Le 28/02/11
La déclaration de culpabilité par les juridictions répressives donne lieu au prononcé d’une sanction pénale à l’encontre de l’auteur de l’infraction réprimée.
Selon la gravité des faits et la qualité du condamné, la peine peut prendre diverses formes telles qu’une mesure privative de liberté, une amende, un travail d’intérêt général ou le retrait d’un droit.
Au terme de l’article 132-24 du Code Pénal, le droit français applique le principe de la personnalisation des peines.
C’est ainsi qu’une personne de nationalité étrangère peut être condamnée à une interdiction du territoire français pour une durée de 10 ans maximum ou définitivement à défaut de relèvement de sa peine.
Pour mieux comprendre l’application des dispositions conjuguées du Code Pénal et du Code de l’Entrée et du Séjour des étrangers et du droit d’asile un petit bilan s’impose.
Quelle est la nature de l’interdiction du territoire français ?
L’interdiction du territoire a une double nature conférée tant par son origine que par ses effets : c’est à la fois une condamnation pénale et une mesure d’éloignement.
En premier lieu, il s’agit d’une décision de justice prononcée à l’issue d’un procès pénal en répression d’une infraction.
Elle sanctionne à titre principal l’auteur des délits se rapportant au droit des étrangers : entrée et séjour irréguliers, aide à l’entrée et au séjour irrégulier d’un étranger, mariage ou reconnaissance d’enfant de complaisance, soustraction à une mesure d’éloignement, infractions à la législation sur le travail et sur l’hébergement collectif.
Mais les juridictions répressives peuvent également assortir leur condamnation d’une interdiction du territoire à titre de peine complémentaire.
Tel est le cas pour les crimes contre l’humanité, meurtres, assassinats, viols, proxénétisme, trafics de stupéfiants, vols aggravés, extorsion, recel, crimes contre la nation…
Dans tous les cas, cette interdiction de territoire ne peut être prononcée sans que le prévenu ait pu faire valoir ses observations.
Cass. Crim. 11 juin 2008 Pourvoi 07-83024
En second lieu, l’interdiction du territoire français constitue une mesure d’éloignement au même titre que l’arrêté de reconduite à la frontière, l’obligation de quitter le territoire ou l’expulsion.
En exécution de cette peine, l’étranger condamné doit être éloigné de France, le cas échéant après exécution d’une peine d’emprisonnement, sans pouvoir revenir avant l’expiration du délai imparti.
Qui est protégé contre l’interdiction du territoire français ?
Cette sanction ne peut être prononcée à l’égard de certains étrangers qui bénéficient d’un régime de protection.
Cette protection est dite relative à l’égard de :
* l’étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d’un enfant français mineur résidant en France, à condition qu’il contribue effectivement à l’entretien et à l’éducation de l’enfant depuis sa naissance ou depuis au moins 1 an,
* l’étranger marié depuis au moins 3 ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie entre les époux n’ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française,
* l’étranger qui réside régulièrement (sous couvert d’un titre de séjour) depuis plus de 10 ans en France, sauf s’il a été pendant toute cette période titulaire d’un titre de séjour « étudiant »,
* l’étranger titulaire d’une rente d’accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d’incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 %,
* l’étranger résidant habituellement en France depuis plus de 15 ans, sauf étudiant.
A titre d’exception, les étrangers concernés par ces situations ne pourront être éloignés que par décision spécialement motivée au regard de la gravité de l’infraction et de la situation personnelle et familiale de l’étranger.
Cette protection est dite quasi- absolue à l’égard de :
* l’étranger qui justifie résider habituellement en France depuis qu’il a atteint au plus l’âge de 13 ans,
* l’étranger résidant régulièrement (sous couvert d’un titre de séjour) depuis plus de 20 ans en France,
* l’étranger résidant habituellement en France et dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale indispensable qui ne peut être assurée dans le pays de renvoi,
* l’étranger résidant régulièrement en France depuis plus de 10 ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins 4 ans avec un ressortissant français qui a conservé la nationalité française ou avec un ressortissant étranger qui vit en France depuis qu’il a atteint au plus l’âge de 13 ans, à condition que la communauté de vie n’ait pas cessé depuis le mariage,
* l’étranger résidant régulièrement en France depuis plus de 10 ans, et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d’un enfant français mineur résidant en France, à condition qu’il contribue effectivement à l’entretien et à l’éducation de l’enfant depuis sa naissance ou depuis au moins 1 an.
Cependant, cette protection doit être écartée dans des cas graves de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’Etat ou liés à des activités terroristes…
La Cour de Cassation rappelle encore qu’en application de l’article 131-32 du Code pénal, aucune interdiction de séjour ne peut être prononcée pour un condamné âgé de plus de 65 ans.
Cass. Crim. 9 septembre 2008 Pourvoi 08-81336
A préciser enfin qu’en aucun cas, une interdiction du territoire français ne peut être prise à l’encontre d’un mineur.
Comment contester l’interdiction du territoire français ?
Avant tout chose, il convient de relever que la Cour de Cassation a précisé que la peine complémentaire d’interdiction définitive du territoire français n’est pas prescriptible s’agissant d’une peine privative de droit.
Dès lors que cette peine n’exige aucun acte d’exécution.
Cass. Crim. 7 janvier 2009 Pourvoi 08-82892
Pour autant comme toutes décisions de justice, cette condamnation peut être contestée par la voie de l’appel ou, le cas échéant, de l’opposition.
Si les juridictions répressives confirment la sanction ou l’aggravent, il sera alors possible de présenter une demande de relèvement.
Mais ce recours n’est ouvert que lorsque l’interdiction du territoire français est prononcée à titre de peine complémentaire.
Sauf exception, le ressortissant étranger doit résider hors de France lors du dépôt de cette requête qui ne pourra intervenir qu’à l’expiration d’un délai de 6 mois suivant la décision de condamnation.
Cependant, la Cour de Cassation a ouvert une brèche en relevant que la violation de l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme constitue une exception à la règle de la présence à l’étranger en application du droit au recours effectif devant une instance nationale.
Encore faut-il qu’un grief sérieux résultant d’une atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale soit démontré.