Les souffrances endurées, prix de la douleur

Le 17/01/11

En novembre 2004, le Président de la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation s’est vu confié la mission de créer un groupe de travail afin d’élaborer une nomenclature commune des préjudices corporels.

Un an plus tard, soit le 28 octobre 2005 , Monsieur Jean-Pierre DINTILHAC déposait au Ministre de la Justice un rapport sur l’indemnisation des victimes en phase avec la pratique médico-légale.

Dans cet élan, la loi n°2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale de 2007 mettait en place un système de liquidation du dommage corporel permettant de soustraire de l’indemnité due au titre de chaque chef de préjudice, la part éventuellement versée revenant aux tiers-payeurs (organismes de sécurité sociale).

Depuis lors, la nouvelle nomenclature est mise en oeuvre dans les procédures en réparation des préjudices corporels en distinguant les préjudices patrimoniaux des préjudices extra-patrimoniaux.

L’un des postes de préjudices appelé communément pretium doloris s’applique à « toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c’est à dire du jour de l’accident à celui de sa consolidation ».

Préjudice temporaire :

Issues de la catégorie des préjudices extra-patrimoniaux, les souffrances endurées s’inscrivent dans la période précédant la consolidation de l’état de la victime.

La définition de Madame LAMBERT-FAIVRE qui est la plus couramment retenue par les juristes présente la consolidation comme « le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent, tel qu’un traitement n’est plus nécessaire, si ce n’est pour éviter une aggravation, et qu’il est possible d’apprécier un certain degré d’incapacité permanente réalisant un préjudice définitif ».

Ainsi ce poste de préjudice est exclusivement temporaire puisque la période prise en considération pour son évaluation court du jour de l’accident ou de l’infraction à celui de sa consolidation.

Après cette date, les souffrances physiques et morales relèveront d’un autre poste appelé déficit fonctionnel permanent.

Indemnisation des souffrances endurées :

Comme vous l’aurez compris, ce poste de préjudice est à la fois physique et moral : il intègre aussi bien fois la douleur du corps que le retentissement psychologique.

La nécessité d’un suivi psychologique ou psychiatrique ainsi que les soins prodigués sont donc pris en considération dans la détermination du pretium doloris.

Mais, pendant des décennies, ce caractère moral du préjudice n’était pas admis par certaines juridictions empêchant une indemnisation de la souffrance dans son intégralité.

Jusqu’en 1961, le Conseil d’Etat considérait ainsi que « les larmes ne se monnayent pas » et refusait de réparer le dommage ressortant de la douleur morale, et plus particulièrement l’affliction causée par la perte d’un être cher.

Conseil d’Etat 24 novembre 1961 LETISSERAND

 Aujourd’hui, les préjudices notamment sexuels, esthétiques et d’agrément couvrent bien plus que la douleur physique pour s’attacher aux troubles dans les conditions d’existence subis du fait de l’accident ou de l’infraction.

Facteurs d’évaluation :

Les préjudices corporels sont évalués grâce à l’intervention d’un médecin désigné ou non par une juridiction selon le caractère gracieux ou contentieux de la procédure d’indemnisation.

Dans son examen de l’état du patient, l’expert intègre plusieurs critères pour l’évaluation des souffrances endurées, à savoir :

– le nombre de blessures et leur gravité,

– le contexte de l’accident ou de l’infraction, ses circonstances et les suites immédiates,

– le nombre d’interventions chirurgicales et la durée des hospitalisations,

– le nombre de séances de rééducations ou d’autres soins.

Le pretium doloris est ensuite quantifié sur une échelle de 0 à 7 correspondant aux différents degrés du ressenti physique et moral :

Pretium doloris très léger 1

Pretium doloris léger 2

Pretium doloris modéré 3

Pretium doloris moyen 4

Pretium doloris assez important 5

Pretium doloris important 6

Pretium doloris très important 7

Aussi, malgré l’adoption d’une nomenclature commune des préjudices corporels, l’évaluation différera de Lille à Limoges.