A voté

Le 24/04/13

Hier, l’Assemblée nationale a adopté le projet de Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe à 331 voix 566 votants.

Sauf censure du Conseil Constitutionnel, le Code Civil intégrera prochainement un article 143 disposant :

« Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe ».

En 1804, le couple avait été emprisonné, asservi et brimé par les quatre rédacteurs du Code Napoléon.

Sous l’esprit de l’empereur, il était réduit à ne comprendre que les époux, hommes et femmes unis par les liens du mariage.

Puis l’union libre, le pacs et le mariage des personnes du même sexe ont fait évoluer au fils du temps cette définition.

C’est bien là la singularité du couple que de parler à tous et de tous…puisque comme l’écrivait LOYSEL, « boire, manger, coucher ensemble, c’est mariage ce me semble « .

Un mandat d’arrêt européen pour une question prioritaire de constitutionnalité et une question préjudicielle

Le 12/04/13

Les articles de ce blog reviennent régulièrement sur les interactions entre le droit français et le droit européen ainsi que leur nécessaire complémentarité dans l’intérêt du justiciable.

L’arrêt récent rendu par le Conseil Constitutionnel le 4 avril dernier est une nouvelle illustration de cette cohabitation des normes dans un domaine de la coopération policière et judiciaire en matière pénale.

Il porte sur le mandat d’arrêt européen défini par l’article 695-11 de notre Code de Procédure Pénale comme la « décision judiciaire émise par un Etat membre de l’Union européenne, appelé Etat membre d’émission, en vue de l’arrestation et de la remise par un autre Etat membre, appelé Etat membre d’exécution, d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privative de liberté ».

Cette procédure résulte de la décision-cadre du Conseil de l’Union européenne du 13 juin 2002 transposé en droit français par la Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

Par principe, le mandat d’arrêt européen dans l’ensemble des territoires des États membres de l’Union européenne.

La France a déclaré, cependant, que ce régime n’était pas applicable aux demandes de remise reçues par la France concernant des faits commis avant le 1er novembre 1993, date d’entrée en vigueur du Traité de Maastricht.

Ainsi les faits commis avant cette date relève de l’extradition tandis que ceux commis après ce, sont l’objet de la procédure du mandat d’arrêt européen.

L’exécution des mandats d’arrêt européens étrangers émis les pays de l’Union est confiée dans notre droit au parquet général et à la chambre de l’instruction.

Ainsi lorsqu’une personne frappée d’un tel mandat et appréhendée sur le territoire français, elle est présentée au procureur général sous quarante huit heures.

Celui-ci l’avise alors de l’existence et du contenu du mandat ainsi que de la faculté de consentir ou de s’opposer à sa remise à l’Etat de l’Union Européenne en attente de l’exécution du mandat.

Le procureur général peut ordonner son incarcération à défaut de garanties de représentation suffisantes.

Puis il saisit sans délai la Chambre de l’Instruction de la procédure afin qu’elle se prononce sur la remise à l’Etat de l’Union Européenne en attente et exécution du mandat.

La personne recherchée est alors convoquée à une audience publique qui se tient dans un délai de cinq jours ouvrables à compter de la date de sa présentation au procureur général.

S’il est fait droit à sa remise, elle sera transférée aux autorités étrangères dans les 10 jours suivant la date de la décision définitive de la chambre de l’instruction.

Mais si la personne recherchée s’est opposée à sa remise lors du débat contradictoire, elle peut former un pourvoi en cassation à l’encontre de la décision l’autorisant son transfert dans un délai de trois jours francs.

A titre particulier, la Chambre de l’Instruction est également compétente dans le cadre de la poursuite d’autres infractions et de la remise à un autre État membre.

En application de l’article 695-46 du Code de Procédure Pénale, elle peut ainsi être saisie «de toute demande émanant des autorités compétentes de l’Etat membre d’émission en vue de consentir à des poursuites ou à la mise à exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté prononcées pour d’autres infractions que celles ayant motivé la remise et commises antérieurement à celle-ci ».

Elle peut, par ailleurs, être amenée à statuer, « après la remise de la personne recherchée, sur toute demande des autorités compétentes de l’Etat membre d’émission en vue de consentir à la remise de la personne recherchée à un autre Etat membre en vue de l’exercice de poursuites ou de l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté pour un fait quelconque antérieur à la remise et différent de l’infraction qui a motivé cette mesure ».

Or dans ces deux cas, ni la législation française, ni relevé la décision-cadre du 13 juin 2002 ne prévoit de recours contre la décision de la Chambre de l’Instruction.

C’est donc cette absence de recours qui est à l’origine de l’arrêt du Conseil Constitutionnel en date du 4 avril 2013.

Saisi le 27 février 2013 sur question prioritaire de constitutionnalité par la Cour de Cassation, le Conseil a décidé de s’en remettre à la Cour de justice de l’Union Européenne.

Au terme de leur analyse, les sages ont relevé la décision-cadre du 13 juin 2002 transposée en droit français par la Loi du 9 mars 2004 ne comportait pas de dispositions relatives à un recours contre la décision tendant à étendre les effets du mandat d’arrêt européen ou d’autoriser la remise de la personne à un État tiers.

Le Conseil Constitutionnel s’est, de ce fait, retrouvé dans l’impossibilité de se déterminera sur la conformité de l’article 695-46 du Code de Procédure Pénale à la Constitution.

C’est ainsi qu’il a transmis une question préjudicielle pour la première fois à la Haute Cour afin d’obtenir son éclairage sur l’absence de recours de la décision de la Chambre de l’Instruction prévue à l’article 695-46 du Code de Procédure Pénale.

Conseil Constitutionnel 4 avril 2013 n° 2013-314P QPC 

Il appartient désormais à la Cour de Justice de l’Union Européenne d’interpréter les dispositions de la décision-cadre et de se prononcer sur l’éventuelle atteinte portée au principe d’égalité devant la justice et au droit à un recours juridictionnel effectif.

La procédure de renvoi préjudiciel a permis aux juges français d’interroger les juges européens sur l’application du droit dans l’ensemble de l’Union européenne aux fins d’uniformité.

Mais malgré le recours à la procédure d’urgence devant la Cour de Justice de l’Union Européenne dans l’attente, la personne soumise au mandat d’arrêt européen est détenue…et la décision suspendue.

Majeurs protégés et procédure pénale

Le 26/03/13

L’égalité devant la Loi est un principe fondateur du droit français depuis le Code Napoléon de 1804 jusqu’aux lois les plus récentes régissant la vie civile.

Pour autant, les disparités qui existent entre les justiciables, ont conduit à modérer cette règle par la nécessité de protéger les plus fragiles d’entre nous.

L’affaiblissement par l’âge, la maladie ou le handicap sont autant d’accidents de la vie auxquels nous pouvons un jour tous être confrontés.

Aussi la Loi n° 68-5 du 3 janvier 1968 portant réforme du droit des incapables majeurs a-t-elle installé un cadre durable et organisé assurant la protection des majeurs en situation de dépendance ou de vulnérabilité.

Dépoussiérés par la Loi n°2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, les régimes de tutelle et de curatelle ont depuis lors été modernisés pour offrir une assistance respectueuse de la personne et une gestion adaptée de ses biens.

Cependant, durant de nombreuses années, cette protection s’est arrêtée aux portes des Juge des Tutelles, sans accès à la procédure pénale.

Si le Législateur tenait compte des faiblesses de l’auteur présumé d’une infraction, ce n’était seulement que lorsque la question de sa responsabilité pénale pleine et entière était en jeu au sens de l’article 122-1 Code Pénal.

L’élément intentionnel de l’infraction y trouve ses limites, confronté à l’abolition et l’altération du discernement ou à l’entrave du contrôle des actes incriminés.

Il en va bien autrement lorsqu’il est question de la qualité de victime et non plus de celle de l’auteur des faits.

Son état de vulnérabilité pouvant constituer une circonstance aggravante, les termes de la répression ignorent rarement l’état de faiblesse de la partie civile.

Mais depuis la Loi du 5 mars 2007, les tuteurs et curateurs se sont invités dans la procédure pénale.

C’est ainsi que l’article 706-113 Code de Procédure Pénale précise :

« Le procureur de la République ou le juge d’instruction avise le curateur ou le tuteur, ainsi que le juge des tutelles, des poursuites dont la personne fait l’objet. Il en est de même si la personne fait l’objet d’une alternative aux poursuites consistant en la réparation du dommage ou en une médiation, d’une composition pénale ou d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou si elle est entendue comme témoin assisté ».

Pour autant, certaines portes ne sont encore qu’entrouvertes aux tuteurs et curateurs.

Tel est le cas de celle des cabinets des juges d’instruction.

Même si les organes de protection du majeur bénéficient de plein droit d’un permis de visite lorsque leur protégé est placé en détention provisoire, ils ne participent pas aux actes de l’information.

Ils peuvent, d’ailleurs, ne pas être alertés par l’ouverture d’une instruction criminelle ou délictuelle dans laquelle le majeur est mis en cause.

Ainsi selon la Cour de Cassation, le retard apporté à transmettre l’avis des poursuites au juge des tutelles et au curateur n’a pas eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne mise en examen et n’entraîne pas de ce fait l’annulation de l’interrogatoire de première comparution et des actes subséquents.

Cass. Crim. 28 septembre 2010 Pourvoi n° 10-83283 

L’information que les dispositions pénales prévoient, ne concernent donc que les poursuites, non l’enquête.

Par ailleurs, cette information ne donne lieu à aucune participation active de la part des curateurs ou tuteurs lors des instances correctionnelles ou criminelles auxquelles ils sont convoqués.

Ils peuvent certes prendre connaissance des pièces de la procédure mais n’ont pas qualité de partie à l’instance, ni mission d’assistance envers leurs protégés.

Ce dernier rôle reste dévolu exclusivement à l’Avocat qui assiste obligatoirement le majeur sous mesure de protection selon les dispositions de l’article 706-116 du Code de Procédure Pénale.

Ainsi si les curateurs ou tuteurs sont invités à être présents lors de l’audience, ce n’est que pour être entendu en qualité de témoin.

En leur absence, leur protégé pourra être jugé sans que la juridiction soit éclairée sur la mesure de protection en place alors qu’elle fait sienne le principe de personnalisation de la peine.

D’autres portes encore de la procédure pénale se trouvent complètement closes à ceux qui doivent pallier la vulnérabilité du majeur protégé.

Selon le rapport 2012 du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté , il s’agit de celles des gendarmeries et des commissariats.

En effet, l’existence de raisons plausibles de soupçonner qu’un majeur protégé a commis ou tenté de commettre une infraction peut entraîner son placement en garde à vue.

Cependant, l’article 63-2 du Code de Procédure Pénale n’impose pas aux services de police et de gendarmerie d’aviser les tuteurs ou curateurs de cette mesure.

C’est pourquoi, le CGLPL préconise de prévoir cet avis ainsi que la possibilité pour les tuteurs ou curateurs de désigner un médecin pour procéder à l’examen médical du majeur protégé gardé à vue.

La procédure pénale mérite donc d’évoluer encore pour qu’elle soit la plus équilibrée possible selon les qualités du justiciable.

Les conséquences de l’état de dépendance ou de vulnérabilité que le Juge des Tutelles a reconnu pour protéger le majeur, ne peuvent être regardées lointainement en droit pénal.

Ce qu’il faut savoir sur la rupture conventionnelle du contrat de travail

Le 13/03/13

C’est avec plaisir que j’accueille de nouveau dans ses pages une publication de Myriam DELONCA, Avocat au Barreau de Lyon. 

 

Je la remercie vivement pour son intervention et son point de vue avisé en droit du travail. 

 

Forte de son succès, la rupture conventionnelle est à l’origine de l’homologation de plus d’un million de résiliation de contrat de travail depuis son entrée en vigueur en 2008.

Au sens littéral, elle peut se définir comme un accord amiable permettant de rompre la convention liant l’employeur et le salarié dans le cadre de l’exécution d’une activité professionnelle.

La rupture conventionnelle répond aux exigences d’une procédure spécifique sans nécessité de motifs de licenciement, encadrée par deux entretiens et organisée sous le contrôle de l’Inspection du Travail.

C’est ainsi que dans un souci de protection des parties, cette procédure est soumise à l’homologation des services de l’Inspection du Travail (DIRRECTE).

Au-delà des enjeux sociaux, la rupture conventionnelle est au centre d’intérêts pécuniaires car elle ouvre droit au versement d’une indemnité également spécifique.

Son montant ne peut pas être inférieur à l’indemnité légale de licenciement ou à l’indemnité conventionnelle et peut faire l’objet de négociations avec l’employeur.

Il s’agit alors d’une indemnité supplémentaire qui peut être versée lors de la rupture conventionnelle ou dans un deuxième temps lors d’une éventuelle transaction postérieure et qui est calculée sur la base des 12 derniers mois ou des trois derniers mois (y compris les gratifications).

Rappelons que l’indemnité légale de licenciement est de un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté, auquel s’ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de 10 ans d’ancienneté.

Mais la convention collective applicable au contrat de travail peut parfois proposée un calcul d’indemnité plus avantageux.

Vous aurez donc compris que si la rupture conventionnelle est plus simple et plus souple qu’un licenciement, elle ne doit pas être usitée à la légère car des écueils persistent aussi bien pour le salarié que pour l’employeur.

Aussi, voici les réponses qui peuvent être apportées aux questions courantes qui se posent au salarié et à l’employeur pour la mise en oeuvre de cette procédure.

La rupture conventionnelle, une bonne option pour un salarié ? 

Dans la pratique, la rupture conventionnelle est parfois utilisée par un salarié qui envisage de démissionner afin de percevoir plus rapidement l’allocation chômage.

En effet, une démission conduit à un délai de carence de 4 mois lors de la perception de l’allocation « chômage ».

Bien sûr, cette pratique vide de son sens la rupture conventionnelle.

C’est ainsi que la rupture conventionnelle peut être refusée par l’employeur car cette dernière a un coût comme cela a été précisé.

La rupture conventionnelle et l’indemnité de préavis : 

Il est important de souligner que lors d’une rupture conventionnelle, aucune indemnité de préavis n’est versée.

Cette perte ne doit pas être négligée : elle peut, en effet, être conséquente sachant, à titre d’exemple, qu’elle correspond à 3 mois de salaire brut pour les salariés.

La rupture conventionnelle pendant les congés : 

Dans le cadre d’une suspension du contrat de travail comme les congés payés, le congé parental d’éducation, les congés sans solde, il est possible d’envisager une rupture conventionnelle.

En revanche, lors d’un congé pour maternité, d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle, il conviendra de respecter les périodes de protection prévu par le code du travail avant d’envisager une rupture conventionnelle.

Egalement en cas de maternité, la salariée bénéficie d’une protection particulière prévue par le Code du Travail.

L’indemnité de rupture conventionnelle et sa taxation : 

L’indemnité perçue lors d’une rupture conventionnelle, est exonérée uniquement à hauteur de deux fois la rémunération annuelle brute perçue au cours de l’année civile précédant la rupture du contrat de travail.

Pour autant, elle n’est pas nécessairement exonérée de cotisations sociales et peut être soumise à la CSG CRDS selon des règles précises d’exonération prenant en compte l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, l’indemnité versée (si supplémentaire) et le plafond de la sécurité sociale.

Le formulaire de procédure précise donc que les montants sont bruts à défaut de négociation précisant la prise en charge du montant.

Compte tenu de la technicité, il semble indispensable de solliciter l’avis d’un expert et de prendre conseil sur le calcul de ce montant.

La mise à la retraite ou une rupture conventionnelle ? 

Si le salarié peut bénéficier d’une pension de retraite de base , peu importe qu’il soit à taux plein ou non, l’intégralité de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle sera soumise à la CSG CRDS (8% environ ) sans exonération.

De plus, il est important de distinguer la mise à la retraite par l’employeur et la demande de départ à la retraite par le salarié.

Les conditions de départ ne donnent pas lieu au versement d’indemnités identiques en fonction des conventions collectives.

L’indemnité de mise à la retraite est parfois supérieure à l’indemnité de départ à la retraite.

La vigilance est donc de mise…

La rupture conventionnelle, une bonne option pour l’employeur ? 

Le forfait social mis en place par la loi de finances 2013 doit être pris en compte.

En effet pour l’employeur, aux charges sociales applicables sur le montant de l’indemnité (en fonction des exonérations selon le plafond de la sécurité sociale), s’ajoute désormais un forfait social de 20% (Article L 137-15 et suivants du Code de la sécurité sociale ).

En dehors de ce forfait, l’employeur sera amené à s’interroger sur les mêmes points que dans une procédure de licenciement.

La première illustration concerne la situation du salarié protégé, la demande de rupture conventionnelle étant soumise à l’homologation de l’inspection du travail selon un formulaire spécifique.

Le second exemple s’applique à la clause de non-concurrence pouvant donner lieu à renoncement ou versement de l’indemnité prévue.

La date de rupture du contrat de travail : 

Alors que l’article L 1237-13 du Code du Travail dispose que la convention de rupture fixe la date de rupture du contrat de travail, le formulaire prévoit une date envisagée.

Il est donc indispensable de convenir par écrit la date de rupture effective du contrat de travail d’un commun accord entre le salarié et l’employeur.

La prise des congés payés non soldés pourra être prise en compte dans la détermination de cette date.

L’accord transactionnel postérieur à la rupture conventionnelle : 

Il est utile de rappeler que la rupture conventionnelle malgré son caractère consensuel se distingue de la transaction.

Par définition, la rupture conventionnelle ne règle que la rupture du contrat.

Aussi le salarié est-il libre d’attaquer son employeur au titre de l’exécution du contrat postérieurement à la signature de la rupture conventionnelle.

Tel est le cas lorsqu’il existe un litige portant sur la rémunération variable ou encore les congés payés.

Au fil de cette présentation, il ressort de cet éclairage que tout est affaire de dialogue entre salarié et employeur.

Avant toute chose, la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties pour mettre fin au contrat de travail.

Alors il faudrait envisager un autre moyen de rupture…

Myriam DELONCA 

Avocat au barreau de LYON 

myriamdelonca@gmail.com 

www.myriamdelonca-avocat.com 

Durée de la rétention administrative et recommandations du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Le 26/02/13

Le 25 février dernier, le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté a présenté lors d’une conférence de presse son rapport d’activité 2012 après sa remise comme chaque année au Président de la République et au Parlement.

On doit la création de cette autorité indépendante, globe trotteuse des geôles, à la Loi n°2007-1545 du 30 octobre 2007.

Cette législation est la suite directe -mais non immédiate- du Protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants, adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies le 18 décembre 2002 à NEW YORK.

Grâce à elle, les locaux de garde à vue, établissements de santé, dépôts de tribunaux, centres éducatifs fermés, zones d’attente aéroportuaires et établissements pénitentiaires sont autant de lieux invisibles et méconnus placés sur le carnet de route du CGLPL.

Loin d’être des balade touristiques, les visites de vérification permettent de dresser un état de ces lieux et des conditions de « séjour » de leurs occupants au regard des libertés publiques

Les Centres de Rétentions Administratifs figurent parmi ces locaux.

Pour rappel, ils sont destinés à recevoir les étrangers en situation irrégulière frappés d’une mesure d’éloignement dans l’attente de l’organisation de leur départ selon l’article R 551-2 du CESEDA.

Au terme de son rapport 2012, le Contrôleur Général tire du placement au CRA des conclusions aussi limpides que sans appel.

Le cahier 1 du dossier de presse consacré au sort des étrangers titre, en effet, que « Le délai de rétention doit repasser à 32 jours ».

Il poursuit ainsi :

« 2012 est la première année complète d’application de la loi du 16 juin 2011 (relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité) qui modifie et amplifie les possibilités de recours à l’assignation à résidence (puisque désormais la rétention n’est possible que lorsque d’autres mesures sont inefficientes) et parallèlement, allonge la durée de la rétention, qui passe de 32 jours (au maximum) à 45 jours (au maximum) : une durée administrative de 5 jours au plus, suivie de deux périodes de 20 jours autorisées par le juge judiciaire ».

Enfin, il conclut :

« La question de la durée de la rétention ne peut donc être regardée comme définitivement tranchée. Le Contrôleur général qui a visité les 25 centres de rétention administrative recommande que la durée de rétention soit opportunément revue à la baisse et de nouveau fixée à 32 jours ».

Plus d’un an après son adoption, il semble que la Loi BESSON soit toujours loin de faire l’unanimité au point de réveiller un esprit de réforme.

Sire ! On en a gros…

Le 25/02/13

Qui n’a pas respiré ces derniers mois un certain parfum indélicat d’inquiétude dans l’atmosphère? Qui n’a pas entendu quelques paroles au souffle d’un ton cinglant raisonnées contre les murs? Qui n’a pas ressenti l’indifférence dans les regards des autres ou au fils de quelques échanges ?

Ainsi ai-je choisi d’ouvrir l’article de ce jour sur ces signes d’inconsidération et ces visages fermés dans l’air du temps.

En effet, l’incertitude nous fragilise tous en s’attaquant à la paix sociale aussi bien qu’à la sécurité matérielle.

Comme c’est humain, chacun d’entre nous réagit à sa façon face à la morosité ambiante et tente de se préserver autant que faire se peut.

Certains se complaisent dans un protectionnisme centré sur soi où « l’enfer c’est les autres » ; d’autres demeurent en éveil en se souvenant que l’étymologie latine de la société c’est d’abord la communauté.

Entre des espoirs et désespérance, il n’est pas de méthodes idéales pour avancer dans le bruit et dans la confusion sans se perdre.

Et sous ce vent de froideur, les portes du palais claquent elles aussi, laissant un malaise lentement s’installer au sein du monde judicaire.

Ainsi en mars 2012, je m’interrogeais sur l’estime que se portaient entre eux les acteurs de la Justice suite aux incidents répétés lors des audiences correctionnelles de la Cour d’Appel de NIMES.

Un an plus tard, le vernis se craquelle un peu plus sous la plume de Monsieur le Bâtonnier Christian Charrière-Bournazel, Président du Conseil National des Barreaux.

Dans son éditorial du 15 février 2013 , il dénonce la tyrannie de la suspicion frappant les avocats au travers d’un constat alarmant mais réel :

« Un abîme est en train de se creuser à nouveau entre les juges professionnels et les praticiens libéraux. Seuls les premiers seraient légitimes, les seconds suspects de tout. Par définition, le libéral serait malsain tandis que le fonctionnaire serait pur. Le secret serait le masque de la fraude. Ce n’est pas seulement un outrage, c’est le signe d’un dogmatisme insupportable ».

Je ne peux que m’interroger encore sur la réponse à donner à cette défiance croissante à laquelle l’Avocat est confronté dans sa mission quotidienne d’assistance et de représentation.

Le mépris n’est sans doute pas une fatalité pour l’auxiliaire de justice qui exerce ses fonctions avec « dignité, conscience, indépendance, probité et humanité ».

Ce clivage qui se fait plus pressant, a bien peu de sens si l’on se souvient qu’à l’origine, le Juge et l’Avocat sont tous deux issus des mêmes bancs de la faculté de Droit.

Ce n’est qu’après l’obtention d’un master ou d’un diplôme équivalent que les chemins de ces anciens étudiants se sont séparés avant de se retrouver, alors devenus professionnels, dans les prétoires.

Les magistrats ont suivi une formation de 31 mois en qualité d’auditeurs de justice organisée par l’Ecole Nationale de la Magistrature qu’ils ont intégrée après la réussite d’un concours national.

Les Avocats ont accédé quant à eux par la voie d’un examen au Centre Régional de Formation à la Profession d’Avocat qui les a préparé durant 18 mois à l’obtention du Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat.

Mais durant leurs initiations respectives, les deux apprentis juristes sont restés liés par leur formation alliant l’enseignement théorique à la pratique professionnelle.

L’un n’était jamais loin de l’autre, préparés au concours de l’ENM ou à l’examen du CRFPA par les mêmes organismes, les Instituts d’Etudes Judiciaires rattachés aux Universités de Droit.

Puis, sans trop savoir comment, ni pourquoi, l’esprit d’un Corps et la déontologie d’un Ordre les ont divisés.

Comme deux frères ennemis, les impératifs de coopération et l’appartenance à un même système judiciaire ne suffisent plus à les rassembler.

Désormais, l’Avocat peine à trouver sa place dans les débats que le Juge mène à force d’autorité et de rudesse, pressé d’objectifs et d’immédiateté.

Or, sous la mesure qui faillit, sous les échanges qui s’affaiblissent, c’est la Justice qui échappe à l’un et l’autre.

Aussi, au nom de ce système auquel l’Avocat et le Juge ont cru suffisamment, au moins à un moment, pour choisir les fonctions qui y étaient liées, l’équité et la sérénité ne doivent pas disparaître…

« La terreur ne réussit pas à la démocratie, parce que la démocratie a besoin de justice »

Edgar Quinet 

Regard sur la retenue d’un étranger aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour

Le 25/01/13

L’année 2012 aura été marquée par le débat sur le placement en garde à vue pour infraction à la législation des étrangers.

L’avis de la chambre criminelle de la Cour de Cassation du 5 juin 2012 puis les arrêts de la première chambre civile du 5 juillet 2012 ont mis fin définitivement aux controverses.

L’interprétation de la directive dite « retour » 2008/115/CE du 16 décembre 2008 s’en est trouvée clarifié et s’est imposée – non sans peine – à l’ensemble des juridictions civiles et pénales.

Pour autant, cette évolution de la répression a laissé un certain vide compliquant le travail des services de police et de gendarmerie ainsi que les démarches de retour des Préfectures.

Les premiers se sont vu privés des moyens leur permettant de garder à disposition durant quelques heures les étrangers soupçonnés de séjourner irrégulièrement en France.

Les secondes, contraintes de se prononcer sans délai sur les mesures d’éloignement, ont vu leur pouvoir limité par leurs propres horaires d’accueil.

C’est ainsi que la Loi n°2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées a pallié le manque.

Entrée en vigueur le 1er janvier 2013, cette législation est venue au secours des services de l’Etat par la création d’un nouveau régime de privation de libertés destiné exclusivement aux étrangers.

Les articles L 611-1 et suivants qui fixent les conditions de la retenue, ont été intégrés dans le Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile.

Pour autant, ce n’est que très symboliquement que cette retenue ne relève pas des dispositions du Code de Procédure Pénale.

Elle est, en effet, la suite évidente d’un contrôle d’identité effectué en application des articles 78-1,78-2, 78-2-1 et 78-2-2 dudit code au cours duquel l’étranger ne s’est pas trouvé en mesure de présenter ses documents de séjour ou autorisation de circulation sur le territoire français.

Dans un souci d’égalité et de proportionnalité, le Législateur a entendu encadrer ces opérations de contrôle à l’origine de la mesure tant sur la fin que sur les moyens.

Policiers et gendarmes ne peuvent dès lors vérifier le respect des obligations de détention que « si des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l’intéressé sont de nature à faire apparaître sa qualité d’étranger ».

Cette définition de l’extranéité renvoie sans équivoque à la jurisprudence de la Cour de Cassation du 28 mars 2012 déjà évoquée dans ces pages.

Quant à l’organisation des contrôles, elle devra combiner les limitations de durée, de lieu et de fréquence précédemment dégagées par la Cour de Justice de l’Union Européenne dans sa décision du 22 juin 2010 .

L’article L 611-1 du CESEDA a donc intégré les principes dégagés par la jurisprudence récente dans la mise en oeuvre des contrôles d’identité.

De son côté, l’article L 611-1-1 du même code n’oublie pas de reprendre les droits et garanties dont l’étranger placé sous la main de l’autorité publique, bénéficie.

Conduit dans les locaux de police ou de gendarmerie, celui-ci est ainsi mis en mesure durant sa retenue « de fournir par tout moyen les pièces et documents requis » utiles aux opérations de vérification nécessaires.

Le Procureur de la République est informé dès le début et tout moment du déroulement de la retenue qui s’effectue sous le contrôle de l’officier de police judiciaire.

L’étranger va bien sûr recevoir les informations afférentes à la mesure « dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend ».

Comme en matière de garde à vue, il pourra être assisté par un interprète, un avocat lors d’entretien de trente minutes en début de mesure puis durant ses auditions.

De même, il pourra être examiné par un médecin et prévenir sa famille, toute personne de son choix ainsi que les autorités consulaires de son pays.

Mais sauf circonstances particulières, ce n’est pas l’officier de police judiciaire qui informera les tiers mais l’étranger lui-même.

A l’évidence, le texte tente donc tant bien que mal de limiter le caractère coercitif de la retenue sans vraiment arriver à la distinguer de la garde à vue.

Certes la mesure est limitée à une durée de 16 heures à cours laquelle « l’étranger ne peut être placé dans une pièce occupée simultanément par une ou plusieurs personnes gardées à vue ».

De plus, la prise d’empreintes digitales ou de photographies n’est pas automatique et n’intervient que « lorsque celle-ci constitue l’unique moyen d’établir la situation de cette personne ».

Au surplus, le procès-verbal et les pièces de la procédure sont détruits dans un délai de six mois à compter de la fin de la mesure si aucune infraction n’a été relevée, aucune mesure d’éloignement n’a été prise, ni poursuite engagée.

Pour autant, la durée de la retenue s’impute directement sur celle de l’éventuelle garde à vue qui peut s’en suivre.

Comme la retenue douanière, la détention temporaire qu’elle entraine, ne laisse alors subsister aucun doute sur le caractère contraignant de cette mesure.

Ainsi bien que l’étranger soit invité à suivre les policiers et gendarmes à la suite du contrôle en dehors de toute interpellation, il ne semble avoir guère pouvoir s’y soustraire.

D’ailleurs, « s’il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite », son menottage n’est pas exclu.

Dans ces conditions, seule la pratique permettra de nous éclairer sur les différences réelles de traitement entre le gardé à vue et le retenu aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour.

En attendant, cette nouvelle mesure risque de peiner dans sa mise en oeuvre matérielle car les commissariats et gendarmeries devront bénéficier d’une pièce permettant d’assurer la parfaite séparation entre interpellés et invités.

Quant aux différents Barreaux, ils devront organiser l’intervention des avocats sans connaître les conditions précises de leur rémunération, ni le montant des dotations qui leur seront allouées pour ce faire.

A suivre…

Le libre consentement au mariage, histoire de contrat et de coeur

Le 03/01/13

L’année 2013 saura, à n’en pas douter, inspirer le Législateur et donner naissance à de nouveaux textes qui viendront ajouter aux précédents, les modifieront ou les abrogeront.

Adopté le 7 novembre 2012 en conseil des Ministres, le projet de Loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe est sous toutes les plumes et sur toutes les langues.

En effet, cette réforme, actuellement en cours de discussion au Parlement, a dès son annonce fait couler beaucoup d’encre et de salive.

Cette évolution annoncée ne saurait être prise avec légèreté car en droit français, l’acte de mariage revêt une nature juridique complexe compte tenu de son ambivalence.

Il est une institution marquée par une célébration et consacrée au cours de celle-ci par une déclaration solennelle des époux reçue par l’officier d’état civil.

Il est encore un contrat civil soumis à des conditions de forme et de validité telles que le consentement des parties.

L’article 180 du Code Civil dispose ainsi :

« Le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des deux époux, ou de l’un d’eux, ne peut être attaqué que par les époux, ou par celui des deux dont le consentement n’a pas été libre, ou par le ministère public. L’exercice d’une contrainte sur les époux ou l’un d’eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage.

S’il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l’autre époux peut demander la nullité du mariage ».

Ces dispositions créent donc une action en nullité du mariage au bénéfice des époux et du Procureur de la République lorsque le consentement vicié faisant naître une erreur sur la personnes et/ ou ses qualités essentielles.

Les articles 1108 et 1109 du Code Civil demeurés inchangés depuis 1804 posent en effet comme condition à la validité de toutes conventions « le consentement de la partie qui s’oblige », c’est-à-dire un accord libre et éclairé à l’inverse de celui « donné par erreur ou (…) extorqué par violence ou surpris par dol ».

De ce fait, le consentement des personnes vulnérables est strictement encadré pour assurer leur protection.

Le contrôle prévu par la Loi peut aller jusqu’à la substitution de l’acceptation du mariage par l’autorité judiciaire ou les proches dans l’intérêt de l’un ou l’autre des époux.

Selon l’article 460 du Code Civil, « le mariage d’une personne en tutelle n’est permis qu’avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué et après audition des futurs conjoints et recueil, le cas échéant, de l’avis des parents et de l’entourage ».

Par ailleurs, l’article 148 du même code prévoit « les mineurs ne peuvent contracter mariage sans le consentement de leurs père et mère ».

Devant ce panorama juridique, on comprend sans nul doute que le Législateur n’a pas fait sienne la maxime de Blaise PASCAL (1).

Sans nier les élans du coeur et l’attachement des époux, c’est avant tout la Raison que le mariage civil connait.

Dans une récente jurisprudence de 2012, la Cour de Cassation s’est distinguée par sa constance dans l’appréciation du consentement à l’union.

La promise semblait penser avec beaucoup de ferveurs que si l’argent ne faisait pas le bonheur de tous, il pouvait faire le sien.

Bien qu’il soit affaire de mariage, l’arrêt du 19 décembre 2012 porte sur une question d’intérêts sans nous parler d’une histoire d’amour.

En effet, à la suite de son union célébré en 1996, l’époux avait initié une action en annulation du mariage animé par la conviction que son épouse n’était pas sincère dans ses engagements.

Les événements ne le détrompèrent malheureusement pas.

Plus tard, son épouse devait être condamnée par une cour d’assises pour lui avoir volontairement porté des coups et fait des blessures, sans intention de donner la mort.

Le mari avait succomber à son agression moins d’un mois après la célébration des noces.

Cependant,à son décès, ses héritiers décidèrent de poursuivre l’action en nullité précédemment engagée.

Saisis sur pourvoi de l’épouse, les juges de cassation ont confirmé l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris rendu le 25 septembre 2008 ayant annuler le mariage en retenant que :

« L’arrêt relève qu’il ressort de plusieurs dépositions qu’au moment du mariage, Mme X… était animée par une intention de lucre et de cupidité, n’ayant pour but que d’appréhender le patrimoine de Philippe Y…, afin d’assurer son avenir et celui du fils qu’elle avait eu avec un tiers, et que cette dernière s’était refusée à son époux après le mariage, n’ayant consenti à une relation sexuelle que le jour du mariage, ce qui avait conduit Philippe Y…, qui éprouvait des doutes sur la sincérité de l’intention matrimoniale de son épouse, à exprimer sa volonté, dès le début du mois d’août, soit quelques jours avant de subir les coups mortels portés par Mme X…, de demander l’annulation du mariage ; qu’ayant ainsi fait ressortir que celle-ci n’avait pas eu l’intention de se soumettre à toutes les obligations nées de l’union conjugale, c’est à bon droit que la cour d’appel, après avoir retenu que Mme X… s’était mariée dans le but exclusif d’appréhender le patrimoine de Philippe Y…, en a déduit, sans méconnaître les exigences conventionnelles de la liberté du mariage, qu’il y avait lieu d’annuler celui-ci, faute de consentement ».

Cass. Civ. 1ère 19 décembre 2012 Pourvoi n°09-15606 

Bien mal acquis ne profite jamais…

L’assignation à résidence ordonnée par le Juge des Libertés et de la Détention : de l’exception au principe?

Le 05/11/12

Qu’il s’agisse de naturalisation, d’interdiction du territoire français à titre de peine complémentaire ou d’arrêté portant obligation de quitter le territoire, chaque domaine du Droit des étrangers donne lieu à un contentieux complexe.

Aussi le juge civil, le juge administratif et le juge pénal sont- ils amenés à se partager la compétence des différents litiges.

Comme cela a été évoqué précédemment dans ces pages, le Tribunal Administratif et le Juge des Libertés et de la Détention connaissent chacun à leur tour de la décision de maintien en rétention administrative :

– L’un suite au recours en annulation du retenu,

– L’autre saisi sur requête du Préfet en prolongation de la mesure.

Dans ce cadre vient se poser régulièrement la question de la nécessité de la privation de liberté et du placement au CRA.

Il existe en effet une alternative à celle-ci applicable aux étrangers faisant l’objet d’une décision d’éloignement : l’assignation à résidence.

L’article L 552-4 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile dispose ainsi :

« A titre exceptionnel , le juge peut ordonner l’assignation à résidence de l’étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives, après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d’un récépissé valant justification de l’identité et sur lequel est portée la mention de la mesure d’éloignement en instance d’exécution. L’assignation à résidence concernant un étranger qui s’est préalablement soustrait à l’exécution d’une obligation de quitter le territoire français en vigueur, d’une interdiction de retour sur le territoire français en vigueur, d’une mesure de reconduite à la frontière en vigueur, d’une interdiction du territoire dont il n’a pas été relevé, ou d’une mesure d’expulsion en vigueur doit faire l’objet d’une motivation spéciale ».

Les conditions légales permettant à l’étranger de demander à être assigné à résidence afin d’éviter la prolongation de sa rétention dans l’attente de l’organisation de son départ sont les suivantes :

– La remise préalable aux autorités de police ou de gendarmerie d’un passeport non falsifié en cours de validité ou de tout document d’identité équivalent,

– L’existence de garanties de représentation effectives et suffisantes.

Ces deux exigences doivent permettre de contrôler l’étranger en dehors du Centre Rétention et de s’assurer qu’il ne se soustraira pas à son obligation de quitter le territoire.

A l’identique de la rétention administrative, l’assignation à résidence est donc une mesure provisoire applicable dans l’attente de l’organisation du départ.

Dans ces circonstances, elle peut être assortie d’une obligation de se présenter au Commissariat/ à la Gendarmerie le plus proche une ou plusieurs fois par semaine pendant toute sa durée.

Bien sûr il appartient aux juges du fond d’apprécier souverainement les garanties de représentation au cas par cas, selon la situation de chaque étranger avant d’ordonner cette mesure.

Ils doivent, en effet, vérifier la réalité des garanties de nature à éviter que l’étranger se soustraie à la décision d’éloignement afin que celle-ci puisse être exécutée par l’autorité administrative.

Dans leur analyse, ils vont notamment prendre en considération :

– la régularité et le cadre du domicile personnel de l’étranger,

– la qualité et les liens avec le garant en cas d’accueil par un tiers,

– l’absence d’opposition à la mesure d’éloignement,

– les risques de fuite avant le départ,

– et le cas échéant l’existence de précédentes mesures d’éloignement.

Jusqu’à présent, l’assignation à résidence ordonnée par le Juge des Libertés et de la Détention revêtait un caractère exceptionnel.

Mais la Cour de Cassation a modifié cette conception au visa de la législation européenne dans un arrêt du 24 octobre 2012 en précisant :

« qu’il résulte de la combinaison des paragraphes 1, 4 et 5 de l’article 15 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 du Parlement européen et du Conseil, qui est d’effet direct, que l’assignation à résidence ne peut jamais revêtir un caractère exceptionnel, le premier président a violé le texte susvisé ».

Cass. Civ 1ère 24 octobre 2012 Pourvoi n° 11-27956 

La Haute Juridiction est donc revenue sur sa précédente jurisprudence au terme de laquelle, conformément à L’article L 552-4 du CESEDA, l’assignation à résidence en alternative au placement en rétention administrative devait rester une mesure exceptionnelle reposant sur des circonstances particulières.

Or, la Directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier en dispose autrement.

Dans son article 15, le texte européen précise ainsi :

« 1. À moins que d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives , puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l’éloignement, en particulier lorsque:

a) il existe un risque de fuite, ou

b) le ressortissant concerné d’un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement.

Toute rétention est aussi brève que possible et n’est maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise« .

La Directive ajoute encore :

« 4. Lorsqu’il apparaît qu’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement pour des considérations d’ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1 ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté.

5. La rétention est maintenue aussi longtemps que les conditions énoncées au paragraphe 1 sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Chaque État membre fixe une durée déterminée de rétention, qui ne peut pas dépasser six mois ».

De ce fait, le Juge des Libertés et de la Détention ne saurait désormais ordonner l’assignation à résidence seulement « à titre exceptionnel » alors même que cette mesure est « suffisante, mais moins coercitive » que le prolongement de la rétention administrative.

C’est donc un nouveau principe qui se dégage de la combinaison des législations françaises et européennes.

Du Bruit à l’Hôtel de ville

Le 15/10/12

« Institution pluriséculaire où se reflètent traditions et pratiques religieuses, le mariage est traditionnellement défini comme un acte juridique solennel par lequel l’homme et la femme établissent une union dont la loi civile règle les conditions, les effets et la dissolution ».

Aux échos qui ont filtré sur la toile, tels seraient les mots d’introduction du projet de loi visant à ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe.

La réforme envisagée sera présentée en chuchotement dans le feutré du conseil des ministres le 31 octobre prochain alors qu’au dehors bruissent « les frondeurs ».

En effet, des voix se font entendre parmi les maires de France pour s’opposer à la modification législative et refuser la célébration de mariages d’époux de même sexe.

Je n’ai pas été sans porter attention aux sonorités de cette actualité forte en dissonance et en canon qui interroge sur les fonctions du Maire.

Désigné pour un mandat de six ans renouvelable au suffrage universel direct, le maire est choisi par les habitants de la municipalité au sein de laquelle et pour laquelle il exerce ses fonctions.

Cet élu local a une double casquette défini par les dispositions législatives et règlementaires administratives, pénales et civiles.

Il est à la fois l’organe exécutif de la Commune et un agent de l’Etat.

– En effet, le Maire est un organe de décentralisation puisqu ‘il est placé à la tête d’une collectivité territoriale en qualité notamment d’exécutant des décisions du conseil municipal.

C’est ainsi que l’article L2122-21 du Code général des collectivités territoriales dispose :

« Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l’Etat dans le département, le maire est chargé, d’une manière générale, d’exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier :

1° De conserver et d’administrer les propriétés de la commune et de faire, en conséquence, tous actes conservatoires de ses droits ;

2° De gérer les revenus, de surveiller les établissements communaux et la comptabilité communale ;

3° De préparer et proposer le budget et ordonnancer les dépenses, de les imputer en section d’investissement conformément à chacune des délibérations expresses de l’assemblée pour les dépenses d’équipement afférentes à des biens meubles ne figurant pas sur les listes et d’une valeur inférieure à un seuil fixé par arrêté des ministres en charge des finances et des collectivités locales ;

4° De diriger les travaux communaux ;

5° De pourvoir aux mesures relatives à la voirie communale ;

6° De souscrire les marchés, de passer les baux des biens et les adjudications des travaux communaux dans les formes établies par les lois et règlements ;

7° De passer dans les mêmes formes les actes de vente, échange, partage, acceptation de dons ou legs, acquisition, transaction, lorsque ces actes ont été autorisés conformément aux dispositions du présent code ;

8° De représenter la commune soit en demandant, soit en défendant ;

9° De prendre, à défaut des propriétaires ou des détenteurs du droit de chasse, à ce dûment invités, toutes les mesures nécessaires à la destruction des animaux nuisibles, de requérir, dans les conditions fixées à l’article L. 427-5 du code de l’environnement, les habitants avec armes et chiens propres à la chasse de ces animaux, à l’effet de détruire ces derniers, de surveiller et d’assurer l’exécution des mesures ci-dessus et d’en dresser procès-verbal.

10° De procéder aux enquêtes de recensement ».

– Cependant, le Maire est également agent de l’Etat placé sous l’autorité du préfet comme précisé par les dispositions de l’article L2122-27 du Code général des collectivités territoriales :

« Le maire est chargé, sous l’autorité du représentant de l’Etat dans le département :

1° De la publication et de l’exécution des lois et règlements ;

2° De l’exécution des mesures de sûreté générale ;

3° Des fonctions spéciales qui lui sont attribuées par les lois ».

Dans ce cadre, sa fonction lui donne qualité d’officier de police judiciaire placé sous le contrôle du Procureur de la République.

Selon l’article 14 du Code de Procédure Pénale, il a ainsi la charge « de constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs tant qu’une information n’est pas ouverte».

Mais, sa qualité d’agent de l’Etat lui confère aussi le rôle d’officier d’état civil .

Et le noeud de la fronde se situe dans l’attribution qu’il a reçu des articles 63 et suivants du Code Civil de célébrer le mariage des couples après publication des bans.

Or, l’article L2122-34 du Code général des collectivités territoriales fait du maire un dissident « dans le cas où (..), il refuserait ou négligerait de faire un des actes qui lui sont prescrits par la loi ».

Pour autant, la Loi républicaine ne saurait rester inappliquée car le Préfet viendrait requérir l’agent municipal d’accomplir son office et, le cas échéant, se substituerait à lui.

Que dire alors du cacophonique concert sur le mariage qui est annoncé au sein des mairies de l’Hexagone ?

Il se joue sur un thème en pleine évolution, celui de la Famille telle que chacun la conçoit, la vit et la ressent.

En 1804, les quatre chefs d’orchestre du code civil, Tronchet, Bigot de Préameneu, Portalis et de Maleville avaient une vision du mariage qui était celle de leur époque.

Ils ont donc fait de cet acte, à la fois institution et contrat, celui qui permet d’unir par la Loi un homme et une femme pour vivre en commun et fonder une famille.

Deux cent ans plus tard, la musique a changé et les conceptions ont modifié la partition pour offrir à la société française un autre son sur :

– le couple lié par mariage ou non, homosexuel ou hétérosexuel,

– la filiation qu’elle soit biologique ou adoptive, naturelle ou médicalement assistée.

Et le Droit écrit les notes de la nouvelle musique que l’on fredonne …