L’ordonnance qui en couvrant le corps, divise les opinions

Au delà de la polémique médiatisée, des discours religieux, des positions féministes, des publications des réseaux sociaux, des prises de position politiques, le Conseil d’État a fait entendre sa vérité juridique, aussi  dépassionnée que raisonnée.

Cet article vous livre la teneur de l’ordonnance du 26 aout 2016 dont la clarté et la clairvoyance se dispensent de tout commentaire :

Vu les procédures suivantes :

I – La Ligue des droits de l’homme, M. Hervé Lavisse et M. Henri Rossi, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’ordonner la suspension de l’exécution des dispositions du 4.3 de l’article 4 de l’arrêté du 5 août 2016 du maire de la commune de Villeneuve-Loubet portant règlement de police, de sécurité et d’exploitation des plages concédées par l’État à la commune de Villeneuve-Loubet. Par une ordonnance n° 1603508 et 1603523 du 22 août 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes.

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 23 et 25 août 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, la Ligue des droits de l’homme, M. Hervé Lavisse et M. Henri Rossi, demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d’annuler cette ordonnance ;
2°) de faire droit à leur demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
– ils sont recevables à solliciter la suspension de l’exécution de l’arrêté contesté ;
– la condition d’urgence est remplie dès lors que, d’une part, l’arrêté préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation des requérants ainsi qu’aux intérêts qu’ils entendent défendre, d’autre part, l’appel a été formé dans les plus brefs délais et, enfin, l’arrêté contesté a vocation à produire ses effets jusqu’au 15 septembre 2016 ;
– l’arrêté contesté porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de manifester ses convictions religieuses, à la liberté de se vêtir dans l’espace public et à la liberté d’aller et de venir ;
– il ne repose sur aucun fondement juridique pertinent;
– la restriction apportée aux libertés n’est pas justifiée par des circonstances particulières locales.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 24 et 25 août 2016, le maire de la commune de Villeneuve-Loubet conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d’urgence n’est pas remplie et que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

II – L’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’ordonner la suspension de l’exécution du 4.3 de l’article 4.3 du même arrêté du 5 août 2016 du maire de la commune de Villeneuve-Loubet. Par une ordonnance n° 1603508 et 1603523 du 22 août 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Par une requête enregistrée le 24 août 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d’annuler cette ordonnance ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– elle est recevable à solliciter la suspension de l’exécution de l’arrêté contesté ;
– l’arrêté contesté méconnaît la loi du 9 décembre 1905 ;
– la condition d’urgence est remplie dès lors que, d’une part, l’arrêté contesté préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation des requérants ainsi qu’aux intérêts qu’ils entendent défendre, d’autre part, l’appel a été formé dans les plus brefs délais et, enfin, l’arrêté contesté a vocation à produire ses effets jusqu’au 15 septembre 2016 ;
– l’arrêté contesté porte une atteinte grave et manifestement illégale au principe d’égalité des citoyens devant la loi, à la liberté d’expression, à la liberté de conscience et à la liberté d’aller et venir ;
– il ne repose sur aucun fondement juridique pertinent.

Par un mémoire en défense, enregistré 25 août 2016, le maire de la commune de Villeneuve-Loubet conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d’urgence n’est pas remplie et que les moyens soulevés par l’association requérante ne sont pas fondés.

Des observations, enregistrées le 25 août 2016, ont été présentées par le ministre de l’intérieur.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
– la Constitution, et notamment son Préambule et l’article 1er ;
– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, la Ligue des droits de l’homme et autres et l’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France et, d’autre part, la commune de Villeneuve‑Loubet ainsi que le ministre de l’intérieur ;

Vu le procès-verbal de l’audience publique du 25 août 2016 à 15 heures au cours de laquelle ont été entendus :
– Me Spinosi, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Ligue des droits de l’homme et autres ;
– les représentants de l’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France ;
– Me Pinatel, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, avocat de la commune de Villeneuve-Loubet ;
– le représentant de la commune de Villeneuve-Loubet ;
– la représentante du ministre de l’intérieur ;

et à l’issue de laquelle l’instruction a été close ;

Considérant ce qui suit :

1. En vertu de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, lorsqu’est constituée une situation d’urgence particulière, justifiant qu’il se prononce dans de brefs délais, le juge des référés peut ordonner toute mesure nécessaire à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une autorité administrative aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale.

2. Des arrêtés du maire de Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes) du 20 juin 2014 puis du 18 juillet 2016 ont réglementé l’usage des plages concédées à la commune par l’Etat. Ces arrêtés ont été abrogés et remplacés par un nouvel arrêté du 5 août 2016 qui comporte un nouvel article 4.3 aux termes duquel : « Sur l’ensemble des secteurs de plage de la commune, l’accès à la baignade est interdit, du 15 juin au 15 septembre inclus, à toute personne ne disposant pas d’une tenue correcte, respectueuse des bonnes mœurs et du principe de laïcité, et respectant les règles d’hygiène et de sécurité des baignades adaptées au domaine public maritime. Le port de vêtements, pendant la baignade, ayant une connotation contraire aux principes mentionnés ci-avant est strictement interdit sur les plages de la commune ». Ainsi que l’ont confirmé les débats qui ont eu lieu au cours de l’audience publique, ces dispositions ont entendu interdire le port de tenues qui manifestent de manière ostensible une appartenance religieuse lors de la baignade et, en conséquence, sur les plages qui donnent accès à celle-ci.

3. Deux requêtes ont été présentées devant le juge des référés du tribunal administratif de Nice pour demander, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de ces dispositions de l’article 4.3 de l’arrêté du maire de Villeneuve-Loubet. La première de ces requêtes a été introduite par la Ligue des droits de l’homme, M. Hervé Lavisse et M. Henri Rossi, la seconde par l’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France. Par une ordonnance du 22 août 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant en formation collégiale de trois juges des référés, a rejeté ces deux requêtes. La Ligue des droits de l’homme, M. Hervé Lavisse et M. Henri Rossi, d’une part, l’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France, d’autre part, font appel de cette ordonnance par deux requêtes qui présentent à juger les mêmes questions et qu’il y a lieu de joindre.

4. En vertu de l’article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales, le maire est chargé, sous le contrôle administratif du préfet, de la police municipale qui, selon l’article L. 2212-2 de ce code, « a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ». L’article L. 2213-23 dispose en outre que : « Le maire exerce la police des baignades et des activités nautiques pratiquées à partir du rivage avec des engins de plage et des engins non immatriculés…Le maire réglemente l’utilisation des aménagements réalisés pour la pratique de ces activités. Il pourvoit d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours. Le maire délimite une ou plusieurs zones surveillées dans les parties du littoral présentant une garantie suffisante pour la sécurité des baignades et des activités mentionnées ci-dessus. Il détermine des périodes de surveillance… ».

5. Si le maire est chargé par les dispositions citées au point 4 du maintien de l’ordre dans la commune, il doit concilier l’accomplissement de sa mission avec le respect des libertés garanties par les lois. Il en résulte que les mesures de police que le maire d’une commune du littoral édicte en vue de réglementer l’accès à la plage et la pratique de la baignade doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées au regard des seules nécessités de l’ordre public, telles qu’elles découlent des circonstances de temps et de lieu, et compte tenu des exigences qu’impliquent le bon accès au rivage, la sécurité de la baignade ainsi que l’hygiène et la décence sur la plage. Il n’appartient pas au maire de se fonder sur d’autres considérations et les restrictions qu’il apporte aux libertés doivent être justifiées par des risques avérés d’atteinte à l’ordre public.

6. Il ne résulte pas de l’instruction que des risques de trouble à l’ordre public aient résulté, sur les plages de la commune de Villeneuve-Loubet, de la tenue adoptée en vue de la baignade par certaines personnes. S’il a été fait état au cours de l’audience publique du port sur les plages de la commune de tenues de la nature de celles que l’article 4.3 de l’arrêté litigieux entend prohiber, aucun élément produit devant le juge des référés ne permet de retenir que de tels risques en auraient résulté. En l’absence de tels risques, l’émotion et les inquiétudes résultant des attentats terroristes, et notamment de celui commis à Nice le 14 juillet dernier, ne sauraient suffire à justifier légalement la mesure d’interdiction contestée. Dans ces conditions, le maire ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs de police, édicter des dispositions qui interdisent l’accès à la plage et la baignade alors qu’elles ne reposent ni sur des risques avérés de troubles à l’ordre public ni, par ailleurs, sur des motifs d’hygiène ou de décence. L’arrêté litigieux a ainsi porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle. Les conséquences de l’application de telles dispositions sont en l’espèce constitutives d’une situation d’urgence qui justifie que le juge des référés fasse usage des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Il y a donc lieu d’annuler l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice du 22 août 2016 et d’ordonner la suspension de l’exécution de l’article 4.3 de l’arrêté du maire de Villeneuve-Loubet en date du 5 août 2016.

7. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la Ligue des droits de l’homme, de M. Lavisse, de M. Rossi et de l’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France. Il n’y pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Villeneuve-Loubet, en application de ces dispositions, les sommes que demandent, d’une part, la Ligue des droits de l’homme, M. Lavisse et M. Rossi, d’autre part l’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France.

O R D O N N E :

Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice en date du 22 août 2016 est annulée.
Article 2 : L’exécution de l’article 4.3 de l’arrêté du maire de Villeneuve-Loubet en date du 5 août 2016 est suspendue.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Villeneuve-Loubet et celles de la Ligue des droits de l’homme, de M. Lavisse, de M. Rossi, et de l’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4. La présente ordonnance sera notifiée à la Ligue des droits de l’homme, à M. Lavisse, à M. Rossi, à l’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France, à la commune de Villeneuve-Loubet et au ministre de l’intérieur.

Conseil d’État 26 août 2016 N°402742 et 402777

Rétention Administrative et mineur accompagnant : La condamnation en cascade de la France par la Cour Européenne des Droits de l’Homme

A l’aube de l’entrée en vigueur de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016, l’état français fait face à la déferlante d’une vague estivale de jurisprudences de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

A cinq reprises, la Haute juridiction est venue pointer du doigt les pratiques de la FRANCE en matière de placement en rétention administrative et condamné ses décisions de maintien.

Chacun se souvient de l’arrêt POPOV du 19 janvier 2012 affirmant  que  les autorités devaient  assuré aux enfants accompagnants un traitement compatible avec les dispositions de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et la Convention internationale des droits de l’enfant.

La Cour Européenne des Droits de l’Homme rappelle sa position de principe tout en peaufinant son analyse au travers de cinq histoires, cinq parcours comme autant d’illustrations de l’incompatibilité entre la vulnérabilité de l’enfant et l’enfermement avec ses parents.

Cette affaire concerne un couple de  ressortissants  arméniens arrivé en FRANCE  2009 avec leur fils mineur.

A la suite d’un rejet de leur demande d’asile par  l’Office  français  de  protection  des  réfugiés  et  apatrides  (OFPRA)  puis  par  la  Cour nationale du droit d’asile (CNDA), les parents se sont vus notifiés des  arrêtés  rejetant  leurs  demandes  de  titres  de  séjour  et  leur  faisant obligation  de  quitter  le  territoire.

Après le rejet de leurs recours respectifs en annulation, le père est placé en garde à vue à la suite de la commission d’une infraction, la mère et l’enfant seront interpelés  le  lendemain au  centre  d’accueil  des demandeurs d’asile (CADA).

L’ensemble de la famille est placé au Centre de Rétention Administrative le 17 février 2012 avant d’être libéré après avoir accepté de repartir volontairement le 5 mars 2012

L’histoire aurait pu s’arrêter là si les graves problèmes de santé que connaissait l’enfant âgé de quatre ans obligèrent ses parents à se maintenir irrégulièrement sur le territoire français pour accéder aux soins adaptés.

Par  deux  arrêts  rendus  le 15  novembre  2012,  la  Cour  Administrative  d’Appel  de  BORDEAUX  annule cependant les  arrêtés  de  placement  en rétention administrative après que la mesure ai pris fin.

La  Cour Européenne des Droits de l’Homme  saisie quant à elle le  24  février  2012 considère  que  « compte  tenu  de  l’âge  de  l’enfant,  de  la  durée  et  des  conditions  de  son enfermement  dans  le  Centre  de  Rétention Administrative,  les  autorités  ont  soumis le mineur  à un  traitement  qui  a dépassé  le  seuil  de gravité  exigé  par l’article 3 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme ».

Elle s’est interrogée sans ambigüité sur l’examen opéré par Monsieur le Préfet et l’alternative possible  pouvant se substituer à la mesure coercitive.

De même, elle a appréciée les  diligences  accomplies par le représentant de l’état et ses services  aux fins de maintenir la famille au CRA le temps strictement  nécessaires  à son éloignement.

En  l’absence  de risque  particulier  de  fuite,  la haute Juridiction retient que  la  rétention  d’une  durée  de  dix-huit  jours  apparaît  disproportionnée  par rapport  au  but  poursuivi : les parents et leur enfant ont donc  subi  une ingérence disproportionnée dans le droit au respect de leur vie familiale garanti par l’article 8.

Dans la seconde espèce, la Cour s’est penchée sur le cas d’une ressortissante russe d’origine  tchétchène et de ses deux filles. Suite au décès de son conjoint, la mère de famille déposa  une  demande  d’asile en POLOGNE avant  de  se  réfugier  en France alors qu’elle était pourchassée

Devant cette situation, Monsieur le Préfet prit  à  son  encontre  un  arrêté  de  réadmission  vers  la POLOGNE, Etat membre légalement compétent pour connaitre de la demande d’asile en  application  du  Règlement  de  Dublin  II.

Là encore, à l’issue du rejet de son recours, la mère de famille sera interpellée et placée au Centre  de  Rétention Administrative avec  ses enfants le 18 avril 2016. Ni son refus d’embarquer ni le recours administratif ne permettront de mettre fin au placement.

C’est ainsi que la  Cour sera saisie d’une demande de mesure provisoire à laquelle elle fera droit. La requérant est alors assignée à résidence  le 25 avril 2016 et quittera le CRA avec ses enfants le lendemain.

Mais la mère sera très vite interpellée par  la  police et poursuivie par Monsieur le  Procureur  de  la  République  pour  séjour  irrégulier  et  non respect  de  la  mesure  d’assignation  à  résidence.

Ainsi le  Tribunal Correctionnel  de  STRASBOURG a reconnait coupable et la condamne  le  12  septembre  2012  à  une  peine  d’un  mois  d’emprisonnement  avec sursis .

Une nouvelle fois, la Cour Européenne des Droits de l’Homme décide de condamner l’Etat français en soulignant  « que même si, comme le fait valoir le Gouvernement, les autorités internes ont, dans un premier temps, mis en œuvre toutes les diligences nécessaires pour exécuter au plus vite la mesure d’expulsion et limiter le temps d’enfermement, le droit absolu protégé par l’article 3 interdit qu’un mineur accompagné soit maintenu en rétention dans les conditions précitées pendant une période dont la durée excessive a contribué au dépassement du seuil de gravité prohibé ».

Elle conclut que la période d’enfermement a de  sept jours « est en elle‑même trop longue pour des enfants de deux ans et demi et quatre mois ».

C’est ensuite l’affaire d’une mère de nationalité roumaine arrivée en  FRANCE  en  2012 qui sera jugée.  Arrêtée, elle est  condamnée par  le  Tribunal  Correctionnel  de  NIMES  à une peine de 3  ans  d’emprisonnement  dont  6 mois  avec  sursis  ainsi  qu’à  une  peine  d’interdiction  du  territoire  français  de  10  ans à titre de peine complémentaire.

A sa sortie de prison, elle est placée en  rétention  administrative  avec  son  enfant le 2 décembre 2014. Ayant épuisé toutes les voies de recours contre cette décision, elle  saisit  la  Cour  d’une  demande  de  mesure  provisoire le 10 décembre 2014.

Sur invitation de la Cour, Monsieur le Préfet décide d’assigner la requérante à  résidence  dans  un  hôtel. Puis il procède à l’éloignement  de la mère et de l’enfant vers la ROUMANIE.

Encore une fois, le Cour relève la violation de l’article 3 de la Convention, «  convaincue, en revanche, qu’au-delà d’une brève période, la répétition et l’accumulation de ces agressions psychiques et émotionnelles ont nécessairement des conséquences néfastes sur un enfant en bas âge, dépassant le seuil de gravité précité ».

  • CEDH  du 12 juillet 2016 – requête n° 68264/14R.K. et autres c. France :

La quatrième espèce concerne deux  ressortissants  russes  d’origine  tchétchène  et  leur  enfant arrivés  en  FRANCE  en  octobre  2010. Suite à une demande  d’asile présentée en  POLOGNE,  la famille est  placée  en rétention  administrative et  faisait l’objet d’une  procédure  de  réadmission.

Le  30  novembre  2011, l’Office  français  de  protection  des  réfugiés  et  apatrides  (OFPRA)  rejette leur  demande  d’asile suivi par la  Cour nationale du droit d’asile (CNDA).

Ces décisions sont suivies  le 5 novembre 2012 d’arrêtés  de  refus  de  séjour  assortis  d’une  obligation  de  quitter  le territoire  français.  Après le rejet de leur recours en annulation et  leur  demande  de  réexamen, la famille fit finalement l’objet d’une mesure d’assignation à résidence.

Refusant d’embarquer le 15 octobre 2014, le placement en rétention administrative vient remplacer  la précédente mesure.

A l’épuisement de tous recours juridictionnels français, la famille saisit le  17  octobre  2014  la  Cour Européenne des droits de l’Homme.

Le  24  octobre  2014, Monsieur  le  Préfet  abroge  l’arrêté  de  rétention  et  assigna une nouvelle fois  la famille à résidence dans un hôtel pour une durée de 6 mois.

La  Cour  retient  que  les  autorités françaises ont  soumis l’enfant  âgé de quatre ans à  un traitement qui a dépassé le seuil de gravité exigé par l’article 3 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme.

Elle « observe que les enfants, pour lesquels des périodes de détente en plein air sont nécessaires, sont ainsi particulièrement soumis à ces bruits d’une intensité excessive » et que « les conditions d’organisation du centre ont pu avoir un effet anxiogène sur l’enfant des requérants ».

Mais encore une fois, seul l’écoulement du temps revêt une importance primordiale dans l’appréciation du dépassement du seuil de gravité exigé par l’article 3 de la Convention

La dernière affaire intéresse des  ressortissants  russes  d’origine  tchétchène, arrivés  en  France  en  juin  2008 et parents d’un enfant de sept mois.

L’Office  français  de  protection  des  réfugiés  et  apatrides  et la  Cour  nationale  du  droit  d’asile rejetèrent successivement leur demande présentée au titre de l’asile.

C’est sur cette base que le  18  février  2011,  Monsieur le Préfet prit à leur encontre  deux  décisions  de  refus  de  séjour  assorties  d’une  obligation  de  quitter  le  territoire.

Suite au rejet de leur demande de réexamen par l’OFRA ils sont placés interpelés le  23  mai  2011 et placés au  Centre  de  Rétention  Administratives.

La saisine de la Cour entraina la levée de la rétention administrative, la juridiction ayant préconisé de  ne  pas  renvoyer  les  requérants  la  RUSSIE  pour la durée de la procédure  devant  elle.

En  2015,  l’OFPRA rejeta la nouvelle demande de réexamen des requérants ce que  la CNDA confirma.

La  Cour  estime  que  les  autorités  ont  soumis  l’enfant  à  un traitement qui a dépassé le seuil de gravité exigé par l’article 3 de la Convention.

Au travers de cette dernière jurisprudence dont les motifs rejoignent les quatre arrêts précédents, elle fixe de manière précise la brève période ne devant être dépassée à la durée de sept jours.

La  Cour  relève  ensuite  qu’il  ne  ressort  pas  que  le  Gouvernement  ait  recherché  des  mesures alternatives  au  placement  en  rétention  de  la  famille ni  le  Juge  des  Libertés  et  de  la  Détention  et  le Tribunal Administratif aient tenu compte de la présence de l’enfant lors de leur intervention.

Au travers de ces cinq arrêts, la Cour Européenne des Droits de l’Homme signifie à l’état français qu’il n’a pas tiré les conséquences qui s’imposent de l’arrêt POPOV du 19 janvier 2012.

Quatre ans après, la haute Juridiction pousse la FRANCE en la sanctionnant à s’interroger fermement sur le contrôle de la mesure de placement en rétention administrative ab initio par le Préfet mais également et a posteriori par les juges civils et administratifs.