Classement sans suite et droits des victimes

Le 06/12/10

Longtemps, la procédure pénale a concentré son attention sur l’auteur de l’infraction et la répression de ses actes.

Ce n’est que dans la première moitié du 20ème siècle que les criminologues se sont intéressés à la victime et à son rôle dans le phénomène criminel.

Au fur et mesure des ans, celle-ci est alors devenue actrice du procès pénal jusqu’à ce que la Loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité renforce et consolide ses droits.

Aujourd’hui comme le précise Robert CARIO « D’un point de vue éthique, toute personne victime possède une triple série de droits : à la reconnaissance, à l’accompagnement et à réparation ». Répertoire Dalloz – Procédure Pénale

Cette évolution trouve pourtant ses limites dans ses interactions avec le ministère public disposant de l’opportunité des poursuites.

Car en présence d’une infraction, c’est le Procureur de la République qui apprécie s’il y a lieu de déclencher l’action publique, de classer sans suite ou de recourir à l’alternative aux poursuites.

Et il choisit non seulement la destination mais aussi le chemin qu’il considère le plus adapté pour s’y rendre (COPJ, Comparution immédiate, Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité…).

L’insuffisance de preuves ou de caractérisation de l’infraction, la méconnaissance de l’auteur des faits, le comportement du plaignant ou la faible importance du préjudice sont autant de raisons qui conduisent le Procureur de la République à ne pas poursuivre.

Dans ces circonstances, il prend alors une décision de classement sans suite sur laquelle il pourra éventuellement revenir plus tard à défaut de prescription ou d’extinction de l’action publique.

Face à cette mesure administrative non sans conséquence, la victime de l’infraction dispose de droits garantis par le Code de Procédure Pénale.

Droit d’information de la victime :

Le premier droit découle des dispositions de l’article 40-2 dudit code au terme duquel le Procureur est tenu d’aviser les plaignants et les victimes de sa décision de classer sans suite.

Le magistrat du Parquet ne doit pas se limiter à prévenir de l’absence de poursuites pénales, il doit en outre indiquer les raisons juridiques ou d’opportunité de sa décision.

Dans les faits cependant, la pratique sur cette information et sur les motivations varie d’une juridiction à l’autre sans que la constitution de partie civile n’ait la moindre influence sur cette information.

Par ailleurs, le contrôle sur l’exécution de cette obligation reste limité, d’autant que dans ces circonstances, la saisine du Juge délégué aux victimes n’est pas ouverte…

Droit de recours hiérarchique de la victime :

Mais le deuxième droit prévu aux dispositions de l’article 40-3 du Code de Procédure Pénale ne laisse pas la victime sans ressource.

La Loi lui confère la possibilité d’exercer un recours auprès du Procureur Général (représentant du ministère public auprès de la Cour d’Appel) contre la décision de classement sans suite.

 Encore faut-il qu’elle soit à l’origine de la dénonciation des faits pour lesquels aucune poursuite n’a été initiée.

Saisi de ce recours, le Procureur Général se fait remettre le dossier afin à son tour d’apprécier l’opportunité d’une suite pénale.

 S’il infirme la décision du Procureur de la République, il pourra enjoindre ce dernier d’engager des poursuites.

Droit à l’instruction de la victime :

 La victime dans l’attente d’une réponse judiciaire dispose également du droit de déposer plainte avec constitution de partie civile auprès du Doyen des juges d’instructions selon l’article 85 du Code de Procédure Pénale.

Mais afin d’éviter tout recours abusif, elle sera tenue de consigner des frais de justice fixé par le doyen des juges d’instruction en tenant compte de ses ressources.

Le magistrat ainsi saisi ordonnera l’ouverture d’une instruction judiciaire qu’il confiera à un juge d’instruction.

Comme à l’accoutumée, des investigations complétant l’enquête de police ou de gendarmerie initiale seront menées dans le cadre de ce dossier instruit à charge et à décharge.

A l’issue, le juge d’instruction nommé prononcera soit le renvoi de l’affaire devant la juridiction pénale, soit un non lieu.

Au fils des législations, la place de la victime dans le procès pénal a donc évolué et lui a conféré de nouveaux droits du dépôt de plainte jusqu’au suivi de l’exécution de la peine.

De l’indemnisation à l’information, on ne peut que constater une meilleure prise en compte de ses intérêts.

Surtout si le traitement judiciaire ne résout pas tout, il permet cependant d’agir sur la souffrance par la reconnaissance d’un statut à la victime.

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