosphère? Qui n’a pas entendu quelques paroles au souffle d’un ton cinglant raisonnées contre les murs? Qui n’a pas ressenti l’indifférence dans les regards des autres ou au fils de quelques échanges ?

Ainsi ai-je choisi d’ouvrir l’article de ce jour sur ces signes d’inconsidération et ces visages fermés dans l’air du temps.

En effet, l’incertitude nous fragilise tous en s’attaquant à la paix sociale aussi bien qu’à la sécurité matérielle.

Comme c’est humain, chacun d’entre nous réagit à sa façon face à la morosité ambiante et tente de se préserver autant que faire se peut.

Certains se complaisent dans un protectionnisme centré sur soi où « l’enfer c’est les autres » ; d’autres demeurent en éveil en se souvenant que l’étymologie latine de la société c’est d’abord la communauté.

Entre des espoirs et désespérance, il n’est pas de méthodes idéales pour avancer dans le bruit et dans la confusion sans se perdre.

Et sous ce vent de froideur, les portes du palais claquent elles aussi, laissant un malaise lentement s’installer au sein du monde judicaire.

Ainsi en mars 2012, je m’interrogeais sur l’estime que se portaient entre eux les acteurs de la Justice suite aux incidents répétés lors des audiences correctionnelles de la Cour d’Appel de NIMES.

Un an plus tard, le vernis se craquelle un peu plus sous la plume de Monsieur le Bâtonnier Christian Charrière-Bournazel, Président du Conseil National des Barreaux.

Dans son éditorial du 15 février 2013 , il dénonce la tyrannie de la suspicion frappant les avocats au travers d’un constat alarmant mais réel :

« Un abîme est en train de se creuser à nouveau entre les juges professionnels et les praticiens libéraux. Seuls les premiers seraient légitimes, les seconds suspects de tout. Par définition, le libéral serait malsain tandis que le fonctionnaire serait pur. Le secret serait le masque de la fraude. Ce n’est pas seulement un outrage, c’est le signe d’un dogmatisme insupportable ».

Je ne peux que m’interroger encore sur la réponse à donner à cette défiance croissante à laquelle l’Avocat est confronté dans sa mission quotidienne d’assistance et de représentation.

Le mépris n’est sans doute pas une fatalité pour l’auxiliaire de justice qui exerce ses fonctions avec « dignité, conscience, indépendance, probité et humanité ».

Ce clivage qui se fait plus pressant, a bien peu de sens si l’on se souvient qu’à l’origine, le Juge et l’Avocat sont tous deux issus des mêmes bancs de la faculté de Droit.

Ce n’est qu’après l’obtention d’un master ou d’un diplôme équivalent que les chemins de ces anciens étudiants se sont séparés avant de se retrouver, alors devenus professionnels, dans les prétoires.

Les magistrats ont suivi une formation de 31 mois en qualité d’auditeurs de justice organisée par l’Ecole Nationale de la Magistrature qu’ils ont intégrée après la réussite d’un concours national.

Les Avocats ont accédé quant à eux par la voie d’un examen au Centre Régional de Formation à la Profession d’Avocat qui les a préparé durant 18 mois à l’obtention du Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat.

Mais durant leurs initiations respectives, les deux apprentis juristes sont restés liés par leur formation alliant l’enseignement théorique à la pratique professionnelle.

L’un n’était jamais loin de l’autre, préparés au concours de l’ENM ou à l’examen du CRFPA par les mêmes organismes, les Instituts d’Etudes Judiciaires rattachés aux Universités de Droit.

Puis, sans trop savoir comment, ni pourquoi, l’esprit d’un Corps et la déontologie d’un Ordre les ont divisés.

Comme deux frères ennemis, les impératifs de coopération et l’appartenance à un même système judiciaire ne suffisent plus à les rassembler.

Désormais, l’Avocat peine à trouver sa place dans les débats que le Juge mène à force d’autorité et de rudesse, pressé d’objectifs et d’immédiateté.

Or, sous la mesure qui faillit, sous les échanges qui s’affaiblissent, c’est la Justice qui échappe à l’un et l’autre.

Aussi, au nom de ce système auquel l’Avocat et le Juge ont cru suffisamment, au moins à un moment, pour choisir les fonctions qui y étaient liées, l’équité et la sérénité ne doivent pas disparaître…

« La terreur ne réussit pas à la démocratie, parce que la démocratie a besoin de justice »

Edgar Quinet 

Regard sur la retenue d’un étranger aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour

Le 25/01/13

L’année 2012 aura été marquée par le débat sur le placement en garde à vue pour infraction à la législation des étrangers.

L’avis de la chambre criminelle de la Cour de Cassation du 5 juin 2012 puis les arrêts de la première chambre civile du 5 juillet 2012 ont mis fin définitivement aux controverses.

L’interprétation de la directive dite « retour » 2008/115/CE du 16 décembre 2008 s’en est trouvée clarifié et s’est imposée – non sans peine – à l’ensemble des juridictions civiles et pénales.

Pour autant, cette évolution de la répression a laissé un certain vide compliquant le travail des services de police et de gendarmerie ainsi que les démarches de retour des Préfectures.

Les premiers se sont vu privés des moyens leur permettant de garder à disposition durant quelques heures les étrangers soupçonnés de séjourner irrégulièrement en France.

Les secondes, contraintes de se prononcer sans délai sur les mesures d’éloignement, ont vu leur pouvoir limité par leurs propres horaires d’accueil.

C’est ainsi que la Loi n°2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées a pallié le manque.

Entrée en vigueur le 1er janvier 2013, cette législation est venue au secours des services de l’Etat par la création d’un nouveau régime de privation de libertés destiné exclusivement aux étrangers.

Les articles L 611-1 et suivants qui fixent les conditions de la retenue, ont été intégrés dans le Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile.

Pour autant, ce n’est que très symboliquement que cette retenue ne relève pas des dispositions du Code de Procédure Pénale.

Elle est, en effet, la suite évidente d’un contrôle d’identité effectué en application des articles 78-1,78-2, 78-2-1 et 78-2-2 dudit code au cours duquel l’étranger ne s’est pas trouvé en mesure de présenter ses documents de séjour ou autorisation de circulation sur le territoire français.

Dans un souci d’égalité et de proportionnalité, le Législateur a entendu encadrer ces opérations de contrôle à l’origine de la mesure tant sur la fin que sur les moyens.

Policiers et gendarmes ne peuvent dès lors vérifier le respect des obligations de détention que « si des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l’intéressé sont de nature à faire apparaître sa qualité d’étranger ».

Cette définition de l’extranéité renvoie sans équivoque à la jurisprudence de la Cour de Cassation du 28 mars 2012 déjà évoquée dans ces pages.

Quant à l’organisation des contrôles, elle devra combiner les limitations de durée, de lieu et de fréquence précédemment dégagées par la Cour de Justice de l’Union Européenne dans sa décision du 22 juin 2010 .

L’article L 611-1 du CESEDA a donc intégré les principes dégagés par la jurisprudence récente dans la mise en oeuvre des contrôles d’identité.

De son côté, l’article L 611-1-1 du même code n’oublie pas de reprendre les droits et garanties dont l’étranger placé sous la main de l’autorité publique, bénéficie.

Conduit dans les locaux de police ou de gendarmerie, celui-ci est ainsi mis en mesure durant sa retenue « de fournir par tout moyen les pièces et documents requis » utiles aux opérations de vérification nécessaires.

Le Procureur de la République est informé dès le début et tout moment du déroulement de la retenue qui s’effectue sous le contrôle de l’officier de police judiciaire.

L’étranger va bien sûr recevoir les informations afférentes à la mesure « dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend ».

Comme en matière de garde à vue, il pourra être assisté par un interprète, un avocat lors d’entretien de trente minutes en début de mesure puis durant ses auditions.

De même, il pourra être examiné par un médecin et prévenir sa famille, toute personne de son choix ainsi que les autorités consulaires de son pays.

Mais sauf circonstances particulières, ce n’est pas l’officier de police judiciaire qui informera les tiers mais l’étranger lui-même.

A l’évidence, le texte tente donc tant bien que mal de limiter le caractère coercitif de la retenue sans vraiment arriver à la distinguer de la garde à vue.

Certes la mesure est limitée à une durée de 16 heures à cours laquelle « l’étranger ne peut être placé dans une pièce occupée simultanément par une ou plusieurs personnes gardées à vue ».

De plus, la prise d’empreintes digitales ou de photographies n’est pas automatique et n’intervient que « lorsque celle-ci constitue l’unique moyen d’établir la situation de cette personne ».

Au surplus, le procès-verbal et les pièces de la procédure sont détruits dans un délai de six mois à compter de la fin de la mesure si aucune infraction n’a été relevée, aucune mesure d’éloignement n’a été prise, ni poursuite engagée.

Pour autant, la durée de la retenue s’impute directement sur celle de l’éventuelle garde à vue qui peut s’en suivre.

Comme la retenue douanière, la détention temporaire qu’elle entraine, ne laisse alors subsister aucun doute sur le caractère contraignant de cette mesure.

Ainsi bien que l’étranger soit invité à suivre les policiers et gendarmes à la suite du contrôle en dehors de toute interpellation, il ne semble avoir guère pouvoir s’y soustraire.

D’ailleurs, « s’il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite », son menottage n’est pas exclu.

Dans ces conditions, seule la pratique permettra de nous éclairer sur les différences réelles de traitement entre le gardé à vue et le retenu aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour.

En attendant, cette nouvelle mesure risque de peiner dans sa mise en oeuvre matérielle car les commissariats et gendarmeries devront bénéficier d’une pièce permettant d’assurer la parfaite séparation entre interpellés et invités.

Quant aux différents Barreaux, ils devront organiser l’intervention des avocats sans connaître les conditions précises de leur rémunération, ni le montant des dotations qui leur seront allouées pour ce faire.

A suivre…

Le libre consentement au mariage, histoire de contrat et de coeur

Le 03/01/13

L’année 2013 saura, à n’en pas douter, inspirer le Législateur et donner naissance à de nouveaux textes qui viendront ajouter aux précédents, les modifieront ou les abrogeront.

Adopté le 7 novembre 2012 en conseil des Ministres, le projet de Loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe est sous toutes les plumes et sur toutes les langues.

En effet, cette réforme, actuellement en cours de discussion au Parlement, a dès son annonce fait couler beaucoup d’encre et de salive.

Cette évolution annoncée ne saurait être prise avec légèreté car en droit français, l’acte de mariage revêt une nature juridique complexe compte tenu de son ambivalence.

Il est une institution marquée par une célébration et consacrée au cours de celle-ci par une déclaration solennelle des époux reçue par l’officier d’état civil.

Il est encore un contrat civil soumis à des conditions de forme et de validité telles que le consentement des parties.

L’article 180 du Code Civil dispose ainsi :

« Le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des deux époux, ou de l’un d’eux, ne peut être attaqué que par les époux, ou par celui des deux dont le consentement n’a pas été libre, ou par le ministère public. L’exercice d’une contrainte sur les époux ou l’un d’eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage.

S’il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l’autre époux peut demander la nullité du mariage ».

Ces dispositions créent donc une action en nullité du mariage au bénéfice des époux et du Procureur de la République lorsque le consentement vicié faisant naître une erreur sur la personnes et/ ou ses qualités essentielles.

Les articles 1108 et 1109 du Code Civil demeurés inchangés depuis 1804 posent en effet comme condition à la validité de toutes conventions « le consentement de la partie qui s’oblige », c’est-à-dire un accord libre et éclairé à l’inverse de celui « donné par erreur ou (…) extorqué par violence ou surpris par dol ».

De ce fait, le consentement des personnes vulnérables est strictement encadré pour assurer leur protection.

Le contrôle prévu par la Loi peut aller jusqu’à la substitution de l’acceptation du mariage par l’autorité judiciaire ou les proches dans l’intérêt de l’un ou l’autre des époux.

Selon l’article 460 du Code Civil, « le mariage d’une personne en tutelle n’est permis qu’avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué et après audition des futurs conjoints et recueil, le cas échéant, de l’avis des parents et de l’entourage ».

Par ailleurs, l’article 148 du même code prévoit « les mineurs ne peuvent contracter mariage sans le consentement de leurs père et mère ».

Devant ce panorama juridique, on comprend sans nul doute que le Législateur n’a pas fait sienne la maxime de Blaise PASCAL (1).

Sans nier les élans du coeur et l’attachement des époux, c’est avant tout la Raison que le mariage civil connait.

Dans une récente jurisprudence de 2012, la Cour de Cassation s’est distinguée par sa constance dans l’appréciation du consentement à l’union.

La promise semblait penser avec beaucoup de ferveurs que si l’argent ne faisait pas le bonheur de tous, il pouvait faire le sien.

Bien qu’il soit affaire de mariage, l’arrêt du 19 décembre 2012 porte sur une question d’intérêts sans nous parler d’une histoire d’amour.

En effet, à la suite de son union célébré en 1996, l’époux avait initié une action en annulation du mariage animé par la conviction que son épouse n’était pas sincère dans ses engagements.

Les événements ne le détrompèrent malheureusement pas.

Plus tard, son épouse devait être condamnée par une cour d’assises pour lui avoir volontairement porté des coups et fait des blessures, sans intention de donner la mort.

Le mari avait succomber à son agression moins d’un mois après la célébration des noces.

Cependant,à son décès, ses héritiers décidèrent de poursuivre l’action en nullité précédemment engagée.

Saisis sur pourvoi de l’épouse, les juges de cassation ont confirmé l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris rendu le 25 septembre 2008 ayant annuler le mariage en retenant que :

« L’arrêt relève qu’il ressort de plusieurs dépositions qu’au moment du mariage, Mme X… était animée par une intention de lucre et de cupidité, n’ayant pour but que d’appréhender le patrimoine de Philippe Y…, afin d’assurer son avenir et celui du fils qu’elle avait eu avec un tiers, et que cette dernière s’était refusée à son époux après le mariage, n’ayant consenti à une relation sexuelle que le jour du mariage, ce qui avait conduit Philippe Y…, qui éprouvait des doutes sur la sincérité de l’intention matrimoniale de son épouse, à exprimer sa volonté, dès le début du mois d’août, soit quelques jours avant de subir les coups mortels portés par Mme X…, de demander l’annulation du mariage ; qu’ayant ainsi fait ressortir que celle-ci n’avait pas eu l’intention de se soumettre à toutes les obligations nées de l’union conjugale, c’est à bon droit que la cour d’appel, après avoir retenu que Mme X… s’était mariée dans le but exclusif d’appréhender le patrimoine de Philippe Y…, en a déduit, sans méconnaître les exigences conventionnelles de la liberté du mariage, qu’il y avait lieu d’annuler celui-ci, faute de consentement ».

Cass. Civ. 1ère 19 décembre 2012 Pourvoi n°09-15606 

Bien mal acquis ne profite jamais…

L’assignation à résidence ordonnée par le Juge des Libertés et de la Détention : de l’exception au principe?

Le 05/11/12

Qu’il s’agisse de naturalisation, d’interdiction du territoire français à titre de peine complémentaire ou d’arrêté portant obligation de quitter le territoire, chaque domaine du Droit des étrangers donne lieu à un contentieux complexe.

Aussi le juge civil, le juge administratif et le juge pénal sont- ils amenés à se partager la compétence des différents litiges.

Comme cela a été évoqué précédemment dans ces pages, le Tribunal Administratif et le Juge des Libertés et de la Détention connaissent chacun à leur tour de la décision de maintien en rétention administrative :

– L’un suite au recours en annulation du retenu,

– L’autre saisi sur requête du Préfet en prolongation de la mesure.

Dans ce cadre vient se poser régulièrement la question de la nécessité de la privation de liberté et du placement au CRA.

Il existe en effet une alternative à celle-ci applicable aux étrangers faisant l’objet d’une décision d’éloignement : l’assignation à résidence.

L’article L 552-4 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile dispose ainsi :

« A titre exceptionnel , le juge peut ordonner l’assignation à résidence de l’étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives, après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d’un récépissé valant justification de l’identité et sur lequel est portée la mention de la mesure d’éloignement en instance d’exécution. L’assignation à résidence concernant un étranger qui s’est préalablement soustrait à l’exécution d’une obligation de quitter le territoire français en vigueur, d’une interdiction de retour sur le territoire français en vigueur, d’une mesure de reconduite à la frontière en vigueur, d’une interdiction du territoire dont il n’a pas été relevé, ou d’une mesure d’expulsion en vigueur doit faire l’objet d’une motivation spéciale ».

Les conditions légales permettant à l’étranger de demander à être assigné à résidence afin d’éviter la prolongation de sa rétention dans l’attente de l’organisation de son départ sont les suivantes :

– La remise préalable aux autorités de police ou de gendarmerie d’un passeport non falsifié en cours de validité ou de tout document d’identité équivalent,

– L’existence de garanties de représentation effectives et suffisantes.

Ces deux exigences doivent permettre de contrôler l’étranger en dehors du Centre Rétention et de s’assurer qu’il ne se soustraira pas à son obligation de quitter le territoire.

A l’identique de la rétention administrative, l’assignation à résidence est donc une mesure provisoire applicable dans l’attente de l’organisation du départ.

Dans ces circonstances, elle peut être assortie d’une obligation de se présenter au Commissariat/ à la Gendarmerie le plus proche une ou plusieurs fois par semaine pendant toute sa durée.

Bien sûr il appartient aux juges du fond d’apprécier souverainement les garanties de représentation au cas par cas, selon la situation de chaque étranger avant d’ordonner cette mesure.

Ils doivent, en effet, vérifier la réalité des garanties de nature à éviter que l’étranger se soustraie à la décision d’éloignement afin que celle-ci puisse être exécutée par l’autorité administrative.

Dans leur analyse, ils vont notamment prendre en considération :

– la régularité et le cadre du domicile personnel de l’étranger,

– la qualité et les liens avec le garant en cas d’accueil par un tiers,

– l’absence d’opposition à la mesure d’éloignement,

– les risques de fuite avant le départ,

– et le cas échéant l’existence de précédentes mesures d’éloignement.

Jusqu’à présent, l’assignation à résidence ordonnée par le Juge des Libertés et de la Détention revêtait un caractère exceptionnel.

Mais la Cour de Cassation a modifié cette conception au visa de la législation européenne dans un arrêt du 24 octobre 2012 en précisant :

« qu’il résulte de la combinaison des paragraphes 1, 4 et 5 de l’article 15 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 du Parlement européen et du Conseil, qui est d’effet direct, que l’assignation à résidence ne peut jamais revêtir un caractère exceptionnel, le premier président a violé le texte susvisé ».

Cass. Civ 1ère 24 octobre 2012 Pourvoi n° 11-27956 

La Haute Juridiction est donc revenue sur sa précédente jurisprudence au terme de laquelle, conformément à L’article L 552-4 du CESEDA, l’assignation à résidence en alternative au placement en rétention administrative devait rester une mesure exceptionnelle reposant sur des circonstances particulières.

Or, la Directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier en dispose autrement.

Dans son article 15, le texte européen précise ainsi :

« 1. À moins que d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives , puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l’éloignement, en particulier lorsque:

a) il existe un risque de fuite, ou

b) le ressortissant concerné d’un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement.

Toute rétention est aussi brève que possible et n’est maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise« .

La Directive ajoute encore :

« 4. Lorsqu’il apparaît qu’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement pour des considérations d’ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1 ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté.

5. La rétention est maintenue aussi longtemps que les conditions énoncées au paragraphe 1 sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Chaque État membre fixe une durée déterminée de rétention, qui ne peut pas dépasser six mois ».

De ce fait, le Juge des Libertés et de la Détention ne saurait désormais ordonner l’assignation à résidence seulement « à titre exceptionnel » alors même que cette mesure est « suffisante, mais moins coercitive » que le prolongement de la rétention administrative.

C’est donc un nouveau principe qui se dégage de la combinaison des législations françaises et européennes.

Du Bruit à l’Hôtel de ville

Le 15/10/12

« Institution pluriséculaire où se reflètent traditions et pratiques religieuses, le mariage est traditionnellement défini comme un acte juridique solennel par lequel l’homme et la femme établissent une union dont la loi civile règle les conditions, les effets et la dissolution ».

Aux échos qui ont filtré sur la toile, tels seraient les mots d’introduction du projet de loi visant à ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe.

La réforme envisagée sera présentée en chuchotement dans le feutré du conseil des ministres le 31 octobre prochain alors qu’au dehors bruissent « les frondeurs ».

En effet, des voix se font entendre parmi les maires de France pour s’opposer à la modification législative et refuser la célébration de mariages d’époux de même sexe.

Je n’ai pas été sans porter attention aux sonorités de cette actualité forte en dissonance et en canon qui interroge sur les fonctions du Maire.

Désigné pour un mandat de six ans renouvelable au suffrage universel direct, le maire est choisi par les habitants de la municipalité au sein de laquelle et pour laquelle il exerce ses fonctions.

Cet élu local a une double casquette défini par les dispositions législatives et règlementaires administratives, pénales et civiles.

Il est à la fois l’organe exécutif de la Commune et un agent de l’Etat.

– En effet, le Maire est un organe de décentralisation puisqu ‘il est placé à la tête d’une collectivité territoriale en qualité notamment d’exécutant des décisions du conseil municipal.

C’est ainsi que l’article L2122-21 du Code général des collectivités territoriales dispose :

« Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l’Etat dans le département, le maire est chargé, d’une manière générale, d’exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier :

1° De conserver et d’administrer les propriétés de la commune et de faire, en conséquence, tous actes conservatoires de ses droits ;

2° De gérer les revenus, de surveiller les établissements communaux et la comptabilité communale ;

3° De préparer et proposer le budget et ordonnancer les dépenses, de les imputer en section d’investissement conformément à chacune des délibérations expresses de l’assemblée pour les dépenses d’équipement afférentes à des biens meubles ne figurant pas sur les listes et d’une valeur inférieure à un seuil fixé par arrêté des ministres en charge des finances et des collectivités locales ;

4° De diriger les travaux communaux ;

5° De pourvoir aux mesures relatives à la voirie communale ;

6° De souscrire les marchés, de passer les baux des biens et les adjudications des travaux communaux dans les formes établies par les lois et règlements ;

7° De passer dans les mêmes formes les actes de vente, échange, partage, acceptation de dons ou legs, acquisition, transaction, lorsque ces actes ont été autorisés conformément aux dispositions du présent code ;

8° De représenter la commune soit en demandant, soit en défendant ;

9° De prendre, à défaut des propriétaires ou des détenteurs du droit de chasse, à ce dûment invités, toutes les mesures nécessaires à la destruction des animaux nuisibles, de requérir, dans les conditions fixées à l’article L. 427-5 du code de l’environnement, les habitants avec armes et chiens propres à la chasse de ces animaux, à l’effet de détruire ces derniers, de surveiller et d’assurer l’exécution des mesures ci-dessus et d’en dresser procès-verbal.

10° De procéder aux enquêtes de recensement ».

– Cependant, le Maire est également agent de l’Etat placé sous l’autorité du préfet comme précisé par les dispositions de l’article L2122-27 du Code général des collectivités territoriales :

« Le maire est chargé, sous l’autorité du représentant de l’Etat dans le département :

1° De la publication et de l’exécution des lois et règlements ;

2° De l’exécution des mesures de sûreté générale ;

3° Des fonctions spéciales qui lui sont attribuées par les lois ».

Dans ce cadre, sa fonction lui donne qualité d’officier de police judiciaire placé sous le contrôle du Procureur de la République.

Selon l’article 14 du Code de Procédure Pénale, il a ainsi la charge « de constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs tant qu’une information n’est pas ouverte».

Mais, sa qualité d’agent de l’Etat lui confère aussi le rôle d’officier d’état civil .

Et le noeud de la fronde se situe dans l’attribution qu’il a reçu des articles 63 et suivants du Code Civil de célébrer le mariage des couples après publication des bans.

Or, l’article L2122-34 du Code général des collectivités territoriales fait du maire un dissident « dans le cas où (..), il refuserait ou négligerait de faire un des actes qui lui sont prescrits par la loi ».

Pour autant, la Loi républicaine ne saurait rester inappliquée car le Préfet viendrait requérir l’agent municipal d’accomplir son office et, le cas échéant, se substituerait à lui.

Que dire alors du cacophonique concert sur le mariage qui est annoncé au sein des mairies de l’Hexagone ?

Il se joue sur un thème en pleine évolution, celui de la Famille telle que chacun la conçoit, la vit et la ressent.

En 1804, les quatre chefs d’orchestre du code civil, Tronchet, Bigot de Préameneu, Portalis et de Maleville avaient une vision du mariage qui était celle de leur époque.

Ils ont donc fait de cet acte, à la fois institution et contrat, celui qui permet d’unir par la Loi un homme et une femme pour vivre en commun et fonder une famille.

Deux cent ans plus tard, la musique a changé et les conceptions ont modifié la partition pour offrir à la société française un autre son sur :

– le couple lié par mariage ou non, homosexuel ou hétérosexuel,

– la filiation qu’elle soit biologique ou adoptive, naturelle ou médicalement assistée.

Et le Droit écrit les notes de la nouvelle musique que l’on fredonne …

Que faire face au harcèlement moral ?

Le 04/10/12

Une fois n’est pas coutume, le blog accueille dans ses pages la publication de Myriam DELONCA, Avocat au Barreau de Lyon . 

 

Je lui confie donc aujourd’hui ma place de rédacteur et la remercie vivement de son éclairage sur le sujet aussi actuel que sensible que celui du harcèlement moral. 

 

Le harcèlement moral se traduit par une dégradation des conditions de travail et une altération de l’état de santé d’un salarié ou d’un stagiaire.

Les syndromes dépressifs, les tentatives de suicide, l’isolement traduisent la souffrance ressentie par la victime : ce sont autant d’indices de son mal-être.

L’objet de cet article n’est d’apporter des connaissances médicales sur le sujet, mais de proposer aux victimes et à leur entourage un rapide guide afin de faire reconnaître leurs droits et leur préjudice.

Depuis 2002, le Code du Travail propose la définition suivante dans son article L1152-1 :

« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Le harcèlement moral est également constitutif d’un délit pénal réprimé par l’article 222-33-2 du Code Pénal :

« Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende ».

C’est sur l’application du Code du Travail que je vous propose de nous concentrer, ses dispositions offrant une protection du salarié et une possibilité d’indemnisation de son préjudice.

Toutefois, compte tenu des particularités de ce sujet, le salarié sera désigné par le terme « victime ».

Comment déceler des faits de harcèlement ? 

Au fils des exemples concrets, certains comportements semblent se répéter chez les personnes victimes de harcèlement : ces dernières appréhendent de se rendre sur leur lieu de travail, multiplient les arrêts maladie, développent des affections somatiques.

Cette situation résulte souvent d’une mauvaise communication au sein de l’entreprise, associée à des objectifs inatteignables, une mise à l’écart, des instructions contradictoires…

Pour autant, cet inventaire à la Prévert ne fait qu’illustrer des faits de harcèlement, chaque situation étant différente et particulière.

Aussi, afin de rapporter la preuve des agissements, il est essentiel de se rapprocher du médecin traitant et de la médecine du travail.

De plus, au sein des établissements qui disposent d’au moins 50 salariés (pendant 12 mois consécutifs ou trois années précédentes) un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) est présent.

Ce comité pourra être également alerté sur les conditions de travail au même titre que les délégués du personnel qui pourront être consultés par la victime.

Dans les cas les plus graves conduisant à un suivi par un psychologue ou un psychiatre, une attestation circonstanciée de ces praticiens décrivant les liens existant entre les conditions de travail et l’état de santé de la victime pourra constituer un atout majeur dans la reconnaissance du harcèlement moral.

En outre, des attestations de proches, de collaborateurs, permettront également d’illustrer la dégradation de l’état de santé, et des conditions de travail de la victime.

Confier le dossier à un professionnel ? 

La reconnaissance d’un harcèlement moral, n’est pas un « combat » que l’on mène seul. Il est donc essentiel de s’associer les services d’un professionnel du droit (avocat).

Ce dernier présentera les faits avec le recul nécessaire, étayés des éléments de preuve.

Par ailleurs, il accompagnera la victime dans cette épreuve et la conseillera utilement sur les suites à donner au dossier aux fins de reconnaissance des faits de harcèlements :

– Soit qu’il s’agisse d’une requête devant le Conseil de Prud’hommes compétent,

– Soit qu’il donne lieu à la mise en place d’une négociation avec l’employeur.

Enfin il lui reviendra la charge de déterminer les demandes de dommages et intérêts en tenant compte notamment de :

– la nature du dossier,

– l’ancienneté du salarié,

– son âge,

– la dégradation de son état de santé,

– Et des efforts mis en place au sein de l’entreprise pour lutter contre le harcèlement.

Il n’existe en la matière pas de barème indicatif, l’évaluation est donc sujette à une appréciation empirique.

En perspective du premier entretien, la victime pourra rédiger une succincte chronologie des faits marquants au sein de son poste, réunir les arrêts de travail, les copies d’ordonnance le cas échéant.

Que peut faire l’employeur en cas de harcèlement ? 

Conformément aux dispositions des articles L 1152-4 et L 1152-5 du Code du Travail, l’employeur est tenu de prendre toutes dispositions nécessaires afin de prévenir les agissements de harcèlement moral.

A cette fin, il peut, notamment, sanctionner les salariés harceleurs mais également mettre en place des formations de management au sein de l’entreprise.

Ces formations permettront éventuellement de prévenir les situations de harcèlements et la dégradation des conditions de travail.

En tout état de cause, la prévention est un élément clé offrant à l’employeur, le cas échéant, la possibilité de démontrer sa bonne foi.

Si le harcèlement est reconnu, sa condamnation pourra de ce fait être réduite.

Au travers de cette présentation, se dessinent donc les problématiques nombreuses soulevées par le harcèlement moral et le traitement qu’il doit recevoir.

A cela s’ajoute l’actualité juridique faisant suite à la récente décision du Conseil constitutionnel.

Saisi par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 29 février 2012 (arrêt n° 1365 du même jour), il s’est prononcé sur une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article 222-33 du Code Pénal.

Par décision n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012 , le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution ces dispositions légales réprimant le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle.

Pour l’heure, le débat ne concerne que le harcèlement sexuel car pour l’instant le Conseil Constitutionnel ne s’est pas prononcé sur la définition du harcèlement moral.

Myriam DELONCA 

Avocat au barreau de LYON

myriamdelonca@gmail.com 

www.myriamdelonca-avocat.com 

Que justice soit faite ?

Le 01/10/12

Le 25 septembre dernier, les habitants de la cité des Créneaux à Marseille ont franchi le cap de l’exaspération pour basculer dans l’intolérance.

L’histoire se déroule dans un contexte de réhabilitation d’un quartier populaire sur fond de déménagement des occupants de logements sociaux devenus vétustes.

Installées au pied des immeubles promis à la démolition, des familles de roms ont été contraintes par certains habitants du quartier de quitter le camp qu’ils occupaient.

Celui-ci a ensuite été incendié pour éviter tout retour des indésirables dans leurs abris de fortune.

Entre querelle politique et incompréhension du monde associatif, ces événements ont suscité de très vives réactions et donné lieu à l’ouverture d’une enquête.

Il est vrai que ce fait divers exceptionnel interroge sur les raisons qui ont poussé une poignée d’habitants de Marseille à se mettre hors la loi.

La précarité et la crispation ne suffisent en effet pas à expliquer cette expulsion du peuple par le peuple aussi incivile qu’illégale.

Les barrières du raisonnable ont cédé : un coup de sang a entrainé la commission d’actes dont l’asociabilité ne peut être que réprimée.

Ainsi, il sera rappelé qu’en application des dispositions de l’article 222-18-1 du Code Pénal :

« Lorsqu’elles sont commises à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, les menaces prévues au premier alinéa de l’article 222-17 sont punies de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 Euros d’amende, celles prévues au second alinéa de cet article et au premier alinéa de l’article 222-18 sont punies de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 Euros d’amende, et celles prévues au second alinéa de l’article 222-18 sont punies de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 Euros d’amende».

Par ailleurs, l’article 322-6 alinéa 1 du même code dispose encore :

« La destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien appartenant à autrui par l’effet d’une substance explosive, d’un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes est punie de dix ans d’emprisonnement et de 150000 euros d’amende ».

Dans ces circonstances, la colère est une bien mauvaise conseillère mais également une voie sur les premiers pas de la délinquance.

C’est donc sans modération que l’Etat de droit s’oppose à ce que chaque citoyen puisse se faire justice soi-même.

L’infraction qui nait de la méconnaissance de ce principe, est dès lors réprimée par les dispositions pénales.

Pourtant comme le souligne l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ».

Orientation sexuelle et droit d’asile : la protection contre les persécutions du fait de l’appartenance à un groupe social

Le 21/09/12

Cette rentrée se présente sous le signe des débats et des réformes sociales sur le fond habituel des fournitures scolaires et couvertures de livres.

Dans ce contexte, je souhaite mettre en lumière un arrêt de Conseil d’Etat tout juste rendu avant la pause aoûtienne, le 27 juillet 2012.

Conseil d’État 10ème et 9ème sous-sections réunies 27 juillet 2012 n° 349824 

Les juges de la Place du Palais Royal étaient saisis d’un recours en annulation à l’encontre d’une décision de la Cour Nationale du Droit d’Asile en date du 19 novembre 2010 refusant le statut de réfugié à un ressortissant congolais.

Créée par la Loi n°2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, la Cour est une juridiction administrative dite spécialisée.

Depuis cette réforme, elle est venue remplacer la Commission des recours des réfugiés.

En son siège de MONTREUIL, elle connaît des recours formés contre les décisions de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

Il lui appartient donc de statuer sur l’attribution de la qualité de réfugié en application des dispositions de la Convention de GENEVE du 28 juillet 1951 et des articles L 731-1 et suivants du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile.

Mais ses décisions n’échappent pas au contrôle du Conseil d’Etat qui apprécie l’interprétation et l’application qu’elle fait du droit international et national en matière d’asile.

C’est ainsi que le 27 juillet 2012 que les juges administratifs se sont penchés sur la situation d’un ressortissant congolais subissant un risque de persécution dans son pays d’origine du fait de son homosexualité.

Le statut de réfugié lui avait été refusé car il n’établissait pas avoir manifesté son orientation sexuelle en République Démocratique du Congo dont la législation pénale ne réprimait pas l’homosexualité.

Le Conseil d’Etat a censuré ce refus en relevant :

« 1. Considérant qu’aux termes du 2° du paragraphe A de l’article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951, la qualité de réfugié est reconnue à :  » toute personne qui (…), craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ;  » ; qu’aux termes de l’article 10, paragraphe 1 d) de la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 :  » Un groupe est considéré comme un certain groupe social lorsque, en particulier : / – ses membres partagent (…) une caractéristique ou une croyance à ce point essentielle pour l’identité ou la conscience qu’il ne devrait pas être exigé d’une personne qu’elle y renonce, et / – ce groupe a son identité propre dans le pays en question parce qu’il est perçu comme étant différent par la société environnante. / En fonction des conditions qui prévalent dans le pays d’origine, un groupe social spécifique peut être un groupe dont les membres ont pour caractéristique commune une orientation sexuelle.  » ;

2. Considérant qu’un groupe social est, au sens de ces dispositions, constitué de personnes partageant un caractère inné, une histoire commune ou une caractéristique essentielle à leur identité et à leur conscience, auxquels il ne peut leur être demandé de renoncer, et une identité propre perçue comme étant différente par la société environnante ou par les institutions ; qu’en fonction des conditions qui prévalent dans un pays, des personnes peuvent, à raison de leur orientation sexuelle, constituer un groupe social au sens de ces dispositions ; qu’il convient dès lors, dans l’hypothèse où une personne sollicite le bénéfice du statut de réfugié à raison de son orientation sexuelle, d’apprécier si les conditions existant dans le pays dont elle a la nationalité permettent d’assimiler les personnes se revendiquant de la même orientation sexuelle à un groupe social du fait du regard que portent sur ces personnes la société environnante ou les institutions et dont les membres peuvent craindre avec raison d’être persécutés du fait même de leur appartenance à ce groupe ;

3. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’octroi du statut de réfugié du fait de persécutions liées à l’appartenance à un groupe social fondé sur des orientations sexuelles communes ne saurait être subordonné à la manifestation publique de cette orientation sexuelle par la personne qui sollicite le bénéfice du statut de réfugié dès lors que le groupe social, au sens des dispositions précitées, n’est pas institué par ceux qui le composent, ni même du fait de l’existence objective de caractéristiques qu’on leur prête mais par le regard que portent sur ces personnes la société environnante ou les institutions ; que la circonstance que l’appartenance au groupe social ne fasse l’objet d’aucune disposition pénale répressive spécifique est sans incidence sur l’appréciation de la réalité des persécutions à raison de cette appartenance qui peut, en l’absence de toute disposition pénale spécifique, reposer soit sur des dispositions de droit commun abusivement appliquées au groupe social considéré, soit sur des comportements émanant des autorités, encouragés ou favorisés par ces autorités ou même simplement tolérés par elles ».

Au terme de leur analyse, les juges ont considéré que le critère d’appartenance à un certain groupe social doit être apprécié en fonction des conditions propres au pays d’origine, à savoir la République Démocratique du Congo.

En l’espèce, celles-ci permettaient d’assimiler les personnes se revendiquant de la même orientation sexuelle à un groupe social compte tenu du regard porté sur elles par la société environnante ou les institutions.

De ce fait, les membres pouvaient craindre avec raison d’être persécutés du fait même de leur appartenance à ce groupe la manifestation publique de leur orientation sexuelle soit nécessaire.

Cet arrêt donne à réfléchir sur la condition des homosexuels dans certains états au jour les discussions s’engagent en France sur tant sur le lien matrimonial que sur le droit à l’adoption.

Principe du non-cumul des responsabilités délictuelles et contractuelles

Le 28/08/12

Le droit civil connaît principalement deux formes de responsabilité s’inscrivant dans des cadres et contextes différents.

La première s’applique lorsque celui qui subit le dommage est lié à son auteur par un contrat.

Cette responsabilité dite contractuelle trouve son fondement dans les dispositions de l’article 1147 du Code Civil qui précisent :

« Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part ».

Aussi, le droit à réparation invocable par la partie lésée ne peut résulter que de la faute de son cocontractant dans l’exécution de ses obligations ou de l’inexécution par ce dernier de ses engagements conventionnels.

Il en est ainsi à l’occasion d’une vente lorsque la marchandise commandée et payée n’a pas été livrée dans les délais et conditions prévus.

La seconde forme de responsabilité dite délictuelle ignore ce schéma et sort donc du cadre de la convention.

Selon l’article 1382 du Code Civil, son domaine d’application est beaucoup plus large puisque « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Dès lors qu’un dommage nait d’un agissement ou d’une omission fautive, son auteur est tenu à son indemnisation.

Un croche-pied donné à l’agaçant collègue qui entraîne une entorse de la cheville consécutive à sa chute au sol, en est la parfaite illustration.

Comme on l’aura compris, la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle sont ainsi soumises à des règles et des régimes juridiques distincts.

Les deux formes s’excluent l’une l’autre et interdisent à celui qui subit le dommage de choisir entre l’un ou l’autre des fondements

Les juges de la Cour de Cassation n’ont pas manqué de rappeler ce principe fondamental de non-cumul dans leur jurisprudence du 28 juin 2012.

Cette espèce un peu particulière mérite quelques éclairages afin de mieux appréhender son importance et sa portée.

Les faits étaient aussi simples qu’une sortie au restaurant d’un adulte accompagné d’enfants lors d’un goûter.

L’établissement disposait à l’extérieur d’une aire de jeux permettant à sa jeune clientèle de se divertir.

Mais ce terrain devait être le théâtre d’un accident où un petit garçon se blessait grièvement suite l’accrochage du bijou qu’il portait au doigt à un grillage de protection qu’il venait d’enjamber.

La Cour censure l’appréciation de la juridiction du second degré layant retenu qu’il n’existait aucun lien contractuel entre le mineur et le restaurateur compte tenu du fait que l’aire de jeux était indépendante de l’établissement.

Elle retient que « l’enfant avait fait usage de l’aire de jeux, exclusivement réservée à la clientèle du restaurant, au cours d’un goûter auquel il participait en compagnie d’un adulte et d’autres enfants ».

Le dommage subi par le petit garçon ressortait donc de l’inexécution d’une obligation contractuelle de sécurité.

En conséquence, seule la responsabilité contractuelle trouvait à s’appliquer aux faits précités.

Cass. Civ. 1ère 28 juin 2012 Pourvoi n° 10-28492 

Les parties à un contrat n’ont donc pas le choix du fondement juridique de responsabilité qu’elles entendent mettre en oeuvre.

Il en va de même pour les tiers au contrat exclus du régime de la responsabilité contractuelle bien qu’ils soient fondés à invoquer l‘exécution défectueuse d’un contrat lorsqu’elle leur a causé un dommage.

Cass. Civ. 1ère 15 décembre 1998 Pourvoi n° 96-21905 96-22440 

Garde trop rapprochée et relations extérieures

Le 03/08/12

Le 11 juillet 2012, le Conseil d’État a procédé à l’annulation une disposition controversée du code de déontologie du service public pénitentiaire consécutif à l’adoption de la Loi Pénitentiaire.

L’Observatoire International des Prisons (OIP) est à l’origine de cette requête fondée sur «une ingérence excessive dans les droits des personnes amenées à concourir au service public pénitentiaire au respect de leur vie privée et familiale ».

Il faut ici rappeler que la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales garantit le droit au respect de la vie privée et familiale.

Les dispositions de son article 8 précise ainsi que :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

Or l’article 31 du Décret n° 2010-1711 du 30 décembre 2010 portant code de déontologie du service public pénitentiaire prescrivait que :

« Les personnes physiques et les agents des personnes morales concourant au service public pénitentiaire ne peuvent entretenir vis-à-vis des personnes placées ou ayant été placées par décision de justice sous l’autorité ou le contrôle de l’établissement dans lequel ils interviennent, ainsi qu’avec leurs parents ou amis, de relations qui ne seraient pas justifiées par les nécessités de leur mission.

Lorsqu’ils ont eu des relations avec ces personnes antérieurement à leur prise en charge par l’établissement dans lequel ils interviennent, ils doivent en informer le responsable de l’établissement ».

Lors de l’étude de la combinaison de ces deux texte, le Conseil d’Etat a accompli une distinction temporelle concernant les relations entre le personnel pénitentiaire et les détenus.

En effet, les juges administratifs retiennent que durant l’exécution de la peine privative de liberté :

« l’interdiction, pour les personnes physiques et les agents des personnes morales concourant au service public pénitentiaire, d’entretenir avec les personnes détenues, leurs parents ou amis, des relations qui ne seraient pas justifiées par les nécessités de leur mission répond à des impératifs tenant à la sécurité à l’intérieur de l’établissement et à l’égalité de traitement entre les personnes détenues ainsi qu’à la nécessité de protéger les droits et libertés de la personne détenue, placée, lorsqu’elle est en détention, dans une situation de vulnérabilité vis-à-vis des personnes concourant au service public pénitentiaire ».

Conseil d’Etat 11 juillet 2012 n°347148 

Mais dès lors que les détenus ont été libérés, la situation de droit et de fait change car :

« en étendant cette interdiction aux personnes ayant été détenues et à leurs parents et amis, l’article 31 du décret attaqué instaure une interdiction générale, de caractère absolu et sans aucune limitation de durée, qui impose des sujétions excessives au regard des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

En conséquence, les obligations tenant à la bonne exécution du service public pénitentiaire dont la mission est de garder et de réinsérer, disparaissent à la fin de la détention.

L’interdiction qui se retrouve donc sans fondement, a donc été annulé par le Conseil d’Etat.