Le Service d’Aide au Recouvrement des Victimes d’Infractions (SARVI), premier bilan de fonctionnement

Le 03/01/11

Le procès pénal est un mécanisme complexe dans lequel se trouvent en présence plusieurs intérêts :

– Ceux de la société présentée par le ministère public,

– Ceux de l’auteur de l’infraction devenu prévenu,

– Et ceux de la victime devenue partie civile.

C’est qu’une même affaire est créatrice de deux instances distinctes appelées « action publique » et « action civile » ayant toutes deux pour origine la faute pénale.

Celles-ci cohabitent en arborant chacune un but propre, l’une sanctionner et l’autre réparer.

Au prononcé du jugement, cette vie commune cesse définitivement lorsque le prévenu devient pour l’une condamné et pour l’autre civilement responsable.

L’application des peines est le seul lieu de rencontre où elles peuvent être amenées à se côtoyer de nouveau.

La victime qui évoluait sur le cadre parfaitement fléché du procès pénal, doit alors sortir des sentiers battus pour obtenir l’exécution de sa décision de justice.

Mais sur les chemins non balisés du recouvrement, celle-ci n’est pas seule : elle est accompagnée de deux auxiliaires de justice, l’Huissier et l’Avocat, d’une commission, la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI), et d’un service d’aide, le Service d’Aide au Recouvrement des Victimes d’Infractions (SARVI).

Le rôle du SARVI :

Fruit de la loi du 1er juillet 2008, le SARVI a été créé afin d’indemniser la victime et/ ou de l’aider à recouvrer les sommes dues en exécution du jugement pénal.

Non sans une certaine conscience de la réalité, le Législateur a considéré que la réparation financière est souvent le premier pas vers la reconstruction de la victime et le second vers la réinsertion du condamné.

En qualité de fonds de garantie, le SARVI permet donc une indemnisation effective dans les conditions suivantes : Si le Tribunal a accordé à la victime des dommages et intérêts inférieurs ou égaux à 1.000 euros, cet organisme paiera l’intégralité de cette somme. Si il lui a alloué une somme supérieure à 1.000 euros, le SARVI :

 – lui versera à titre d’avance 30 % du montant total compris entre 1.000 euros et 3.000 euros,

– se chargera à sa place d’obtenir le reliquat et les pénalités contre le condamné.

En qualité d’organisme de recours, la SARVI est aussi chargé de récupérer les indemnisations allouées aux victimes auprès des responsables.

Les objectifs affirmés sont de « responsabiliser l’auteur du dommage, ne pas laisser une impression d’impunité vis à vis de la victime et contribuer au financement du Fonds de Garantie ».

C’est ainsi qu’après avoir indemnisé totalement ou partiellement la victime, le SARVI est subrogé dans ses droits à l’égard du condamné et peut se retourner contre ce dernier pour recouvrer la créance et les pénalités.

Relances, plan de remboursement, voies d’exécution sont les moyens d’action de cet « Huissier » des parties civiles.

 Le traitement des demandes:

A la différence des CIVI qui sont des commissions instituées dans chaque Tribunal de Grande Instance, le SARVI est un organe national.

L’organisme de garantie et de recours est donc unique, son siège parisien accueillant les demandes de la France entière.

Elles sont présentées à l’aide d’un formulaire qui dument complété, doit être adressé par courrier accompagné des pièces justificatives :

 – de la créance,

 – de l’identité du demandeur

 – et des éléments permettant le recouvrement à l’encontre du responsable.

Chacune de ces demandes est traitée à distance sur pièces, sans entretien avec la victime, ni contact directe.

C’est dans ce cadre que le rôle de l’Avocat en qualité de mandataire et référent est essentiel.

Son intervention permettra d’obtenir plus facilement les pièces de procédure indispensables à la constitution du dossier telles que la copie exécutoire de la décision pénale appelée aussi la grosse et les certificats établissant le caractère définitif de celle-ci.

A défaut de pouvoir saisir le SARVI lorsque la décision de justice est antérieure au 1er octobre 2008, il reviendra à ce même Avocat de procéder au recouvrement par tous autres moyens : voies d’exécution, information du Juge d’Application des Peines ou demande d’affectation des sommes perçues par le détenu à l’indemnisation…

Les délais de règlement :

Rappelons que le SARVI ne peut être saisi que 2 mois à compter de la date à laquelle la décision de justice est devenue définitive et au plus tard un an à compter de cette même date.

Qu’il s’agisse de l’indemnisation totale ou partielle, la Loi prévoit que le versement interviendra dans un délai de 2 mois à réception du dossier.

Dans les faits, la victime devra souvent patienter avant d’obtenir le règlement ou l’avance attendue car soit la constitution du dossier, soit le délai de traitement sera retardé :

Tout d’abord, il faut compter avec le temps nécessaire au Greffe de la Juridiction qui s’est prononcé sur l’indemnisation pour transmettre la décision.

A Lyon, les délais varient selon la chambre correctionnelle qui a statué entre 2 mois pour la 14ème chambre, qui statue en matière de Comparutions immédiates, et 12 mois pour la 7ème chambre.

Ensuite, la victime devra faire face à une éventuelle contestation de la décision soit que le condamné ai fait appel ou soit qu’il ait formé un pourvoi en cassation.

Si d’aventure, le jugement était rendu par défaut, s’ajouterait alors le délai de signification et d’opposition.

A l’issue de ce parcours, il restera à obtenir le certificat de non-appel, de non-pourvoi ou de non-opposition selon la célérité de la juridiction pénale.

Enfin, l’importance des demandes présentées au SARVI a augmenté le délai d’instruction de l’organisme et porté l’échéance du règlement de 2 à 3 mois.

 L’information :

Si l’existence du SARVI demeurait confidentielle, il va de soi que les victimes d’infraction resteraient dans l’ignorance de ses missions de fonds de garantie et d’organisme de recours.

C’est pourquoi, elles bénéficient d’une information sur les possibilités de saisine à l’issue de l’audience par le Bureau de l’Exécution des Peines.

Par ailleurs, on retrouve désormais dans les décisions pénales un avis concernant cette procédure comme il suit :

« Rappelle au condamné la possibilité pour la partie civile, non éligible à la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI), de saisir le Service d’Aide au Recouvrement des dommages et intérêts pour les Victimes d’Infractions ( SARVI) s’il ne procède pas au paiement des dommages intérêts et des frais d’exécution auxquels il a été condamné dans le délai de 2 mois courant à compter du jour où la décision est devenue définitive.

Dans ce cas, le montant des dommages et intérêts et des sommes dues en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale sera augmenté d’une pénalité de 30 % ».

A surplus, l’Avocat complétera cette information et se chargera, le cas échéant, de la saisine.

L’instauration SARVI marque donc une évolution remarquable dans la valorisation et l’indemnisation des victimes, parties au procès pénal.

Pour autant, les difficultés persistantes rencontrées par les parties civiles dans l’exécution des décisions de condamnation encouragent certains à vouloir pénaliser la soustraction volontaire et la mauvaise foi du paiement de dommages et intérêts.

Car si le SARVI remplit indiscutablement son objectif de réparation effective du préjudice subi par les victimes, il reste à savoir s’il parviendra à responsabiliser l’auteur du dommage.

La Loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 améliorant l’exécution des peines renforcera sans aucun doute le rôle des sanctions pécuniaires et des pénalités et permettra d’appuyer dans ce sens.

Les seules victimes qui conserveront alors une impression d’impunité, seront les personnes morales pour lesquelles la saisine du SARVI est impossible.

Classement sans suite et droits des victimes

Le 06/12/10

Longtemps, la procédure pénale a concentré son attention sur l’auteur de l’infraction et la répression de ses actes.

Ce n’est que dans la première moitié du 20ème siècle que les criminologues se sont intéressés à la victime et à son rôle dans le phénomène criminel.

Au fur et mesure des ans, celle-ci est alors devenue actrice du procès pénal jusqu’à ce que la Loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité renforce et consolide ses droits.

Aujourd’hui comme le précise Robert CARIO « D’un point de vue éthique, toute personne victime possède une triple série de droits : à la reconnaissance, à l’accompagnement et à réparation ». Répertoire Dalloz – Procédure Pénale

Cette évolution trouve pourtant ses limites dans ses interactions avec le ministère public disposant de l’opportunité des poursuites.

Car en présence d’une infraction, c’est le Procureur de la République qui apprécie s’il y a lieu de déclencher l’action publique, de classer sans suite ou de recourir à l’alternative aux poursuites.

Et il choisit non seulement la destination mais aussi le chemin qu’il considère le plus adapté pour s’y rendre (COPJ, Comparution immédiate, Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité…).

L’insuffisance de preuves ou de caractérisation de l’infraction, la méconnaissance de l’auteur des faits, le comportement du plaignant ou la faible importance du préjudice sont autant de raisons qui conduisent le Procureur de la République à ne pas poursuivre.

Dans ces circonstances, il prend alors une décision de classement sans suite sur laquelle il pourra éventuellement revenir plus tard à défaut de prescription ou d’extinction de l’action publique.

Face à cette mesure administrative non sans conséquence, la victime de l’infraction dispose de droits garantis par le Code de Procédure Pénale.

Droit d’information de la victime :

Le premier droit découle des dispositions de l’article 40-2 dudit code au terme duquel le Procureur est tenu d’aviser les plaignants et les victimes de sa décision de classer sans suite.

Le magistrat du Parquet ne doit pas se limiter à prévenir de l’absence de poursuites pénales, il doit en outre indiquer les raisons juridiques ou d’opportunité de sa décision.

Dans les faits cependant, la pratique sur cette information et sur les motivations varie d’une juridiction à l’autre sans que la constitution de partie civile n’ait la moindre influence sur cette information.

Par ailleurs, le contrôle sur l’exécution de cette obligation reste limité, d’autant que dans ces circonstances, la saisine du Juge délégué aux victimes n’est pas ouverte…

Droit de recours hiérarchique de la victime :

Mais le deuxième droit prévu aux dispositions de l’article 40-3 du Code de Procédure Pénale ne laisse pas la victime sans ressource.

La Loi lui confère la possibilité d’exercer un recours auprès du Procureur Général (représentant du ministère public auprès de la Cour d’Appel) contre la décision de classement sans suite.

 Encore faut-il qu’elle soit à l’origine de la dénonciation des faits pour lesquels aucune poursuite n’a été initiée.

Saisi de ce recours, le Procureur Général se fait remettre le dossier afin à son tour d’apprécier l’opportunité d’une suite pénale.

 S’il infirme la décision du Procureur de la République, il pourra enjoindre ce dernier d’engager des poursuites.

Droit à l’instruction de la victime :

 La victime dans l’attente d’une réponse judiciaire dispose également du droit de déposer plainte avec constitution de partie civile auprès du Doyen des juges d’instructions selon l’article 85 du Code de Procédure Pénale.

Mais afin d’éviter tout recours abusif, elle sera tenue de consigner des frais de justice fixé par le doyen des juges d’instruction en tenant compte de ses ressources.

Le magistrat ainsi saisi ordonnera l’ouverture d’une instruction judiciaire qu’il confiera à un juge d’instruction.

Comme à l’accoutumée, des investigations complétant l’enquête de police ou de gendarmerie initiale seront menées dans le cadre de ce dossier instruit à charge et à décharge.

A l’issue, le juge d’instruction nommé prononcera soit le renvoi de l’affaire devant la juridiction pénale, soit un non lieu.

Au fils des législations, la place de la victime dans le procès pénal a donc évolué et lui a conféré de nouveaux droits du dépôt de plainte jusqu’au suivi de l’exécution de la peine.

De l’indemnisation à l’information, on ne peut que constater une meilleure prise en compte de ses intérêts.

Surtout si le traitement judiciaire ne résout pas tout, il permet cependant d’agir sur la souffrance par la reconnaissance d’un statut à la victime.