L’origine des Lois : la loi du 11 juillet 1975 portant réforme du divorce

Le 24/01/11 (mis à jour le 11/09/11)

Comme précédemment annoncée, je poursuis la série de billets sur l’origine des lois dont le deuxième épisode est consacré à la Loi n° 75-617 du 11 juillet 1975 portant réforme du divorce.

Le Droit français connait la dissolution du mariage depuis la révolution française : mais c’est la Loi Naquet du 27 juillet 1884 qui l’imposera et en fixera les principes.

Dans la seconde partie du 20ème siècle, les femmes font entendre leurs voix pour faire changer leur statut au sein de la famille et émerger leurs droits.

La réforme des principes restrictifs du divorce s’inscrit donc dans l’ère du temps et poursuit une évolution évidemment nécessaire à la lecture d’un manuel de droit publié au sortir de la seconde guerre mondiale.

Au chapitre de la capacité juridique, on peut y lire :

 « Cas de la femme mariée

La femme même mariée, a donc pleine capacité juridique. L’exercice de cette capacité ne peut être limité que pas un contrat de mariage ou par la loi (art.216 du code civil).

De par la loi, elle subit deux restrictions essentielles :

a) Le choix de la résidence de la famille appartient au mari

b) La femme peut exercer une profession séparée de celle de son mari, à moins que ce dernier ne s’y oppose ».

Le Droit au brevet d’Enseignement Commercial Premier Degré – R.VERGNAUD – Librairie ISTRA 1956

Cette réforme a également pour but d’adapter le droit à la famille française, à ses nouveaux modèles et à sa vision actuelle du couple.

Le changement est amorcé par la loi n°65-570 du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux qui introduit le régime légal de la communauté réduite aux acquêts.

Cette législation figure comme une première étape car elle rend effective la capacité juridique de la femme mariée pouvant désormais ouvrir un compte en banque en son nom propre et travailler séparément de son conjoint sans son autorisation.

Le divorce sera la seconde étape de l’évolution.

Et c’est dans ce contexte que le Doyen de l’Université du Panthéon-Assas, Jean Carbonnier, se voit chargé de rédiger l’avant projet de la loi de 1975.

Jusqu’à cette date, la rupture du mariage ne pouvait se fonder que sur la faute.

On distinguait alors les causes dites péremptoire telles que l’adultère ou la condamnation à une peine afflictive et infamante de l’un des époux*, des autres causes.

Ces dernières se limitaient aux excès, sévices et injures graves constituant un manquement grave et renouvelé des devoirs et obligations résultant du mariage et rendant intolérable le maintien du lien conjugal.

Pour ces causes dites non-péremptoires, il était évidemment difficile de rapporter la preuve des agissements fautifs, d’autant que l’aveu n’était pas reconnu.

L’un de mes professeurs d’Université expliquait que cet état du droit donnait lieu à des situations vaudevillesques.

Ainsi, les époux qui s’entendaient sur leur séparation, n’avaient d’autre choix que de s’écrire mutuellement des lettres d’injures pour que leurs fautes soient établies et que le droit au divorce leur soit ouvert.

Les magistrats fermaient les yeux sur ces divorces consensuels appelés S.O.P par référence aux insultes courantes contenues dans les missives (salope, ordure, putain).

La loi de 1975 bouleverse les procédures et consacre la rupture amiable du mariage ainsi que la faculté de divorcer unilatéralement d’un époux non fautif.

L’article 229 du code civil prévoit ainsi trois cas de divorce :

– le divorce par consentement mutuel,

– le divorce pour rupture de la vie commune consécutif à une séparation de fait d’une durée de six ans,

– et le divorce pour faute.

Au travers de sa rupture, la réforme met en lumière l’ambivalence du mariage à la fois contrat et institution.

Elle crée par ailleurs une nouvelle fonction judiciaire, celle du Juge aux Affaires Matrimoniales.

Mais son impact ne se limite pas au seul droit civil et à ses instances juridictionnelles : il se propage jusqu’au droit pénal.

C’est ainsi que l’adultère de la femme mariée jusqu’alors constitutif d’un délit dont l’amant était tenu complice -et non coauteur – sera dépénalisé.

Et tandis que les couples français gagnent en sérénité et en liberté, les femmes trouvent dans cette réforme indépendance, confiance et reconnaissance.

En 2004, le divorce fera l’objet d’une modernisation sans qu’un délai de quatre vingt dix ans ne s’écoule de nouveau.

La Loi n°2004-439 du 26 mai 2004 entrera en vigueur le 1er janvier 2005.

Sur cet épisode de notre droit, je souhaite laisser le mot de la fin à l’éminent Doyen Jean Carbonnier qui écrivait sans doute en réfléchissant à cette réforme :

« Les lois du 18 février 1938 et 13 juillet 1965 ont entendu effacer du droit civil « l’éternel féminin ». On remarquera que, tout au contraire, la philosophie contemporaine attire l’attention, d’une manière très aiguë, quoique non pas toujours dans le même esprit, sur l’altérité de la femme. Peut-être ne souligne-t-elle pas assez qu’un des aspects les plus profonds de cette altérité est une sensibilité différente du droit – un moindre besoin de droit, qui est sans doute une grande supériorité».

Droit Civil Tome Premier – J.Carbonnier – Thémis – Presses Universitaires de France 1965

Code Civil Ancien*

Art.229 :

Le mari pourra demander le divorce pour cause d’adultère de sa femme.

Art.230 :

La femme pourra demander le divorce pour cause d’adultère de son mari.

Art.231 :

Les époux pourront réciproquement demande le divorce pour excès, sévices ou injures graves, de l’un envers l’autre.

Art.232 :

La condamnation de l’un des époux à une peine afflictive et infamante sera pour l’autre une cause de divorce.

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