Les petits mots du droit : L’Etat de droit

Dans notre petit quotidien, il arrive que nous soyons percuté par une phrase choc ou bousculé par des éléments de langage.  Au travers d’une brève de radio ou d’une interview TV, les expressions parfois se mélangent, s’emmêlent et deviennent bien énigmatiques.

L’« Etat de droit » est depuis quelques temps le petit air à la mode qui trotte dans nos têtes sans que nous comprenions les paroles de son refrain.

Aussi désigné comme « prééminence du droit », c’est un système institutionnel dans lequel toute personne physique ou morale, publique ou privée est soumise au droit et peut s’en prévaloir.

Loin d’être éclairante, cette définition juridique mérite bien quelques lignes pour illuminer nos esprits.

Ses origines :

La notion d’État de droit apparait au milieu du 19èmesiècle au travers du constitutionnalisme allemand. Puis au début du 20ème siècle, elle est actualisée par le juriste autrichien Hans KELSEN au travers du concept de hiérarchie des normes.

Cette hiérarchie implique que les règles édictées par des organes de l’État, Assemblée nationale ou ministères, ne sont valables qu’à condition de respecter l’ensemble des règles supérieures.

C’est ainsi que la Loi votée par les députées et sénateurs doit respecter les principes de la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 ou qu’un arrêté de permis de construire doit respecter le Code de l’urbanisme…etc.

L’Etat de droit a vocation à  garantir la conformité de chaque norme à une norme plus importante et à assurer un équilibre entre respect des droits fondamentaux et ordre public.

Son fondement :

L’État de droit trouve son fondement dans deux principes essentiels du régime français : la légalité et l’égalité.

Selon le principe de légalité, les autorités administratives, comme le législateur, exercent leurs compétences dans le respect du droit et des règles juridiques qui leur sont supérieures.

Par exemple, un maire ne peut pas méconnaitre la liberté de culte et interdire une célébration religieuse privée.

Selon le principe d’égalité, la Loi votée par les représentants des citoyens s’applique à tous sans distinction d’origine, de race ou de religion.

Par exemple, un professeur des écoles et une assistante maternelle ont tous deux le droit de passer le permis de conduire.

Son but :

L’Etat de droit permet d’encadrer l’action de la puissance publique mais ses principes s’appliquent également aux relations de droit privé.

Un propriétaire ne pourra donc s’affranchir de l’application de la Loi du 6 juillet 1989 s’il consent un bail d’habitation tout comme un préfet ne pourra ordonner le placement en garde à vue d’un délinquant à la place d’un officier de police judiciaire.

Dans son entretien du 20 juin 2024, Monsieur Didier-Roland TABUTEAU, vice-président du Conseil d’État indiquait qu’ « il s’agit simplement, si je puis dire, de garantir que tous – chacun d’entre nous – respectent les règles de droit adoptées par les représentants que nous élisons et par le Gouvernement qui en émane ».ique dans lequel le peuple est souverain et où la loi est l’expression de la volonté générale.

L’Etat de droit constitue donc une garantie de la démocratie, ce système politique dans lequel le peuple est souverain et où la loi est l’expression de la volonté générale.

Selon ce concept, la Loi publiquement adoptée est appliquée par la Justice, cours et tribunaux, à toutes et tous.

Sa portée :

L’Etat de droit est un concept largement répandu en Europe : la Loi allemande se réfère « aux principes d’un Etat de droit républicain, démocratique et social » tandis que le préambule de la constitution espagnole proclame « la volonté de la nation de consolider un Etat de droit ».

C’est donc tout naturellement  qu’il constitue une valeur fondatrice de l’Union Européenne et de ses 27 membres.

L’article 2 du Traité du 7 février 1992 dispose, en effet, que « L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités ».

Enfin, l’Etat de droit a été érigé en principe fondamental au niveau mondial par les Nations Unies grâce au préambule de la Charte du 26 juin 1945 qui indique que l’un des buts de l’ONU est de « créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit international. »

L’Etat de droit est donc un groupe de petits mots qui dit de grandes choses sur notre société et nos valeurs communes.

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