La servitude, une charge utile

Selon l’article 637 du Code Civil, « une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l’usage et l’utilité d’un héritage appartenant à un autre propriétaire ».

Ainsi l’existence même de la servitude implique une relation entre deux terrains différents qui sont la propriété de deux personnes distinctes.

Cette charge créé ainsi un rapport entre deux immeubles : le fonds, celui qui en bénéficie, et le fonds servant, celui qui la supporte.

La charge contraint le propriétaire du fonds servant à accepter des obligations qui vont réduire ses droits.

A l’inverse, le propriétaire du fonds dominant est gratifié de prérogatives instituées par nécessité ou par convenance.

 

Malgré les sujétions qui naissent avec la servitude, il ne faut pas se méprendre sur sa nature.

Elle constitue, en effet, un droit réel et non un droit personnel : elle est liée au fonds et non à la personne.

Cette charge ne peut être imposée qu’à un fonds et pour un fonds, l’un des fonds servant nécessairement l’intérêt de l’autre.

La servitude est donc un accessoire indissociable du fonds servant et partage son sort car elle se transmet avec lui.

Il n’y a pas de quête du sens de l’existence dans ce domaine puisque la vie de cette charge est rattachée à son utilité.

C’est ainsi que l’article 639 du Code civil distingue trois types de servitudes en s’attachant à leur origine ou à leur mode d’établissement :

– les servitudes dérivant de la situation des lieux,
– les servitudes établies par la loi créées pour répondre à un objet public ou privé
– les servitudes établies par le fait de l’homme nées d’un accord entre propriétaires.

L’appréciation de l’utilité de la servitude est au cœur d’une jurisprudence fournie où le juge opère un contrôle entre la nécessite des obligations imposées par la charge et l’atteinte portée au droit de propriété.

Nul ne pouvant être contraint de céder sa propriété, les dispositions de l’article 637 du Code Civil doivent se concilier avec celles de l’article 545 du même code.

Ce principe a été récemment rappelé par la Cour de Cassation dans un arrêt du 6 juin 2019.

Les juges ont précisé que dès lors que la volonté des parties tenait, lors d’une vente, à imposer un service à un fonds au profit d’un autre fonds, les contractants ont souhaité instituer une servitude.

Ils ont confirmé la décision des juges d’appel ayant retenu la nullité d’une clause d’un acte instituant une servitude dès lors qu’elle revenait à interdire, en raison de la configuration des lieux, toute jouissance de la chose pour le propriétaire du fonds servant.

Cass. Civ. 3ème 6 juin 2019 Pourvoi n°18-14547

 

Ainsi, si la servitude peut limiter l’usage du bien servant au profit du fonds dominant par la ou les charges qu’elle met en œuvre, elle ne peut priver le propriétaire du fonds servant de toute utilité de son bien.

Une servitude ne peut donc être constituée par un droit exclusif interdisant au propriétaire du fonds servant toute jouissance de sa propriété.

Cass. Civ. 3ème 24 mai 2000 Pourvoi n°97-22255

La Cour de Cassation avait déjà eu l’occasion de préciser qu’il appartient au juge du fond de rechercher si la convention instituant la servitude n’interdisait pas au propriétaire du fonds servant toute jouissance d’une partie de sa propriété.

Cass. Civ. 3ème 12 décembre 2007 Pourvoi n° 06-18288

La servitude qu’elle soit sa nature et qu’elle soit son origine doit donc se conjuguer avec les droits d’autrui tant au moment de sa création que lors de son exercice.

 

Ce qu’il faut savoir sur les troubles anormaux de voisinage

Comme indiqué précédemment, la loi n° 2019-222, 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a engagé une grande évolution touchant le droit de l famille, le droit pénal mais également la procédure civile.

Cette législation prévoit notamment l’instauration d’une tentative de résolution amiable obligatoire pour certains litiges  avant toute saisine du juge.

Selon l’article 3 du texte de réforme :

« Lorsque la demande tend au paiement d’une somme n’excédant pas un certain montant ou est relative à un conflit de voisinage, la saisine du tribunal de grande instance doit, à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation, telle que définie à l’article 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, ou d’une tentative de procédure participative, sauf :
1° Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord ;

2° Lorsque l’exercice d’un recours préalable est imposé auprès de l’auteur de la décision ;

3° Si l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime, notamment l’indisponibilité de conciliateurs de justice dans un délai raisonnable ;

4° Si le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation« .

Ces dispositions ne rentreront en application qu’au 1er janvier 2020.

Mais à cette date, elles auront un impact considérable sur le contentieux de proximité en favorisant l’instauration d’un dialogue pouvant aboutir au règlement amiable du litige.

Les troubles anormaux de voisinage, objet de crispations et de pesantes tensions, sont directement concernés par cette réforme.

  • Le fondement de la responsabilité

La proximité de plusieurs habitations a des conséquences directes sur le cadre de vie et l’environnement immédiat de tout un chacun.

Vue, bruit, odeur sont autant d’inconvénient au voisinage que l’isolement ne connait pas.

Si, dans certaines situations, ils sont raisonnables et bien ordinaires, dans d’autres ils sont indésirables et singulièrement préjudiciables.

Ils portent alors atteinte à la tranquillité sans malveillance et deviennent des troubles anormaux de voisinage engageant la responsabilité de leur auteur à l’égard de ceux qui en sont les victimes.

Le Code Civil ne contient aucune disposition concernant les troubles de voisinage puisque la jurisprudence est à l’origine de ce concept juridique.

C’est ainsi que la Cour de Cassation a développé un régime de responsabilité particulier et affirmé le principe général du droit selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage.

  • Les conditions de la responsabilité 

La responsabilité est tout d’abord lié au caractère anormal des désagréments de la proximité entre voisin, qu’elle soi directe ou non.

Les nuisances, même en l’absence de toute infraction aux règlements administratifs, doivent dépasser un seuil de tolérance habituellement admis.

Par ailleurs, le trouble causé au voisin doit s’inscrire dans la continuité et la régularité éclipsant ainsi tous débordements exceptionnels.

L’appréciation de l’anormalité est ensuite directement liée au préjudice que l’excès va faire naitre par un rapport causalité directe et immédiate.

La responsabilité repose sur la seule preuve du dommage anormal subi, sans qu’il soit nécessaire de caractériser et de prouver l’existence une faute.

Cass. Civ. 3ème 30 juin 1998 Pourvoi n°96-13039

 

Cependant il existe des exceptions qui vont exonérer le voisin perturbateur tel que le comportement fautif de la victime.

L’article L112-16 du Code de la Construction et de l’Habitation prévoit également que « les dommages causés aux occupants d’un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales ou aéronautiques, n’entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l’acte authentique constatant l’aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l’existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s’exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu’elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions ».

La responsabilité n’a donc pas raison de la vigilance de celui qui acquière un bien en connaissance de la situation susceptible d’être à l’origine d’un trouble de voisinage.

  • Les responsables du trouble

Si les conditions précitées sont remplies, celui qui subit l’anormalité pourra demander au juge de faire cesser le trouble et/ ou de l’indemniser de son préjudice.

Un propriétaire même s’il ne réside pas sur son fonds est d’ailleurs recevable à demander qu’il soit mis fin aux troubles anormaux de voisinage provenant d’un fonds voisin.

Cass. Civ. 2ème 28 juin 1995 Pourvoi n°93-12681

 

L’action sera principalement dirigée contre le propriétaire voisin concerné apparaissant comme celui qui engage naturellement sa responsabilité.

De ce fait, l’inaction du locataire ne dégagera pas ses obligations le bailleur propriétaire bien que ce dernier n’occupe pas le bien

Cass. Civ. 3ème  17 avril 1996 Pourvoi no 94-15876

 

La Cour de Cassation a admis qu’étaient responsables de plein droit vis-à-vis des voisins victimes le propriétaire de l’immeuble auteur des nuisances et les constructeurs à l’origine de celles-ci, ces derniers ayant la qualité de voisins occasionnels des propriétaires lésés.

Cass. Civ. 3ème 22 juin 2005 Pourvoi n° 03-20068

Plus récemment,  elle a condamné l’auteur du trouble in solidum le locataire de la parcelle litigieuse, en tant que commanditaire des travaux illégaux, le nu-propriétaire de la parcelle, en tant que bailleur, ainsi que l’usufruitier, en tant que bénéficiaire des loyers et des travaux irréguliers pour sanctionner le trouble manifestement illicite résultant de la réalisation de travaux sur une parcelle classée en zone agricole,

Cass. Civ. 3ème 4 avril 2019 Pourvoi n°18-11207

 

 

L’appréciation de l’acte usuel de l’autorité parentale par l’Administration

Comme cela a déjà été évoqué dans un précédent article, l’autorité parentale est l’ensemble de droits et d’obligations conférés aux père et mère à l’égard de leurs enfants mineurs.

A ce titre, l’article 372-2 du Code Civil dispose qu’ « à l’égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l’accord de l’autre, quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant ».

Les père et mère, titulaires de l’autorité parentale, peuvent donc prendre l’un sans l’autre des décisions concernant leur fils ou fille.

Cependant, si la loi affirme le principe d’une présomption d’accord, elle reste muette sur la définition à la notion d’acte usuel.

Par ailleurs, l’accord entre les parents n’est que présumé : la preuve contraire peut donc être rapportée.

Aussi, si l’un des parents estime que l’autre a abusé du pouvoir donné par l’article 372-2 du Code Civil pour passer un acte sans son assentiment, il lui appartient de saisir le juge.

 

Au-delà des indélicatesses et des tensions que les actes usuels peuvent entrainer entre les titulaires de l’autorité parentale, ils peuvent également placer les tiers de bonne foi face à des situations troubles.

L’administration fait partie de ses tiers qui peuvent avoir à répondre à une demande d’acte concernant l’enfant dans un climat de défiance.

Le Conseil d’Etat a ainsi eu l’occasion de se prononcer sur l’inscription d’un enfant mineur sur le passeport de l’un des parents.

Il a retenu, qu’en application des dispositions de l’article 372-2 du Code Civil, chacun des parents peut légalement obtenir l’inscription sur son passeport de ses enfants mineurs, sans qu’il lui soit besoin d’établir qu’il dispose de l’accord exprès de l’autre parent, dès lors qu’il justifie exercer, conjointement ou exclusivement, l’autorité parentale sur ces enfants et qu’aucun élément ne permet à l’administration de mettre en doute l’accord réputé acquis de l’autre parent.

Conseil d’Etat 8 février 1999 Requête N° 173126

 

Mais c’est au cours de la scolarité que les autorités administratives sont le plus souvent amenées à intervenir au titre des actes usuels de l’autorité parentale relative à la personne de l’enfant.

En 2009, le rapport LEONETTI relatif à l’autorité parentale et aux droits des tiers relevait les problématiques liées aux prérogatives des parents en milieu scolaire en soulignant :

« Dès lors qu’aucune décision de justice ne régit la situation de l’enfant, la prudence devrait être de mise, surtout s’agissant d’un couple non marié. Il suffirait alors à l’école de solliciter de façon systématique la production d’un acte de naissance de l’enfant : si celui-ci a été reconnu par ses deux parents dans l’année de sa naissance, l’autorité parentale est nécessairement conjointe.
Dans les faits, l’école d’origine, saisie par un seul des parents d’une demande de certificat de radiation en plein milieu d’année scolaire, sachant que l’enfant a un autre parent codétenteur de l’autorité parentale, ne peut faire l’économie de vérifier le consentement de ce dernier à une telle démarche non usuelle. De même, l’école d’accueil est légalement tenue pour le moins de demander au parent de produire une décision judiciaire fixant à son domicile la résidence de l’enfant et, à défaut, de solliciter l’accord de l’autre parent qui apparaît sur l’acte de naissance.
En négligeant de procéder à des vérifications minimales et en se réfugiant à tort derrière les dispositions de l’article 372-2 du code civil, l’Éducation nationale peut de facto faciliter un déplacement illicite d’enfant ».

Soucieux de prévenir d’éventuels litiges, l’Education Nationale a édité en 2011 une brochure intitulée « L’exercice de l’autorité parentale en milieu scolaire ».

Ce guide destiné aux parents et aux personnels éducatifs doit permettre de faciliter le dialogue, d’éviter les conflits et d’indiquer les médiations possibles.

Mais malgré ces précautions, le Conseil d’Etat a récemment été amené à se prononcer suite à la radiation d’un établissement en fin d’année scolaire et l’inscription dans un nouveau collège à l’initiative d’un seul des titulaires de l’autorité parentale.

Il a estimé que le Tribunal Administratif a commis une erreur de droit en jugeant qu’une demande de changement d’établissement scolaire ne revêtait pas le caractère d’un acte usuel de l’autorité parentale, sans rechercher si, eu égard à la nature de cet acte, l’ensemble des circonstances dont l’administration avait connaissance était de nature à la faire regarder comme régulièrement saisie de cette demande.

A cette occasion, le Conseil d’Etat vient préciser le cadre de l’analyse et de l’appréciation de l’autorité administrative au regard des dispositions de l’article 372-2 du Code Civil :

« 3. Considérant que, pour l’application de ces dispositions, l’administration appelée à prendre, à la demande d’un des parents exerçant en commun l’autorité parentale avec l’autre parent, une décision à l’égard d’un enfant, doit apprécier si, eu égard à la nature de la demande et compte tenu de l’ensemble des circonstances dont elle a connaissance, cette demande peut être regardée comme relevant d’un acte usuel de l’autorité parentale ; que, dans l’affirmative, l’administration doit être regardée comme régulièrement saisie de la demande, alors même qu’elle ne se serait pas assurée que le parent qui la formule dispose de l’accord exprès de l’autre parent ;

4. Considérant, par ailleurs, que dans l’hypothèse où l’administration ferait droit, pour un enfant, à une demande émanant d’un parent qu’elle ne pourrait, en vertu de la règle rappelée au point 3 ci-dessus, regarder comme réputé agir avec l’accord de l’autre parent, l’illégalité qui entacherait, par suite, sa décision, ne serait susceptible d’engager sa responsabilité qu’à raison de la part imputable à sa faute dans la survenance du préjudice ».

Conseil d’Etat 13 avril 2018 Requête N°392949

 

L’autorité parentale et ses attributs

« Aujourd’hui nous recevons trois éducations différentes ou contraires : celles de nos pères, celles de nos maîtres, celle du monde. Ce qu’on nous dit dans la dernière renverse toutes les idées des premières ».

MONTESQUIEU

Dès sa naissance, l’enfant est confié aux bons soins de ses parents qui l’accompagnent dans les premiers pas de sa vie jusqu’à ce que son autonomie lui permette de tracer son propre chemin.

Père et mère découvrent ainsi de tout leur instinct le rôle qui doit être le leur dans la direction et l’éducation de leur progéniture.

La parentalité est définie par l’article 18 de la Convention internationale des droits de l’enfant comme « la responsabilité d’élever l’enfant et d’assurer son développement » en étant guidé « avant tout par l’intérêt supérieur de l’enfant ».

En droit français, l’ensemble de droits et d’obligations conférés aux père et mère à l’égard de leurs enfants mineurs est nommée l’autorité parentale.

L’article 371-1 du Code Civil dispose qu’« elle appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne ».

L’autorité parentale est exercée, sauf exception, conjointement par les deux parents à qui elle impose de veiller tant sur sa personne de l’enfant que sur son patrimoine en :

– contribuant à son entretien matériel à proportion de leurs ressources respectives et des besoins de l’enfant,
– pourvoyant à son éducation scolaire et participe à son éducation morale,
– assurant la gestion de son patrimoine au travers de deux prérogatives : la jouissance légale des biens du mineur et l’administration légale de son patrimoine.

C’est ainsi que les père et mère prennent ensemble les décisions qui concernent l’enfant et l’y associent selon son âge et son degré de maturité.

Ainsi définie, l’autorité parentale se voit attacher plusieurs attributs que l’on peut détailler comme il suit :

  • Attributs généraux de l’autorité parentale :

Les attributs généraux de l’autorité parentale sont les conséquences directes de la prise en charge quotidienne de l’enfant par ses parents et de la communauté de vie qu’ils partagent avec lui.

Ainsi, l’enfant suit le sort de ses parents qui décident de son lieu d’habitation puisque l’article 108-2 du Code Civil retient que « le mineur non émancipé est domicilié chez ses père et mère ».

De même, il ne peut circuler librement sans leur consentement, l’article 371-6 du Code Civil précisant que « l’enfant quittant le territoire national sans être accompagné d’un titulaire de l’autorité parentale est muni d’une autorisation de sortie du territoire signée d’un titulaire de l’autorité parentale ».

La parentalité confère, par ailleurs, aux père et mère une obligation de soin à l’égard de leur enfant : les suivis et traitements médicaux ainsi que les opérations chirurgicales sont autant de cas d’intervention qui relèvent de l’exercice de l’autorité parentale.

L’article R. 1112-34 du Code de la Santé Publique prévoit, en effet, que « l’admission d’un mineur est prononcée, sauf nécessité, à la demande d’une personne exerçant l’autorité parentale ou de l’autorité judiciaire ».

De même, L 3111-2 du même code prévoit que les parents sont tenus personnellement responsables de l’exécution des vaccinations obligatoires telle que l’antitétanique.

Enfin, les parents de l’enfant sont dans l’obligation d’assurer les conséquences d’acte dont le mineur est l’auteur et prennent la qualité de civilement responsables.

En application de l’article 1242 du Code Civil, « le père et la mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ».

Ils sont donc tenus d’indemniser toutes victimes des préjudices nés du fait délictueux ou non de leur progéniture.

  • Droit de jouissance légale des biens du mineur par les parents :

Selon l’article 382 du Code Civil, « les père et mère ont, sous les distinctions qui suivent, l’administration et la jouissance des biens de leur enfant ».

Les parents assurent la gestion patrimoine de leur l’enfant mais ils bénéficient surtout du droit de jouissance du patrimoine de l’enfant, qu’il soit composé de biens mobiliers ou immobiliers, de valeurs matérielles ou immatérielles.

En tant qu’administrateurs légaux des biens du mineur, les parents ont donc le droit de s’approprier les revenus du patrimoine de l’enfant sans avoir à en rendre compte, à charge de satisfaire à son entretien et son éducation.

Ce droit de jouissance légale est donc une forme de compensation éducative qui cesse cependant lorsque l’enfant a seize ans révolus.

Il confère à ses titulaires le droit de jouir des fruits que peuvent produire les biens comme par exemple les loyers d’un appartement mis en location.

Il peut être assimilé à un usufruit ce qui conduit a priori à reconnaître également aux parents un droit d’usage sur les biens du mineur comme par exemple l’occupation d’une maison acquis par le mineur par succession.

Pendant la durée de cet usufruit, les père et mère sont tenus de respecter toutes les obligations auxquelles sont tenus les usufruitiers.

Ils doivent jouir du bien en bon père de famille, l’entretenir, en conserver la substance et respecter sa destination.

L’intégralité du patrimoine de l’enfant est soumis à ce droit, notamment les comptes bancaires dont les parents peuvent user.

  • Administration légale pure et simple des biens du mineur par les parents :

Si l’enfant acquiert la personnalité juridique à la naissance, il ne disposera de la capacité juridique qu’à sa majorité.

Sa vulnérabilité et son immaturité le rendent inapte à gérer ses droits, à en jouir et à les exercer, notamment s’il s’agit d’agir en justice.

Le mineur peut accomplir seul les actes de la vie courante mais devra ainsi être représenté dans tous les actes de la vie civile.

De ce fait, l’administration légale de ses biens et de son patrimoine est attachée à l’autorité parentale et revient à ses père et mère qui l’exercent conjointement.

Les parents vont donc gérer le patrimoine de leur enfant par des différents actes dont la portée varie selon leur nature.

Le Décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 est à l’origine d’une classification précise selon la nature des mesures et leurs conséquences sur le patrimoine.

Premièrement, les actes d’administration qui constituent des actes d’exploitation ou de mise en valeur du patrimoine sans risque anormal, peuvent être faits par chacun des parents seuls,

Sauf circonstances de l’espèce, entrent dans cette catégorie les actes de gestion d’un portefeuille y compris les cessions de titres à condition d’être suivis de leur remplacement ou les ventes de droits ou de titres.

Deuxièmement, les actes de disposition qui engagent le patrimoine du mineur, pour le présent ou l’avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire, nécessitent l’accord des deux parents.

Constituent des actes de disposition l’acquisition d’un bien immobilier ou bien le prélèvement de somme d’argent importante sur les comptes bancaires.

Mais dans tous les cas, les parents doivent apporter dans la gestion du patrimoine des soins prudents, diligents et avisés, dans le seul intérêt de l’enfant.

L’autorité parentale accorde donc de nombreuses prérogatives aux parents en même temps que d’importantes obligations.

Les père et mère ont la charge d’administration et de conservation du patrimoine de leur enfant mais surtout ont le rôle de protéger sa personne dans sa sécurité, sa santé et sa moralité.

D’actes en soins, d’aliments en affection, être parent c’est d’avant tout de guider son enfant dans les apprentissages de la vie qui lui permettront de se construire ainsi que de préparer au mieux son avenir pour qu’il épanouisse dans la pleine mesure de son existence.

 

Gestation pour autrui (GPA) réalisée à l’étranger et adoption simple : une analyse pédagogique de la Cour de Cassation

Au terme de quatre arrêts très attendus, les juges de la Cour de Cassation a donné sa position aujourd’hui sur la question très épineuse de la gestation pour autrui réalisée à l’étranger et ses conséquences sur la transcription de l’acte de naissance.

Voici le communiqué de presse édité sur le site de la Haute Juridiction .

Consulter l’arrêt 824 du 5 juillet 2017 de la première chambre civile
Consulter l’arrêt 825 du 5 juillet 2017 de la première chambre civile
Consulter l’arrêt 826 du 5 juillet 2017 de la première chambre civile
Consulter l’arrêt 827 du 5 juillet 2017 de la première chambre civile



Communiqué de presse

► En cas de GPA réalisée à l’étranger, l’acte de naissance peut être transcrit sur les registres de l’état civil français en ce qu’il désigne le père, mais pas en ce qu’il désigne la mère d’intention, qui n’a pas accouché
► Une GPA réalisée à l’étranger ne fait pas à obstacle, à elle seule, à l’adoption de l’enfant par l’époux de son père

Les questions posées à la Cour de cassation

La loi française prohibe la GPA. Il arrive que des Français partent à l’étranger pour recourir à cette technique de procréation.

Situation n°1 : Conformément à la loi du pays étranger, l’acte de naissance de l’enfant mentionne comme père et mère l’homme et la femme ayant eu recours à la GPA. La paternité de l’homme n’est pas contestée, mais la femme n’est pas celle qui a accouché.
Question :Le couple peut-il obtenir la transcription à l’état civil français de l’acte de naissance établi à l’étranger alors que la femme qui s’y trouve désignée comme mère n’a pas accouché de l’enfant ?

Situation n°2 : Le père biologique reconnait l’enfant puis se marie à un homme.
Question : Le recours à la GPA fait-il obstacle à ce que l’époux du père demande l’adoption simple de l’enfant ?

Les réponses de la Cour de cassation

Réponse à la situation n°1 :L’acte de naissance étranger d’un enfant né d’une GPA peut être transcrit partiellement à l’état civil français, en ce qu’il désigne le père, mais pas en ce qu’il désigne la mère d’intention.

L’article 47 du code civil ne permet de transcrire à l’état civil français que ceux des actes étrangers dont les énonciations sont conformes à la réalité : il est donc impossible de transcrire un acte faisant mention d’une mère qui n’est pas la femme ayant accouché.

En revanche, la désignation du père doit être transcrite si l’acte étranger n’est pas falsifié et la réalité biologique de la paternité n’est pas contestée (jurisprudences de la CEDH et de la Cour de cassation – cf. infra « Repères  »).

Au regard du droit au respect de la vie privée et familiale des enfants garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, la Cour de cassation rappelle que :
–  la prohibition de la GPA par la loi française poursuit un but légitime de protection des enfants et des mères porteuses ;
–  la transcription partielle ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l’enfant, dès lors que les autorités françaises n’empêchent pas ce dernier de vivre en famille, qu’un certificat de nationalité française lui est délivré et qu’il existe une possibilité d’adoption par l’épouse ou l’époux du père.

Réponse à la situation n°2 :Une GPA réalisée à l’étranger ne fait pas obstacle, à elle seule, à l’adoption de l’enfant par l’époux du père.

La Cour tire les conséquences :
–  de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de même sexe. Ce texte a pour effet de permettre, par l’adoption, l’établissement d’un lien de filiation entre un enfant et deux personnes de même sexe, sans aucune restriction relative au mode de procréation (cf. infra « Repères  ») ;
–  de ses arrêts du 3 juillet 2015, selon lesquels le recours à une GPA à l’étranger ne constitue pas, à lui seul, un obstacle à la transcription de la filiation paternelle (cf. infra « Repères  »).

Il appartient toutefois au juge de vérifier que les conditions légales de l’adoption sont réunies et qu’elle est conforme à l’intérêt de l’enfant.

La responsabilité civile des clubs et associations sportifs, exploitants de salle et moniteurs de sport

En France, il existe plus d’une centaine de fédérations sportives qui ont pour objet l’organisation d’une ou plusieurs disciplines sportives, dont elles gèrent la pratique.

On peut cependant difficilement dénombrer le nombre de clubs et associations sportifs, d’exploitants de salle et de moniteurs qui permettent aux pratiquants de se réunir autour du sport.

En 2004, le ministère chargé des sports a initié la rédaction du code du sport afin de regrouper l’ensemble des lois et décrets applicables au domaine du sport.

Pour autant, c’est le code civil qui définit les bases de la responsabilité civile des acteurs sportifs, participants ou encadrants.

La Cour de cassation a jugé que « l’association sportive est tenue d’une obligation contractuelle de sécurité, de prudence et de diligence envers les sportifs exerçant une activité dans ses locaux et sur des installations mises à leur disposition, quand bien même ceux-ci pratiquent librement cette activité ».

Cass. Civ. 1ère 15 décembre 2011 Pourvoi n° 10-23528

Dans un arrêt récent concernant l’exploitant d’une salle d’escalade du 25 janvier 2017, les juges de la haute cour viennent apporter une illustration des conditions de l’engagement de cette responsabilité.

Cette jurisprudence est l’occasion de revenir sur la responsabilité civile des clubs et associations sportifs, exploitants de salle et moniteurs de sport.

  • La nature de la responsabilité :

Les pratiquants ou adhérents sont les clients des clubs et associations sportifs, exploitants de salle et moniteurs de sport.

En cela, les uns sont liés aux autres par un contrat qui a pour objet l’exercice et l’encadrement d’une activité physique.

La cadre juridique confrère une nature contractuelle à l’éventuelle responsabilité des organisateurs à l’égard des participants de leur discipline sportive.

L’article 1194 du Code Civil modifié né de l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, entrée en vigueur le 1er octobre 2016, qui dispose ainsi «les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l’équité, l’usage ou la loi », trouve donc à s’appliquer.

De ce cadre conventionnel naissent des obligations tenant les clubs et associations sportifs, exploitants de salle et moniteurs de sport.

Parmi elle, figure une obligation de sécurité qui s’impose à l’égard des pratiquants utilisant leurs installations ou bénéficiant de leurs services.

L’appréciation de ce devoir varie selon la dangerosité du sport est et selon son adaptation de sa pratique au niveau et aux capacités des participants.

En effet, il faut admettre que les sports mécaniques diffèrent de l’athlétisme et n’expose pas les sportifs aux mêmes risques.

L’obligation de sécurité impose donc aux clubs et associations sportifs, exploitants de salle et moniteurs de sport de :

  • Informer les participants sur les dangers du sport et porter à leur connaissance les règles de jeu ou d’organisation,
  • Surveiller le bon déroulement de la pratique et veiller au bon entretien des équipements utilisés ou installations mises à disposition,
  • Mettre à la disposition des participants leur expérience et leur savoir-faire pour le guider l’activité sportive.

Selon les situations de fait, les diligences accomplies ainsi que les circonstances de jeu, l’appréciation de la faute sera plus ou moins rigoureuse.

  • Le manquement à l’obligation de moyen de sécurité :

En droit, il existe une distinction entre les obligations de résultat et celles de moyen : dans le premier cas, le débiteur de l’obligation est engagé à atteindre un résultat tandis que dans le second cas, il est uniquement obligé à mettre en œuvre certains moyens pour y parvenir.

La jurisprudence retient que dans le domaine sportif, tant le club ou l’association que le moniteur ou le coach ne sont tenus que d’une obligation de moyens en ce qui concerne la sécurité des adhérents dans la pratique de leur activité.

Cass. Civ. 1ère 21 novembre 1995 Pourvoi n° 94-11294

En effet, la pratique de toute activité sportive implique un certain risque que celui qui participe à une activité a accepté et doit donc supporter.

La Cour de Cassation retient ainsi que le participant a un rôle actif au cours de l’activité en cause et ne peut donc d’engager la responsabilité contractuelle de l’organisateur que s’il rapporte la preuve de sa faute.

Cass. Civ. 1ère 19 février 2013  Pourvoi n° 11-23017

C’est dans le même sens que les juges de la haute juridiction se sont prononcés le 25 janvier dernier au sujet d’une activité d’escalade de bloc exercée en salle.

En l’espèce, la demanderesse avait été heurtée par un pratiquant qui venait de décrocher alors que venant de descendre, elle était demeurée à proximité de la paroi et tournait le dos au mur.

Le règlement intérieur de la salle porté à la connaissance de la victime demandait aux adhérents « de ne pas se tenir sous une personne qui grimpe ».

La Cour de Cassation conclue que l’accident est la conséquence de la faute d’imprudence de la victime et confirme la position de la Cour d’Appel en ce qu’elle « constate, d’une part, que le règlement intérieur de la salle d’escalade exploitée par la société M’Roc, conforme aux règles de sécurité applicables en matière d’escalade en salle et sur structure artificielle, dont Mme X… ne conteste pas avoir eu connaissance, informait clairement celle-ci de l’interdiction de se tenir au sol sous un grimpeur, d’autre part, qu’il n’est pas établi qu’au moment de l’accident, d’autres grimpeurs se trouvaient dans la salle qui auraient gêné Mme X… pour s’éloigner de la paroi où se trouvait encore M. Y… avant de décrocher ; que l’arrêt relève, également, qu’aucun élément du dossier ne permet de démontrer que M. Y… n’aurait pas suffisamment vérifié la disponibilité de la zone de réception avant de décrocher, alors même que le grimpeur qui décroche est prioritaire ».

Les juges retiennent ainsi que l’obligation de sécurité pesant sur l’exploitant de la salle d’escalade est une obligation de moyens dans la mesure où la pratique de l’escalade implique un rôle actif de chaque participant.

Cass. Civ. 1ère  25 janvier 2017 Pourvoi n° 16-11953

Le rôle actif du participant ne peut évidemment être négligé dans l’exercice d’une activité sportive où le mouvement est un élément essentiel de la pratique.

Aussi, la faute de la victime est-elle de nature à exonérer en tout ou partie les clubs et associations sportifs, exploitants de salle et moniteurs de sport et peut aboutir à un partage des responsabilités.

Le sport implique inévitablement  le risque pour le pratiquant de concourir à la réalisation du dommage.

Rétention Administrative et mineur accompagnant : La condamnation en cascade de la France par la Cour Européenne des Droits de l’Homme

A l’aube de l’entrée en vigueur de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016, l’état français fait face à la déferlante d’une vague estivale de jurisprudences de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

A cinq reprises, la Haute juridiction est venue pointer du doigt les pratiques de la FRANCE en matière de placement en rétention administrative et condamné ses décisions de maintien.

Chacun se souvient de l’arrêt POPOV du 19 janvier 2012 affirmant  que  les autorités devaient  assuré aux enfants accompagnants un traitement compatible avec les dispositions de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et la Convention internationale des droits de l’enfant.

La Cour Européenne des Droits de l’Homme rappelle sa position de principe tout en peaufinant son analyse au travers de cinq histoires, cinq parcours comme autant d’illustrations de l’incompatibilité entre la vulnérabilité de l’enfant et l’enfermement avec ses parents.

Cette affaire concerne un couple de  ressortissants  arméniens arrivé en FRANCE  2009 avec leur fils mineur.

A la suite d’un rejet de leur demande d’asile par  l’Office  français  de  protection  des  réfugiés  et  apatrides  (OFPRA)  puis  par  la  Cour nationale du droit d’asile (CNDA), les parents se sont vus notifiés des  arrêtés  rejetant  leurs  demandes  de  titres  de  séjour  et  leur  faisant obligation  de  quitter  le  territoire.

Après le rejet de leurs recours respectifs en annulation, le père est placé en garde à vue à la suite de la commission d’une infraction, la mère et l’enfant seront interpelés  le  lendemain au  centre  d’accueil  des demandeurs d’asile (CADA).

L’ensemble de la famille est placé au Centre de Rétention Administrative le 17 février 2012 avant d’être libéré après avoir accepté de repartir volontairement le 5 mars 2012

L’histoire aurait pu s’arrêter là si les graves problèmes de santé que connaissait l’enfant âgé de quatre ans obligèrent ses parents à se maintenir irrégulièrement sur le territoire français pour accéder aux soins adaptés.

Par  deux  arrêts  rendus  le 15  novembre  2012,  la  Cour  Administrative  d’Appel  de  BORDEAUX  annule cependant les  arrêtés  de  placement  en rétention administrative après que la mesure ai pris fin.

La  Cour Européenne des Droits de l’Homme  saisie quant à elle le  24  février  2012 considère  que  « compte  tenu  de  l’âge  de  l’enfant,  de  la  durée  et  des  conditions  de  son enfermement  dans  le  Centre  de  Rétention Administrative,  les  autorités  ont  soumis le mineur  à un  traitement  qui  a dépassé  le  seuil  de gravité  exigé  par l’article 3 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme ».

Elle s’est interrogée sans ambigüité sur l’examen opéré par Monsieur le Préfet et l’alternative possible  pouvant se substituer à la mesure coercitive.

De même, elle a appréciée les  diligences  accomplies par le représentant de l’état et ses services  aux fins de maintenir la famille au CRA le temps strictement  nécessaires  à son éloignement.

En  l’absence  de risque  particulier  de  fuite,  la haute Juridiction retient que  la  rétention  d’une  durée  de  dix-huit  jours  apparaît  disproportionnée  par rapport  au  but  poursuivi : les parents et leur enfant ont donc  subi  une ingérence disproportionnée dans le droit au respect de leur vie familiale garanti par l’article 8.

Dans la seconde espèce, la Cour s’est penchée sur le cas d’une ressortissante russe d’origine  tchétchène et de ses deux filles. Suite au décès de son conjoint, la mère de famille déposa  une  demande  d’asile en POLOGNE avant  de  se  réfugier  en France alors qu’elle était pourchassée

Devant cette situation, Monsieur le Préfet prit  à  son  encontre  un  arrêté  de  réadmission  vers  la POLOGNE, Etat membre légalement compétent pour connaitre de la demande d’asile en  application  du  Règlement  de  Dublin  II.

Là encore, à l’issue du rejet de son recours, la mère de famille sera interpellée et placée au Centre  de  Rétention Administrative avec  ses enfants le 18 avril 2016. Ni son refus d’embarquer ni le recours administratif ne permettront de mettre fin au placement.

C’est ainsi que la  Cour sera saisie d’une demande de mesure provisoire à laquelle elle fera droit. La requérant est alors assignée à résidence  le 25 avril 2016 et quittera le CRA avec ses enfants le lendemain.

Mais la mère sera très vite interpellée par  la  police et poursuivie par Monsieur le  Procureur  de  la  République  pour  séjour  irrégulier  et  non respect  de  la  mesure  d’assignation  à  résidence.

Ainsi le  Tribunal Correctionnel  de  STRASBOURG a reconnait coupable et la condamne  le  12  septembre  2012  à  une  peine  d’un  mois  d’emprisonnement  avec sursis .

Une nouvelle fois, la Cour Européenne des Droits de l’Homme décide de condamner l’Etat français en soulignant  « que même si, comme le fait valoir le Gouvernement, les autorités internes ont, dans un premier temps, mis en œuvre toutes les diligences nécessaires pour exécuter au plus vite la mesure d’expulsion et limiter le temps d’enfermement, le droit absolu protégé par l’article 3 interdit qu’un mineur accompagné soit maintenu en rétention dans les conditions précitées pendant une période dont la durée excessive a contribué au dépassement du seuil de gravité prohibé ».

Elle conclut que la période d’enfermement a de  sept jours « est en elle‑même trop longue pour des enfants de deux ans et demi et quatre mois ».

C’est ensuite l’affaire d’une mère de nationalité roumaine arrivée en  FRANCE  en  2012 qui sera jugée.  Arrêtée, elle est  condamnée par  le  Tribunal  Correctionnel  de  NIMES  à une peine de 3  ans  d’emprisonnement  dont  6 mois  avec  sursis  ainsi  qu’à  une  peine  d’interdiction  du  territoire  français  de  10  ans à titre de peine complémentaire.

A sa sortie de prison, elle est placée en  rétention  administrative  avec  son  enfant le 2 décembre 2014. Ayant épuisé toutes les voies de recours contre cette décision, elle  saisit  la  Cour  d’une  demande  de  mesure  provisoire le 10 décembre 2014.

Sur invitation de la Cour, Monsieur le Préfet décide d’assigner la requérante à  résidence  dans  un  hôtel. Puis il procède à l’éloignement  de la mère et de l’enfant vers la ROUMANIE.

Encore une fois, le Cour relève la violation de l’article 3 de la Convention, «  convaincue, en revanche, qu’au-delà d’une brève période, la répétition et l’accumulation de ces agressions psychiques et émotionnelles ont nécessairement des conséquences néfastes sur un enfant en bas âge, dépassant le seuil de gravité précité ».

  • CEDH  du 12 juillet 2016 – requête n° 68264/14R.K. et autres c. France :

La quatrième espèce concerne deux  ressortissants  russes  d’origine  tchétchène  et  leur  enfant arrivés  en  FRANCE  en  octobre  2010. Suite à une demande  d’asile présentée en  POLOGNE,  la famille est  placée  en rétention  administrative et  faisait l’objet d’une  procédure  de  réadmission.

Le  30  novembre  2011, l’Office  français  de  protection  des  réfugiés  et  apatrides  (OFPRA)  rejette leur  demande  d’asile suivi par la  Cour nationale du droit d’asile (CNDA).

Ces décisions sont suivies  le 5 novembre 2012 d’arrêtés  de  refus  de  séjour  assortis  d’une  obligation  de  quitter  le territoire  français.  Après le rejet de leur recours en annulation et  leur  demande  de  réexamen, la famille fit finalement l’objet d’une mesure d’assignation à résidence.

Refusant d’embarquer le 15 octobre 2014, le placement en rétention administrative vient remplacer  la précédente mesure.

A l’épuisement de tous recours juridictionnels français, la famille saisit le  17  octobre  2014  la  Cour Européenne des droits de l’Homme.

Le  24  octobre  2014, Monsieur  le  Préfet  abroge  l’arrêté  de  rétention  et  assigna une nouvelle fois  la famille à résidence dans un hôtel pour une durée de 6 mois.

La  Cour  retient  que  les  autorités françaises ont  soumis l’enfant  âgé de quatre ans à  un traitement qui a dépassé le seuil de gravité exigé par l’article 3 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme.

Elle « observe que les enfants, pour lesquels des périodes de détente en plein air sont nécessaires, sont ainsi particulièrement soumis à ces bruits d’une intensité excessive » et que « les conditions d’organisation du centre ont pu avoir un effet anxiogène sur l’enfant des requérants ».

Mais encore une fois, seul l’écoulement du temps revêt une importance primordiale dans l’appréciation du dépassement du seuil de gravité exigé par l’article 3 de la Convention

La dernière affaire intéresse des  ressortissants  russes  d’origine  tchétchène, arrivés  en  France  en  juin  2008 et parents d’un enfant de sept mois.

L’Office  français  de  protection  des  réfugiés  et  apatrides  et la  Cour  nationale  du  droit  d’asile rejetèrent successivement leur demande présentée au titre de l’asile.

C’est sur cette base que le  18  février  2011,  Monsieur le Préfet prit à leur encontre  deux  décisions  de  refus  de  séjour  assorties  d’une  obligation  de  quitter  le  territoire.

Suite au rejet de leur demande de réexamen par l’OFRA ils sont placés interpelés le  23  mai  2011 et placés au  Centre  de  Rétention  Administratives.

La saisine de la Cour entraina la levée de la rétention administrative, la juridiction ayant préconisé de  ne  pas  renvoyer  les  requérants  la  RUSSIE  pour la durée de la procédure  devant  elle.

En  2015,  l’OFPRA rejeta la nouvelle demande de réexamen des requérants ce que  la CNDA confirma.

La  Cour  estime  que  les  autorités  ont  soumis  l’enfant  à  un traitement qui a dépassé le seuil de gravité exigé par l’article 3 de la Convention.

Au travers de cette dernière jurisprudence dont les motifs rejoignent les quatre arrêts précédents, elle fixe de manière précise la brève période ne devant être dépassée à la durée de sept jours.

La  Cour  relève  ensuite  qu’il  ne  ressort  pas  que  le  Gouvernement  ait  recherché  des  mesures alternatives  au  placement  en  rétention  de  la  famille ni  le  Juge  des  Libertés  et  de  la  Détention  et  le Tribunal Administratif aient tenu compte de la présence de l’enfant lors de leur intervention.

Au travers de ces cinq arrêts, la Cour Européenne des Droits de l’Homme signifie à l’état français qu’il n’a pas tiré les conséquences qui s’imposent de l’arrêt POPOV du 19 janvier 2012.

Quatre ans après, la haute Juridiction pousse la FRANCE en la sanctionnant à s’interroger fermement sur le contrôle de la mesure de placement en rétention administrative ab initio par le Préfet mais également et a posteriori par les juges civils et administratifs.