A cœur palpitant, le citoyen sauveteur

Chaque année, les congés estivaux requièrent la vigilance accrue des services de secours : sur terre et en mer, ils veillent à la sécurité des vacanciers.

Qu’ils soient pompiers, maitres nageurs, gendarmes, membres de la sécurité civile ou urgentistes, ils portent assistance lors des accidents, des situations de danger et prodiguent les soins d’urgence.

Ces professionnels aguerris peuvent quelques fois être assistés dans leur mission par des citoyens rompus aux premiers gestes de secours qui interviennent dans l’attente de leur arrivée.

La Loi n° 2020-840 du 3 juillet 2020 visant à  créer un statut de citoyen sauveteur, lutter contre l’arrêt cardiaque et sensibiliser aux gestes qui sauvent a donné une cadre juridique à ces acteurs solidaires et anonymes.

L’article  L 721-1 du Code de la Sécurité Intérieure dispose ainsi :

« II- Quiconque porte assistance de manière bénévole à une personne en situation apparente de péril grave et imminent est un citoyen sauveteur et bénéficie de la qualité de collaborateur occasionnel du service public ».

Le citoyen sauveteur

Comme précédemment indiqué, la loi nouvelle consacre le statut de citoyen sauveteur, ce héro très discret.

Cette évolution tend à inciter la population à se former aux gestes qui sauvent pour intervenir en cas de nécessité et d’urgence vitale.

La loi prévoit que tout élève bénéficie, dans le cadre de la scolarité obligatoire, d’une sensibilisation à la prévention des risques et aux missions des services de secours ainsi que d’un apprentissage des gestes de premiers secours. 

De même, les salariés bénéficient d’une sensibilisation à la lutte contre l’arrêt cardiaque et aux gestes qui sauvent préalablement à leur départ à la retraite.

Cette législation place la prise en charge de l’arrêt cardiaque au centre de ses objectifs

Dans l’attente de l’arrivée des services de secours, la réalisation des gestes de compressions thoraciques, associées ou non à l’utilisation d’un défibrillateur automatisé externe peut, en effet, changer la destinée de certains.

La Fédération Française de Cardiologie dresse ainsi le constat que « les personnes victimes d’un arrêt cardiaque ont huit fois plus de chances de survivre lorsqu’un témoin est en mesure de pratiquer rapidement une réanimation cardio-respiratoire ».

L’intervention du citoyen sauveteur porte assistance de manière bénévole à une personne en situation apparente de péril grave et imminent, est donc essentielle.

La collaboration bénévole au service public

En prodiguant les gestes de première urgence, le citoyen sauveteur va se charger de l’exécution d’une mission qui appartient normalement à l’Etat, celle du secours.

C’est la raison pour laquelle la Loi protège ces bénévoles qui viennent en aide à une personne notamment par un massage cardiaque ou une manœuvre de réanimation : elle lui reconnait donc la qualité de collaborateur occasionnel du service public.

Utile mais également gratuite, l’intervention du citoyen sauveteur profite la collectivité.

Aussi la qualité de collaborateur occasionnel du service public qui conféré à ce secouriste ordinaire fait obstacle à l’engagement de sa responsabilité au titre de ses actes d’assistance.

Selon l’article L 721-1 du Code de la Sécurité Intérieure, « lorsqu’il résulte un préjudice du fait de son intervention, le  citoyen sauveteur est exonéré de toute responsabilité civile, sauf en cas de faute lourde ou intentionnelle de sa part ».

Le citoyen sauveteur n’est pas tenu d’indemniser les dommages que peuvent subir les personnes à l’occasion de l’exécution de la mission de secours à laquelle il participe bénévolement.

S’il accomplit des diligences normales au regard de l’urgence et de ses compétences sans commettre ni faute lourde, ni faute intentionnelle, le citoyen sauveteur est dégagé de toute responsabilité civile.

La responsabilité civile des clubs et associations sportifs, exploitants de salle et moniteurs de sport

En France, il existe plus d’une centaine de fédérations sportives qui ont pour objet l’organisation d’une ou plusieurs disciplines sportives, dont elles gèrent la pratique.

On peut cependant difficilement dénombrer le nombre de clubs et associations sportifs, d’exploitants de salle et de moniteurs qui permettent aux pratiquants de se réunir autour du sport.

En 2004, le ministère chargé des sports a initié la rédaction du code du sport afin de regrouper l’ensemble des lois et décrets applicables au domaine du sport.

Pour autant, c’est le code civil qui définit les bases de la responsabilité civile des acteurs sportifs, participants ou encadrants.

La Cour de cassation a jugé que « l’association sportive est tenue d’une obligation contractuelle de sécurité, de prudence et de diligence envers les sportifs exerçant une activité dans ses locaux et sur des installations mises à leur disposition, quand bien même ceux-ci pratiquent librement cette activité ».

Cass. Civ. 1ère 15 décembre 2011 Pourvoi n° 10-23528

Dans un arrêt récent concernant l’exploitant d’une salle d’escalade du 25 janvier 2017, les juges de la haute cour viennent apporter une illustration des conditions de l’engagement de cette responsabilité.

Cette jurisprudence est l’occasion de revenir sur la responsabilité civile des clubs et associations sportifs, exploitants de salle et moniteurs de sport.

  • La nature de la responsabilité :

Les pratiquants ou adhérents sont les clients des clubs et associations sportifs, exploitants de salle et moniteurs de sport.

En cela, les uns sont liés aux autres par un contrat qui a pour objet l’exercice et l’encadrement d’une activité physique.

La cadre juridique confrère une nature contractuelle à l’éventuelle responsabilité des organisateurs à l’égard des participants de leur discipline sportive.

L’article 1194 du Code Civil modifié né de l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, entrée en vigueur le 1er octobre 2016, qui dispose ainsi «les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l’équité, l’usage ou la loi », trouve donc à s’appliquer.

De ce cadre conventionnel naissent des obligations tenant les clubs et associations sportifs, exploitants de salle et moniteurs de sport.

Parmi elle, figure une obligation de sécurité qui s’impose à l’égard des pratiquants utilisant leurs installations ou bénéficiant de leurs services.

L’appréciation de ce devoir varie selon la dangerosité du sport est et selon son adaptation de sa pratique au niveau et aux capacités des participants.

En effet, il faut admettre que les sports mécaniques diffèrent de l’athlétisme et n’expose pas les sportifs aux mêmes risques.

L’obligation de sécurité impose donc aux clubs et associations sportifs, exploitants de salle et moniteurs de sport de :

  • Informer les participants sur les dangers du sport et porter à leur connaissance les règles de jeu ou d’organisation,
  • Surveiller le bon déroulement de la pratique et veiller au bon entretien des équipements utilisés ou installations mises à disposition,
  • Mettre à la disposition des participants leur expérience et leur savoir-faire pour le guider l’activité sportive.

Selon les situations de fait, les diligences accomplies ainsi que les circonstances de jeu, l’appréciation de la faute sera plus ou moins rigoureuse.

  • Le manquement à l’obligation de moyen de sécurité :

En droit, il existe une distinction entre les obligations de résultat et celles de moyen : dans le premier cas, le débiteur de l’obligation est engagé à atteindre un résultat tandis que dans le second cas, il est uniquement obligé à mettre en œuvre certains moyens pour y parvenir.

La jurisprudence retient que dans le domaine sportif, tant le club ou l’association que le moniteur ou le coach ne sont tenus que d’une obligation de moyens en ce qui concerne la sécurité des adhérents dans la pratique de leur activité.

Cass. Civ. 1ère 21 novembre 1995 Pourvoi n° 94-11294

En effet, la pratique de toute activité sportive implique un certain risque que celui qui participe à une activité a accepté et doit donc supporter.

La Cour de Cassation retient ainsi que le participant a un rôle actif au cours de l’activité en cause et ne peut donc d’engager la responsabilité contractuelle de l’organisateur que s’il rapporte la preuve de sa faute.

Cass. Civ. 1ère 19 février 2013  Pourvoi n° 11-23017

C’est dans le même sens que les juges de la haute juridiction se sont prononcés le 25 janvier dernier au sujet d’une activité d’escalade de bloc exercée en salle.

En l’espèce, la demanderesse avait été heurtée par un pratiquant qui venait de décrocher alors que venant de descendre, elle était demeurée à proximité de la paroi et tournait le dos au mur.

Le règlement intérieur de la salle porté à la connaissance de la victime demandait aux adhérents « de ne pas se tenir sous une personne qui grimpe ».

La Cour de Cassation conclue que l’accident est la conséquence de la faute d’imprudence de la victime et confirme la position de la Cour d’Appel en ce qu’elle « constate, d’une part, que le règlement intérieur de la salle d’escalade exploitée par la société M’Roc, conforme aux règles de sécurité applicables en matière d’escalade en salle et sur structure artificielle, dont Mme X… ne conteste pas avoir eu connaissance, informait clairement celle-ci de l’interdiction de se tenir au sol sous un grimpeur, d’autre part, qu’il n’est pas établi qu’au moment de l’accident, d’autres grimpeurs se trouvaient dans la salle qui auraient gêné Mme X… pour s’éloigner de la paroi où se trouvait encore M. Y… avant de décrocher ; que l’arrêt relève, également, qu’aucun élément du dossier ne permet de démontrer que M. Y… n’aurait pas suffisamment vérifié la disponibilité de la zone de réception avant de décrocher, alors même que le grimpeur qui décroche est prioritaire ».

Les juges retiennent ainsi que l’obligation de sécurité pesant sur l’exploitant de la salle d’escalade est une obligation de moyens dans la mesure où la pratique de l’escalade implique un rôle actif de chaque participant.

Cass. Civ. 1ère  25 janvier 2017 Pourvoi n° 16-11953

Le rôle actif du participant ne peut évidemment être négligé dans l’exercice d’une activité sportive où le mouvement est un élément essentiel de la pratique.

Aussi, la faute de la victime est-elle de nature à exonérer en tout ou partie les clubs et associations sportifs, exploitants de salle et moniteurs de sport et peut aboutir à un partage des responsabilités.

Le sport implique inévitablement  le risque pour le pratiquant de concourir à la réalisation du dommage.

L’action aux fins de subsides, cette curiosité juridique

Issue de la réforme de la filiation de 1972, le Code Civil contient dans ses pages une curiosité juridique à mi-chemin entre l’action en responsabilité et celle en contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant.

L’action aux fins de subsides -comme elle se nomme – est un système de protection prévu à l’article 342 disposant que « tout enfant dont la filiation paternelle n’est pas légalement établie, peut réclamer des subsides à celui qui a eu des relations avec sa mère pendant la période légale de la conception ».

Cela signifie que la mère d’un enfant sans lien de paternité établi peut agir aux fins de solliciter une contribution alimentaire à l’homme qui a eu des relations intimes avec elle au moment de la conception de l’enfant.

Une telle action ne vise pas à établir une filiation à l’égard de cet homme  et se distingue de l’action en recherche de paternité.

Le possible père de l’enfant est donc condamné à indemniser le préjudice né non pas de la naissance mais de l’absence de l’établissement de la filiation.

Fondée sur une probabilité de paternité, l’action aux fins de subsides est une surprenante construction qui revêt à la fois un caractère indemnitaire et un fondement protecteur.

Sans juger, elle tire les conséquences du  risque pris par celui qui a eu des relations intimes avec la mère durant la période de conception.

Si  cette possibilité offerte par le code civil n’est usitée que dans des circonstances particulières, elle mérite cependant que l’on s’y intéresse en quelques lignes.

  • Fondement  protecteur :

L’action aux fins de subsides répond à la nécessité de protection des intérêts de l’enfant : elle lui n’appartient à lui et à lui-seul.

C’est donc à lui que revient la possibilité d’engager l’instance :

– soit par l’intermédiaire du seul titulaire de l’autorité parentale, sa mère, durant sa minorité,

– soit de lui-même dans les dix années qui suivent à sa majorité.

Dans l’un et l’autre cas, le demandeur doit remplir certaines conditions pour que le Tribunal de Grande Instance fasse droit à sa demande.

Tout d’abord, l’enfant ne doit pas avoir une filiation paternelle déjà légalement établie à l’égard de quiconque.

Les subsides revêtent un caractère subsidiaire : elles n’ont vocation à être versées qu’à titre indemnitaire et ne peuvent se cumuler à la pension alimentaire à la charge du père de l’enfant.

Elles peuvent d’ailleurs prendre fin avec l’établissement de la paternité à l’égard d’un tiers.

Ensuite, ces indemnités d’exception ne seront allouées que si la preuve est rapportée que le géniteur potentiel a eu des relations intimes avec la mère à l’époque présumée de la conception.

Ces circonstances de la procréation peuvent être prouvées par tous moyens, peu importe que la mère ai été engagée dans les liens du mariage avec une autre personne ou si elle entretenait une liaison avec une autre personne.

Sans renier le devoir de fidélité, le législateur de 1972 n’a pas eu la naïveté de croire à l’exemplarité du couple.

C’est donc avec pragmatisme qu’il a abordé les mœurs sexuelles sans s’encombrer d’une morale qui briderait l’effet protecteur de son action.

L’action aux fins de subsides traduit l’idée que la légèreté ne se concilie pas avec l’inconsidération.

  • Caractère indemnitaire :

Le défendeur de son côté se retrouve bien en peine pour échapper à ses obligations soit qu’il ne les ai pas connu pour ne pas avoir été avisé de la grossesse, soit qu’il ait refusé d’assumer sa paternité à l’annonce de la naissance.

Mais l’action aux fins de subsides ne répond pas aux communes circonstances puisqu’elle tend à ramener de la simplicité dans des situations complexes.

Elle peut s’inscrire dans le cadre de l’adultère mais également dans l’inceste ou bien encore des violences sexuelles.

C’est de l’histoire d’une naissance « extra-ordinaire » qu’elle tire son caractère indemnitaire fondé sur une probabilité.

Dans ce contexte, l’établissement de la filiation paternelle a rencontré un empêchement d’ordre légal, d’ordre matériel, d’ordre affectif ou d’ordre moral.

Pour autant, l’obstacle non levé, ne doit pas léser l’enfant qui n’a pas choisi sa conception.

Celui qui a connu des relations intimes avec la mère au cours de la période de conception est donc la proie de sa « génitabilité », sa probabilité d’être le géniteur de l’enfant.

Il ne pourra se départir celle-ci que s’il démontre par tous moyens l’impossibilité de paternité matérielle ou médicale.

S’il échoue, il sera tenu aux subsides envers l’enfant sans qu’aucun lien ne se crée, sans qu’aucun droit de parentalité ne naisse.

Les subsides feront cependant parti de son héritage puisqu’il transmettra cette obligation à ses héritiers comme le prévoit l’article 342-6 du Code Civil.

L’action peut donc être engagée contre les héritiers acceptants s’il est décédé : les subsides seront alors prélevés sur l’hérédité.

 

Saisie d’une action aux fins de subsides, le Tribunal de Grande Instance se prononcera le bien fondé des demandes et sur le montant de l’indemnité.

Le jugement à intervenir n’aura pas d’effet rétroactif puisque les subsides ne seront dus qu’à compter de la délivrance de l’assignation.

Au-delà de ces conséquences, il n’aura aucun effet déclaratif et ne modifiera pas l’état civil de l’enfant.

Par contre, il créera un empêchement à mariage entre le débiteur, le père présumé, et le créancier, son enfant probable.

Cette action peu conventionnelle cache sous ses traits aussi feutrés qu’intimistes une utilité qui répond aux besoins de certaines situations dans lesquelles le seul enjeu qui prime est celui d’intérêt de cet enfant qui n’a pas choisi les circonstances de sa conception.