L’étanchéité des instances dans le contentieux de la rétention administrative

Dans un arrêt rendu le 16 janvier 2019, la Cour de cassation a dit pour droit que le juge des libertés et de la détention ne peut statuer sur la régularité de la décision de placement en rétention, en l’absence de requête déposée à cette fin par l’étranger.

Cass. Civ. 1ère 16 janvier 2019 Pourvoi n°18-50047

La rétention administrative est une mesure privative de liberté existant depuis la loi n° 81-973 du 29 octobre 1981, relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France. Elle trouve son fondement dans une mesure d’éloignement quel qu’en soit sa nature et a pour objet de faciliter l’exécution de ladite mesure.

 Civil par nature, le contentieux de la rétention administrative relève de la procédure prévue à la section I du chapitre II du titre V du livre V du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

L’instance concernant le placement en rétention et l’instance concernant la prolongation de la rétention sont évoquées lors d’une audience commune au terme de laquelle le juge des libertés et de la détention statue par ordonnance unique.

Cette organisation singulière aboutit à une jonction atypique des instances qui n’est pas sans susciter quelques difficultés dans un contentieux déjà tendu par l’enjeu et par l’urgence.

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 16 janvier 2019 témoigne de la complexité du contrôle du juge saisi de deux instances liées par une même ordonnance et par les mêmes plaideurs.

 C’est ainsi que la Cour suprême censure l’ordonnance rendue le 5 avril 2018 par le premier président de la cour d’appel de Rouen qui se prononce sur des moyens de régularité du placement en rétention sans en avoir été saisi par le ressortissant irakien retenu dans la perspective de son transfert vers l’Italie.

Cette jurisprudence vient ainsi dessiner les contours des deux instances du contentieux de la rétention administrative et bousculer l’office du juge.

 Selon l’article L. 512-1-III du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, «la décision de placement en rétention ne peut être contestée que devant le juge des libertés et de la détention, dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification, suivant la procédure prévue à la section I du chapitre II du titre V du présent livre et dans une audience commune aux deux procédures, sur lesquelles le juge statue par ordonnance unique lorsqu’il est également saisi aux fins de prolongation de la rétention en application de l’article L. 552-1».

Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000, renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, c’est le juge des libertés et de la détention qui a le pouvoir d’apprécier la légalité du contrôle qui a révélé la situation irrégulière de l’étranger avant de décider d’une éventuelle prolongation de la rétention.

La loi n° 2016-274 du 7 mars 2016, relative au droit des étrangers en France, va confier à cette même juridiction l’ensemble du contentieux de la rétention administrative des étrangers en soustrayant la régularité de la décision de placement au juge administratif.

Le contrôle juridictionnel de la rétention administrative relève donc du bloc de compétence du juge judiciaire.

Cette réunion s’inscrit dans l’analyse du Conseil constitutionnel qui précisait en 1987 que si le contentieux de l’annulation et de la réformation des décisions administratives relève de la compétence des juridictions administratives, c’est bien sûr sous réserve des matières réservées par nature à l’autorité judiciaire, au premier rang desquelles figure la liberté individuelle à laquelle porte atteinte, à l’évidence, une mesure de rétention administrative.

Conseil Constitutionnel 23 janvier 1987 no 86-224 DC

Le juge des libertés et de la détention a ainsi à se prononcer sur la régularité du placement à la demande du retenu ayant la qualité de demandeur, le préfet ayant celle de défendeur.

Il peut également être saisi de la prolongation de la rétention par le préfet ayant alors la qualité de demandeur et le retenu ayant celle de défendeur.

Dans l’une ou l’autre instance, la juridiction est saisie par simple requête motivée et signée à peine d’irrecevabilité adressée par tout moyen au juge, avant l’expiration du délai imparti que le greffier enregistre et y appose, ainsi que sur les pièces jointes, un timbre indiquant la date et l’heure de la réception.

Les articles R. 552-10-1, R. 552-3 et R. 552-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile créent donc un parfait parallélisme des formes entre les deux procédures.

Mais pour autant, la collusion entre les deux instances s’arrête là.

C’est ce que la Cour de cassation relève dans son arrêt du 16 janvier 2019 en retenant que le juge des libertés et de la détention ne peut connaître des moyens concernant la régularité du placement en rétention s’il n’est saisi que d’une demande de prolongation de cette mesure par le préfet.

Elle casse ainsi l’ordonnance du premier président de la cour d’appel de Rouen qui se prononçait sur les conséquences sur la régularité de la décision de «l’absence de dispositions réglementaires permettant la prise en compte de la vulnérabilité des étrangers, au sens de l’article L. 551-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile».

L’article L. 551-1 issu de la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018, permettant une bonne application du régime d’asile européen, dans sa rédaction ancienne (antérieure à l’entrée en vigueur au 1er janvier 2019 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie précisait que «l’étranger ne peut être placé en rétention que pour prévenir un risque non négligeable de fuite, sur la base d’une évaluation individuelle prenant en compte l’état de vulnérabilité de l’intéressé, et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionné et si les dispositions du même article L. 561-2 ne peuvent être effectivement appliquées».

Le moyen de pur droit tiré de l’évaluation individuelle prenant en compte l’état de vulnérabilité ne pouvait cependant pas être relevé d’office par le juge non saisi de la régularité du placement en rétention.

 Comme le constate la Cour de cassation, il ne pouvait trancher sur ce point en «l’absence de requête déposée à cette fin par l’étranger».

Il existe donc un champ bien délimité entre le contrôle opéré par le Juge des Libertés et de la Détention dans le cadre de sa saisine par le retenu et celui dans le cadre de sa saisine par le préfet.

C’est ce qui rend l’instance sur la prolongation de la rétention parfaitement étanche à l’instance sur la régularité du placement initial.

Il existe donc une identité de forme et de parties entre le recours de l’article L. 512-1-III du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et celui l’article L. 552-1 du même code mais pas de cause, ni d’objet.

En tout état de cause, il convient de préciser que le moyen tiré de « l’absence de dispositions réglementaires permettant la prise en compte de la vulnérabilité des étranger » était de toute façon infondé.

Avant le décret n° 2018-528 du 28 juin 2018, pris pour l’application de l’article 1er  de la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 permettant une bonne application du régime d’asile européen (partie règlementaire), le Conseil d’Etat a, en effet, eu l’occasion de souligner que, «s’agissant de la décision initiale de placement en rétention, les dispositions du II de l’article L. 551-1, selon lesquelles le placement ne peut intervenir que ‘sur la base d’une évaluation individuelle prenant en compte l’état de vulnérabilité de l’intéressé’, ne prévoient pas l’intervention d’un décret et que leur entrée en vigueur n’est pas nécessairement subordonnée à l’édiction de dispositions réglementaires ».

Conseil d’Etat 16 avril 2018 Requête n° 419373

Au surplus, l’office du juge ne se trouve pas entamé par l’arrêt de la Cour de cassation du 16 janvier 2019 puisqu’il est lié à l’objet de sa saisine.

Ainsi, saisi d’une demande de prolongation d’une mesure de rétention, le juge des libertés et de la détention doit s’assurer que les obstacles à l’exécution de la mesure d’éloignement peuvent être surmontés à bref délai, a jugé la Cour de cassation.

Cass. Civ. 1ère 18 novembre 2015 Pourvoi n° 15-14560

Dans le même cadre, il lui appartient également d’apprécier les diligences mises en œuvre pour reconduire l’étranger dans son pays ou tout autre pays.

Cass. Civ. 1ère  23 novembre 2016 Pourvoi n° 15-28375

Depuis lors, la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, est venue quelque peu réécrire l’article L. 551-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Mais sa principale évolution procède de la modification du séquençage des interventions du juge des libertés et de la détention à fin de prolongation comme il suit :

– la décision préfectorale initiale de maintien en rétention est toujours valable quarante-huit heures ;

  – la prolongation judiciaire pour une durée maximale demeure de vingt-huit jours ;

  – une deuxième prolongation judiciaire motivée par certaines circonstances est portée à trente jours ;

  – une troisième et une quatrième prolongations judiciaires supplémentaires de quinze jours chacune sont également prévues dans des cas spécifiques.

La durée ordinaire de la rétention hors activités terroristes est donc établie à quatre-vingt-dix jours, ce qui constitue une augmentation significative et renforce l’importance de l’appréciation de l’état de vulnérabilité et tout handicap du potentiel retenu dans l’instance de prolongation.

 

 

De l’évolution du rôle du Juge des Libertés et de la Détention et de son contrôle dans le contentieux de la rétention administrative

Depuis le 1er novembre 2016, le Juge des Libertés et de la Détention s’est enrichi d’une nouvelle compétence abandonnée par le Tribunal Administratif.

La Loi n°2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France a opéré un transfert des compétences permettant au juge civil d’être désormais le seul à connaitre de la rétention administrative, de la décision de placement à la prolongation, de la régularité à la légalité.

Cette réforme s’inscrit dans le prolongement de la Loi n°2011-672 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité du 16 juin 2011.

La disparition de la compétence du juge administratif succède ainsi la modification de l’ordre d’intervention des juridictions civiles et administratives dans ce même contentieux de la rétention administrative.

Si le Législateur s’enorgueillit de la cohérence de cette nouvelle organisation, les acteurs du droit s’inquiètent de ce séisme et tentent de trouver leurs marques.

Il faudra, en effet, plusieurs mois à la jurisprudence civile pour se fixer, au risque de mettre à mal certains acquis de la pratique des tribunaux administratifs. Il faudra, par ailleurs, aux Juges des Libertés et de Détention contrôler la rétention sans avoir à connaitre de la mesure d’éloignement qui la fonde. Il faudra, enfin, délimiter les pouvoirs des juridictions civiles dans leur appréciation de la décision de placement et de sa prolongation.

C’est dans ces circonstances entourées d’inconnu et auréolées de nouveauté que la Cour de Cassation a précisé le rôle du Juge des Libertés et de la Détention le 9 novembre dernier saisi par le Préfet pour prolonger la rétention.

Cass. Civ. 1ère 9 novembre 2016 Pourvoi n°15-27357

  • Le Juge des Libertés et de la Détention, Juge exclusif de la rétention administrative :

La rétention administrative ne ressort pas d’un choix entre plusieurs alternatives. S’il en est besoin, il convient de rappeler que la privation de liberté est l’ultime solution pour permettre l’éloignement de l’étranger à défaut d’autres mesures moins coercitives.

La directive dite retour 2008/115/CE du 16 décembre 2008 insiste sur le fait que « le recours à la rétention aux fins d’éloignement devrait être limité et subordonné au respect du principe de proportionnalité en ce qui concerne les moyens utilisés et les objectifs poursuivis. La rétention n’est justifiée que pour préparer le retour ou procéder à l’éloignement et si l’application de mesures moins coercitives ne suffirait pas ».

En 2012, la Cour de Cassation avait précisé « qu’il résulte de la combinaison des paragraphes 1, 4 et 5 de l’article 15 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 du Parlement européen et du Conseil, qui est d’effet direct, que l’assignation à résidence ne peut jamais revêtir un caractère exceptionnel ».

Cass. Civ 1ère 24 octobre 2012 Pourvoi n° 11-27956

Le placement trouve son fondement dans la mesure d’éloignement et son objet dans l’exécution de cette mesure à bref délai.

Ainsi, le choix du Préfet de contraindre l’étranger en situation irrégulière au départ par son maintien au Centre de Rétention Administratif ne ressort pas de l’opportunité mais des impératifs de nécessité et proportionnalité posé par l’article 15 de la directive dite « retour » 2008/115/CE du 16 décembre 2008.

Jusqu’alors les Tribunaux administratifs étaient en charge du contrôle de l’application de la règle de droit dans le cadre de leur appréciation de la légalité de l’arrêté préfectoral. Depuis le 1er novembre 2016, ce contrôle de légalité relève des juridictions civiles.

Le nouvel article L 512-1 III du CESEDA dispose ainsi que « la décision de placement en rétention ne peut être contestée que devant le juge des libertés et de la détention ».

Le Juge des Libertés et de la Détention est désormais la seule voix judiciaire que se fait entendre en matière de rétention administrative qu’il soit saisi de la contestation de la mesure initiale de placement ou d’une demande de prolongation de cette mesure au-delà de 48 heures ou d’une requête ultérieure aux fins de mainlevée.

Au regard de ce nouvel état des compétences, l’arrêt du 9 novembre 2016 prend une toute autre dimension. Avant même de maitriser les contours de son nouveau rôle, le Juge des Libertés et de la Détention voit le cadre de son intervention au titre de la prolongation se préciser.

On savait qu’il pouvait refuser la prolongation de la rétention pour une durée de 20 jours supplémentaires (désormais 28 jours) s’il relevait l’irrégularité de la procédure sous réserve d’un grief ou substituer une assignation à résidence à des conditions limitatives au placement initial.

Les juges de cassation viennent affirmer son pouvoir « de mettre fin, à tout moment, à la rétention administrative, lorsque des circonstances de droit ou de fait le justifient, résultant, notamment, de la recherche de la conformité au droit de l’Union de la mesure de rétention ».

Lorsque le pourvoi a été formé, la légalité échappait encore au Juge des Libertés et de la Détention : saisi en application des articles L 552-1 et suivants du CESEDA, il ne se prononçait que sur la demande de prolongation de la mesure permettant l’éloignement.

Si la compétence des juridictions civiles s’est élargie quelques jours avant l’arrêt du 9 novembre 2016, la portée de cette décision n’en n’est pas pour autant réduite.

La Cour vient, en effet, son regard sur la question du contrôle de conformité au droit de l’Union Européenne par le Juge des Libertés et de la Détention.

  • Le Juge des Libertés et de la Détention et son contrôle de la conformité au Droit de l’Union :

Par son arrêt du 9 novembre 2016, les juges de cassation viennent atténuer le principe de séparation des pouvoirs et reconnaissant qu’il ne peut pas toujours faire obstacle aux moyens soulevés contre la requête préfectorale de prolongation.

En l’espèce, le retenu avait soulevé l’irrégularité du placement en rétention au regard du droit de l’Union Européenne fondée notamment sur l’atteinte portée au principe de libre circulation et de séjour sur le territoire des autres États membres par un ressortissant européen. Le Juge des Libertés et de la Détention avait répondu en arguant de son incompétence à pouvoir connaitre de cette question tenant au contrôle de la décision de placement en rétention et à saisir d’une question préjudicielle la Cour de Justice de l’Union Européenne sur la conformité de cette décision. La Cour d’Appel de Paris avait confirmé cette analyse.

Mais la Cour de Cassation censure les juges du premier et second degré pour avoir « botté en touche » : elle affirme fermement leur obligation d’assurer le plein effet du droit de l’Union et leur possibilité, en cas de difficulté sérieuse d’interprétation, de saisir la Cour de Justice d’une question préjudicielle.

Cependant, les motifs de sa décision ne semblent pas limiter les pouvoirs du Juge des Libertés et de la Détention au seul cas d’application effective au droit européen.

En effet, la Haute Cour vise dans son attendu de principe les cas où « des circonstances de droit ou de fait le justifient » puis elle vient ajouter que ces circonstances peuvent résulter « notamment, de la recherche de la conformité au droit de l’Union de la mesure de rétention ».

La formule est proche de celle de l’article R 552-19 du CESEDA qui permet à l’étranger de saisir le Juge des Libertés et de la Détention pour mettre fin à son placement au CRA alors même  que la prolongation de la mesure a été ordonnée si « « des circonstances de droit ou de fait le justifient ».

Pourtant, l’instance de l’espèce évoquée est née de la requête du retenu aux fins de mainlevée de la rétention mais de la requête du préfet fondée sur l’article L 552-1 du CESEDA.

L’attendu de principe de l’arrêt de cassation rappelle également la jurisprudence européenne du 5 juin 2014 invitant les États membres à « assurer une pleine juridiction » dans le contentieux de la prolongation de la rétention.

La Cour de Justice de l’Union Européenne avait interprété l’article 15, paragraphes 3 et 6, de la directive 2008/115 « en ce sens que le contrôle que doit effectuer l’autorité judiciaire saisie d’une demande de prolongation de la rétention d’un ressortissant d’un pays tiers doit permettre à cette autorité de statuer sur le fond, au cas par cas, sur la prolongation de la rétention du ressortissant concerné, sur la possibilité de substituer à la rétention une mesure moins coercitive ou sur la remise en liberté de ce ressortissant, ladite autorité étant ainsi compétente pour se fonder sur les faits et les preuves produits par l’autorité administrative l’ayant saisie ainsi que sur les faits, les preuves et les observations qui lui sont éventuellement soumis lors de cette procédure ».

CJUE -3ème chbre 5 juin 2014 Affaire C 146/14 PPU

Mais l’écho de cet arrêt avait été largement contenu et n’avait pas amené le Juge des Libertés et de la Détention à redéfinir son rôle, tenu ou maintenu par la « violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation des formalités substantielles » faisant grief.

En réalité, l’arrêt de la Cour de Cassation est une fidèle application de la décision du Tribunal des Conflits du 17 octobre 2011.

Tribunal des Conflits 17 octobre 2011 Préfet de la Région Bretagne, Préfet d’Ille-et-Vilaine, SCEA du Chéneau

Le Tribunal des Conflits chargé d’arbitrer une question de compétence concernant la juridiction civile non répressive avait dépoussiéré sa jurisprudence Septfonds en considérant  « s’agissant du cas particulier du droit de l’Union européenne, dont le respect constitue une obligation, tant en vertu du traité sur l’Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qu’en application de l’article 88-1 de la Constitution, il résulte du principe d’effectivité issu des dispositions de ces traités, telles qu’elles ont été interprétées par la Cour de justice de l’Union européenne, que le juge national chargé d’appliquer les dispositions du droit de l’Union a l’obligation d’en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire ; qu’à cet effet, il doit pouvoir, en cas de difficulté d’interprétation de ces normes, en saisir lui-même la Cour de justice à titre préjudiciel ou, lorsqu’il s’estime en état de le faire, appliquer le droit de l’Union, sans être tenu de saisir au préalable la juridiction administrative d’une question préjudicielle, dans le cas où serait en cause devant lui, à titre incident, la conformité d’un acte administratif au droit de l’Union européenne » .

La Cour de Cassation affirme la compétence du juge judiciaire à contrôler la conformité d’un acte administratif au droit de l’Union européenne, dont il saisit à titre incident, dans le cadre de l’instance de prolongation de la rétention.

La limite de l’exception d’illégalité reste ferme dans la mesure cependant où «il appartient au juge administratif d’apprécier la légalité et l’opportunité ou la nécessité pour l’administration d’éloigner de France un étranger».

L’arrêt du 9  novembre 2016 illustre donc la volonté farouche des juridictions civiles de ne pas s’immiscer dans le contrôle de l’arrêté de placement en rétention administrative tout en appliquant consciencieusement la jurisprudence du Tribunal des Conflits.

L’ironie de l’histoire est que depuis le 1er novembre 2016, les juridictions civiles sont seules mettre à bord du contentieux de la rétention administrative, régularité et légalité, prolongation et mainlevée.

Désormais, pourront-elles encore en appeler à la compétence des juridictions administratives concernant l’exception d’illégalité de la mesure d’éloignement ?