De l’effet boomerang de la QPC sur l’appel de la partie civile en matière correctionnelle

Le 20/02/14

Depuis plus de 5 ans, la question prioritaire de constitutionnalité n’en finit pas de nourrir les saisines du Conseil Constitutionnel, de grossir la jurisprudence des sages et d’alimenter les commentaires d’auteurs .

 

En cultivant la légalité, elle fait parfois germer de nouvelles législations dans tous les domaines du droit.

 

 

La réforme du 23 juillet 2008 a ainsi permis aux justiciables de revenir sur les lois déjà entrées en vigueur pour les soumettre à un contrôle de conformité à la Constitution.

 

Les Sages du Conseil jusqu’alors cantonnés à intervenir à la naissance des textes sont amenés désormais à intervenir tout au long de la vie d’une législation.

 

 

Le 8 novembre 2013, ils ont ainsi opéré leur contrôle à la suite d’une saisine de la Cour de Cassation survenue dans des circonstances toutes particulières.

 

La question prioritaire de constitutionnalité qui leur était posée, tenait à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 497 du Code de Procédure Pénale.

 

Celui-ci dispose que lorsqu’un jugement a été rendu par un Tribunal Correctionnel :

 

« La faculté d’appeler appartient :

1° Au prévenu ;

2° A la personne civilement responsable quant aux intérêts civils seulement ;

3° A la partie civile, quant à ses intérêts civils seulement ;

4° Au procureur de la République ;

5° Aux administrations publiques, dans les cas où celles-ci exercent l’action publique ;

6° Au procureur général près la cour d’appel ».

 

 

Ce texte limite donc le droit d’appel de la partie civile aux seuls intérêts civils, à l’exclusion des dispositions pénales.

 

De ce fait, il est impossible à la victime d’une infraction de contester de sa seule initiative une décision de relaxe.

 

Seul le Procureur de la République est en position d’interjeter appel du jugement qui renvoie le prévenu des fins de poursuites.

 

 

Cette question de l’appel limité de la partie civile n’était cependant pas nouvelle car elle avait déjà donné lieu à deux jurisprudences de la Cour de Cassation, interpelée par une question prioritaire de constitutionnalité.

 

 

En 2010, l’appréciation des juges avait conduit à écarter le moyen tiré de l’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, à savoir le droit d’accès au juge, les droits de la défense et le droit à l’égalité devant la justice.

 

La Cour de Cassation avait refusé la saisine du Conseil Constitutionnel en relevant :

 

« Mais attendu que la question, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle.

 

Et attendu que la question posée ne présente pas un caractère sérieux dès lors que la cour d’appel, saisie par le seul recours de la partie civile, si elle ne peut prononcer de peine à l’encontre du prévenu définitivement relaxé, l’action publique n’étant exercée que par le ministère public ou les fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi, est tenue de rechercher si les faits déférés constituent une infraction pénale avant de se prononcer sur les demandes de réparation de la partie civile ».

Cass. Crim.16 juillet 2010 Pourvoi n° 10-81659

 

 

Deux ans plus tard, les juges de la même chambre criminelle avaient, de nouveau, à connaitre la question de constitutionnalité de l’article 497 du Code de Procédure Pénale.

 

Ils avaient réaffirmé leur opposition à la saisine du Conseil Constitutionnelle en affinant leur réponse :

 

« Attendu que la question, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’ occasion de faire application, n’est pas nouvelle ;

 

Et attendu que la question posée ne présente pas, à l’évidence, un caractère sérieux dès lors que la cour d’appel, saisie par le seul recours de la partie civile, laquelle n’est pas placée dans une situation identique à celle du prévenu ou à celle du ministère public, si elle ne peut statuer que sur les intérêts civils et n’a pas la faculté de prononcer de peine à l’encontre du prévenu définitivement relaxé, l’action publique n’étant exercée que par le ministère public ou les fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi, est tenue de rechercher si les faits, objet de la prévention, caractérisent une faute conférant à la victime le droit d’obtenir du prévenu définitivement relaxé réparation du préjudice en découlant ».

Cass. Crim. 26 septembre 2012 Pourvoi n° 12-84796

 

 

 

Mais on dit « Jamais deux sans trois »…

 

L’énergie du désespoir de la relaxe a donc conduit un justiciable à frapper une troisième fois aux portes du palais de justice de PARIS.

 

Et par accident que le 5 novembre 2013, la Cour de Cassation s’est trouvé contrainte de renvoyer au Conseil Constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 497 du Code de Procédure Pénale.

 

 

C’est à l’article 23-7 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 qu’on doit la levée du refus de la saisine des Sages, article selon lequel :

 

« Si le Conseil d’État ou la Cour de cassation ne s’est pas prononcé dans les délais prévus aux articles 23-4 et 23-5, la question est transmise au Conseil constitutionnel ».

 

 

 

En effet, la Cour de Cassation a laissé expirer le délai de trois mois qui lui était imparti pour examiner la question prioritaire de constitutionnalité.

 

Par manque de célérité ou par surabondance de contraintes, la saisine du Conseil Constitutionnel s’est finalement imposée.

 

 

Pour autant, la Cour de Cassation ne s’est pas retrouvée désavouée par les Sages qui, tout en reprenant son analyse juridique, ont mis définitivement fin à l’effet boomerang de la QPC de l’article 497 du Code de Procédure Pénale.

 

Enfin interrogé, le Conseil Constitutionnel retient :

 

« Considérant, d’une part, que la partie civile n’est pas dans une situation identique à celle de la personne poursuivie ou à celle du ministère public ; qu’il en est notamment ainsi, s’agissant de la personne poursuivie, au regard de l’exercice des droits de la défense et, s’agissant du ministère public, au regard du pouvoir d’exercer l’action publique ; que, par suite, l’interdiction faite à la partie civile d’appeler seule d’un jugement correctionnel dans ses dispositions statuant au fond sur l’action publique, ne méconnaît pas le principe d’égalité devant la justice ; que, d’autre part, la partie civile a la faculté de relever appel quant à ses intérêts civils ; qu’en ce cas, selon la portée donnée par la Cour de cassation au 3° de l’article 497 du code de procédure pénale, elle est en droit, nonobstant la relaxe du prévenu en première instance, de reprendre, contre lui, devant la juridiction pénale d’appel, sa demande en réparation du dommage que lui ont personnellement causé les faits à l’origine de la poursuite ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à un recours effectif manque en fait ».

Décision n° 2013-363 QPC du 31 janvier 2014

 

« C’est pas ma faute ! » Réponse au rapport de septembre 2013 sur les dépenses de contentieux du ministère de l’Intérieur

Le 29/01/14

A la demande des ministres de l’Intérieur et de l’Économie notamment, Monsieur François LANGLOIS et Madame Chloé MIRAU de l’Inspection Générale de l’Administration se sont vu chargés d’une mission relative à l’évolution et à la maîtrise des dépenses de contentieux du ministère de l’Intérieur.

 

Ils ont ainsi procédé à une analyse de la gestion globale des dépenses accompagnée de propositions tendant à une réforme du pilotage des crédits axées autour des postes relevant:

 

– de l’indemnisation pour refus de concours de la force publique,

– du contentieux des étrangers,

– de la protection fonctionnelle

– et des dossiers d’accidents de la circulation.

 

 

Leur rapport de septembre 2013 traduit cependant une méconnaissance des législations actuelles dans les domaines présentés, des préoccupations des justiciables et du fonctionnement même de l’appareil judiciaire.

 

Le souci d’économie clairement affiché aboutit également à malmener la Profession d’Avocat dans sa fonction d’auxiliaire de Justice.

 

L’esprit de ce rapport peut ainsi se résumer en une citation de Blaise PASCAL :

 

« L’affection ou la haine changent la justice de face. Et combien un avocat bien payé par avance trouve-t-il plus juste la cause qu’il plaide! Combien son geste hardi le fait-il paraître meilleur aux juges, dupés par cette apparence! ».

 

 

En prenant une motion dénonçant « les attaques répétées contre la profession d’avocat, pourtant indispensable au respect de l’Etat de droit », plusieurs barreaux ont réagi successivement:

 

– tout d’abord, les Conseils de l’Ordre du VAL DE MARNE et de LA SEINE SAINT DENIS réunis le 9 janvier 2014

– suivis par le Conseil de l’Ordre de PARIS réuni le 10 janvier 2014,

– renforcés par les Conseils de l’Ordre de STRASBOURG et de NANTES réunis les 20 et 21 janvier 2014,

– Et enfin le Conseil de l’Ordre de LYON réuni le 22 janvier 2014.

 

 

Une mise au point m’est apparue indispensable pour répondre aux affirmations qui se défont de la réalité au profit de la vérité budgétaire.

 

Compte tenu l’activité qui est la mienne, seul l’axe du contentieux des étrangers sera abordé.

 

 

 

Affirmation :

 

« Le contentieux des étrangers est en forte croissance (+25% en trois ans), du fait d’une juridictionnalisation difficilement soutenable à terme par les préfectures. Le dynamisme des avocats, certains par conviction d’autres seulement mobilisés par la facilité du gain, contribue d’autant plus à l’augmentation de la dépense que les juges prennent peu en compte la situation budgétaire de l’Etat et que la réduction des moyens alloués aux préfectures limite leur capacité de défense (Page 6).

 

(…)

 

Les préfectures et juges administratifs rencontrés par la mission font état de stratégies juridictionnelles toujours renouvelées de la part des avocats. Ils testent régulièrement de nouveaux moyens, qui obtiennent parfois la faveur du juge de première instance, générant pendant plusieurs mois une masse de contentieux, difficiles à gérer pour les préfectures, à la fois sur le plan de la charge de travail et de la doctrine juridique (Page 43) ».

 

 

Réponse :

 

Depuis plusieurs années, l’Europe a impulsé un virage au droit des étrangers que l’État n’a pas su négocier.

 

Cette évidente évolution s’est effacée du rapport de septembre 2013 au profit d’une vision bien éloignée, imposant un petit rappel.

 

 

En matière de rétention administrative, l’adoption de la Loi n°2011-672 du 16 juin 2011 a modifié l’ordre antérieur d’intervention des deux ordres juridictionnels pour donner la priorité au juge administratif.

 

Avant cette loi, le juge administratif était, en effet, amené à procéder au contrôle de légalité des arrêtés de placement en rétention uniquement si le juge judiciaire prolongeait le maintien de cette mesure au-delà de 48 heures.

 

Il statue désormais préalablement à la saisine du Juge des Libertés et de la Détention et connait donc une expansion du nombre de saisines.

 

Cette nouvelle organisation du contentieux de la rétention administrative n’a bien sûr pas été sans incidence sur l’activité des Tribunaux Administratifs.

 

 

Par ailleurs, la Directive « retour » directement invocable par les justiciables a donné lieu à plusieurs recours en annulation en raison de l’illégalité des décisions prises par les Préfets en méconnaissance de ce texte entre décembre 2010 et juin 2011.

 

Il convient de rappeler que la Loi n°2011-672 du 16 juin 2011 a assuré la transposition de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil avec retard.

 

L’État n’a pas respecté le délai – qui a expiré au 25 décembre 2010- laissé aux États membres pour intégrer les principes de cette directive en droit français.

 

Depuis lors, le Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile s’est enrichi de nouvelles règles dont l’interprétation requiert encore l’intervention du Juge Administratif.

 

 

Enfin, au-delà là de ces reformes, les Préfets ont contribué eux-mêmes à l’augmentation du contentieux des étrangers faisant l’objet d’une décision d’éloignement et placés en rétention administrative pour deux raisons :

 

– le recours trop rare à l’alternative de l’assignation à résidence prévue à l’article L561-2 du CESEDA,

– l’absence trop récurrente de délai départ volontaire assortissant les obligations de quitter le territoire sur le fondement de l’article L 511-1 II du même code.

 

 

Affirmation :

 

« Surtout, le dispositif d’aide juridictionnelle, instauré par la loi n°91 – 467 de 1991 pour éviter que les frais de justice ne soient un frein à l’accès au juge, lève tout obstacle à la multiplication des procédures. Quelle que soit l’issue de ces dernières, l’avocat est certain de bénéficier d’une rémunération minimale payée par l’Etat. Le risque lié à l’insolvabilité du client ne se pose pas (Page 43).

 

(…)

 

Certains avocats se sont spécialisés dans ce contentieux avec des motivations politiques ou humanistes, en lien avec le monde associatif qui soutient les étrangers. Par contre, il semblerait que d’autres avocats voient dans le contentieux des étrangers, contentieux plutôt simple techniquement et répétitif, une source lucrative de revenus. Plusieurs interlocuteurs de la mission, y compris des magistrats administratifs, lui ont ainsi indiqué avoir régulièrement constaté que des requérants ignoraient être conseillés par un avocat (Page 45) ».

 

 

Réponse :

 

A la lecture des conclusions de Monsieur François LANGLOIS et Madame Chloé MIRAU, les objectifs de l’intervention des avocats en droit des étrangers ne peuvent que surprendre.

 

Leurs motivations apparaissent bien vénales, empreintes de cupidité sans considération des intérêts des justiciables.

 

Est-ce à dire que les auxiliaires de Justice auraient perdu de vue leur fonction et leur rôle de défenseurs des droits ?

 

Les données fournies par le Rapport de diagnostic de novembre 2013 portant sur la modernisation de l’action publique (MAP) et l’évaluation de la gestion de l’aide juridictionnelle vont pourtant à l’encontre de cette vision :

 

« En 2012, plus d’un million de justiciables ont bénéficié d’une attribution d’AJ. 25.000 avocats ont assuré au moins une mission à ce titre dans le cadre juridictionnel et 17.000 hors juridiction (ex : en garde à vue). Les principaux postes de dépense d’AJ sont les suivants : contentieux familiaux (30%) ; contentieux pénaux (24%) ; garde à vue (14%) ; assistance éducative (5%) ».

 

 

Cette étude dresse, par ailleurs, le constat suivant :

 

« Le rapport des avocats à l’AJ est complexe en raison, aujourd’hui, de la diversité de cette profession, de son caractère évolutif, et des enjeux de l’AJ pour elle non univoques : destinataires finaux de l’AJ en tant que somme monétaire, les avocats s’en disent parfois aussi victimes à cause de son montant selon eux trop faible au regard du « point mort » d’un cabinet, c’est-à-dire du niveau de rémunération en dessous duquel l’exploitation d’un cabinet devient déficitaire. Plus largement la profession voit dans l’AJ « une ressource mais non un revenu parce qu’elle ne permet pas de payer les charges du cabinet et encore moins la rémunération du travail intellectuel » (CNB – 26 octobre 2013) ».

 

 

Enfin, le rapport de diagnostic de novembre 2013 explique :

 

« On observe enfin que l’AJ due dans le cadre des contentieux administratifs est budgétairement imputée à la mission Justice – programme Justice judiciaire, alors que la justice administrative ne relève plus aujourd’hui de la mission Justice mais de la mission Conseil et contrôle de l’Etat.

Cette dispersion du pilotage (encore s’en tient-on aux structures principalement concernées) peut préjudicier à la lisibilité du système par ses acteurs de terrain et à la cohérence des démarches ».

 

 

Le fonctionnement du système de l’aide juridictionnelle semble donc échapper aux rédacteurs du rapport sur l’évolution et la maitrise des dépenses de contentieux à la charge du ministère de l’Intérieur.

 

 

Dans ces circonstances, les observations sur la technicité du contentieux ne peuvent que se dispenser de tout développement.

 

Le renvoi aux articles de ce blog dans cette matière est bien suffisant.

 

 

Affirmation :

 

« Actuellement, il n’existe aucun dispositif qui permet de garantir que l’avocat ne bénéficie pas simultanément du versement de l’aide juridictionnelle et de la somme allouée par la juridiction (qui suppose que l’avocat a renoncé par écrit à l’aide juridictionnelle). C’est pourquoi, le service de l’action juridique et du contentieux (SAJC) de la préfecture de police (PP) envisage-t-il de demander désormais aux avocats de produire un justificatif émanant du bureau des affaires judiciaires attestant de l’effectivité de ce renoncement (Page 47) ».

 

 

Réponse :

 

Aucun avocat n’ignore la formule consacrée qui se retrouve communément dans les requêtes et mémoires présentés devant le Tribunal Administratif.

 

Au visa de la législation en vigueur, elle tend à :

 

« CONDAMNER le Préfet de….à verser au conseil de Mr/Mme… la somme de … euros au titre des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, et subsidiairement de l’article L 761-1 du Code de Justice Administrative ».

 

 

Cette formule couramment usitée prend tout son sens à la lecture de l’article 108 du Décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 récemment modifié qui dispose :

 

« Lorsque l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle a recouvré la somme allouée sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 dans le délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée, il en avise sans délai le greffier ou le secrétaire de la juridiction qui a rendu la décision ainsi que la caisse des règlements pécuniaires dont il relève. Lorsqu’il renonce dans ce même délai à recouvrer cette somme ou qu’il n’en recouvre qu’une partie et que la fraction recouvrée n’excède pas la part contributive de l’Etat, il demande au greffe ou au secrétaire de la juridiction la délivrance d’une attestation de mission laquelle mentionne, le cas échéant, le montant des sommes recouvrées. A l’expiration du délai précité, l’avocat qui n’a pas sollicité la délivrance d’une attestation de mission, est réputé avoir renoncé à la part contributive de l’état ».

 

 

La défiance envers la Profession d’Avocat qui se dégage du rapport de l’Inspection Générale de l’Administration, ne se satisfait donc pas du contrôle des greffes des juridictions administratives et des CARPA imposé par ce texte.

 

Elle méconnait aussi les dispositions de l’article 1.3 du Règlement Intérieur National de la profession d’avocat (RIN) selon lesquelles :

 

« L’avocat exerce ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité, dans le respect des termes de son serment ».

 

Elle ignore surtout la qualité d’auxiliaire de justice de l’Avocat, la déontologie qu’elle lui impose et tous les corollaires qui s’y rattachent.

 

 

 

A regret, la tendance évoquée par Monsieur le Bâtonnier Christian Charrière-Bournazel, Ancien Président du Conseil National des Barreaux se confirme.

 

Ne disait-il pas dans son éditorial du 15 février 2013 que « par définition, le libéral serait malsain tandis que le fonctionnaire serait pur».

 

Dans le cas de la mission relative à l’évolution et à la maîtrise des dépenses de contentieux du ministère de l’Intérieur, cette vision est inquiétante.

 

 

Au final, le souci d’économie – qui concerne chaque contribuable – a limité le regard des rédacteurs du rapport de septembre 2013 à d’apparentes assertions.

 

Dans le contentieux des étrangers, il faut aussi se placer en amont, là où la décision attaquée est prise, où le litige nait, où les perspectives de juridictionnalisation trouvent leur origine.

 

Le traitement des dossiers d’étrangers dans le respect de la légalité et les moyens de fonctionnement des Préfectures ne peuvent donc être ignorés.

 

Ce n’est alors que bon sens de dire qu’ « on voit la paille dans l’œil de son voisin, mais pas la poutre dans le sien ».

 

 

 

A lire : Rapport de septembre 2013

 MOTION_BARREAU_LYON_22-01-2014

Qu’est-ce qu’être européen aujourd’hui ? Premier rendez-vous avec l’Europe : « je suis dans l’espace Schengen »

Le 22/01/14

Le 25 mai 2014, les français sont appelés à voter aux prochaines élections européennes pour choisir leurs représentants au Parlement Européen.

 

Pour certains, l’Europe est une évidence ; mais pour d’autres, elle apparait encore comme une inconnue aux traits incertains.

 

 

C’est ainsi que la levée au 31 décembre 2013 des restrictions pour exercer une activité professionnelle en tant que salarié ou indépendant applicables aux ressortissants roumains et bulgares depuis 2007 a ravivé les inquiétudes nées avec la signature du Traité de MAASTRICHT.

 

La vivacité des craintes ne semble pouvoir être adoucie qu’en répondant à une question : « Qu’est-ce qu’être européen aujourd’hui ? ».

 

 

Je vous propose de faire plus ample connaissance avec cette Europe de toutes les attentes en découvrant trois des caractères principaux qui la définissent :

 

– l’espace Schengen,

 

– l’Union Européenne,

 

– Et la zone euros.

 

 

A l’issue de cette rencontre, il n’appartiendra qu’à vous de vous sentir proche d’elle ou non…

 

 

 

 

 

 

 

Créé par l’accord du même nom signé le 14 juin 1985, l’espace Schengen est né le 26 mars 1995 de l’union du Benelux (Belgique, Pays-Bas et Luxembourg), de l’Allemagne (ex-RFA) et de la France.

 

Les Etats signataires affirmaient solennellement la finalité de leur engagement tendant à la libre circulation des personnes et des biens :

 

« CONSCIENTS que l’union sans cesse plus étroite des peuples des États membres des Communautés européennes doit trouver son expression dans le libre franchissement des frontières intérieures par tous les ressortissants des États membres et dans la libre circulation des marchandises et des services,

 

SOUCIEUX d’affermir la solidarité entre leurs peuples en levant les obstacles à la libre circulation aux frontières communes entre les États de l’Union économique Benelux, la République fédérale d’Allemagne et la République française ».

 

De leur union, est donc né un espace d’échanges composé des territoires des cinq Etats.

 

 

 

1/ Au fur à mesure des années, l’espace Schengen a regroupé de nouveaux membres jusqu’à rassembler 26 pays européens :

 

– 22 sont des États membres de l’Union Européenne : la Belgique, la République tchèque, le Danemark, l’Allemagne, l’Estonie, la Grèce, l’Espagne, la France, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, la Hongrie, Malte, les Pays-Bas, l’Autriche, la Pologne, le Portugal, la Slovénie, la Slovaquie, la Finlande et la Suède.

 

– 4 sont des États associés : Norvège, Islande, Suisse et Liechtenstein.

 

S’ajoute à cela une forme d’alliance entre les Etats signataires et l’Irlande ainsi que la Grande-Bretagne permettant à ces deux pays de participer à tout ou partie à l’acquis Schengen.

 

 

Au coeur de ce vaste espace, la coopération entre les pays s’impose sans qu’aucun membre ne renonce à sa souveraineté et donc à son territoire.

 

Les contrôles aux frontières intérieures sont ainsi supprimés alors que les contrôles aux frontières extérieures sont renforcés.

 

 

Mais afin de concilier liberté et sécurité, il a été nécessaire de mettre en place le Système d’Information Schengen (SIS).

 

Cet outil permet aux autorités nationales responsables des contrôles aux frontières et aux autorités douanières et de police chargées des contrôles au sein de l’espace Schengen de faire circuler des signalements concernant :

 

– des personnes recherchées ou portées disparues,

– des véhicules ou documents volés.

 

 

Cette base de données n’est pas un cas isolé en Europe, comparable au système d’information sur les visas (VIS), au système regroupant les données biométriques sur les demandes d’asile (EURODAC) ou au système d’Information hébergé par Europol (SIE).

 

 

Cependant, si le SIS apporte des garanties de sécurité à la libre circulation, il est à l’origine d’un contentieux lié à l’inscription et à la suppression des signalements.

 

Son application pour le contrôle des flux migratoires et le signalement pour non-admission des migrants est ainsi controversée et rallie autant de détracteurs que de soutiens.

 

Il faut souligner que face au géant SIS, c’est notre petite CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) qui est responsable du contrôle des données au niveau national et qui gère la procédure du droit d’accès indirect.

 

Le système SIS opérationnel depuis 1995 connait actuellement un nouveau développement avec son remplacement par SIS II.

 

 

C’est là l’évolution de l’accord initial Schengen et de la coopération entre Etats.

 

 

 

 

 

2/ Au fur à mesure des années, l’espace Schengen s’est aussi enrichi de règles communes définies autour de trois axes majeurs :

 

– Le premier axe repose sur l’harmonisation des conditions d’entrée et des visas pour les courts séjours.

 

Dans ce cadre, un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes, appelé « Code Frontières Schengen », a été instauré par le Règlement (CE) n°562/2006 du 15 mars 2006.

 

On y retrouve les conditions d’entrée de l’article L211-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile.

 

 

Mais la Directive (CE) 2008/115 dite « Retour » relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier est elle-aussi née de l’évolution Schengen.

 

Celle-ci a déjà fait couler beaucoup d’encres dans les pages de ce blog .

 

 

 

– Le deuxième axe tend à l’amélioration de la coopération policière et douanière que nécessitent les contrôles aux frontières extérieures de l’espace Schengen.

 

Ainsi la création de FRONTEX (Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l’Union européenne) par le Règlement (CE) n°2007/2004 du 26 octobre 2004 répond ainsi à cet objectif.

 

Son action s’est retrouvée récemment au centre de débats à la suite des drames répétés qui se sont produits au large de l’île de LAMPEDUZA.

 

 

 

– Le troisième axe passe par le renforcement de la coopération judiciaire dans lequel le Système d’Information Schengen s’inscrit.

 

Le mandat d’arrêt européen codifié aux articles 695-11 et suivants du Code de Procédure Pénale est le fruit de cette coopération et issue d’une Décision-cadre 2002/584/JAI du 13 juin 2002.

 

La procédure d’extradition s’efface donc dans l’espace Schengen au bénéfice de cette procédure concernant l’arrestation dans un Etat des personnes recherchées dans un autre Etat suivie de leurs remises.

 

 

Pour autant, le plus grand apport dans la coopération judiciaire réside sans nul doute dans l’adoption du Règlement (CE) no343/2003 dit DUBLIN du 18 février 2003.

 

Ce texte a permis d’encadrer le traitement des demandes d’asile présentées dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers.

 

 

 

La législation française a donc intégré l’acquis Schengen oscillant entre politique de contrôle, liberté des échanges et conditions d’accueil des migrants.

 

Aujourd’hui, l’espace couvert par les territoires des 28 États signataires, associés et « réservistes » se dirige vers une nouvelle expansion.

 

La Bulgarie, la Roumanie, Chypre et la Croatie sont, en effet, en attente de leur intégration.

 

Mais avant d’être admis, chaque nouveau pays doit satisfaire à certaines conditions dans les domaines des frontières aériennes, des visas, de la coopération policière et de la protection des données personnelles.

 

 

 

Si le traité d’Amsterdam signé le 2 octobre 1997 a prévu l’incorporation de l’accord de Schengen aux autres traités de l’Union Européenne, les deux associations sont distinctes.

 

 

 

 

A lire : http://europa.eu/legislation_summaries/other/l33183_fr.htm

 

Ce qu’il faut savoir sur la succession d’avocats dans un dossier

Le 08/01/14

Le libre choix de l’avocat est un principe fondamental de l’exercice de notre Profession liée à la relation de confiance qui unit le client à son conseil.

 

Lorsqu’il accepte de défendre les intérêts d’un justiciable, l’avocat suit un dossier jusqu’à l’événement mettant fin à son intervention.

 

Dans une procédure judiciaire, celle-ci commence par la saisine du client pour s’achever par la décision du juge ou son exécution.

 

 

C’est ainsi que selon l’article 13 du Décret n°2005-790 du 12 juillet 2005, « l’avocat conduit jusqu’à son terme l’affaire dont il est chargé, sauf si son client l’en décharge ou s’il décide de ne pas poursuivre sa mission ».

 

Il arrive donc parfois que plusieurs avocats se succèdent dans la gestion d’un même dossier ce qui entraine l’application conjuguées des dispositions propres à la Profession.

 

 

Je vous propose de nous intéresser à ces différentes règles qui permettent de protéger les intérêts du client tout en garantissant la sérénité de ses conseils successifs.

 

 

Les relations entre les avocats :

 

Les rapports entre les conseils successifs d’un même client relèvent d’une bonne entente et d’un respect mutuel.

 

Cordialité et délicatesse s’imposent aux avocats qui appartiennent à une profession réglementée relevant d’une organisation ordinale.

 

 

Pour autant, le changement de conseil n’est pas sans soulever des difficultés d’ordre pratique que le Règlement Intérieur National de la profession d’avocat tente de solutionner.

 

Ainsi le texte commande au nouvel avocat d’obtenir du client les informations concernant le précédent conseil en charge du dossier et de prendre attache auprès de lui sans délai.

 

En tout état de cause, l’article 9 prévoit que :

 

« Sauf accord préalable du bâtonnier, l’avocat qui accepte de succéder à un confrère ne peut défendre les intérêts du client contre son prédécesseur ».

 

 

De son côté, l’avocat dessaisi doit communiquer à son successeur les pièces en sa possession et « ne disposant d’aucun droit de rétention, doit transmettre sans délai tous les éléments nécessaires à l’entière connaissance du dossier ».

 

Le client n’a donc pas à souffrir dans la gestion de son affaire du remplacement de son premier conseil pour un suivant.

 

 

On ne rappellera donc jamais assez que « tous rapports entre avocats s’exercent dans un esprit de confraternité, de correction et de courtoisie » comme le souligne le Règlement intérieur du Barreau de Lyon à l’article LY 3.2.1.1.

 

 

Le règlement des honoraires de l’avocat dessaisi :

 

Un excès de naïveté pourrait pousser à écarter les aspects financiers et les conséquences pécuniaires qu’entraine un changement d’avocats.

 

Une telle approche reviendrait à nier que la rémunération d’un avocat est parfois à l’origine de la rupture avec son client :

 

– Soit que le client conteste le montant des honoraires qui lui sont réclamés et décide de cesser la collaboration,

– Soit que l’avocat interrompe sa mission avant de se décharger du dossier suite à une absence de règlement de ses prestations.

 

Bien que la transparence permette la plupart du temps d’éviter de telles déconvenues, il arrive que la finance fasse loi dans les rapports entre le mandant et son mandataire.

 

 

Là encore, le Règlement Intérieur National de la profession d’avocat dans son article 9 précise les démarches à suivre pour repartir sur de nouvelles bases.

 

Aussi est-il prévu que :

 

« L’avocat qui accepte de succéder à un confrère doit, avant toute diligence, le prévenir par écrit et s’enquérir des sommes pouvant lui rester dues.

(…)

Le nouvel avocat s’efforce d’obtenir de son client qu’il règle les sommes restant éventuellement dues à un confrère précédemment saisi du dossier. S’il reçoit du client un paiement alors que des sommes restent dues à son prédécesseur, il en informe le bâtonnier ».

 

 

En cas de difficultés, il appartiendra au Bâtonnier de régler le problème car le dessaisissement d’un pour un autre ne doit se faire au détriment pécuniaire d’aucun des deux.

 

Il n’est d’ailleurs pas rare qu’une procédure de contestation des honoraires de l’ancien conseil soit initiée concomitamment au changement d’avocats ou s’en suive.

 

 

Les clients doivent demeurés conscients de la portée des engagements qu’ils prennent envers leur avocat et des conséquences indirectes de la rupture.

 

En effet, les conventions d’honoraires au forfait que certains Ordres présentent en modèle, stipulent parfois les clauses suivantes :

 

« En cas de rupture anticipée par le client du mandat confié à l’avocat celui-ci percevra l’intégralité du forfait prévu lequel deviendra immédiatement exigible, le solde éventuellement dû jusqu’au terme du présent contrat étant acquis à titre de clause pénale.

En cas de rupture anticipée par l’avocat, les honoraires dus seront évalués au temps passé sans jamais pouvoir dépasser la moitié du forfait prévu, le surplus éventuellement dû étant acquis au client à titre de clause pénale ».

 

 

La succession d’avocats et l’aide juridictionnelle :

 

Lorsque le client est admissible à l’aide juridictionnelle partielle ou totale, la question financière ne disparait pas pour autant en cas de changement de conseil.

 

D’autant que tous les avocats n’acceptent pas d’intervenir dans un dossier au titre d’une prise en charge de l’Etat.

 

Entre indemnité publique et règlement d’honoraires, les intérêts pécuniaires en jeu ne sont évidemment pas les mêmes…

 

 

Les rapports financiers entre avocats « à l’AJ» sont donc organisés par l’article 19 du Décret n°2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat.

 

Le Règlement Intérieur National de la profession d’avocat reprend ces dispositions dans son article 9.3 précisant que :

 

« L’avocat qui succède à un confrère intervenant au titre de l’aide juridictionnelle ne peut réclamer des honoraires que si son client a expressément renoncé au bénéfice de celle-ci. Il informe auparavant son client des conséquences de cette renonciation. En outre, il informe de son intervention son confrère précédemment mandaté, le bureau d’aide juridictionnelle et le bâtonnier ».

 

Dans le cas où deux avocats intervenant à l’aide juridictionnelle se succèdent dans un dossier, ils devront se partager une seule et même indemnisation correspondant à une seule et même procédure : Il n’y aura alors pas de nouvelle décision du Bureau d’Aide Juridictionnelle mais une simple modification.

 

 

Conformément à l‘article 103 du Décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 , le partage d’aide juridictionnelle suite à la succession d’avocats s’organisera ainsi :

 

« Lorsqu’un avocat désigné ou choisi au titre de l’aide juridictionnelle est, en cours de procédure, remplacé au même titre pour raison légitime par un autre avocat, il n’est dû qu’une seule contribution de l’Etat. Cette contribution est versée au second avocat, à charge pour lui de la partager avec le premier dans une proportion qui, à défaut d’accord, est fixée par le bâtonnier.

Dans le cas où les avocats n’appartiennent pas au même barreau, la décision est prise conjointement par les bâtonniers des barreaux intéressés.

Les mêmes règles sont applicables lorsque le remplacement a lieu au cours de pourparlers transactionnels ».

 

Le bureau d’Aide Juridictionnelle et le Bâtonnier s’imposent donc en garant de l’affectation et du règlement des fonds publics.

 

 

 

Il ressort de ce qui précède que le libre choix de l’avocat implique un droit au changement parfaitement organisé.

 

Les textes régissant ce cas de figure permettent ainsi de concilier tous les intérêts en présence en évitant les abus.

 

Le seul profit que le client peut retirer de la succession d’avocats, c’est le bénéfice d’une défense conforme à ses attentes et une collaboration en toute confiance.

 

 

En tout état de cause, il doit avoir conscience que son conseil n’est tenu à son égard qu’à un devoir de conseil et à une obligation d’information durant toute la durée de son intervention.

 

L’avocat n’est soumis à aucune obligation de résultat dans le cadre d’une procédure judiciaire dont l’issue dépend du pouvoir d’appréciation des juges du fonds.

 

 

Portée de la table de référence des pensions alimentaires et office du juge

Le 28/10/13

Dans le cadre d’une procédure de divorce ou de fixation de la contribution à l’entretien et l’éducation d’enfant, le Juge aux Affaires Familiales doit se pencher sur la situation économique des parents.

 

C’est ainsi qu’il évalue leurs capacités financières au vu des ressources et des charges de chacun afin de déterminer le quantum de la pension qui sera versée par le père ou la mère au titre des aliments.

 

 

L’article 371-2 du Code Civil dispose, en effet, que :

 

« Chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant.

Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l’enfant est majeur ».

 

 

Pour faciliter cette analyse et homogénéiser les pratiques locales, le ministère de la Justice a établi une table de référence indicative pour la fixation de la contribution à l’entretien et l’éducation des enfants (CEEE) après la séparation des parents.

 

Cet outil de travail diffusé en annexe de la circulaire CIV/06/10 du 12 avril 2010 présente une grille d’évaluation tenant compte des modalités d’accueil de l’enfant (résidence alternée, droit de visite et d’hébergement simple ou élargi).

 

 

Cependant, si l’utilité de ce support n’est pas discutable, il ne peut lui être attribué qu’une portée toute relative.

 

Le Juge peut être guidé par la table de référence mais n’est jamais dispensé d’apprécier :

 

– les besoins de l’enfant eu égard à son âge, à ses habitudes de vie et aux soins qui lui sont indispensables,

– les capacités contributives du débiteur en tenant compte de ses charges, de sa situation personnelle et de la nature de ses ressources.

 

 

Les juges de la Cour de Cassation ont fermement rappelé ce principe en sanctionnant la décision d’une cour d’appel fixant le montant d’une pension alimentaire en se fondant sur la table de référence :

 

« Attendu que, pour condamner M. X… à verser une contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, l’arrêt énonce, d’une part, que la table de référence “indexée” à la circulaire du 12 avril 2010 propose de retenir pour un débiteur, père d’un enfant, disposant d’un revenu imposable de n… euros par mois et exerçant un droit d’accueil “classique” une contribution mensuelle de n… euros, d’autre part, que l’exercice d’un droit d’accueil restreint augmente, de façon non négligeable, les charges du parent au domicile duquel l’enfant réside ;

Qu’en fondant sa décision sur une table de référence, fût-elle annexée à une circulaire, la cour d’appel, à laquelle il incombait de fixer le montant de la contribution litigieuse en considération des seules facultés contributives des parents de l’enfant et des besoins de celui-ci, a violé, par fausse application, le texte susvisé »

Cass. Civ. 1ère 23 octobre 2013 Pourvoi n°12-25301

 

 

En cela, cette jurisprudence est parfaitement conforme à la circulaire CIV/06/10 du 12 avril 2010 qui présente la table annexée comme une référence indicative et non un barème obligatoire.

 

L’accès au dossier pénal du détenu

Le 22/10/13

Depuis sa création en 2007, le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté n’a cessé de faire parler de lui.

 

Chaque année, son rapport d’activité est attendu pour ses recommandations mais également pour ses constats sur ces lieux de l’ombre où les libertés peuvent être malmenées.

 

Des locaux de garde à vue aux établissements de santé, des zones d’attente aéroportuaires aux établissements pénitentiaires, il livre sa vision et ses solutions.

 

 

C’est ainsi qu’au travers d’un avis du 13 juin 2013, le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté s’est notamment penché sur l’accès par de détenus aux documents communicables.

 

Il s’agit d’une préoccupation importante des personnes incarcérées qui souhaitent connaître avec précision le contenu de leur dossier pénal..

 

A ce sujet, l’article 42 de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 dispose :

 

« Toute personne détenue a droit à la confidentialité de ses documents personnels. Ces documents peuvent être confiés au greffe de l’établissement qui les met à la disposition de la personne concernée. Les documents mentionnant le motif d’écrou de la personne détenue sont, dès son arrivée, obligatoirement confiés au greffe« .

 

 

Dans son récent avis, le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté pointe cependant les dysfonctionnements du dispositif mis en place pour la consultation afin qu’une amélioration s’en suive.

 

Il note ainsi la difficile compatibilité entre les droits de la défense et l’organisation du service pénitentiaire :

 

« Enfin de manière plus générale, l’accès au dossier pénal peut poser difficulté : soit que ce dossier, faute de personnels, n’ait pas été convenablement rassemblé ; soit que l’administration, avant consultation par la personne incarcérée, souhaite faire le tri entre le communicable et l’incommunicable sans disposer du temps nécessaire (les pièces d’origine judiciaire – article D. 77 du code de procédure pénale- ne pouvant être communiquées que par la juridiction) ; soit que la dématérialisation du dossier (sur CD numérique) pose des questions de réalisation ou de consultation ; soit enfin que la copie des pièces communicables du dossier pénal nécessaires à la personne détenue ne puisse être réalisée dans les délais de procédure. Il résulte de ces aléas que, dans bien des cas, la personne peut estimer, à bon droit, qu’elle ne dispose pas des moyens de préparer sa défense en cas d’appel ou de pourvoi en cassation« .

 

Avis du 13 juin 2013 relatif à la possession de documents personnels par les personnes détenues et à l’accès de celles-ci aux documents communicables NOR : CPLX1317489V

 

 

Etrangers incarcérés : la demande de titre de séjour est un élément de réinsertion

Le 07/10/13

Depuis quelques années, les préfectures font une application stricte de l’article R 311-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile qui dispose :

 

« Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans ou qui sollicite un titre de séjour en application de l’article L. 311-3, est tenu de se présenter, à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de titre de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient ».

 

Les tolérances jadis admises dispensant les étrangers de solliciter en personne un titre de séjour ou son renouvellement auprès des autorités de l’Etat ont disparu.

 

 

Les premiers à subir des affres de cette obligation sont évidemment les personnes incarcérées qi ne peuvent se déplacer jusqu’aux guichets préfectoraux.

 

La Circulaire INT/V/13/06710/C du 25 mars 2013 relative aux procédures de première délivrance et de renouvellement de titres de séjour aux personnes de nationalité étrangères privées de liberté indique cependant que :

 

« La possibilité pour les personnes étrangères privées de liberté de solliciter pendant leur incarcération la première délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour constitue un élément essentiel à la préparation de leur sortie et à leur réinsertion sociale (accès notamment aux prestations sociales, aux soins, au logement, à la formation et à l’emploi) ».

 

C’est ainsi qu’au terme d’un jugement du 9 avril 2013, le Tribunal Administratif de LILLE a annulé la décision implicite de rejet du préfet consécutive à une demande de renouvellement de carte de séjour temporaire « vie privée et familiale »présentée par voie postale par un condamné à une peine de vingt ans de réclusion criminelle.

 

Les juges de première instance ont considéré que :

 

« si le préfet du Pas-de-Calais fait valoir que M. L. ayant adressé sa demande par voie postale en méconnaissance des dispositions précitées de l’article R. 311-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ce dernier ne saurait se prévaloir à l’encontre de la décision de rejet de sa demande de titre de séjour de moyens autres que ceux tirés d’un vice propre de cette décision implicite, il ressort toutefois des travaux préparatoires de la loi du 24 novembre 2009 précitée, et notamment des débats qui se sont tenus au Sénat au cours de la séance du 4 mars 2009 au cours de laquelle a été adopté l’amendement à l’origine de l’article 30 de la loi du 24 novembre 2009 ainsi que du rapport n° 1899 du député Garraud sur le projet de loi adopté par le Sénat et transmis à l’Assemblée nationale que le législateur a entendu faciliter les démarches administratives des détenus, en permettant notamment aux ressortissants d’un pays étranger d’élire domicile dans l’établissement pénitentiaire pour obtenir ou faire renouveler un titre de séjour ; que ces dispositions législatives ne sauraient être tenues en échec par les dispositions de valeur réglementaire de l’article R. 311-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ».

Tribunal Administratif de LILLE 9 avril 2013 n° 1204248

 

Cette jurisprudence revient sur l’appréciation du Conseil d’Etat dans un avis concernant le principe de la comparution personnelle de l’étranger, demandeur de titre.

 

Selon la Haute Juridiction Administrative, « une demande de titre de séjour présentée par un ressortissant étranger en méconnaissance de la règle de présentation personnelle du demandeur en préfecture fait naître, en cas de silence gardé par l’administration pendant plus de 4 mois, délai fixé par l’article 2 du même décret, une décision implicite de rejet susceptible d’un recours pour excès de pouvoir ».

 

Cependant, « lorsque le refus de titre de séjour est fondé à bon droit sur l’absence de comparution personnelle du demandeur, ce dernier ne peut se prévaloir, à l’encontre de la décision de rejet de sa demande de titre de séjour, de moyens autres que ceux tirés d’un vice propre de cette décision ».

Conseil d’État 11 octobre 2006 Requête N° 292969

 

 

Le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales semble désormais invocable à l’encontre d’une décision implicite de rejet prise à l’encontre d’un détenu.

 

 

Les impératifs de réinsertion prévalent donc sur la comparution personnelle.

 

Avis de tempête

Le 01/10/13

Le 28 septembre dernier, l’association des Avocats Conseils d’Entreprise (ACE), la Confédération Nationale des Avocats (CNA), la Fédération Nationale des Unions de Jeunes Avocats (FNUJA) et le Syndicat des Avocats de France (SAF) ont appelé à la mobilisation nationale de la Profession.

 

Au coeur des tensions, se trouve le projet de loi de finances pour 2014.

 

 

Sous couvert de « renforcer l’accès à la justice et l’équité de l’aide juridictionnelle », le texte tend à réduire l’indemnisation perçue au titre de l’aide juridictionnelle déjà peau de chagrin.

 

Pourtant, l’exposé des motifs de l’article 69 du projet de loi de finances 2014 était prometteur :

 

« Le Gouvernement propose de supprimer le droit de timbre de 35 euros; qui doit aujourd’hui être acquitté pour introduire un recours en justice. Cela facilitera l’accès de tous les justiciables à la justice. En effet, les justiciables dont les revenus sont relativement modestes mais qui se situent juste au dessus du plafond d’éligibilité à l’aide juridictionnelle peuvent être dissuadés de porter une affaire devant les tribunaux du fait de cette charge financière. Ce plafond, maintenu en 2013 à 929 € par mois pour l’obtention de l’aide juridictionnelle totale pour une personne seule, est en effet inférieur au seuil de pauvreté (964 € pour une personne seule, selon la définition de l’Insee correspondant à 60 % du revenu disponible de 2010 – derniers chiffres disponibles) ».

 

 

Mais pour contrebalancer la disparition de cette source de financement, il faut trouver d’autres moyens afin de sauver l’aide à l’accès au droit, d’autant que 30 millions d’euros sont déjà amputés de son budget.

 

Alors si les justiciables ne sont plus taxés, ce seront les avocats qui les assistent qui seront moins rétribués.

 

Il suffit donc d’« une démarche de simplification administrative » pour que le barème d’indemnisation de l’aide juridictionnelle se trouve modifié.

 

Le Conseil National des Barreaux s’inquiète de cette mesure qui reviendrait à mettre « l’accès au droit en danger ».

 

Il s’offusque de l’absurdité d’un tel système dans lequel « les avocats devraient payer pour contribuer à indemniser ceux de leurs confrères en charge de l’accès à la justice ».

 

 

 

Dans l’attente de la rencontre entre la Garde des sceaux et les représentants de la Profession, les doléances devraient prendre la forme d’une grève des audiences le 4 octobre prochain.

 

Les Barreaux de PAU et de NANTES ont déjà répondu à l’appel.

 

 

Pour ma part, je ne suis ni politicienne, ni politisée : je suis juriste. Je ne suis ni militante, ni détachée : je suis auxiliaire de justice.

 

Surtout, je prête mon concours à la justice et je suis chef d’entreprise : bref, je suis avocat.

 

QPC sur la Liberté de conscience des maires : le débat se poursuit…

 

Le 26/09/13

 

Le 22 septembre dernier, l’équinoxe d’automne a marqué la fin de l’été amenant dans son sillage l’annonce de la valse des feuilles.

 

Avant l’ocre et le rouge, le soleil des vacances résiste et s’accroche pour notre plus grand plaisir.

 

Sa douceur et sa chaleur durant les congés estivaux n’ont, cependant, pas suffi à balayer certains débats juridiques.

Loin du chemin des écoliers, ils resurgissent et bruissent dans les cours des mairies françaises en cette rentrée 2013

 

La Loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, c’est d’elle dont il s’agit, encore d’elle, toujours d’elle.

 

 

On savait qu’elle avait été menacée d’inapplication avant même son entrée en vigueur par certains maires refusant la célébration de mariages d’époux de même sexe .

 

On savait qu’elle s’était affichée dans les pages des journaux dans un feuilleton provençal de politique locale .

 

 

Le 18 septembre dernier, elle s’est invitée, de nouveau, au Conseil Constitutionnel à la requête du Conseil d’État.

 

 

Elle réapparait dans un litige concernant la circulaire NOR : INTK1300195C du ministre de l’intérieur en date du 13 juin 2013 portant sur les conséquences du refus illégal de célébrer un mariage de la part d’un officier d’état civil.

 

Ce texte rappelle les règles essentielles de fonctionnement du service public de l’état civil, à savoir :

 

« Le refus de célébrer le mariage par le maire peut constituer une voie de fait, c’est-à-dire une atteinte grave portée à une liberté fondamentale et une décision administrative manifestement insusceptible de se rattacher à l’exécution d’un texte législatif ou réglementaire.

(…)

Seul le Procueur de la République peut en effet s’opposer au mariage s’il estime qu’il pourrait être atteint par une cause de nullité.

(…)

Le refus illégal de célébrer un mariage expose son auteur à des poursuites sur le fondement des articles 432-1 et 432-7 du code pénal ».

 

 

Face à la fermeté de ces instructions, l’absence de garanties législatives de la liberté de conscience des maires a donné naissance à une question prioritaire de constitutionnalité nouvelle.

 

Aussi la Haute Juridiction Administrative a-t-elle décidé de s’en remettre aux Sages de la République.

 

Si aucune audience publique n’est, pour l’heure, fixée pour évoquer cette question, le débat se poursuit.

 

 

 

Actualisation

 

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux (Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 10ème sous-section de la section du contentieux

Séance du 6 septembre 2013 – Lecture du 18 septembre 2013

 

 

 

Vu le mémoire, enregistré le 2 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté par M. Franck M. et autres, en application de l’article 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; M. Franck M. et autres demandent au Conseil d’Etat, à l’appui de leur requête tendant à l’annulation de la circulaire du ministre de l’intérieur du 13 juin 2013 relative aux « conséquences du refus illégal de célébrer un mariage de la part d’un officier d’état civil », de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles 34-1, 74 et 165 du code civil ainsi que des dispositions de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 34 et 61-1 ;

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Anne Iljic, Auditeur,

– les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;

1. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (…) à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’Etat (…) » ; qu’il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant que les articles 34-1, 74 et 165 du code civil, ainsi que l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, sont applicables au présent litige au sens et pour l’application de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 ; que ces dispositions n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce que ces dispositions ne comporteraient pas les garanties qu’exige le respect de la liberté de conscience, soulève une question qui, sans qu’il soit besoin pour le Conseil d’Etat d’examiner son caractère sérieux, doit être regardée comme nouvelle ; qu’ainsi il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

 

 

D E C I D E :

————–

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des articles 34-1, 74 et 165 du code civil ainsi que de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. M. et autres jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Franck M. et autres, à la garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre de l’intérieur. Copie en sera adressée au Premier ministre.

 

 

 

 

 

 

Au terme de sa décision du 18 octobre 2013, le Conseil Constitutionnel a jugé les dispositions contestées conformes à la Constitution et a ainsi statué sur la question prioritaire de constitutionnalité précédemment évoquée :

 

« 10. Considérant qu’en ne permettant pas aux officiers de l’état civil de se prévaloir de leur désaccord avec les dispositions de la loi du 17 mai 2013 pour se soustraire à l’accomplissement des attributions qui leur sont confiées par la loi pour la célébration du mariage, le législateur a entendu assurer l’application de la loi relative au mariage et garantir ainsi le bon fonctionnement et la neutralité du service public de l’état civil ; qu’eu égard aux fonctions de l’officier de l’état civil dans la célébration du mariage, il n’a pas porté atteinte à la liberté de conscience ;

 

11. Considérant que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent ni le principe de pluralisme des courants d’idées et d’opinions, ni le principe de la libre administration des collectivités territoriales, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution« .

Conseil Constitutionnel 18 octobre 2013 Décision n° 2013-353 QPC

 

Le mécanisme de la crise

Le 15/07/13

J’accueille aujourd’hui une publication bien moins juridique qu’économique permettant d’apporter un regard avisé et un éclairage spécifique sur l’économie et ses mécanismes. 

 

Le siège de rédacteur appartient à Samuel MANSEAU, titulaire d’un Master en Géopolitique Européenne, que je remercie vivement pour sa participation et son travail. 

Nous vivons dans une économie globalisée.

Cette économie de type libérale est fondée sur la liberté d’entreprendre, de se déplacer, de travailler.

Depuis l’effondrement de l’URSS et du modèle communiste, les alliés menés par les Etats-Unis ont suivi une orientation capitaliste au lendemain de la seconde guerre mondiale.

Le plan Marshall a été le fer de lance de cette politique où le dollar s’est donc rapidement imposé comme monnaie de référence international.

En quelques décennies, le monde s’est rétréci : l’apparition d’Internet a facilité les échanges et permis d’interconnecter tous les acteurs économiques internationaux (banques, grands groupes industriels, médias, entreprise de BTP,…).

Bien sûr les banques ont joué un rôle majeur dans ce nouvel ordre mondial en organisant les modalités de règlement à l’échelle internationale entre monnaies différentes.

Présentes dans plusieurs pays, elles ont pu évoluer librement en s’affranchissant de la législation nationale et ainsi acquérir une fonction économique incontournable.

Elles ont ainsi transformé la richesse et la valeur en des concepts abstraits dans notre monde moderne, une pièce de monnaie ou un billet de banque ne contenant aucun matériau, même précieux pouvant garantir sa valeur faciale.

Le système s’est alors construit autour d’un seul maitre-mot : la confiance.

Mais en 2008, la faillite de Lehman Brothers a brisé cette pierre angulaire de la finance moderne.

Les prêts structurés issus de la bulle immobilière ont conduit les banques à prêter plus facilement à des taux plus bas mais variables.

Lorsque le marché immobilier s’est effondré, beaucoup d’acteurs économiques (promoteur, particuliers, artisans,…) ayant emprunté auprès de leur banque n’ont plus eu les moyens de la rembourser.

La première à avoir fait faillite a vu sa valeur s’effondrer et tous ceux qui possédaient des actions de cet établissement financier ont été touchés.

Par contamination, tout le secteur bancaire a été touché, toutes les banques étant soupçonnées d’être porteuses du même virus que Lehman Brothers.

Dans ce contexte, les Etats n’ont eu d’autres choix que de sauver leurs établissements bancaires et se sont porté garants pour eux.

L’argent public est ainsi venu au secours d’acteurs privés de l’économie devenus aussi incontournables que stratégiques

Cependant, malgré cette action de prêteur en dernier ressort, les entreprises se sont retrouvées face à une contraction de l’économie : la récession.

Le coeur du système capitaliste a donc été atteint par le mal avec des conséquences directes sur tous ses acteurs.

La crise, une maladie imaginaire : 

La base de l’économie capitaliste est la croissance.

C’est elle qui marque l’augmentation de la production, elle encore qui traduit une évolution de la consommation, elle surtout qui rétribue le capital.

Aussi lorsque la croissance disparait, tout le corps économique est atteint par un virus appelé récession, contagieux et transmissible par l’argent.

Cela commence par les entreprises frappées par une crise de ralentissement dont le premier symptôme est la baisse de leurs ventes et le second, l’allongement de leur durée de paiement.

Et lorsqu’elles se tournent vers leurs partenaires bancaires pour solliciter une ligne de crédit ou une facilité de caisse permettant de faire baisser leur fièvre, elles trouvent souvent un refus ou une proposition minorée.

Puis le mal des entreprises se transmet à leurs fournisseurs par la diminution du pouvoir d’achat.

Baisse des prix, contrepartie en nature ou paiement échelonné sont autant de gestes commerciaux auxquels les fournisseurs doivent consentir pour garantir leur sauvegarde.

Mais par ce mécanisme en cascade, ils voient cependant leurs rentrées d’argent diminuer et doivent eux aussi « réduire la voilure » en faisant à leur tour des économies.

Au bout de la chaine de restriction, se trouvent les services externes : intermédiaire, conseil, expert, professions libérales.

Les uns partent, frappés par la disparition de leurs clients, les autres restent, condamnés à négocier chaque prix, à retarder chaque paiement.

C’est ainsi que la circulation de l’argent dans l’économie se ralentit inlassablement, au fur et à mesure que le virus se répand.

Le problème structurel d’une économie interconnectée est donc que tous ses acteurs finissent par être contaminés.

Si la croissance disparaît alors qu’elle est le moteur de notre modèle économique, personne ne peut empêcher ce système globalisé de caler.

La décroissance et l’Etat : 

Face à la croissance qui s’évanouit, l’action des états pour soutenir l’économie nationale est alors cruciale.

Cependant, chaque état à aussi capacité d’endettement limité : l’aversion du risque s’applique à tous, sans exception.

En outre, la hausse du chômage diminue les rentrées fiscales en même temps qu’elle augmente les dépenses sociales.

L’état français est un ménage comme les autres qui doit faire face à la baisse de son budget et à l’augmentation de ses dépenses.

Aussi plus les déficits se creusent, plus l’état ne peut que diminuer ses dépenses sociales, réduisant encore le pouvoir d’achat de sa population.

En France un peu moins de 7 millions de personnes sont rémunérés par les prestations versées par l‘Etat.

Ce dernier soutient donc l’économie française.

Mais lorsque l’Etat diminue ses dépenses, cela a une conséquence directe sur tous les acteurs économiques nationaux qui voient leurs revenus diminuer par ricochet : toute l’économie intérieure s’en trouve impactée.

C’est alors que le pays entre en récession… et la crise s’accentue.

Pour maintenir ses dépenses, l’Etat va augmenter ses prélèvements fiscaux sur l’économie et faire pression sur les acteurs économiques.

Pour les entreprises comme les particuliers, la conséquence est la même : les rentrées d’argent (salaires, ventes,…) diminuent tandis que les dépenses augmentent (impôts, taxes,…).

La crise est donc avant tout un cercle vicieux qui atteint son paroxysme lorsque tout le monde est touché à son niveau. 

Le séisme social : 

Devant la propagation en cascade du mal, le risque est bien sûr que l’Etat se désengage de l’économie pour et par la privatisation.

Pour de nombreuses personnes, une telle situation revient à donner les clés de la banque à ceux qui l’ont cambriolé.

Le capitalisme apparait alors responsable de tous les maux, de la crise et de la perte de confiance sur fond d’affairisme et de corruption.

C’est ainsi que un souffle de révolte se propage pour faire rempart à l’infection.

Dans ce contexte tendu, le mouvement des indignés et l’ensemble des manifestations contre les politiques d’austérité ont montré l’opposition ferme de la population aux différentes politiques menées pour lutter contre la crise.

Ce mouvement de contestation est accompagné par une perte de souveraineté de la part de l’Etat qui se voit obligé de recourir à l’aide de prêteurs internationaux tels que le FMI ou la Banque Mondiale.

Ces derniers lui dictent la politique à suivre en contrepartie de leurs soutiens dans une négociation à sens unique.

L’austérité s’impose contre vents et citoyens dans des domaines aussi sensibles les uns que les autres : santé, éducation, justice, logement… etc

Elle force la population à la scission, entre ceux qui peuvent payer et ceux qui ne peuvent pas.

De ce séisme social, chacun tire des conséquences qui alimentent la crise : Au coeur des ménages, la préférence va à l’économie plutôt qu’à la dépense alors que dans la sphère des affaires, c’est l’aversion au risque qui fait loi.

Les effets directs de cette frilosité globale sont la rétention de l’argent entre les mains des banques encore malades.

Or ce sont les établissements financiers qui font normalement circuler l’argent dans l’économie comme le coeur assure l’écoulement du sang dans les veines et artères de tout le corps.

Elles se sont donc imposées comme des partenaires majeurs pour les acteurs économiques et politiques en distribuant la ressource monétaire et en organisant son utilisation (investissement, épargne,…).

Mais les banques ne soutiennent plus l’activité industrielle ou commerciale et n’injectent plus aucun fonds de l’épargne dans l’économie.

L’entreprise PSA en est l’exemple le plus récent :

En préférant directement s’adresser au grand public qu’à ses partenaires bancaires pour financer son redressement, elle cherche avant tout à faire face à des difficultés économiques en s’affranchissant des circuits de financement bancaire classique, toujours malade.

Cela préfigure peut-être des remèdes à trouver pour sortir de la crise et réintroduire la confiance dans notre économie.

Samuel MANSEAU