La communauté légale, cet obscur objet du mariage

Dans une vie, il y a nombre d’événements marquants et heureux comme autant d’instants de joie où l’on partage le plaisir d’être ensemble et de se retrouver.

La célébration d’un mariage en est un : elle commence par une réunion en mairie et s’achève dans l’allégresse de la fête.

Lorsque les convives sont réunis à l’Hôtel de ville, il est donné lecture de certains articles du Code Civil par l’officier de l’état civil, maire ou adjoint.

Bien souvent, on prête bien peu d’attention à ce catalogue légal qui participe à la solennité de l’instant.

C’est ainsi que Monsieur le Maire interpelle les futurs époux sur l’existence ou non d’un contrat de mariage, ainsi que la date du contrat, et les nom et lieu de résidence du notaire comme l’impose l’article 75 du Code Civil.

C’est ainsi que les époux s’engagent dans une union qui créée des droits et devoirs réciproques et lie leurs proches autant que leurs biens.

C’est qu’ainsi que le mariage institue l’organisation patrimoniale de la vie conjugale et met en place des règles applicables aux époux.

Le régime matrimonial s’invite à la fête.

La communauté réduite aux acquêts :

Il existe des règles qui régissent les biens des époux au cours du mariage et à l’occasion de sa dissolution.

Les époux qui se marient sans contrat de mariage relèvent automatiquement du régime de la communauté légale, c’est-à-dire celui de la communauté réduite aux acquêts.

En somme, comme le mariage est une union de personnes, il va entrainer la création d’une entité additionnelle à celle des époux  : la communauté.

Cette communauté va se constituer au fils des années de vie commune un patrimoine composé d’un actif (biens et liquidités) mais également d’un passif (dettes et charges financières).

Relèvent ainsi de son actif :

  • Les biens acquis à titre onéreux pendant le mariage dit acquêts,
  • Les biens provenant de l’industrie personnelle des époux,
  • Et les revenus provenant des biens propres des époux.

La confusion des patrimoines propres des époux donne naissance à une propriété collective.

La présomption de communauté :

L’article 1401 du Code Civil indique que « la communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres ».

Selon l’article 1402 du Code Civil, « tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l’on ne prouve qu’il est propre à l’un des époux par application d’une disposition de la loi ».

Ces dispositions posent une présomption de communauté des biens acquis pendant le mariage.

En cas d’union sans contrat de mariage, les biens possédés avant le mariage restent la propriété personnelle de chaque époux tout comme ceux acquis à titre gratuit durant le mariage  par succession, donation ou legs.

A l’inverse, les biens acquis à titre onéreux durant le mariage entrent dans la communauté sauf exception.

La conséquence de la présomption :

Tout bien acquis par l’un ou l’autre des époux alors qu’il est marié est donc présumé commun, sauf preuve contraire.

La Cour de cassation a retenu que les salaires d’un époux ont le caractère de bien commun, et que leur remise entre les mains de l’autre ne peut s’analyser en une libéralité faite ou en un avantage matrimonial.

Cass. Civ. 1ère  31 mars 1992 Pourvoi  no 90-16343 

Par assimilation aux gains professionnels, l’indemnité de licenciement destinée à réparer de manière forfaitaire le préjudice tant moral que matériel n’est pas un bien ayant un caractère personnel : elle constitue donc un substitut de salaires qui entre en communauté.

Cass. Civ. 1ère 29 juin 2011 Pourvoi no 10-23373 

Cass. Civ. 1ère  23 juin 2021 Pourvoi  n° 19-23614

Les pensions de retraite, les gains de jeux et les revenus d’épargne et de placements entrent également dans la catégorie des biens communs.

Les bénéfices réalisés par une société eux sont susceptibles de constituer des acquêts de communauté s’ils sont distribués sous forme de dividendes.

Cass. Civ. 1ère  12 décembre 2006 Pourvoi no 04-20663

Les comptes-titres, ou du moins les valeurs qui y sont inscrites, sont indiscutablement des acquêts, car il y acquisition d’un bien d’une autre nature que les sommes d’argent investies.

Cass. Civ. 1ère  14 janvier 2003 Pourvoi no 00-16078

Récemment, la Cour de Cassation a eu ‘occasion de préciser que l’aide personnalisée au logement accordée à l’acquéreur d’un bien propre constitue pour son bénéficiaire un substitut de revenus qui entre en communauté, même lorsqu’elle est versée directement à l’organisme prêteur, la communauté ayant alors droit à récompense.

Cass. Civ. 1ère 1er décembre 2021 Pourvoi n° 20-10956

Si les époux divorcent, la rupture du mariage  entraine la dissolution de la communauté : les biens communs sont partagés en deux parts égales.

Et l’évanescente propriété collective disparait alors pour céder la place à la tangible propriété divise.

Les acteurs de la nouvelle procédure déjudiciarisée de changement de prénom

La Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a profondément modifié la procédure de changement de prénom  déjà évoquée dans ces pages.

Depuis le 1er janvier 2017, les acteurs de ce contentieux étaient dans l’attente des actes permettant la mise en œuvre de cette réforme très attendu.

 La circulaire CIV/01/17 du 17 février 2017 a été accompagnée par le Décret n° 2017-450 du 29 mars 2017 relatif aux procédures de changement de prénom et de modification de la mention du sexe à l’état civil

Au regard de ces éléments, il est désormais possible de déterminer avec précision le nouveau cadre de ce contentieux ainsi que le rôle de ses acteurs.

  • Le rôle de l’officier d’état civil :

Conformément à l’article 60 du Code Civil  « toute personne peut » désormais « demander à l’officier de l’état civil à changer de prénom ».

La compétence pour accueillir ces demandes revient à l’officier de l’état civil du lieu de résidence ou du lieu où l’acte de naissance a été dressé.

C’est donc à ce dernier qu’il revient de procéder à l’instruction des demandes et d’examiner la réalité de l’intérêt légitime qui préside à leur acceptation.

Comme il l’a déjà été précisé, tant qu’il est justifié et motivé par des circonstances propres à l’espèce, l’intérêt peut être religieux, moral ou social.

Ainsi, la circulaire du CIV/01/17 du 17 février 2017 indique dans son annexe 1 qu’« en fonction de la demande, à titre indicatif et non cumulatif, ces pièces peuvent être relatives à :

  • L’enfance ou la scolarité de l’intéressé: certificat d’accouchement, bracelet de naissance, copie du carnet de santé, copie du livret de famille des parents, certificat de scolarité, copie de bulletins scolaires, copie de diplômes, certificat d’inscription à une activité de loisirs ;
  • Sa vie professionnelle: contrat de travail, attestations de collègues de travail (accompagnées d’une pièce d’identité), copie de courriels professionnels, bulletins de salaire ;
  • Sa vie personnelle (familiale, amicale, loisirs): attestations de proches (accompagnées d’une pièce d’identité), certificat d’inscription à une activité de loisirs ;
  • Sa vie administrative: copie de pièces d’identité anciennes ou actuelles, factures, avis d’imposition ou de non-imposition, justificatifs de domicile ».

Au vue de ces éléments, s’il estime que la demande ne revêt pas un intérêt légitime, l’officier d’état civil saisit sans délai le Procureur de la République et en informe le demandeur.

Sans se remplacer celle du juge, l’appréciation de l’employé de mairie précède l’intervention judiciaire limitée aux situations donnant lieu à débat.

  • Le rôle du Procureur de la République :

Saisi par l’officier d’état civil, le Procureur de la République peut s’opposer ou accéder à la demande de changement de prénom.

Il lui reviendra donc de procéder lui-même à l’analyse de la situation du demandeur pour se déterminer dans l’un ou l’autre sens.

Mais son intervention dans la procédure de changement de prénom ne se limite pas à cette seule prise de position qui détermine l’éventuel recours au Juge aux Affaires Familiales.

En effet, la circulaire du CIV/01/17 du 17 février 2017 précise dans son annexe 1 que « le procureur de République pourra définir une politique locale » d’appréciation de l’intérêt légitime par l’officier d’état civil.

C’est ainsi que le ministère public pourra intervenir directement dans les mairies de son ressort territorial en matière de changement de prénom. Il pourra faire évoluer la notion d’intérêt légitime tout comme il pourra la cantonner aux limites déjà existantes.

Ce pouvoir directionnel vient donc renforcer le pouvoir décisionnel que lui confrère la saisine par l’officier d’état civil.

Si le Procureur de la République s’oppose à la demande de changement de prénom, il décidera d’emmener le changement de prénom vers une procédure judiciaire.

 Dès cet instant, le demandeur ou son représentant légal n’aura d’autres choix que de saisir le Juge aux Affaires Familiales pour lever l’opposition en application de l’article 1055-2 du Code de Procédure Civile.

  • Le rôle de l’avocat :

D’aucun pourrait se dire que la nouvelle procédure de changement de prénom met fin à l’intervention de l’avocat, tout du moins la cantine à l’instance devant le Juge aux Affaires Familiales.

Pourtant, le rôle de l’auxiliaire évolue sans se restreindre dans cette matière où la compétence de l’officier d’état civil simplifie les démarches des justiciables.

La complexité de l’appréciation de l’intérêt légitime et les restrictions liées à la politique locale du Procureur de la République donnent à la mission de conseil de l’avocat toute sa dimension.

Le demandeur pourra, de ce fait, être accompagné dans ses démarches par l’avocat qui lui permettra de motiver sa demande en droit et en fait.

En effet, la simplification de la procédure ne doit pas laisser penser que les conditions de fond du changement de prénom se sont assouplies.

L’opposition du Procureur de la République peut mener à la saisine du Juge aux Affaires Familiales dans le cadre d’une procédure avec représentation obligatoire, plus longue et plus difficile que précédant la réforme.

L’article 1055-3 du Code de Procédure Civile fait basculer l’instance judiciaire de la matière gracieuse à la matière contentieuse.

La requête écrite et motivée est donc remplacée par une assignation délivrée par voie d’huissier suivie d’échanges de conclusions dans le cadre d’une procédure où le demandeur s’oppose directement au Procureur de la République.

Le Juge aux Affaires Familiales aura donc à connaitre d’un véritable litige non de contrôler une situation juridique.

La réforme rapproche donc la procédure de changement de prénom de l’opposition à mariage prévu par l’article 175-2 du Code Civil.

Elle redéfinie le rôle des acteurs de cette procédure aussi singulière que novatrice.